L’herbe s’alliant à la terre imbibée d’eau, encombrait le champ désertique. Piétiner sans vergogne par les sabots des chevaux, ils cavalèrent avec une petite troupe de soldat sur leur dos. Pour se protéger du déluge, ces derniers se dissimulaient sous leur manteau imperméable vert à capuche et sans manche.
Face à cette averse abondante, Æsma ne distinguait guère le blason imprimé sur la cape de ses collègues : une aile bleue pour le rêve, une aile blanche pour l’espoir, formant ensemble les ailes de la liberté, emblème unique du Bataillon d’Exploration.
S’il n’était pas aisé de lorgner sur ce sigle qu’elle idolâtrait depuis son enfance tumultueuse, percevoir le décor qui l’entourait, l’était encore moins. Impossible d’anticiper les futurs aléas qui les attendaient. Malgré les prouesses technologiques de ces derniers mois, à l’heure actuelle, aucune solution n’existait pour palier aux problèmes des fumigènes face aux intempéries, aussi bien au niveau sonore que visuel. Ajouté à cela un terrain sans aucun relief : ni arbre, ni bâtiment - le parcours était périlleux.
Quelle plaie, se disait l’exploratrice - cogitant intarissablement pour améliorer l’artillerie ; et quelle chance inouïe que l’ennemie ne soit pas revenu à la charge ! Beaucoup trop de chose devait être réglé au préalable et la priorité de la semaine revenait au nettoyage complète de l’île.
Pendant qu’Hanji continuait à s’occuper de la paperasse et à reformer les autres escouades du Bataillon d’Exploration, l’escouade tactique et d’artillerie - composées de vétérans et de deux petits nouveaux - s’occupaient du ménages. Partie de Shiganshina, les deux escouades devaient se rejoindre au Nord, dans le district d’Endlos, abandonné depuis la chute du mur. Si Livaï et son équipe avait emprunté l’Est, pouvant si possible faire une halte au district de Wachsam également inhabité, l’équipe de Jean se dirigeait au district situé à l’Ouest du mur Maria : Quinta.
Ancrée dans un cercle vicieux depuis quelques mois, s’ajoutait les crampes d’estomac ne n’aidant absolument pas Æsma à se concentrer correctement pour cette mission.
Le tonnerre arracha le soldat de ses songes, entendant enfin une voix qui criait vainement son prénom. Dirigeant ses yeux verts vers cet interlocuteur, elle plissait les paupières pour mieux le cerner à travers les filets d'eau. Son coéquipier semblait attendre une réponse, mais elle ne sut quoi dire, se contentant de le regarder du mieux qu'elle pouvait la bouche légèrement entrouverte.
Le second éclair apparaissant dans la sinistre voûte céleste illuminait le paysage, permettant enfin à l’exploratrice de savoir quel chemin emprunter pour la suite de l’expédition. Les arbres disparaissant aussitôt sous le torrent.
— ALLONS NOUS ABRITER DANS LA FORÊT, brailla le chef d'escouade - donnant un coup de talon à sa monture pour accélérer la cadence.
Le reste de l’équipe l’imita et galopa à l'aveugle vers les bois. Trempé de la tête au pied, il ne leur était pas agréable de parcourir le pâturage boueux, où la pluie continuait de s’abattre de plein fouet sur leur frimousse, alourdissant drastiquement leur uniforme.
Pour la énième fois de la journée, Æsma espérait qu’ils ne tomberaient pas nez à nez avec un - voir plusieurs Titans ; se battre dans ces conditions signerait leur arrêt de mort ; et « bordel de merde » pourquoi ne s’étaient-ils pas intéressés à la météo plus tôt ; pronostique des plus foireux ; il fallait également prier pour que l’équipement de manœuvre tridimensionnelle n’ait pas subi de lourds dégâts ; à quel degré d’étanchéité le fourreau - et surtout le dispositif du harnais - se mesurait-il ? « Espèce de gourde », s’injuria-t-elle ; la seule problématique qui pourrait se poser, est que le diffuseur de gaz se soit noyé à cause de l’eau : aucun risque…
Cependant, la jeune femme était proie aux doutes sur le choix de leur destination qui n’augurait rien de bon.
