Il aurait dû s'en douter.
Le comité d’accueil était un peu trop nombreux à son goût, mais il allait devoir faire avec.
Il échangea un regard avec Paul qui commença à tracer un cercle dans l’air avec ses deux index, dessinant ensuite un losange imbriqué dans un carré à l’intérieur. Une lumière chaude aux teintes mordorées en émana peu de temps après, et la voix grave de Paul commença la litanie usuelle.
-Nostrae Matris Terrae praesidium voco. Ad omnes qui se dignos probant benedictio eius extendatur.
La lumière se dissémina pour englober chacun des cinq membres de l’équipe… nombre qui semblait bien maigre face à la douzaine de mages rassemblés en contrebas.
Le cercle formé par leurs silhouettes encapuchonnées sur le parvis de la basilique s’anima bientôt d’un chuchotement lancinant.
Paul poussa Lou du coude, et quand il eut son attention, désigna d’un signe de tête impatient le rituel qui débutait.
Ce dernier secoua la tête en levant sa main droite: sauter la tête la première sans savoir ce qu’il se tramait était du suicide.
Il concentra tous ses sens sur la scène qui se déroulait à leur pied pour discerner un mot.
Un seul.
Ça lui suffirait à identifier ce fichu rituel.
Il se força à ignorer l’agacement notable de son second ainsi que du plus casse-cou de l’équipe, leur spécialiste des sorts offensifs, et la peur qui irradiait de la dernière recrue en date et de leur support, Mickaël, qui devait leur garantir un atterrissage sans douleur si il ne pétait pas un câble avant.
Peut-être, peut-être qu’il avait eu tort de venir sans Vince.
Le Sacré-cœur était à la confluence de deux leylines majeures, celle de l’air et de la terre. C’est ce qui en avait fait une terre fertile jadis, plantée de moulins. Qu’est-ce qu’ils cherchaient à faire i… ?
Un frisson lui secoua la colonne vertébrale. Ostes. Ostes.
- Merde ! siffla le mage entre ses dents.
Ils allaient déclencher le pire des séismes que la ville ait connu depuis sa création. Les conséquences sur le plan matériel, humain et magique…
D’un signe de tête, il désigna la cible principale à Arnaud, dont les lèvres s’étirèrent en un sourire carnassier, tandis que Mickaël commençait déjà à dessiner des glyphes dans les airs, le vent froid de la nuit gagnant en intensité.
- Lia ?
Une jeune femme à la stature frêle émit un bruit étrange, à mi-chemin entre un gémissement et un sanglot.
- Tu restes avec moi, d’accord ? Concentre-toi sur ta sécurité et soigne les blessés si il y en a.
- O.. Ok…
Lou se retourna pour lui lancer un sourire franc et lui décocher un pouce en l’air rassurant, et la posture de leur nouvelle alliées sembla se détendre.
Un coup d’œil à Paul, un hochement de tête, le « dulcis » final de l’incantation de Mickaël et les voilà à sauter tous les cinq par-dessus le parapet qui surplombe le parvis, un trait enflammé émanant des mains d’Arnaud en direction de l’incantateur, alors que Lou rassemblait son énergie pour viser le plus gros des troupes, un œil couvant Lia dont il sentait la panique au fait de chuter de plusieurs mètres de haut, malgré la bulle d’air les entourant.
Paul garderait un œil sur Arnaud, histoire de ne pas se retrouver avec de trop gros dégâts.
Cinq contre douze…
Ils avaient vu pire. Ils ne pouvaient pas attendre les renforts au vu du risque.
Il atterrit au bout de quelques secondes qui lui parurent des heures, et posa immédiatement ses mains sur le sol, les joignant pour former un triangle.
- IGNIS !
Le parvis en pierre se couvrit de flammes devant lui, formant un barrage rougeoyant qui coupait les deux tiers des mages de leur chef. Si il en croyait ses oreilles, Paul avait aussi érigé son mur, isolant encore plus leur cible : Arnaud devrait largement s’en sortir désormais. Lia était presque collée à lui, tremblante, les yeux rivés sur les neuf silhouettes qui les fixaient d’un air hostile.
