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tome 1, Prologue « Vertige » tome 1, Prologue

Au bout de ces allers mortuaires se dressait une grande stèle en pierre à l’effigie d’un militaire ; un militaire anonyme représentant tous les soldats mort au combat ; un patriote, poing sur le cœur, dévoué corps et âme pour la sauvegarde de l’humanité. Sous ses pieds se trouvait un cénotaphe gravé - narrant l’histoire de la reconquête du mur Maria, glorifiant leur plus grande victoire sur leur ennemi.

Devant le mémorial, se présentait une estrade avec ses plus grands dirigeants : si la reine de ces murs était présente, habillée dans un accoutrement militaire portant fièrement un blason neutre sur cette veste kaki, c’est au Généralissime que revenait le devoir d’honorer la mémoire de leur défunt camarade - accompagné des Majors commandant respectivement les Brigades Spéciales et la Garnison.

Dans d’autres circonstances, celui qui présidait le Bataillon d’Exploration se tiendrait à côté d’eux, or aujourd’hui, il faisait partie des personnes à qui l’on rendait hommage. Son successeur se tenait au côté de son camarade et ses subordonnés - ceux ayant survécu à cette horrible bataille. Il arborait un cache-œil sur son œil gauche, après avoir perdu ce dernier après l’explosion causé par la transformation du Titan Colossal. Il gardait le visage ferme et impassible, dissimulant ses mains derrière le dos. Son air grave et sérieux contrastait avec sa chevelure folle, négligemment attaché en queue-de-cheval,

Imité par le chef d’escouade tactique observant d’un œil morne les drapeaux des quatre corps armées hisser dans les airs, se mouvant au gré de la petite brise présente. Il jeta un coup d’œil en direction d’un petit groupe de militaire transportant avec eux un cercueil nappé d’un grand drap vert où l’on avait brodé l’emblème Bataillon d’Exploration. Ils avaient même pensé à mettre une couronne de fleurs…

Si le Bataillon d’Exploration avait reçu des applaudissements à leur retour de Shiganshina, en cette belle et funeste journée, les ovations étaient bien plus solennelles, reconnaissant enfin l’importance des soldats morts au combat depuis plus d’un siècle. Alors que le dévouement et sacrifices des soldats en marquaient plus d’un, celui du treizième Major : Erwin Smith, s’ancrait plus profondément dans les esprits. Ces hommages n’auraient probablement existé, si le treizième Major ne s’était pas autant démené pour découvrir les mystères dissimulés aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de ces murs. Des secrets qu’il ne connaîtra jamais. « Grâce à lui » l’humanité avait fait un grand bond en avant.

Non pas qu’elle ne sentait aucunement concerné, mais sa mort n’impactait pas autant une des exploratrice ci-présente : Æsma Traum. Mille et une question tiraillaient son esprit nébuleux depuis son réveil. Elle ne cherchait pas pour autant à satisfaire sa curiosité, non pas par peur des représailles, mais elle ne souhaitait pas sombrer dans le chaos de sitôt. Jetant un coup d’œil vers son co-équipier, un air méditatif sur son visage basané, il devait sûrement réfléchir à un nouveau moyen de traquer et éliminer son ennemi juré. Était-ce vraiment le bon moment pour penser à cela ? Ses yeux, aussi verts que l’herbe réchauffée par le printemps, cherchaient refuge ailleurs, mais il n’y avait point d’endroit pour s’abriter, tous ses camarades restaient assidu pendant les funérailles. Cependant, elle restait de longues minutes à contempler le profil du beau brun fronçant les sourcils à côté d’elle. Comme dans son sommeil, il arborait cet air contrarié quand il était effrayé ou tracassé par quelque chose, lui conférant un charme indescriptible… Flairant qu’on le dévisageait, ses yeux émeraude croisèrent ceux de la coupable. Ce simple contact visuel teinta son visage fin et arrondi, contaminant aussitôt la demoiselle fuyant son regard pour se concentrer à nouveau sur la cérémonie.

