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L'immense royaume de Toussapoile est connu pour l'abondance qui y règne, il y fait bon vivre, les jours ensoleillés s'enchaînent sans jamais avoir de pluie. Malgré cette particularité météorologique, les récoltes restent généreuses grâce à une foison de cours d'eau qui traverse le territoire. Chaque habitant y coule des jours heureux sans jamais avoir à se soucier de la faim. Aucune annonce publicitaire n'aurait pu faire mieux, et pourtant il n'y avait là nul mensonge. N'importe qui aurait tout plaqué pour venir y vivre, mais heureusement personne n'avait besoin de le faire puisque cet empire s'étendait sur la totalité du monde connu. Donc, logiquement tout aurait dû être pour le mieux, et il n'y aurait rien dû y avoir d'intéressant à raconter.

Néanmoins, il existait une personne à Toussapoile qui n'était pas heureuse. Car la population de ce beau pays avait une particularité. Ils naissaient tous avec un pouvoir spécial, cela pouvait aller de la simple pousse de cheveux à la création de flammes destructrices. Ces techniques avaient toutes un point commun : elles avaient besoin de l'astre solaire pour fonctionner. Sauf que cette malheureuse avait un don bien spécifique, et en décalage avec le reste du monde. Elle pouvait voler mais uniquement par temps de pluie. Autant dire que cela arrivait seulement les années bissextiles pendant une pleine lune entre 23h55 et 23h56.

Autant dire que la pauvre malchanceuse se retrouvait la plus faible de tous. Et ça, elle n'avait jamais pu s'y faire. Voir tout le monde utiliser librement le pouvoir qu'ils avaient reçu à la naissance, alors qu' elle-même étant cantonnée à une vie de banalité affligeante… Était tout simplement insoutenable. Chaque jour, chaque semaine, chaque année elle sentait un sombre sentiment grossir en elle jusqu'à prendre la place de toutes ses pensées. Elle voulait devenir la plus forte ! Elle voulait montrer à tous de quoi elle était capable ! Et pour ça, elle avait fomenté un plan. Un plan osé et particulièrement dangereux qui aurait fait pâlir les citoyens lambda de cet empire à la noix.

Un rire maléfique s’échappa de ses lèvres, accompagné par un miaulement inquiétant, qui firent retourner les bonnes gens sur leur passage. Elle les ignora sans peine, et continua son chemin, vers la première pierre à l’édifice de sa toute puissance. Après encore quelques minutes de marche au travers d’une ville aux façades bariolées, elle finit par atteindre une bicoque à l’écart. Entourée de fleurs poussant dans tous les sens, celle-ci donnait une impression sauvage, comme laissée à l’abandon. Elle craignit un instant que la propriétaire ait quitté les lieux malgré les rumeurs qu’elle avait entendues à son sujet. La jeune femme traversa le jardin, évitant les racines des grands saules pleureurs, les ronces de rosiers aux lourdes fleurs jaunes et oranges, avant de finialement atteindre la porte.

Celle-ci se démarquait par sa sobriété en décalage complet avec le reste de la maison qui semblait avoir été faite totalement au hasard : les fenêtres n’avaient pas toutes la même taille, et le toit n’était pas régulier sur toute la longueur. Son familier à ses côtés miaula brièvement pour lui donner du courage, lui permettant de toquer sans peur. Le battant s’ouvrit comme par magie sur un gouffre sombre.

— Il y a quelqu’un ? Appela-t-elle en tentant de ne pas laisser percevoir son inquiétude.

— Entre mon enfant…

Ainsi invitée, elle fit quelques pas hésitants avant d’entendre la porte claquer dans son dos, la faisant sursauter. Elle agrippa nerveusement la bandoulière de son sac, pendant que son familier se collait à ses jambes en feulant. Néanmoins, elle refoula sa peur au plus profond d’elle en se concentrant sur son objectif. Elle ne reculerait devant rien pour y parvenir !

Soudainement, une vive lumière l’éblouit.

— Qu’est-ce qui peut bien t’emmener dans mon humble demeure ? s'enquit une voix étonnamment chantante.