- Radices, filiae terrae, venite ad me.
Neuf lianes surgirent de ses doigts, et Lou les dirigeait tel un marionnettiste, les faisant fendre l’air pour s’enrouler autour de leurs adversaires qui n’avaient pas encore totalement calculé ce qu’il venait de se passer. D’une série de coups de poignets, il les avait fait tomber en sol, parfois s’entrechoquer entre eux.
- Lia, une bulle autour d’eux, steup !
La jeune femme observait avec des yeux écarquillés la scène devant elle, la source de sa terreur mise à terre le temps de cligner des yeux.
La voix de Lou la sortit de sa torpeur et elle commença à incanter, un film d’eau se posant progressivement autour de la zone alors que les mages se débattaient pour se relever, les lianes serpentant autour de leurs membres et grimpant toujours plus haut.
Lou insuffla un peu plus d’énergie dans les lianes pour donner le temps à Lia de finir son sort.
Encore une étape, et il pourra aller voir ce qu’il se passe de l’autre côté du mur.
Il espérait que les sous-fifres ne fassent pas de la résistance…
Le sang des mages était déjà suffisamment rare pour couler inutilement.
- C’est… C'est bon, Lou !
Il leva son pouce en signe de remerciement, et hurla à Mickaël son ordre. Ce dernier s’exécuta sur le champ, se mettant à canaliser son énergie et soufflant les locutions latines à voix basse.
- Ventus somno…
La bulle d’eau s’emplit d’un brouillard dense, des volutes d’énergie verte se déposant sur les neuf corps saucissonnés par les lianes.
Lou sentait sa concentration légèrement faiblir, le maintien des deux sorts en simultané drainant son énergie plus que d’habitude.
Putain, il était vraiment en train de perdre son game.
Il relâcha la barrière de feu, le mur de Paul étant largement suffisant maintenant que la situation était maîtrisée de ce côté, et il se sentit respirer un peu plus facilement.
Le sort d’endormissement agissait déjà sur la moitié des mages, mais il était encore trop tôt pour qu’il relâche son emprise sur eux.
Il remercia Mickaël d’un hochement de tête qui se rapprochait de lui en se frottant les mains.
- Bon, je crois qu’on a fait ce qu’on avait à faire. Aux deux bourrins de laisser parler leur rage, dit ce dernier en jetant un œil à leur œuvre commune.
- J’avoue qu’ils prennent leur temps… Tu crois qu’ils ont besoin d’un coup de main ?
Une série d’explosions résonna dans l’air, et les deux jeunes hommes regardèrent les effets de lumière avec un sourire.
Lou se retourne vers le dernier membre de l’équipe.
- Lia, viens avec nous profiter du sp….
La bulle disparut en un « pop » sinistre alors qu’un cri aigu déchira l’air au milieu des bruits de bataille, et Lou se sentit se figer, les yeux écarquillés de stupeur.
- LIA !!
La voix de Mickaël se joignit à la sienne, mais la main de ce dernier se plaqua instinctivement sur le bras de Lou, tendu comme un arc et prêt à bondir.
Devant les escaliers qu’il avait espéré utiliser comme échappatoire, trois vampires se dressaient de toute leur hauteur, l’un d’entre eux tenant la jeune fille au visage recouvert de larmes par la gorge.
- Tu sais ce qu’il te reste à faire, mon vieux…
La menace était accompagnée d’un coup de langue sur la joue de Lia qui fit bouillir le sang de Lou.
Et merde.
Il se retourna et jeta un œil autour d’eux: certains mages reprenaient lentement conscience, le sort de somnifère n’ayant sûrement pas eu le temps d’agir efficacement avec la disparition de la bulle.
Leur stratégie venait de leur revenir dans la gueule façon boomerang.
A moins que…
Un traquenard dans lequel ils avaient sauté à pieds joints.
- Bien, bien, bien, on dirait que ça a tilté là-haut !! Alors on va gentiment annuler les petits tours de passe-passe et nous écouter trèèèèèès attentivement….