Les frappes rapides et continues percutant la surface du tambour accéléraient son rythme cardiaque, la forçant à resserrer la mâchoire et rentrer la tête dans les épaules sur quelques secondes, avant que la dernière baguette heurte la membrane.

Flottant dans la brume, observant nerveusement ce qui l’entourait, Æsma contrôlait sa respiration, jusqu’à couper son souffle pendant un bref instant, par peur de gâcher la cérémonie.

Des militaires postés sur l’estrade levèrent leur instrument - posant deux, trois doigts sur les pistons et l’autre main sur la coulisse, plaçant l’embouchure au niveau de leurs lèvres - inspirèrent profondément avec leur ventre pour expirer l’air par leur bouche et souffler dans la trompette, laissant échapper des notes harmonieuses du pavillon. Pendant que le reste de l’armée chantonnèrent en chœur, la main sur le cœur, deux d’entre eux s’occupèrent à tirer sur la corde pour faire descendre le cercueil.

« Dans la paix et dans la guerre

Nous étions comme des frères. »

Des paroles que la demoiselle ne connaissaient pas, mimant silencieusement ses camarades continuant à chanter avec aisance la complainte :

« À quoi devons nous encore renoncer,

Pour libérer l’humanité ?

Mon cœur est déchiré. »

Tous arrêtèrent de fredonner laissant les clairons sonner quelques secondes avant de reprendre :

« Dévouons-nous  ! Dévouons-nous  ! Dévouons notre cœur.

Tous les sacrifices que nous avons réalisés étaient pour ce moment !

Dévouons-nous  ! Dévouons-nous  ! Dévouons notre cœur !

De nos propres mains, il est temps de se frayer un passage vers notre avenir ! »

Si Avenir existe, celui-ci est plus qu’incertain puisque l’ennemi possède plus d’une carte en main….

« Sacrifions-nous corps et âme,

Pour que les héritiers nous acclament.

De l’éther aux enfers,

Nous resterons frères.

Marchons à l’unisson.

Dévouons-nous  ! Dévouons-nous  ! Dévouons notre cœur !

Transformons nos vies éphémères par des flèches incandescentes.

Dévouons-nous  ! Dévouons-nous  ! Dévouons notre cœur !

De notre propre corps, formons un chemin digne de notre fierté !

Dévouons-nous  ! Dévouons-nous  ! Dévouons notre cœur !

De nos propres mains, il est temps de saisir notre victoire  !

Puisque l’extermination

Est notre seule option,

Avant que s’effondre notre monde,

Abattons tous ces êtres immondes.

Nos camarades sont vengés ! »

Un frisson parcouru l’échine de la blondinette lorsque le dernier écho se volatilisa dans les airs. Le silence régnait de nouveau et Traum reprit son souffle tandis que le cercueil foulait enfin la terre, dans le tombeau qui lui était dédié.

L’inhumation terminée, Historia Reiss revint sur le devant de la scène, avec le Général Zackley, Neil Dorke et Dot Pixis, annonçant implicitement la remise des décorations pour les rescapés de la reconquête du mur Maria.

Onze. Onze sur un peu plus de deux cents ont survécu à la bataille… Une victoire bien amère…

Le premier à passer n’était autre que le nouveau Major du Bataillon d’Exploration : Hanji Zoe. Encore aujourd’hui, la petite fille qui sommeillait encore chez Æsma, s’émerveillait en le voyant. Son cache-œil lui octroyait une prestance ne pouvant être égalé par ses prédécesseurs, ni par aucun autre être vivant. Le savant fou s’agenouilla face à Historia Reiss lui enfilant un cordon en cuir, qu’elle resserra minutieusement autour du cou du binoclard - qui après s’être fait décoré, déposa un baiser sur le dos de sa main.