La nouvelle venue fut étonnée de tomber nez à nez avec une jeune femme à peine plus âgée qu’elle, aux pupilles émeraudes soulignée par un sourire impénétrable. Celle-ci se tenait nonchalamment assise à sa table, une tasse de thé dans la main et un cookie dans l’autre. En tant que cuisinière aguerrie, elle reconnut l’odeur de l’écorce d’orange et du citron. Après tout, elle cuisinait pour elle-même depuis toute petite, donc elle avait un odorat et un goût particulièrement développé. Enfin, elle s’égarait totalement…

— Euuh, vous êtes bien la célèbre sorcière qui peut exaucer n’importe quel vœu ?

— Il s’agit bien de ma personne, acquiesça-t-elle, mais appelle-moi Aslinn. Quel est ton nom, jeune enfant ?

— Vertefeuille, répondit-elle automatiquement sous la surprise du décalage entre l’apparence de son interlocutrice et sa façon de parler.

— Enchanté. J’attends.

Elle sursauta en se rappelant soudainement ce qu’elle était venue faire aussi loin de chez elle.

— Je veux que vous changiez la météo !

— C’est à dire ? Les yeux pétillèrent.

— Je veux qu’il pleuve tous les jours !

— C’est une bien curieuse demande… Mais soit ! Es-tu prête à en payer le prix ? Une fois que je l’aurai énoncé, tu seras engagée à remplir ta part du marché. C’est ainsi que mon pouvoir fonctionne.

— Bien sûr !

Elle serra ses poings avec conviction, espérant que sa détermination se partage à son interlocutrice. Le sourire de celle-ci s’accentua jusqu’à devenir gênant. Finalement, elle fit tourner son thé dans sa tasse sans plus se préoccuper d’elle. Vertefeuille se demanda un instant si elle ne l’avait pas oublié. La faiseuse de miracle avala soudainement le contenu devant elle avant de fracasser le récipient contre le sol. Enfin, elle observa le résultat ignorant le cri de surprise de la spectatrice, en fronçant les sourcils.

— Oui, ce n’est pas étonnant, commenta-t-elle.

— Vous lisez dans les débris de tasse de thé ?!

— Ça ? Du tout. Cette tasse me faisait horreur. Le cœur de la princesse, voici le prix que tu dois maintenant me payer.

Vertefeuille pâlit tandis que ses genoux se mirent à trembler, toutefois elle réussit à tenir bon. Sa préparation mentale n’avait pas été en vain. Après tout, elle s’était même préparé à devoir sacrifier ce qui lui était le plus cher (son familier), alors une inconnue ? Facile ! Le problème principal résidait plutôt dans la méthode d’obtention. Enfin, elle trouverait bien un moyen, d’une façon ou d’une autre.

— Très bien.

Elle sortit un couteau de sa besace, et posa la lame sur son bras.

— Qu’est-ce qui te passe par la tête ? S’étrangla Aslinn.

— Je me coupe pour signer le contrat avec mon sang, répondit-elle étonnée de sa réaction.

— Quelle idée saugrenue ! Je n’ai pas besoin d'un moyen aussi barbare. Non, tu as été engagée magiquement dès l’instant où tu as entendue la contrepartie.

La jeune femme déglutit, maintenant la réussite de son plan reposait sur ses épaules. Son familier miaula brièvement pour la soutenir.

— Un miaulement ?

Aslinn se pencha de sa table pour observer l’animal.

— Depuis quand les libellules miaulent ? S’étonna-t-elle.

Instantanément, les yeux de Vertefeuille semblèrent jaillir de leurs orbites et elle s’étrangla avec panique.

— Quelle libellule ?! Il n’y a que chat ici, Chat mon chat, assura-t-elle précipitamment en la regardant avec insistance et une bonne dose de désespoir.

La faiseuse de miracles plissa ses yeux mais voyant la transpiration qui s’accumulait sur le front de l’autre, elle finit par hausser les épaules. Dans sa ligne de métier, une des premières règles qu'elle avait apprises était de ne pas froisser les déséquilibrés.

— Si tu le dis. Allez, oust, j’ai un thé à prendre.

*

Comme ce monde était en paix perpétuelle, il n'y avait qu'une reine et sa famille, composée de ses trois concubins, sa fille aînée héritière du trône, et ses deux fils jumeaux plus jeunes. La souveraine ne donnait pas de signe de vieillir, donc la régence ne risquait pas de changer de si tôt. Les princes et la princesse ne faisaient que peu ou pas d’apparitions, leurs visages étant surtout connus grâce aux peintures affichées un peu partout à travers le pays. Au moins, ainsi, ils profitaient d’une enfance éloignée de la course à la couronne, et ne se pavanaient pas à outrance.