Arnaud continuait à s’en donner à cœur joie de l’autre côté, tout comme Paul à en juger par les pics de roche acérés qui surgissaient par delà la barrière. Le mage devait faire de la résistance, mais ils finiraient par en venir à bout, il en était sûr.
Pourvu qu’ils ne soient pas vidés de leur sang d’ici à ce qu’ils aient fini.
Le cerveau de Lou tournait à cent à l’heure, examinant toutes les possibilités.
Impossible de battre en retraite par les escaliers, sans devoir affronter les dents pointues.
Jouable si il a le temps d’incanter, mais le risque de se faire assommer en deux deux était bien trop grand.
L’inconvénient de la magie… et la raison pour laquelle il aurait dû, peut-être, écouter Vincent.
Impossible de communiquer clairement avec Mickaël pour s’organiser discrètement.
Impossible de se replier dans l’église, quitte à faire péter la porte: elle était de l’autre côté du mur de Paul, et même si il était largement capable de le faire exploser, la brèche créée les mettrait en danger, aussi.
Il ne restait plus qu’à sauter par dessus la rambarde, en espérant ne pas se fracasser le crâne en contrebas et qu’il n’y ait pas d’autres ennemis tapis dans l’ombre.
Et abandonner Lia.
Il sentit une remontée de bile lui arriver dans la gorge: il y avait FORCEMENT une autre solution, pas vrai ? Il allait la trouver, il en était sûr et certain !
La voix goguenarde de celui qui devait être le chef le sortit de la tempête qui secouait son crâne.
- Hé ho, ça percute là-dedans ?? Visiblement, il va falloir que je sois plus convaincant…
Un ongle plus proche de la griffe lacéra la joue de Lia, qui brisa le silence d’un cri de douleur. Un nouveau coup de langue la fit trembler de dégoût et vaciller sur ses jambes, le grognement d’appréciation émanant de son tourmenteur au goût de son sang lui arrachant un nouveau torrent de larmes.
Lou se mordit la lèvre à s’en faire saigner, et fit un geste de la main pour calmer Mickaël, dont il sentait le mana se concentrer.
La corde sur laquelle ils évoluaient était plus que raide, et il n’avait pas le droit à l’erreur s' il voulait que tout le monde s’en sorte.
La bataille continuait de faire rage de l’autre côté, et Lou savait que la victoire d’Arnaud et Paul allait être la clé.
Gagner du temps.
Il fallait qu’il gagne du temps.
Il releva les mains en l’air, sans toucher à son sort de lianes qui entravait encore les mages au sol, et laissa son visage prendre une expression désarmée.
- Voilà, voilà….
Il fit un geste de la tête à Mickaël qui leva les mains à son tour, un air dépité sur le visage.
- Vous nous avez bien eu… Sacré stratégie, bravo !
Lou laissa échapper un soupir résigné pour accentuer son discours et se mit à tourner théâtralement sur lui-même.
- Oui, hein… C’est la merde internationale pour nous, là !
Mickaël ne put s’empêcher de siffler un « qu’est-ce que tu fous ? » entre ses dents, qu’il regretta aussitôt en observant avec plus d’attention le profil de son chef.
La mâchoire serrée et le regard azur orageux.
Lou guettait le moindre signe que la bataille à côté approchait sa résolution, mais clairement, il n’arrivait pas à mettre la poudre aux yeux au vampire qui tenait Lia en otage.
- Hé le guignol ! Arrête de me prendre pour un con et arrête ton sort. Ou elle y passe.
La main veineuse repassant sur la joue meurtrie de Lia en signe de défi, et il fit signe à ses deux acolytes de se rapprocher des deux mages pour bien appuyer la menace.
-Okay, okay, pas de problème…
Lou rappela une partie de son énergie magique, de sorte à ce que les lianes semblaient se rétracter, sans pour autant libérer totalement les neuf ennemis supplémentaires qui risquaient de s'ajouter à une équation déjà bien compliquée.