Viens au tour du fidèle bras droit de l’ancien Major; et si tout se déroulait convenablement jusqu’à là, les choses se compliquaient pendant un bref instant quand le détenteur du Titan Assaillant resta clouer sur place pour une raison obscure, mettant mal à l’aise la Divine Bergère souhaitant récupérer sa main.

Si l’autre blonde ne bougeait pas d’un iota, gardant les mains derrière le dos, c’est parce qu’elle se mordait les joues intérieures pour garder contenance face à cette scène incongrue : qu’est-ce qui lui prenait ? Ne réagissant toujours pas, Eren ne reprit ses esprits seulement quand sa sœur adoptive le secoua pour qu’il lui laisse la place. Ce dernier se leva sèchement pour rejoindre les deux vétérans déjà décorés, gardant la tête baissée tout le long, jusqu’à temps qu’on évoque le prénom et nom de sa petite amie. Tout deux, s’échangeaient des regards, l’un confus, l’autre irritée, puis désarçonnée à force de sombrer dans la prunelle de ses yeux.

Répétant les mêmes gestes que ses collègues, Æsma reçu à son tour la médaille d’honneur. Orné d’un jaspe vert, à l’intérieur du médaillon ovale, se trouvait gravé l’emblème du Bataillon. Lorsqu’elle rejoignit l’autre groupe, elle continua d’observer la pierre, se mordant la lèvre inférieure, s’interrogeant - une boule au ventre - si elle le méritait vraiment.

Relevant la tête pour observer le Titan Assaillant avant de faire face au public, la bouche entrouverte, le sang d’Æsma circulait à la vitesse de la lumière dans ses veines, accélérant son rythme cardiaque, presque capable d’entendre son pouls, avant qu’il ne glace. Tout les organes internes se nouaient ou compressèrent chez la jeune femme lorsqu’elle braqua son regard sur sa mère - ici présente au milieu de la foule. D’habitude, elle prenait le temps de l’accuser de tous les maux de la terre, or l’ancienne amante du Major Erwin canalisait son intention sur un des Héros de la plus grande importance de Shiganshina - et vice-versa.

La cérémonie officiellement terminée, tous les individus quittèrent le lieu, à l’exception de certains qui souhaitaient se recueillir devant le mémorial, ne passant pas inaperçu pour la petite Traum, stopper dans sa marche.

Déglutissant péniblement, elle leva les yeux au ciel tentant de refouler certains souvenir dans un coin de sa tête, mais à la simple pensée de ceux-ci, son cerveau vacilla imaginant tous les scénarios possibles et inimaginable - rongés par l’envie et les remords. Elle se mordait la lèvre inférieure. Était-ce inconsciemment volontaire de sa part de ne pas se confier à ses supérieurs ou était-ce à cause de l’épée de Damoclès qui dansait sur sa tête qui la réduisait au silence ? Sinon pourquoi serait-elle ici à les surveiller ?

Désireuse de rebrousser chemin pour épier leur échange, une main se posa sur son bras, avec de petits mouvements circulaires : quémandant clairement toute son intention.

— Pas aujourd’hui, lui souffla Eren - suspicieux lorsqu’il regardait en direction de Livaï Ackerman et Jane Traum.

Étudiant les sages paroles de son petit-ami, Æsma regarda une nouvelle fois dans la même direction que lui, s’interrogeant sur le futur sujet de discussion des deux autres. Allait-elle lâcher des informations ou se montrer plus vicieuse maintenant que son ancien amour n’était plus ? Plus les secondes défilaient, plus l’exploratrice nageait entre deux eaux…

Le jeune Titan enroula son bras au niveau du bas de dos de la demoiselle, la forçant à marcher vers la ville.

— Qu’as-tu vu ? demanda Æsma - lorsque le silence lui semblait trop pesant.