Vertefeuille n'éprouvait aucun remords à sacrifier une personne qu’elle ne connaissait pas et qui n’avait eu aucun impact sur sa vie. Il lui fallut presque une semaine de voyage pour atteindre le château royal. S’il avait plu, elle aurait pu faire le trajet en volant, mais ce traître de ciel n’avait pas fait mine une seule fois de se couvrir. Elle avait donc dû se résigner à voyager à pied, économisant son argent pour ses dépenses en nourriture et pour son logement. Pendant ce temps, elle tenta de réfléchir à un plan pour récupérer l’ingrédient nécessaire à sa suprématie. Les lieux devaient sûrement être terriblement bien gardés, une va nus pieds comme elle n’aurait aucune chance d’obtenir une entrevue avec la princesse. Beaucoup de citoyens se voyaient occuper des postes d’importances en fonction du pouvoir qu’ils avaient obtenus à la naissance, mais évidemment le sien n’avait aucune utilité pour qui que ce soit.

Son humeur s’obscurcit, alimentant sa détermination. Et, la chance finit par lui sourire de la manière la plus saugrenue et inattendue.

La jeune femme venait de louer une chambre dans un gîte tout proche du château (qui d’ailleurs ressemblait plus à un manoir qu’à une des ces aberrations architecturales avec murailles et pont-levis). L'auberge, quant à elle, était bien bâtie et entretenue, sa situation géographique attirant vraisemblablement une clientèle aisée. Alors que Vertefeuille descendait dans la salle principale, après avoir déposé ses affaires à l'étage, elle fut attirée par un grand panneau d'affichage en liège dans le fond de la pièce. Au vu du prix de la vie aussi près de la royauté, et comme elle ne savait pas combien de temps il lui faudrait pour kidnapper la princesse, trouver un travail pouvait donc devenir nécessaire. Même si encore une fois elle risquait d'avoir des difficultés à cause de son pouvoir inutile (pour l'instant !).

Au milieu des annonces pour retrouver des familiers perdus, elle en remarqua une plutôt étrange. Dessus, un dessin de tasse brillait avec exubérance, et Vertefeuille eut soudainement l'impression de voir Aslinn apparaître. Saisie d'une rage violente et irrépressible, elle arracha le bout de papier et le lança violemment au sol après l’avoir roulé en boule. Chat se jeta dessus et la poursuivit dans toute la salle avec des jappementsexcités. Sa maîtresse soupira longuement pour reprendre contenance, visiblement elle ne trouverait rien d'intéressant ici, mais elle pouvait toujours demander au tenancier si elle pouvait l'aider pour réduire ses frais de séjours. Au moment de se détourner, elle aperçut un morceau de papier avec une écriture fine presque timide. Cela semblait bien différent de la logique habituelle (plus c'est gros plus il y a de chance d'être remarqué), alors elle s'en approcha pour la lire.

Recherche cuisiner, si intéressé vous rendre au lieu indiqué sur le dos pour être testé.

Vertefeuille regarda à l'arrière et fut surprise de voir que le lieu du rendez-vous se trouvait dans une dépendance collée au domicile royale. Rien ne lui disait que cette annonce était toujours d'actualité, mais elle se devait de tenter sa chance. Après tout, sa seule compétence se trouvait être la cuisine.

Forte de sa résolution, la jeune femme débarqua dans ce qui ressemblait à une maison ordinaire à l'exception de sa position exceptionnelle. Le mur le plus à l'est de la dépendance était adjacent avec celui le plus à l'ouest du manoir. Se trouvant aussi près de sa cible, Vertefeuille tenta de l'apercevoir sans grands espoirs, et elle ne fut évidemment pas récompensée dans ses faibles attentes. Enfin, elle se demandait surtout à qui pouvait bien appartenir cette demeure. Elle fut encore plus intriguée quand en entrant à l'intérieur, après y avoir été invitée par un majordome, elle découvrit le décor le plus somptueux qu'elle n'ait jamais vu. Pendant une seconde, elle crut même être entrée au palais par erreur !

— Faites-moi voir cette annonce ! Intima une jeune femme à la longue chevelure multicolore.

