Raphaël se réveilla en sursaut, le corps ruisselant de sueur et le souffle haletant.
― Qu’est-ce que… ?
Il jeta un coup d’œil à son réveil.
― QUOI ?? MERDE !!
Sautant de son lit à toute allure, il se rua dans la salle de bains, ignorant la peur que lui inspirait son reflet dans le miroir et l’ampleur des poches sous ses yeux.
Piochant à la hâte des vêtements dans son armoire, manquant de se prendre les pieds dans les obstacles qui juchaient le sol de sa chambre, il finit tant bien que mal par faire son sac et descendre à temps pour prendre un rapide petit-déjeuner.
C’est essoufflé et le ventre en vrac d’avoir autant couru qu’il parvint à choper son bus de justesse.
Une fois installé pour son trajet de vingt minutes, les pensées qu’il avait contenu depuis son réveil l’engloutirent, sans même que la sensation de calme qui aurait du survenir après ce début de journée cauchemardesque n’aie eu la chance de pointer le bon de son nez.
Une fois de plus elle est apparue, cette voix. Toujours les mêmes mots, le même ton suppliant... Mais cette fois, j’en ai entendu plus…
Je serais un porteur de lumière ?? Si j’étais vraiment une lumière, je me prendrais pas la tête avec mes cours et les maths…
Absorbé dans ses réflexions, il ne s'aperçut même pas de la montée et de l'installation de Lyra près de lui. Ce ne fut qu'au bout de cinq minutes d'attente et d'indifférence totale qu'elle osa interrompre Raphaël en signalant discrètement sa présence...
― Idiot !!! fit elle avec un fracassant coup de livre des maths, cette fois-ci.
― Quoi, quoi ?!
― Arrête de faire comme si j’existais pas! Siffla-t-elle entre ses dents.
Raphaël soupira d’un air agacé et lui jeta un regard chargé à la fois de colère et de tristesse. La dynamique qu’ils avaient lui pesait parfois, même s’il savait que c’était sa manière de lui montrer qu’il était important pour elle.
― Lyra, c’est pas vraiment le moment pour les crises et les listes interminables de défauts.
L’épuisement perçait dans la voix du jeune homme, et Lyra prit le temps de l’observer plus en détail. Ses cheveux toujours en bataille l’étaient encore plus aujourd’hui, signe qu’il avait dû se lever en retard. Son teint cireux et pâle était devenu la norme depuis quelques jours. Mais c’est en croisant son regard éteint et en voyant les cernes marquées qu’elle comprit.
― T’as encore cauchemardé?
― Si on veut…
Il soupira longuement, se pinçant l’arrête du nez entre deux doigts, comme si il pesait le pour et le contre. Il finit par lui faire signe de se rapprocher pour que leur conversation reste la plus secrète possible : il n’avait pas besoin de rajouter un élément bizarre à la liste habituelle que tenaient leurs « camarades » de classe à son sujet.
Il lui relata sa nuit, et son récit s'acheva avec leur trajet.
― J’ai vraiment du mal à y croire, dit-elle alors qu’ils remontaient la côte menant à leur lycée.
― J’te jure que ça a vraiment l'air réel !!! Pourquoi j'inventerais ce genre de choses?
― C'est vrai, tu marques un point. Mais c’est très inquiétant...
Regarde-toi Raphaël! On dirait un vrai cadavre ambulant! Tu dors plus, tu manges à peine. Il faut tirer ça au clair, et rapidement.
― Merci Maman, mais je finirais par m'en tirer, t'inquiètes ! Tu ferais mieux de stresser pour le monstrueux contrôle de Maths que nous avons à affronter. A ton épée, amie, sus au mécréant !!
Il se mit à grimper à toute allure les escaliers qui les séparaient de la cour du lycée, mimant un combat acharné.
Elle pouffa et leva les yeux au ciel. Malgré l’ulcère qu’elle était en train de se préparer à cause de lui, elle n’échangerait son ami d’enfance contre rien au monde…. Elle le rejoignit, alors que la cloche sonnait l'heure du combat final avec des monstres algébriques.
Deux heures après, dans la cour du lycée, les vaillants chevaliers sortaient plus ou moins victorieux de leur bataille.
Raphaël semblait exténué, alors que son amie souriait de toutes ses dents.
― Allez, c’était pas la mort ! fit-elle en lui donnant un coup de coude.