Et pour une fois, il pria que ça suffise à donner le change.
-Lia n’est pas votre cible, je parie, alors, on peut ptêt s’arranger, rentrer chacun chez soi, un truc du genre, non?
Une lueur mauvaise passa dans le regard torve du vampire, qui éclata d’un rire morne.
- T’es vraiment marrant, toi… Mais tu commences aussi à me taper sur les nerfs. Personne ne va bouger d’ici, quoiqu’il arrive…
Le mage sentit un frisson lui parcourir l’échine, et les corps encore entravés par ses lianes bouger avec plus de force.
Lia semblait au bord de la syncope, Mickaël au bord de la crise de nerfs, et lui à bout d’idées.
Est-ce qu’il prenait CE risque? Lia risquait d’y laisser sa peau…. et lui aussi, selon la qualité de son contrôle. Il jetait aussi son vœu d'éviter au maximum de tuer des humains à la benne, qui plus est des mages, mais entre ça et laisser le champ libre aux ambitions des suceurs de sang…
- Vous êtes pas siiiii nombreux, n’empêche…, dit le jeune homme d’une voix espiègle en secouant sa tignasse rousse.
- Plus que vous, hein.
Lou se mit à s'esclaffer, un sourire arrogant ornant ses lèvres. Autant jouer le tout pour le tout. Il forma brièvement un triangle avec ses deux mains, arrachant un cri de surprise à Mickaël et un gémissement de terreur étranglé à Lia, qui commença à s’agiter malgré la poigne de son tourmenteur.
Ce dernier claqua sa langue d’agacement, resserrant son étreinte un peu plus fort, la faisant haleter sous le manque d’air.
Malgré la peur, elle canalisa son énergie, parce que ce qu’il risquait d’arriver était potentiellement bien pire que d’être lacérée ou bouffée.
L’air se refroidissait à vue d’œil, et les mages qui tentaient de se relever tremblaient de terreur à présent, cherchant à s’éloigner le plus possible de Lou tout en psalmodiant des sorts de protection, rampant misérablement avec les lianes les enserrant encore mollement.
-Mais qu’est-ce que vous foutez ???? Il fait rien, là, pourquoi vous vous chiez dessus?
A peine cette phrase prononcée qu’une explosion fit voler en éclat le mur de pierre, envoyant valdinguer des débris dans tous les sens, percutant deux des mages en pleine tête et ensevelissant ceux qui s’étaient réfugiés près du mur.
Le bouclier lancé par Mickaël fit dévier les morceaux de pierre qui arrivaient dans leur direction, à lui et Lou.
Mais ce dernier sentit sa concentration vaciller, les voix d’Arnaud et de Paul leur hurlant de s’enfuir.
Mickaël fit de son mieux pour lui reporter la situation d’un ton neutre, mais l'anxiété était palpable dans son souffle: le mage adverse agonisant au milieu d’une troupe de vampires. Rituel interrompu mais danger imminent. Paul et Arnaud saufs mais blessés.
Et lui était en train d’invoquer un des sorts qu’il maîtrisait le moins pour essayer de les sortir de ce mauvais pas.
Putain, il aurait dû rester finir son apéro…
Luce traversait les couloirs, la curiosité aux aguets. Le bâtiment qui abritait le QG des Sentinelles était un immeuble de bureaux tout ce qu’il y a de plus banal, en plein cœur de Paris, dans l’ancien quartier de la Bourse.
Ça l’avait de suite interpellée, et presque déçue. Elle s’était imaginée un truc plus mystérieux, plus planqué, plus ésotérique.
Mais comme Vincent l’avait dit de son ton dégagé: “plus tu es banal, moins tu risques de te faire remarquer.”
Le tout appartenait à Lou, qui visiblement avait bien plus d’influence qu’elle ne l’avait pensé. Pour elle, il restait son pote d’apéro, dont la langue était plus rapide que le cerveau et qui enchaînait les bourdes avec
Elle avait depuis appris à se familiariser avec les deux étages auxquels elle avait eu accès, le quatrième et dernier d’entre eux étant réservé à une vraie entreprise gérée par Lou et une certaine Maëlle, et le second lui ayant été interdit.