Marchant main dans la main, les doigts entremêlés pour ne pas se perdre, le brun la contempla un air interrogatif, ne comprenant pas la question.
— Tout à l’heure, pendant la remise des médailles, tu avais l’air complètement ailleurs, souligna la blonde.

— Oh ça… articula le concerné relâchant son étreinte pour se perdre dans ses pensées - cachant ses mains dans les poches de sa veste. Je… difficile à dire… c’était assez flou. Beaucoup trop de visions dans l’instant.

— Hmm. Ou est-ce une excuse pour garder un contact physique avec notre magnifique reine ?

Clignant plusieurs fois les yeux, Eren observait sa camarade les yeux comme deux ronds de flan, ingurgitant les dernières informations donnés sillonnant difficilement les méandres de sa cervelle. Comprenant enfin à quoi, elle faisait allusion, il objecta aussitôt :
— Ce n’est pas ce que tu crois !

— Ah oui ? Alors explique-moi pourquoi tu passes beaucoup de temps avec elle ces derniers jours ? Rétorqua Æsma - regardant ailleurs, la moue boudeuse.

Remarquant qu’elle marchait seule, elle s’arrêta immédiatement pour se retourner. Le brun quelques mètres plus loin, cloué sur place, dissimulait son visage dans sa main gauche, se pinçant ensuite l’arête du nez. Un comportement qui provoqua soudainement un violent sentiment de panique chez la petite Traum - davantage quand le jeune homme ancra ses yeux dans les siens, avançant doucement dans sa direction. La blonde recula de quelques pas, effrayée par la suite.

En pleine dichotomie depuis des semaines, Eren enveloppa sa petite amie dans ses bras, ne lui laissant aucune échappatoire et enfouie sa tête au creux de son cou, humant le parfum fruité qui l’apaisait tant.

— Promets moi, quoi qu’il arrive, nous serons toujours ensemble, réclama le Titan.

— Hei…

— Je sais que j’ai une fâcheuse tendance à sur-réagir, mais je ne supporterais absolument que quelqu’un ou quelque chose nous sépare. C’est un peu égoïste de ma part, mais les huit ans qui me restent à vivre, j’aimerais les passer avec toi un maximum de temps.

Serrant les dents, la blonde se laissa doucement submerger par la tourmente, dans l’impossibilité de s’exprimer, évaluant consciencieusement chaque mot prononcé, prête à défaillir, ne comprenant que partiellement le désarroi de son compagnon. Treize ans ? Tout ça pour obtenir des pouvoirs démesurés sur l’ennemi ? Maudissant ainsi, toutes les générations, et ce, jusque pour l'éternité ? Voilà ce qui l’en coûtait lorsqu’on passait un pacte avec le diable… Il y avait autre chose, qu’elle en mettrait sa main à couper. Entre la visite de la cave, les hommages et la remise des médailles, couplés à son séjour en prison, le jeune Jäger semblait être hanté par ses démons antérieurs, mais lesquels ? Il se renfermait instinctivement dans sa coquille lorsque quelqu’un tentait d’aborder les réminiscences liées au Titan Assaillant et de l’Originel…

— Promets-le-moi, chuchotais à nouveau le Titan.

Pressant davantage la mâchoire, la gorge d’Æsma se noua de nouveau - impossible d’extérioriser ses sentiments. D’ailleurs, elle aimerait pouvoir lui dévoiler des informations accumulées au cours des derniers mois, le fil de ses pensées cheminant jusqu’à sa génitrice; ne sachant toujours pas dans quelle mesure elle pouvait lui faire confiance. Ces informations seraient sans nul doute utile pour le Bataillon, et surtout pour Eren - mais une force invisible l’empêchait de sortir un son quelconque dans sa bouche quand elle désirait se confier.

— Eren… Je te suivrais jusqu’au bout du monde, s’il le fallait, finit-elle par dire - le souffle coupé.


Texte publié par (In)Somnium, 25 mars 2022 à 10h49
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