À la lisière de la forêt, le temps ne se montrait pas plus clément. Les branches d’arbres garni de feuillages les protégeait partiellement de cette pluie abondante lorsque les explorateurs s’enfonçaient petit à petit dans les bois - mais ils continuaient leur route, cherchant un grand coin pour les abriter, ainsi que leur chevaux.
— C’est bien notre veine, pesta Delroy.
— Je ne te le fait pas dire. Personne n’a envisagé de partir en expédition dans une cataracte. J’espère que les autres ne rencontre aucun soucis… dit Jean dépité.
— Est-ce vraiment nécessaire de s’inquiéter pour l’escouade tactique ? Répliqua Frock. Avec deux Ackerman et un Titan intelligent dans l’équipe…
— Titan primordial, corrigea sèchement Æsma. Ils ont beau être fort, aucun n’est immortel.
Ou comment rendre l’ambiance encore plus morne qu’elle ne l’était ?
Depuis qu’Eren leur avait révélé la malédiction d’Ymir et peu importe la nature de la relation avec ce dernier, chacun mesurait l’ampleur du fardeau que portait leur camarade, n’oubliant pas Armin également condamné à mourir dans treize ans - et s’additionnait à leur problème, l’ennemi qui comptait coûte que coûte à s’emparer de l’île et détruire ses habitants à l’intérieur. Aucune solution miracle en perspective, or ce n’était pas une raison pour baisser les bras.
Si Frock ne moufta tout aussi conscient que les autres, cela ne l’empêchait pas d’injurier en son for intérieur sa collègue, éprouvant une aversion absolu à son encontre.
Sentiment partagée par celle-ci, regrettant de ne pas l’avoir amoché davantage après les « injures » proférées à la commémoration, en insultant toute l’escouade, il avait offensé la mémoire de l’ancien Major et de Marlowe - et ça, elle ne pouvait passé outre, se remémorant le visage meurtri de son amie Hitch. À côté de cela, son hostilité envers Livaï ne faisait étonnement pas le poids, elle qui avait toujours cru que ce nabot était son ennemi juré.
Un duel de regard éclata entre les deux, au plus grand désespoir de leur capitaine, à qui on avait incombé la lourde tâche de les enrôlés dans son équipe et surtout - surtout - garder un œil sur cette tête de mule. Pour l’instant, il ne s’attarda pas plus longtemps sur eux et jeta un coup d’œil derrière son épaule, inspectant l’état physique et mental des petites recrues fraîchement intégrés à son escouade.
Le premier soldat possédait une étonnante résistance face aux intempéries, contrairement à sa collègue qui grelottait, quoique… il paraissait irrité d’être enlisé de la sorte; du moment qu’ils ne décourageaient pas durant leur première expédition et qu’ils ne fuyaient pas à la première occasion face à un Titan; enfin, vu leur démonstration pendant leur séjour au campement, Jean ne se faisait aucun soucie…
— Il serait judicieux faire une petite halte, conseilla Delroy - attirant toute l’attention de Jean
— Maintenant ? Dit Æsma - dubitative.
— Jusqu’à là nous n’avons pas croisé de Titan.
— C’est vrai, intervint Jean. Chevaucher sous cette pluie, nous a plus épuisé qu’autre chose. Allons trouver un abris et nous reposer pour cette fin de journée. Ça devrait se calmer d'ici ce soir et nous pourrons reprendre la route au levé du soleil qui nous guidera.
— Suffit d'en parler pour que la pluie s’arrête, lança Frock - une main levée vers le ciel.
En effet, les graines d’eaux s'estompaient petit à petit quand ils avançaient dans le sentier, laissant place subrepticement à une brume opaque et chaude au fur et à mesure.