Et c’est justement là qu’ils se dirigeaient, en silence, Vincent n’ayant pas décroché un mot depuis son annonce dans le bureau de Lou.
Ce dernier tapa le code pour accéder au fameux étage, et Luce sentit son souffle se suspendre en découvrant ce qui se cachait derrière la porte.
L’open space était cloisonné par des paravents métalliques, qui servaient à compartimenter ce qui ressemblait à un stock massif de matériel par type. Vivres, vêtements, médicaments, couvertures… Il y avait de quoi voir venir pendant plusieurs mois.
Sur la droite, une série de cinq portes donnaient vers des pièces inconnues.
Vincent lui fit signe de le suivre et se dirigea vers la pièce la plus reculée, sous le regard indifférent et presque méfiant des deux personnes qui s’affairaient à étiqueter et ranger le matériel.
Il entra un nouveau code et fit pivoter la porte sur ses gonds, lui laissant le passage.
Luce parcourut la pièce du regard avant de sentir les éléments se connecter dans sa tête.
Un pan du mur était recouvert d'un grand miroir, tandis que l’autre accueillait un râtelier d’armes. Au sol, de larges tatamis délimitaient des zones qu’elle identifia de suite comme des zones d’entraînement, tant elles étaient similaires à celles de son cours d’auto-défense.
L’idée de lui montrer ce qu’elle savait faire lui plaisait de plus en plus, même si elle ne voyait pas encore le lien avec son sang…
-Je te laisse deux minutes, je dois m’occuper de quelque chose vite fait.
Vincent referma la porte derrière lui en laissant échapper un long soupir: il était vraiment en train d’être déraisonnable et de se compliquer la vie.
Mais il ne pouvait pas la laisser avec cet état d’esprit délétère. Une Luce désespérée était une Luce qui se retrouverait plus facilement à la merci de leurs ennemis et prête à abandonner.
Il avait besoin de maintenir sa combativité, son impertinence et son courage. Même si ça devait le mettre dans la merde…
Il tapa un énième code, maudissant Lou et sa manie de tout sécuriser à outrance, et pénétra dans la petite chambre froide, une grimace sur les lèvres. Clairement, il aurait préféré s’en passer…
Il ouvrit le frigo et se saisit de la première poche qui lui tomba sous la main, déchirant l’opercule d’un coup de dents et engloutissant son contenu d’une traite.
Le goût ferreux lui arracha un grognement de dégoût, mais c’était le prix à payer pour ne pas risquer d’exposer Luce à un accès de sa soif.
Il lança la poche vide d’un geste sec dans la poubelle spécialisée, et se jeta sur une bouteille d’eau, s’essuyant la bouche avec soin. Un coup d'œil au miroir au-dessus du lavabo lui confirma que l’effet voulu était en train de se produire: ses traits semblaient moins tirés, et ses pupilles ambres plus vives, ses sens plus affûtés et une force nouvelle courant dans son corps.
Qu’il le veuille ou non, Lou avait bel et bien eu raison de lui casser les pieds avec cette histoire de “dose prévisionnelle”...
S' il voulait faire les choses correctement, s' il voulait vraiment être efficace, il ne pouvait pas fuir cette partie de lui-même plus longtemps, mais en tirer parti.
-Et ouais… Il serait temps de t’appliquer ce que tu conseilles à Lou et à Luce, mon coco… soupira-t-il en jetant la bouteille d’eau vidée de son contenu.
Luce avait posé son sac dans un coin dans la salle et s’était laissée tomber à côté. Tout allait bien trop vite, et pas assez en même temps. Il lui manquait tellement de pièces de puzzle pour comprendre ce qui se tramait, et en même temps, elle savait qu’elle ne pouvait pas tout intégrer d’un coup.
Un espèce de monde parallèle, où mages et vampires complotaient pour la domination mondiale face aux Avengers de l’ombre eux-mêmes composés de mages, d’humains et de demi-vampires…
Même ses propres idées de romans allaient pas aussi loin !