Le majordome obéit prestement sous l’autorité impressionnante que dégageait l’intendante. Celle-ci avait une apparence et une attitude en total décalage avec le reste des lieux, elle ressemblait presque à une délinquante pourtant les autres personnes répondaient à la moindre de ses injonctions sans poser de question. Seule sa tenue lui donnait une apparence sérieuse, avec un grand tablier blanc intégrale, ainsi que ses cheveux attachés en un chignon professionnel. Vertefeuille en déduisit rapidement qu’elle se trouvait devant la gérante des lieux, peut-être même la propriétaire.

— Je ne peux pas y croire ! S’indigna finalement l’arc-en-ciel. Princesse ! Venez ici tout de suite !

Son cri failli la rendre sourde, et il lui fallut quelques secondes pour réaliser ce qu’elle venait d’entendre. Ce pouvait-il vraiment qu’il s’agisse de la personne qu’elle voulait voir ? Et qu’elle s'attendait à devoir pister pendant des jours voire des semaines ? Des bruits de pas précipités se firent entendre à l’étage, puis dans un escalier dissimulé, enfin une jeune femme arriva comme une furie dans la pièce principale. Son visage était rouge d’avoir couru, ses cheveux blonds volaient dans tous les sens, et sa tenue était totalement dépareillée et mal fagotée.

— Princesse, je suppose que vous n’avez pas laissé votre servante vous habiller, encore une fois, soupira la gérante en se pinçant le nez après avoir vu son apparence.

— Pourquoi faire ? De toute façon ce n’est pas comme si je pouvais sortir ! Rétorqua-t-elle en croisant les bras et gonflant les joues comme une enfant.

— Laissons ça de côté pour l’instant, décida la première après avoir hésité quelques secondes à insister. Regardez ce que vient de m’apporter cette inconnue ! C’est votre écriture, avouez-le !

La princesse sursauta au mot inconnue et ignorant totalement l’annonce qu’on lui agitait sous le nez, elle se mit à sautiller autour de Vertefeuille avec une excitation démesurée.

— Une nouvelle personne ! Youpi ! S’exclama la blonde avec hystérie. Vous venez d’où ? Comment vous vous appelez ? Vous allez rester ? Allez Miss Louna, dites oui ! Dites oui !

La nouvelle venue se mit rapidement à avoir le tourni, son cerveau incapable de suivre ce qui se passait. Son familier tenta de lui porter secours en miaulant avant d’entreprendre de mordre les chevilles de la princesse. Celle-ci s’arrêta net dans son élan avant d’observer avec curiosité l’animal à ses pieds. Il y eut un petit silence tendu.

— Un… Chat ? S’étonna-t-elle en s’agenouillant en penchant sa tête sur le côté.

Vertefeuille sentit des larmes couler sur ses joues après avoir entendu pour la première fois de sa vie quelqu’un comprendre son familier sans qu’elle n’ait besoin d’intervenir. Personne ne pouvait imaginer les heures sombres qu’elle devait passer à lui remonter le moral après chaque remarque déplacée qu’il entendait.

— Je peux le garder ?! S’écria soudainement la princesse en l’attrapant dans ses bras malgré ses cris de protestations.

— Vous ne pouvez pas prendre le familier de quelqu’un d’autre, pointa du doigt Louna qui semblait maintenant à deux doigts d’exploser.

— Mais le mien passe son temps à dormir ! Protesta-t-elle en pointant du doigt un chien allongé non loin sur un fauteuil.

Celui-ci, de petite taille, avait de longs poils orangés qui tombaient autour de lui comme une robe, il aboya faiblement en entendant sa maîtresse mais ne fit pas mine de bouger. La différence de comportement entre les deux étaient considérables et suscitait la sympathie, mais pas de Louna.

— Je pense que vous devriez prendre davantage exemple sur Carpette, répliqua celle-ci avec une expression convaincue.

— Non ! Je ne veux pas !

Vertefeuille sentit qu’il était temps qu’elle intervienne, car tout le monde l’avait visiblement oubliée et la conversation semblait partie pour durer encore longtemps.

— Et sinon pour l’annonce ?

— Ah oui, c’est vrai que je vous avais dit que vous pouviez toujours essayer de déposer une annonce, même si je pensais m’être assurée que vous n’ayez jamais de réponse, reconnut Louna. De toute façon, vous allez devoir commencer par une période d’essai avant que je ne décide si vous convenez comme cuisinière de la princesse.

La princesse parut sur le point de protester, mais s’abstient à la dernière seconde.