— Ce n'est pas normal, marmonna Æsma.
Balayant d'un regard les alentours, sa vision était brouillée à cause de la vapeur.
— De la vapeur de…
— De Titan, souligna Jean - déjà arrêté.
Arrivée à son niveau, en plein milieu du chemin se trouvait un cadavre en décomposition. Connaissant parfaitement le temps de décomposition, Æsma et Jean descendirent de leur canasson pour étudier plus attentivement le corps qui s’évaporait lentement.
— Étrange… souffla Æsma
— Nous ne sommes pas seuls, murmura Jean.
Pendant que les deux gardaient les yeux rivés sur le Titan, le reste de leur camarade commençait à faire la ronde, dégainant leurs armes.
— C’est louche, marmonna-t-il à sa camarade. Pourquoi s’amuseraient-ils à tuer les Titans, alors que depuis des siècles, ils n’ont pas arrêté de nous les envoyés par vague ? Qu’est-ce qu’ils ont derrière la tête ?
— Je me pose la même question. Pourquoi ne pas attaquer de front ?
— Tu penses qu’ils ont envoyé d’autres espions ?
— Ça m’étonnerait, ils ont renforcé la surveillance des murs.
Le capitaine Kirschtein secoua la tête.
— Je parle du jour où ils ont envoyé Annie, Bertolt et Reiner sur l’île pour détruire le mur. Ce jour-là, il y a peut-être d’autres espions qui se sont glissés et qui ont réussi à s’assimiler à la population comme si de rien n’était. Ils ont très bien pu être aidés par le roi à l’époque ou un homme du culte du mur. Ou peut-être par quelqu’un qui connaissait tout l’envers du décor, que sais-je, ponctua Jean - un regard insistant envers sa camarade.
Les sourcils froncés, la demoiselle déglutit - tentant de ravaler sa salive le plus discrètement possible. Elle qui pensait avoir endormi Delroy avec de belles paroles, lui aussi devenait suspicieux à son égard ? Or, contrairement à ses camarades, elle entrait en ligne de compte une autres informations encore inconnus du grand publique, mais ne serait-il pas le bon moment pour leur en parler ? De toute manière, ils allaient le découvrir tôt ou tard, tel était le but de sa mère, même s'il restait encore des zones d’ombres à ses véritables objectifs.
Se mordant la lèvre inférieure, Æsma était à deux doigts de craquer. Après tout, qu’est-ce qu’elle risquait de plus, maintenant qu’ils s’approchaient de Quinta ? Quel était le plus important à ses yeux : trahir la confiance de sa mère ou ceux de ses amis ? Ne pouvant s’empêcher de se pincer les lèvres, elle agita la tête pour chasser de son esprit le conflit qui la tiraillait. Une promesse est une promesse…
— Ils se sont peut-être accostés au Sud de l’île, mais ont préféré contourner par l’Est et l’Ouest pour nous prendre à revers qui sait. Ils ont peut-être l’intention de détruite le reste du mur en s’attaquant aux autres portes du District. Reiner a forcément dû leur donner toutes les informations récoltées durant ces cinq dernières années. Vu la stratégie déployée à Shiganshina, l’année dernière, ils ont peut-être opté pour une autre approche. On ne peut écarter la moindre hypothèse, souligna-t-elle.
Bouche bée, la cervelle de Jean démarra au quart de tour - presque déçu de ne pas avoir eu ce raisonnement le premier. En y réfléchissant bien, il existait au total neufs Titans Primordiaux. À ce jour, il y en avait encore un inconnu au Bataillon.
— C’est vrai, nous devrions davantage se mettre dans la tête de l’ennemi, finit-il par répondre. Beaucoup trop de choses nous échappes encore. Si seulement Eren pouvait accéder facilement à ces souvenirs, sauf s’il, nous cache des choses.