Et elle se retrouvait au milieu de tout ça, un peu cruchonne mais menacée constamment.
Oui, mais non: la place de l’héroïne à protéger, très peu pour elle. Elle n’était pas particulièrement courageuse, et elle mentirait si elle disait qu’elle n’avait pas peur, mais si il y a une chose dont elle est certaine à son sujet, c’est que son indépendance valait tout l’or du monde.
Elle n’avait pas fait en sorte de se barrer le plus tôt possible du cocon familial pour rien.
Elle observa les armes exposées et se demanda ce qui lui conviendrait le mieux… Elle se releva et s’approcha des racks, une moue songeuse sur les lèvres. Sa main s’avança vers la lance en bois pour s’en saisir: elle soupesa le poids de l’arme, imaginant qu’une vraie devait peser plus lourd, et se plaça sur un des tatamis, face au miroir. Elle positionna sa jambe gauche légèrement en avant, équilibrant son poids sur ses deux jambes, et se mit en garde, laissant glisser ses mains le longs du manche en bois, cherchant les meilleurs appuis.
Ces simples gestes lui apaisaient l’esprit, un sentiment de contrôle et de calme remplaçant le tumulte de question. C’était le même sentiment qu’elle avait lors de ses cours d’auto-défense, et elle sourit en observant son reflet.
-Une vraie guerrière…, ria-t-elle en haussant les épaules d’un air un peu dépité.
-C’est pas l’arme que j’aurais choisie pour toi, mais pour le reste, tu en as l’étoffe. Suffit d’un peu d’entraînement.
Luce sursauta et manqua de lâcher l’arme sur ses orteils en entendant la voix de Vincent. Elle s’était tellement mise dans sa bulle qu’elle ne l’avait même pas entendu rentrer dans ce qui était, de toute évidence, leur salle d’entraînement.
Le dhampire s’avança et lui prit la lance des mains pour la reposer à sa place.
-Bon, comme je te le disais, je pense qu’il est important que tu apprennes à te protéger. Je sais que tu prends des cours, mais ça ne suffira pas.
-Et le rapport avec mon sang chelou?
-Si ton sang peut donner du pouvoir à un vampire qui le boit, pourquoi il ne pourrait pas t’en donner, à toi?
Luce écarquilla les yeux et ouvrit la bouche d’un air stupéfait durant quelques secondes avant de se reprendre.
-Mais… J’y ai pas du tout pensé…
-Pour ça, il faudrait qu’on l’examine de plus près… Je sais que Lou ne voulait pas t’en parler de suite, pour pas te brusquer.
-En même temps… Est-ce qu’on a encore le luxe de pas me brusquer?
Je veux dire… Ça fait quinze jours que je connais les grandes lignes, mais plein de choses m'échappent, et visiblement, eux, ils n’attendent pas pour agir.
- Je suis sûr qu’il ne nous dit pas tout concernant les leylines. Et je sens bien que ça te pèse aussi, tout ça, dit-il en faisant un geste vague autour de lui.
Vincent enleva ses chaussures d’un geste rapide et se débarrassa de sa veste, avant de s’avancer au milieu du tatami.
- C’est pour ça que je pense que tu dois savoir à quoi tu as affaire… Et que tu apprennes à combattre. Ma théorie sur ton sang se vérifiera peut-être, ou pas, j’en sais rien. Mais on ne peut pas attendre.
Il releva ses manches et se mit en garde avec un sourire malicieux et provocateur.
- Allez, mademoiselle, en piste.
Luce cligna des yeux, avant de sentir ses lèvres s’étirer et son regard se durcir sous le challenge. Elle se positionna à son tour, jetant son pull en dehors de la zone de combat.
Son regard émeraude scanna la posture de son adversaire, et elle se força à rester impassible: aucune ouverture… évidemment.
Elle inspira et concentra sa force dans sa jambe droite pour se propulser en avant, poing droit prêt à frapper et bras gauche à parer.
