L'Histoire des Nanas

Son regard flamboyait dans le soir, tel un rubis étincelant.

Sa longue chevelure battait à tous vents, fouettant son beau visage à intervalles réguliers.

Elle aurait voulu retenir ce moment, le tenir encore un peu dans le creux de sa paume, et garder ses yeux verrouillés à ceux de cette belle inconnue qui remontait la rue, tout en chaloupant une croupe à vous damner un saint.

Mais hélas, Rodrigo, Pietra et Raphael, les saints du romantisme, n'étaient pas avec elle ce soir.

Elle devrait d'ailleurs leur en toucher deux mots quand elle les verrait, ce qui ne saurait tarder.

Les trois saints ne pouvaient en effet pas résister longtemps à l'appel du nectar de pomme des bois qu'elle seule savait faire mûrir à souhait.

Mais revenons à cette scène, qui aurait dû être d'un romantisme absolu, parfait, étincelant, galvanisant...

Le genre de scène épique...et à la fois tendre...qu'il nous plaît d'imaginer raconter encore et encore, aux oreilles fatiguées de nos enfants, petits-enfants, arrières-petits enfants et.. Enfin, vous avez saisi.

Le fait est que, ce soir-là, restera dans les annales pour une toute autre raison.

Oh mais restez quand même, il y aura bien de la romance et du cul.

Enfin, surtout de la romance, je ne suis pas légalement habilitée à fournir du contenu pour les plus de 188 ans.

( Mais que cela ne vous empêche pas de combler les ellipses judicieusement placées, grâce à l'utilisation fort appropriée de votre outil à fantasme personnel, j'ai nommé, votre cerveau.

J'appelle le mien du doux nom de '' chien des bois '', en raison de sa tendance affirmée à me mener dans des questionnements sans queues ni tête, alors que le sort de l'humanité se joue sous mes yeux. Mais c'est un autre sujet. )

Revenons donc...à notre amourette.

Que dis-je ? À notre grand amour.

Ainsi donc, tandis que Josuette, toute bardée de cuir et de grand vent, tentait en vain de prendre une pose convaincante, tandis qu'une troublante beauté s'approchait d'elle à grands pas vigoureux...

( Vous ai-je dis que la troublante beauté en question avait la mine austère et le pas militaire ? Mais... qui suis-je pour juger ? )

Le fait est que, répondant à la merveille des miracles de la magie moderne - et aux lois du coup de foudre littéraire -, les deux femmes dont nous parlons présentement partagent le même goût prononcé pour les armes et la bataille.

Mais il sera noté ici que comme chacun sait, Arabalia est un monde strictement bienveillant, où tout usage d'armes réelles a été banni depuis...des temps immémoriaux ( sur lesquels nous reviendront plus tard, ou bien pas du tout, je n'ai pas encore défini de quoi il s'agissait au juste.)

C'est donc bardées de longues épées, qui en mousse, qui en plastique, que les deux tourterelles se rencontrèrent.

Pour répondre à vos questions, oui il y eu coup de foudre, oui il y eu feu d'artifice, dans le ciel et dans les cœurs.

Mais surtout, il y eu ridicule, vautrage honteux et bégaiement, comme chacun sait qu'au fond, c'est ainsi que ça se passe généralement.

Mais je m'emballe, nous n'en sommes pas encore là.

La troublante beauté en question, remontant toujours la rue de son doux pas de donzelle en tutu, remarqua dans son champ de vision l'épaisse chevelure rousse d'une B.B.B.B.

Bonne Beauté Bien Baisable, pour les intimes.

Son sang ne fit qu'un tour.

Son œil, lui, en fit deux, de haut en bas, de bas en haut.

Fichtre. C'est d'la bonne. Du gibier de haut vol.

'' C'est ta veine, ma fille, '' s'apostropha la donzelle en son fort intérieur, qu'elle avait fort poilu.

De son côté, inconsciente de ces pensées flatteuses s'il en est, Josuette s'empourprait en dedans.

Une fille, ici !

Et armée, qui plus est !

Ça y est, saperlipopette et toutes les rimes en ''ette'', la chance avait enfin tourné !

Il faut dire qu'en s'engageant à rallier cette terre lointaine, elle avait outrageusement zappé les petites lignes en bas à droite, écrites sournoisement avec du sang de poulet ( un classique ).

Elle était belle et bien la seule femme de tout ce pu-tain de comté !

