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Beaucoup de personnes pensent, à tord, que les gobelins peuvent endosser le rôle de héros dans une bonne aventure épique. C’est un phénomène de mode aussi passager qu’un gros cumulonimbus se traînant nonchalamment dans le ciel bleu d’une fin d’après midi d’été.

Parfois nous pénétrons dans l’autre monde, ou tout du moins un autre monde au vu de l’infinité de mondes et de dimensions parallèles qui tissent la trame de la réalité. Avoir accès à l’une ou l’autre de ces réalités parallèles autrement qu’en rêvant peut s’avérer problématique tout comme le mauvais réglage d’une télévision qui recevrait simultanément plusieurs chaines.

Bref, l’effet de mode voudrait que ces abjectes créatures que sont les gobelins aient le charisme nécessaire pour avoir une autre fonction que celui de méchant pas beau dans n’importe quelle histoire ayant la malchance ou l’audace de les incorporer dans le scénario.

Détrompez vous ! Ces monstres malodorants ne sont que des vermines, des voleurs, des lâches et ils ont le don de vous observer avec leur regard torve plein de concupiscence. Brrr !

Physiquement ils sont laid. Une petite tête absurde sur un corps trapu, de longs bras grêles et noueux, de grandes oreilles en chou-fleur, d’horribles petites dents aiguës, un gros pif turgescent. Leur peau même est sale parfois noire comme du charbon ou d’un vert olivâtre dégueulasse. J’en passe et des meilleures mais j’ajoute que leur mode vestimentaire est tout aussi calamiteux.

Je veux juste, pour étayer mes propos, vous raconter une anecdote personnelle. J’ai embaucher une petite bande de ces mauvais génies pour m’escorter lors de mon voyage vers le château d’Ominion. Je devais là-bas y consulter des parchemins rares pour parfaire mes connaissances dans le domaine des Sylfes. Bref.

Leur chef, le bien nommé Girato le voleur, me donna sa parole d’honneur et accepta un confortable salaire contre ce travail.

Un soir ils avaient bu plus que de raison et étaient encore en train de se disputer. Nous campions dans une clairière en plein cœur de la forêt qui chante. Celle la même qui fait office de frontière naturelle entre le pays d’Ascq et les plaines nébuleuses.

Je décidais de m’éloigner de ce brouhaha et me rendait vers une source sacrée à quelques pas d’ici pour y méditer sur le caractère éphémère de l’existence. Quand je revins, les gobelins, maudit soient-ils, avaient disparu. Pire ! Ils étaient parti avec l’intégralité de mes affaires dont un livre très rare qui m’avait été transmit en main propre par mon maître. J’en rougis encore de honte et je me sens transpercé par une vive douleur quand je me remémore les faits.

J’eu beau hurler, les chercher partout, ils avaient brouillé leurs traces. Même ma magie s’avéra inutile pour les retrouver. J’étais seul, dépouillé en plein milieu d’une forêt la nuit avec pour seul compagnon mon désespoir.

Vous me direz qu’il ne faut pas faire des généralités en fonction d’un échantillonnage particulièrement nauséabond de leur espèce et je vous répondrez ceci: " Vous voulez rire ? ".

Parfois je me réveille en sursaut la nuit. J’entend encore leur ricanement sinistre qui fait écho à mon désemparement.

Aagus le vieux, Archimage de l’Ecole Mirifique, chevalier d’honneur de l’ordre du couteau clinquant et maître de cérémonie du culte de l’abeille ourse.


Texte publié par Semespritordinaire, 15 avril 2022 à 18h36
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