— Tu penses qu’il ne nous dit pas tout ? S’empressa de demander Æsma - lui permettant de dévier le sujet de conversation.
— Je te retourne la question.
— Je ne suis pas en mesure de répondre, répondit-elle. En ce moment, Eren est…
À peine relevait-elle la tête que le reste de leur camarade n’était plus dans leur champ de vision, se souvenant que tous étaient descendus de leur monture - les attachants à un arbre - pour arpenter les alentours. Les cheveux ont aussi disparu.
Notant le silence de sa camarade, le chef d’escouade curieux fit de même, également pris par surprise.
Par réflexe, Jean se mit debout et dégaina ses lames - imitée par Æsma.
Dos à dos, ils pivotèrent dans le sens des aiguilles d’une montre pour avoir une vue d’ensemble.
— C’est la merde, maugréa-t-il.
Le bruit à travers les feuillages les interpella, évitant in-extremis une balle qui effleura l’épaule de Jean, après avoir été violemment poussé par Æsma.
On ne laissa pas le temps aux explorateurs de réagir, se prenant un coup de crosse sur la tempe - assez fort pour les sonne, leur mettre à chacun un sac de jute sur la tête et menotter leurs mains, afin de les entraîner à l’extérieur de la forêt et de les expédier dans une calèche.
À genoux à sol et alignés sur un seul et même rang, on retira les sacs aux explorateurs, découvrant un paysage des plus familiers.
Si la nuit était tombée, ils se trouvaient au sommet du mur d’un District visible grâce aux lumières de la ville et plutôt animés si l’on tendait bien l’oreille, distinguant également les malotrus qui les avaient capturés. Une tripotée de soldats portant l’uniforme de la Garnison les encerclaient, des fusils en main pointaient le canon sur eux.
Désarçonnés par cet accueil impromptu, tous s’acharnèrent des regards, se demandant s’ils n’étaient pas tombés dans une faille spatio-temporelle.
— Que se passe-t-il ? Vous avez complètement déraillé ! S’écria Jean.
L’un des militaires frappa la mâchoire de Jean pour l’obliger à se taire, permettant à un autre soldat, une grande brune aux cheveux longs, sortir de la pénombre, ordonnant à son collègue de baisser son arme, puis fixa un autre soldat et lui fit un signe du menton en direction de la ville. Ce dernier hocha la tête en guise de réponse et activa son filin, quittant les lieux.
La dame s’approcha d’eux et s’accroupit face au capitaine de l’escouade.
— Qu’est-ce que le Bataillon d’Exploration fait ici ?
— Vous nous posez vraiment la question ? S’étonna Jean.
Après avoir craché son sang, il examina attentivement le visage plus qu’étrangère de la cheffe de bande - comme le reste des soldats. Se cacherait-il des dissidents après le coup d’état ? Même après les révélations faites au grand public, il était possible que tout le monde ne soit pas d’accord avec le régime mis en place - mais franchement qui souhaitait revenir à l’ancien ? Tout le monde se démenait pour que les habitants aient une vie décente.
Autre chose clochait… Hors des murs, ils étaient loin de toute population, les districts du mur Maria étaient déserts…
— Je vois que tu percutes, lui dit la brune - un sourire en coin.
Elle se releva, posant les mains sur les hanches pour observer tour à tour les explorateurs.
— Nous nous attendions à votre venue. Ceci dit, pas de cette manière, continua-t-elle - bras croisés.
Une femme - blonde aux yeux bleus - de petite taille et à l’apparence juvénile fit son apparition, accompagnée du soldat parti plus tôt. Silencieuse, elle observa les alentours et balaya rapidement le District, avant de dévisager à nouveau chaque membre du Bataillon. Remarquant la blessure à l’épaule de Jean, elle dit :
— Allons dans mon bureau. Mon collègue s’occupera de votre plaie par la même occasion. Et merci de rester discret, je ne voudrais pas inquiéter les citoyens, réclama-t-elle à ses subordonnés.
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