— Très bien, accepta Vertefeuille avant de se tourner vers sa nouvelle employeuse. Est-ce que je peux récupérer mon familier ?

— Non.

Et avant qu’elle n’ait eu le temps de protester, la voleuse disparut avec Chat dans les mains, son miaulement terrifié se répercuta dans toute la maison avant de s’arrêter, laissant un silence de plomb entre les trois employés. Le majordome n’avait rien dit depuis le début, visiblement habitué aux fresques de la princesse, tandis que Louna se contenta d’hausser les épaules.

— La cuisine est par là, indiqua-t-elle.

Evidemment, comme tout le monde, le lien avec son animal lui permettait de savoir en toutes circonstances s’il se portait bien, elle lui envoya une petite pensée compatissante en se disant que si la princesse se liait d’amitié avec lui, cela ne pourrait être que bénéfique à son plan diabolique.

*

Le soir après sa première journée de travail, Vertefeuille se jeta sur son lit et enfouie sa tête dans l’oreiller. L’épuisement tant physique que mental la terrassait. A côté d’elle, Chat se laissa aller avec autant de comédie, fatigué d’avoir été utilisé comme jouet par la princesse.

— Quelle journée…, soupira la jeune femme.

La fin de matinée avait été consacrée à la découverte des lieux et de leurs différentes règles. Elle avait découvert que Luna avait le pouvoir de faire chauffer ses mains ce qui se révélait bien pratique pour cuisiner. La jeune femme songea qu’une telle capacité serait drôlement efficace pour réussir les plats à la perfection. Chaque domestique avait son petit pouvoir, certains contrôlaient l’eau, d'autres le vent. Le majordome était même capable de voir à travers la porte.

Puis elle avait dû cuisiner son premier repas pour la princesse, qu’elle lui avait ensuite personnellement servi pour le dîner, après avoir observé la procédure à suivre durant le déjeuner. Elle pouvait encore voir l’expression émerveillée de son employeuse quand elle avait goûté à ce qu’elle avait préparé. En réalité, c’était la première fois qu’elle cuisinait pour quelqu’un d’autre qu’elle-même ou Chat, alors elle avait été un peu surprise par son succès. Au moins, maintenant elle avait sécurisé un emploi auprès de sa cible. Il ne lui restait plus qu’à gagner sa confiance, étudier le meilleur moment pour frapper, et enfin passer à l’action !

Vertefeuille s’endormit sur ces bonnes pensées, loin de se douter de ce qui allait suivre.

*

— Par le saint familier ! S’étrangla la princesse des étoiles dans les yeux. C’est tellement bon !

— N’exagérez pas, grommela la nouvelle cuisinière certaine d’avoir à faire à un manque d’honnêteté flagrant.

— Je suis sincère, assura-t-elle, votre cuisine n’a rien à voir avec celles des autres employées ! Elle est plus originale ? Comment dire… Elle a plus de goût !

— Si vous le dites…

Vertefeuille l’observa manger en poussant des exclamations ravies à intervalles réguliers. L’héritière du trône ne correspondait pas du tout à l’image qu’elle s’en était faite. Elle était franche, facilement émerveillée, presque rafraîchissante. Mais surtout, la jeune femme ne comprenait pas pourquoi elle ne vivait pas dans le palais avec le reste de la famille royale. Elle n’était pas particulièrement mondaine mais suivait suffisamment l’actualité pour affirmer que la princesse n’avait jamais été publiquement réprouvée par la royauté. La curiosité la démangeait, piquant le bout de sa langue. Néanmoins, elle ne se trouvait pas ici pour découvrir les secrets de leur reine, mais bien pour assouvir son propre dessin.

— Comment est la ville ? Fut-elle tirée de ses pensées.

— Pardon ?

— Dehors, comment est-ce ? Reformula la princesse sa fourchette vide suspendue dans les airs tandis que son regard restait accroché à la fenêtre donnait sur l’extérieur.

Elles se trouvaient dans la chambre princière, la table ayant été dressée en son milieu. L’interlocutrice chercha ses mots un moment.

— Vivant, je suppose, répondit-elle en haussant les épaules.

— Vivant ? Répéta la princesse avant d’éclater de rire. Il va falloir faire un peu plus d’efforts que cela !

— Je n’y peux rien, princesse, ou alors posez-moi des questions plus précises également, se renfrogna-t-elle.