― Parle pour toi… et dire qu’on a que quinze minutes avant de reprendre les cours…
Il s’assit lourdement sur un banc, les yeux errant sur la cour de recréation. Leur lycée était situé tout en haut d’une colline, leur demandant une ascension de bon matin. Malgré cet effort dont il se serait bien passé, il aimait cet endroit, surtout l’aspect arboré de leur cour, un bosquet la séparant du gymnase et du plateau sportif. Les bâtiments épousaient la pente, et le self trônait tout en haut de la colline. L’ambiance familiale qui y régnait avait un côté rassurant, et même si il ne se sentait pas d’atomes crochus avec ses camarades, il n’avait pas encore vécu ce qu’il avait traversé au collège...
― Allez, Raph’, courage, si ça ne se trouve tu t’en es pas si mal tiré, lui dit Lyra en s’asseyant à son tour.
― Mouais… Je ne m’appelle pas Lyra, qui pense toujours se louper et qui finit toujours avec plus de seize…
Elle haussa les épaules et tira la langue, ignorant volontairement la critique de son meilleur ami.
― Où est passé le preux chevalier du royaume lycéen, prêt à se dresser contre toute action machiavélique, en particulier matheuse ?
Elle accompagna sa tirade en brandissant fièrement une épée imaginaire.
Raphaël détourna le regard, faisant mine de ne pas la connaître. Elle se planta devant lui, ses prunelles bleues le fixant avec un sourire narquois, en haussant ses sourcils.
Raphaël lui retourna un sourire amusé et se releva d’un bond, faisant craquer ses cervicales au passage, ce qui fit grimacer Lyra de dégoût.
― Allez, allons retrouver notre cher prof de français ! Et merci pour le coup de boost, ajouta-t-il avec un clin d’œil.
― Pfff je commence à avoir l’habitude…, maugréa-t-elle en détournant son visage, espérant cacher la légère teinte rouge de ses joues.
Comme tous les midis, c’était la course au self, et comme tous les midis, Raphaël et Lyra trépignaient et jouaient des coudes pour passer avant les autres.
Chose que les autres faisaient aussi, ce qui, au final, ne faisait avancer personne plus vite.
Une fois engouffrés dans la file, ils discutaient joyeusement, Raphaël lui racontant ce qu’il avait lu la veille, sur cette Lyra qui ne lui ressemblait pas.
― Je sais, je sais… Cette Lyra n’est qu’une enfant gâtée d’abord…
― Peut être, mais elle ose prendre des risques, elle…
― Ouais, et regarde où ça l’a mené !!! siffla Lyra, avec colère. Et d’abord, prendre des risques, c’est parfois bien, mais pas au petit bonheur la chance. Se lancer tête baissée dans une aventure, c’est pas forcément ce qu’il y a de mieux, et c’est terriblement égoïste...
Raphaël se rendit compte trop tard de sa maladresse.
Le père de Lyra était un reporter passionné, aimant profondément son métier. Il avait disparu lors d’une expédition, et Lyra en avait été très affectée. Cela faisait 6 ans maintenant, 6 ans qu’elle vivait avec un sentiment d’abandon, 6 ans qu’elle avait perdu ce goût du risque et de l’aventure, 6 ans qui lui en avait fait prendre bien plus et avait altéré sa vie d’enfant.
Il s’approcha de son amie et lui tapota légèrement le haut du dos, sans oser aller plus loin dans sa tentative de réconfort.
― Excuse-moi… Je suis allé trop loin… murmura-t-il.
Elle haussa les épaules pour lui signifier qu’elle ne lui en voulait pas, et lui jeta un regard coupable, consciente d’avoir été trop loin aussi, ses pommettes légèrement rouge de gêne.
Mais étrangement, elle avait senti son mal comme s’envoler : les rares fois où le sujet de la disparition de son père était abordé, elle mettait souvent plusieurs heures voire plusieurs jours à s’en remettre et à retrouver une certaine légèreté dans sa vie quotidienne. Non pas qu’elle ne sentait pas la tristesse d’avoir ravivé sa peine, mais elle se sentait bien moins affectée que d’habitude.
Une demie heure après, repus, ils sortirent du self, le pâle soleil de début de printemps les éclairant. Ils s’installèrent sur un banc, se chamaillant encore et toujours, quand Lyra porta la main à son ventre.