Vincent la laissa venir, para son coup et contre-attaqua dans la foulée, réduisant sa force au maximum et repoussant son bras gauche de la paume de la main pour créer une ouverture dans laquelle il s’engouffra de suite. Luce sauta en arrière pour créer la distance: elle se retrouva à moitié accroupie et tenta un coup de pied pour le faucher et le déstabiliser.
Elle ignorait pourquoi son corps réagissait aussi instinctivement et rapidement, mais elle aimait cette adrénaline. Il devait retenir ses coups, elle en était certaine, mais apercevoir la petite lueur de surprise quand elle avait esquivé son coup… Ça valait son pesant de cacahuètes.
Vincent en était désormais sûr: cette réactivité, c’était lié à son sang, sûrement une habilité dormante qui n’avait jamais encore eu l’occasion de s’activer. Mais depuis qu’elle prenait ses cours d’auto-défense et avec les deux situations de presque mort qu’elle avait subi, ça commençait à se réveiller...
Il était tenté de pousser plus loin l’expérience en mettant un peu plus de nerfs dans ses coups, alors qu’ils se remettaient tous les deux face à face.
Pour le moment, il la laissait venir, et observa avec attention son visage.
Luce était en train de réfléchir… sûrement trop. Son corps réagissait bizarrement et la flamme de la compétition consumait son esprit.
Elle voulait l’impressionner.
Elle voulait gagner.
Ne voyant toujours pas d'ouverture, elle se relança à l’assaut de la même manière, sans grand succès.
Au bout du cinquième échange, elle tenta une feinte en visant son estomac avec son poing gauche au lieu du droit, mais sa tentative fut rembarrée d’un coup sec, son bras gauche repoussé puissamment et exposant son propre ventre. Elle se mit à paniquer, ramenant son bras droit en guise de protection à toute vitesse, mais elle savait qu’elle ne faisait pas le poids…
Elle se laissa tomber en arrière sur le tatami, faisant glisser ses jambes pour essayer d’encercler sa cheville droite pour le faire tomber, mais en un éclair, Vincent était assis sur elle, la main sur sa gorge, sans serrer mais avec une fermeté qui lui imposa de rester immobile.
- Clairement, tu manques d’expérience, mais tu as de la suite dans les idées… Et comme je le pensais, tu lâches jamais l’affaire, termina-t-il en riant.
Luce lui sourit avec un air crâneur, mais ses yeux reflétaient une certaine déception teinté de doutes.
-Mon corps a réagi tout seul… J’ai l’impression de rien contrôler.
- Ça confirme ce que je pensais sur ton sang, mais tu as de bonnes bases. Tes cours d’auto-défense sont vraiment utiles.
Il desserra son emprise sans enlever sa main pour autant.
-N’oublie jamais une chose, Luce. Ta survie compte plus que tout. Même si ton sang te crie de te battre, des fois, il vaut mieux courir.
La proximité de leurs corps et la chaleur amplifiait l’odeur de la jeune femme, et Vincent sentait la tête lui tourner. Il se releva en vitesse, sans offrir une main à Luce comme il l’aurait fait d’habitude. Il s’éloigna du tatami pour remettre ses chaussures, et vit son reflet dans le miroir.
-Et…
Luce s’était relevée pour récupérer son pull, confuse du changement brusque chez son partenaire d’entraînement. Ils s’étaient beaucoup rapprochés depuis leur première rencontre, et elle était tentée de dire qu’ils étaient amis, mais la froideur qui régnait dans l’atmosphère la faisait douter.
Elle puait, ou quoi? Ok, ils venaient d’échanger des coups pendant dix minutes, mais c’est rien par rapport à…
Ses yeux croisèrent les siens dans le miroir, et elle comprit.
Ses yeux ambres avaient pris une teinte rougeâtre, ses pupilles extrêmement allongées et son air mélancolique teinté d’un danger qui la fit frissonner.
-N’oublie jamais Luce… Je suis en partie l’un d’entre eux. Peu importe l’amitié que je peux te porter, tu es en danger avec moi, aussi.
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