— Pas de princesse entre nous, appelle-moi simplement Séraphine.

Vertefeuille faillit protester, avant de réaliser que se rapprocher de sa cible allait tout à fait dans le sens de son plan.

— Comme vous voulez pr… Séraphine.

— Enfin quelqu’un qui m’appelle par mon prénom ! Génial !

En la voyant effectuer une rapide danse de la victoire avant de se jeter à nouveau sur son repas, la cuisinière eut du mal à accepter qu’elles avaient sensiblement le même âge. La princesse se comportait avec tellement d’innocence !

Leur relation continua de s’approfondir, jusqu’à ce que Séraphine finisse par lui faire une place à sa table. Durant ces repas, Vertefeuille devait répondre à un nombre astronomique de questions les plus farfelues les unes que les autres, pourtant elle se trouva rapidement à se prendre au jeu et à l’apprécier plus que nécessaire. Et avant qu’elle ne le réalise, plusieurs mois s’écoulèrent.

*

Vertefeuille s’arrêta devant la porte de la chambre. Celle-ci avait été laissée entrouverte, lui permettant d’appercevoir la princesse en train de danser au rythme de la musique qui sortait du lecteur de disque posé sur un meuble. A chaque mouvement de l’ample robe de la jeune femme, celle-ci paraissait presque s’envoler. C’était une vision tellement enchanteresse qu’elle ne put en détacher son regard.

Chat miaula. Elle se jeta sur lui pour le faire taire mais le mal était fait. Quand elle redressa la tête, la princesse se tenait devant eux avec un petit sourire.

— Viens danser avec moi !

Elle se retrouva entraînée malgré elle dans un ballet dont elle ne connaissait pas les pas, pourtant au lieu de se sentir frustrée, elle se mit bientôt à rire avec sa comparse.

— C’est bien mieux à deux ! Statua Séraphine en se laissant tomber sur le fauteuil le plus proche.

L’autre jeune femme se contenta de sourire en reprenant son souffle.

— Pourquoi n’utilises-tu jamais ton pouvoir ?

La question la prit de cours.

— Tout le monde frime avec le leur, mais je ne t’ai jamais vu utiliser le tien.

— C’est parce que je ne peux l’utiliser que quand il pleut, avoua finalement Vertefeuille.

— Oh…

— Et vous ? Contre-attaqua-t-elle. Je ne vous ai jamais vu l’utiliser non plus.

La princesse eut l’expression d’une sourie prise sur le fait.

— Je n’ai pas de pouvoir, révéla-t-elle en passant une main dans ses cheveux, l’air gênée. Mais je n’en ai rien à faire ! Pas besoin de pouvoir, pour s’amuser ! Dansons encore !

Avant que Vertefeuille n’ait eu le temps de protester ou même de dire quoi que ce soit, elle se retrouva à nouveau entraînée par la princesse.

*

— J’aimerai tellement m’échapper de cet endroit, soupira doucement la princesse un soir.

Sa confidente se trouvait en train de débarrasser leur repas quand elle surprit sa plainte.

— Vous voulez aller vous promener ? interrogea Vertefeuille étonnée d’entendre des propos si mélancoliques.

— Oui, une promenade, pourquoi pas. Une longue promenade… De plusieurs jours, je n’en peux plus de cet endroit…

Son expression avait perdu son enthousiasme, et ses yeux bruns regardaient par la fenêtre avec un soupçon de tristesse qui mit Vertefeuille mal à l’aise. Elle hésita à l’inviter à aller faire un tour en ville quand la réalité la frappa avec la force d’une claque. Qu’est-ce qu’elle faisait ?! Voilà que se présentait la meilleure opportunité possible pour son plan parfait, et elle hésitait ?! Elle s’était ramollie ! Un sourire calculateur grandit démesurément sur son visage. Heureusement, seul Carpette s’en rendit compte mais le pauvre animal eut trop peur pour dire quoi que ce soit.

— Allons nous promener alors ! Proposa Vertefeuille avec un enthousiasme inhabituel qui malheureusement n’inquiéta pas sa victime.

Les yeux brillant de Séraphine la transpercèrent sur place, mais son masque tient bon. Une toute petite partie d’elle se pinça en se voyant ainsi profiter de son innocence mais ses souvenirs l’écrasèrent sans pitié. Sa nouvelle vie lui tendait les bras, une chance d’être enfin reconnue !