― Qu’est-ce qui se passe ? demanda Raphaël en retenant sa blague sur ses nattes.
― Je sais pas, je me suis mise à avoir mal au ventre d’un coup… C’est peut être le stress, ça me fait toujours ça…
― Ou alors, tu as encore une fois trop mangé ! fit-il en rigolant.
Il avait mis la main sur le ventre de son amie, comme pour le tapoter en signe de contentement.
― Hé fais gaffe, tu vas me faire… mal…
C’est bizarre, la douleur est partie d’un coup, comme tout à l’heure.
Elle regarda Raphaël étrangement.
― Quoi, j’ai fais quelque chose de mal ?
― Non, non ! s’empressa-t-elle de répondre, le visage rouge pour la troisième fois de la journée.
C’est pas vrai… Et si…et si il m’avait dit vrai ce matin…
Non, impossible…
Mais à chaque fois qu’il me touche, ou qu’il s’approche quand j’ai mal, tout s’en va.
Troublée, elle gardait le silence pendant que Raphaël s’animait avec ferveur en racontant ses derniers exploits à Dragon Quest. Et encore une fois, il mit plusieurs minutes à se rendre compte qu’elle était ailleurs.
― Hé…T’es sûre que ça va… ?
― Euh… Raph’… T’y crois vraiment à ton truc de rêve, là… ?
― Honnêtement, tu crois que MOI, le plus grand des flemmards que la Terre aie porté, je peux avoir un quelconque pouvoir ? Imagine ce que j’en ferais !! Ça serait du gâchis…
Il soupira et passa une main dans sa tignasse, avant de fixer le ciel avec un air résigné.
― Mouais… Mais promets-moi une chose : si tu sens que ça dérape, que c’est réel, ou simplement s’il t’arrive quelque chose, préviens moi immédiatement. S’il te plaît.
Raphaël ne put qu’acquiescer au regard suppliant, et surtout inquiet de son amie.
La même course que la veille salua la fin de leur journée.
― Pfff, t’es une vraie pipelette, pesta la jeune fille, une fois installée. Tu peux pas t’empêcher de parler au prof en sortant de cours !
― Mais j’avais une question à lui poser… Excuse-moi, fit-il avec un faux air contrit, en battant exagérément des paupières.
― Rahhhh… C’est bon ! De toute façon, si je supporte pas ça maintenant, j’le supporterais jamais.
― Tu es pleine de sagesse, maman.
Il s’apprêtait à recevoir une claque, un coup quelconque, mais elle lui déposa un petit baiser sur la joue avant de se lever, le car s’arrêtant à sa destination.
― Essaie de bien dormir, et n’oublie pas ta promesse. A demain midi, ok ?
Abasourdi par ce qu’elle venait de faire, il ne vit pas la super pichenette atterrir sur son front.
― Tu croyais pas y échapper, non ? fit-elle en lui tirant la langue.
― Je te boude, na !! répliqua-t-il en riant.
Elle descendit le sourire aux lèvres, sans se préoccuper de regards amusés des autres passagers.
Une fois chez lui, Raphaël s’affala sur ce qui ressemblait à un lit.
Beaucoup de choses se bousculent dans ma tête…
Faut qu’elles sortent, absolument… Je vais finir par devenir fou…
Il brancha sa console, et se plongea dans le premier jeu venu, comme un être qui cherche à noyer son cerveau sous un amas de choses floues.
Aux alentours de minuit, ses yeux se brouillèrent de fatigue et d’éblouissement.
Il se sentait partir, partir pour ce monde qu’il redoutait à présent, le monde du sommeil et des rêves.
De clignements en clignements, ses yeux se fermèrent.
Depuis combien de temps suis-je endormi?
Je dois me lever, sinon,…
Ses prunelles restaient pourtant closes, comme si elles refusaient de voir le jour malgré ses efforts pour les ouvrir. Une légère sensation d’humidité collait à sa joue droite, une odeur tellurique plutôt agréable lui agitait les narines.
Humidité…. Une odeur d’herbe et de terre….
Il se tourna sur le ventre, une sensation froide se répandant sur son corps et son visage. Quelque chose lui chatouillait le nez, au point de le pousser à l’éternuement. Il se releva brusquement, les yeux cette fois-ci bien ouverts,
― Mais, qu’est-ce que je fous là?
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