La belle affaire, me direz-vous ! Frottage de mains et festin en perspective, y a plus qu'à choisir !

Ouais.

Sauf que Josuette aime les nénettes.

Les seins, les fesses fermes et charnues, le galbé d'un mollet bien entretenu par une marche à pied assidue de fantassette.

Et si on rajoutait à cela des mains caleuses trahissant la pratique régulière de quelque lame, fendoir, gourdin, marteau, hachette, hache, hachinette, épée à deux mains, lance, ou même, en désespoir de cause, d'un bête hachoir de cuisine...raaaalors là !

Mais ce tableau, je le reconnais, sonne quelque peu inélégant.

Il laisse à entendre que notre Josuette ne serait qu'une bête crasse et bas du front, comme les colonies barbares en comptent par centaines. Mais que nenni.

Josuette, qu'on se le dise, avait le cœur tendre et joyeux, et n'aimait rien de mieux qu'une bonne chopine d'ambre de rose, agrémentée d'un nuage de lait – il faut compter sur ses lointaines origines anglaises.

C'est d'ailleurs pour cela qu'elle se tenait présentement à la terrasse de cette auberge, un pied négligemment posé sur la table, et l'autre...et bien, par terre.

Elle était aussi une adepte du point de croix, et se faisait un devoir de lire plusieurs fois par semaine ( à l'envers ), la feuille de choux de ce patelin pourri.

C'est qu'une dame digne de ce nom sait s'entretenir. De l'intérieur aussi.

Éduquée, on vous a dit.

En attendant sa quinzième chopine ( qui aime ne compte pas ), Josuette lançait des œillades assidues et plus que pas discrètes à la troublante beauté que chaque pas en sa direction agrémentait d'une dose supplémentaire de troublance.

Et elle cochait mentalement sa liste exigeante, en tirant la langue sous l'effort.

Vin dieu ! C'tte bonne femme cochait tout bonnement toutes les cases !

Même les cales sur ses mains, c'était certain.

Et Josuette les imaginait sans réserve sur les parties les plus privées de son anatomie. ( Les mains, pas les cales, de qui se moque-t-on ? ).

Comme elle tentait vaillamment de cacher son engouement qui, elle le savait, ne manquerait pas de la faire rougir, elle s'empressa de reprendre une gorgée de son doux breuvage.

C'est là, précisément, que le sort s'en est mêlé.

L'ouverture de sa bouche, dans le geste d'avaler le liquide qu'elle portait à ses lèvres, combinée au grand vent qui, on l'a vu, fouettait sec... Et arriva ce qui devait arriver.

Josuette manqua de s'étouffer en avalant une partie de sa longue chevelure ambrée, en même temps que le précieux nectar.

En résulta une toux é-pouvantable, et un spectacle fort distrayant pour les tablées voisines.

Spectacle dont, pour des raisons évidentes de décence, je ne ferai pas l'énoncé ici. ( Mais sachez que les bruits furent proprement a-bo-mi-na-bles. )

Fort heureusement, Nini, la jeune beauté, ( oui, elle s'appelle Nini. Si. ) se jeta dans la bataille, enjamba prestement la balustrade d'un ciseau longuement pratiqué, et se porta au secours de Josuette, qui s'étranglait en suffocant dans l'indifférence générale. ( Certains filmaient ).

C'est ainsi que, le visage plein de bave et de liquide rose poisseux, Josuette pu enfin dire les premiers mots qui resteraient à jamais gravés dans le cœur et la tête de son nouvel amour :

'' Aaaarh-arg-arrrrrrr-gliiiii-meuuur-ci. ''

Un grand moment.

Une pure merveille.

Si vous aviez vu... Le regard larmoyant, le timbre rauque d'un Roger au réveil, les cheveux collants et mousseux... Aaaah... Du grand art.

En y repensant, c'est d'ailleurs un miracle en soit que cela n'ait pas rebuté Nini...

Mais... croyez-le ou non, RIEN n'aurait pu venir ombrager la magie de cette rencontre.

Pas même la remarque crasse d'un des clients de la première heure du jour, sur la croupe rebondie de Nini, tandis qu'elle s'efforçait de taper dans le dos de Josuette pour l'aider à recracher ce qu'elle avait avalé de travers.

Classe, on vous a dit.

Enfin, il fallait bien se rendre à l'évidence : ces deux-là étaient faites pour s'aimer.

To be continued... ;)