— Miss Louna n'acceptera jamais, précisa-t-elle en regardant le sol sans espoir.

— Pas besoin de lui demander son autorisation. Et ne vous inquiétez pas, je serai votre garde du corps !

L'expression de la princesse s'illumine tandis que son visage se parait d'un sourire éclatant.

— D’accord ! Laissez moi juste prendre quelques affaires !

Vertefeuille dut se protéger les yeux devant autant de luminosité tandis que sa cible entreprenait de vider la totalité de ses placards dans un minuscule sac.

— P-Séraphine… Je suppose que nous voulons faire ça discrètement, alors pourquoi essayez de prendre l’intégralité de votre garde robe ? Vous comptez partir pour le restant de vos jours ?

— Mais… Et si jamais j’avais besoin de tout cela ?

— Je ne pense pas que vous ayez besoin de cinq paires de chaussures, ni de dix robes différentes, et encore moins de vos bijoux ! Si vous voulez vraiment partir avec moi, il va falloir vous contenter de ce que je vous dirai.

La mort dans l’âme, la princesse obéit. Néanmoins, quand elle dut retirer sa robe rose fushia avec des paillettes qui brillait dans le noir, elle crut défaillir. Elle se tourna vers sa tortionnaire, sa lèvre inférieure tremblante et des larmes dans les yeux. Vertefeuille tenta d’être brave. Chat lui faisait le coup presque tous les jours, elle pouvait résister ! Sauf que le visage de la jeune femme n’avait rien à voir avec celui de son familier. Elle semblait avoir une puissance décuplée, sa façon de la regarder avec intensité, son visage rond, ses grands yeux…

— Raaah ! D'accord, gardez-là !

Vertefeuille tenta de se rassurer en se disant qu’au moins elle avait réussi à tenir trois secondes, son honneur était sauf.

— Attendez moi devant la porte des cuisines, après le coucher du soleil.

Séraphine opina joyeusement du chef, les joues rouges et les yeux brillants. Et elle avait toujours la même expression quand elles se retrouvèrent le soir même. Heureusement, personne ne soupçonnait la princesse capable d'une telle action, et elles purent ainsi facilement s’échapper du manoir. La complice avait tout de même pris avec elle une cape noire à capuche pour dissimuler sa compagne des yeux indiscrets. Son plan consistait à lui faire quitter la ville dès que possible, et de voyager rapidement jusqu’à Aslinn. Ensuite, son vœu serait exaucé, et enfin elle obtiendrait la vie dont elle rêvait depuis toujours !

Plongée dans ses pensées, elle remarqua seulement au bout de plusieurs secondes que la princesse ne se trouvait plus à ses côtés. Son visage devient livide tandis qu’elle se mit à la chercher frénétiquement, sauf qu’elle se trouvait dans la rue principale de la ville, qui s’avérait engorgée d’étales en tous genres, et d’une foule de badauds profitant tranquillement de leur soirée. Autour d’eux, les lanternes projetaient faiblement une lumière jaunâtre sur les pavés. Vertefeuille faillit appeler son prénom, mais elle se retient in extremis, ne voulant pas attirer l’attention sur elles.

Elle s’insulta mentalement pendant sa recherche précipitée, comment avait-elle pu laisser échapper une telle chance ? Et si quelqu’un avait déjà reconnu la princesse et l’avait kidnappée ? L’idée de voir la jeune femme malmenée l’inscita à chercher avec encore plus d’ardeur. Chat partit en éclaireur, courant plus facilement entre les jambes des passants qui ignoraient tout de leur détresse. De longues minutes s’écoulèrent, et l’inquiétude commença à tétaniser la jeune femme.

Enfin, alors qu’elle commençait à songer à faire appel aux gardes de la ville pour l’aider, Chat revient vers elle. Il se mit à miauler avec insistance pour qu’elle le suive, et ils se retrouvèrent rapidement devant une étale à bijoux où un client semblait faire des misères au vendeur.

— Quoi ? Vous voulez me faire payer ? Vous savez qui je suis ?! S’indigna-t-elle.

Vertefeuille reconnut sans peine Séraphine. Son cœur s’arrêta de battre quand elle réalisa qu’elle s’apprêtait à révéler son identité. Sans réfléchir, elle se précipita et l’arrêta en posant une main sur sa bouche.

— Je suis désolée, mon amie est très fatiguée, s’excusa-t-elle platement. Combien vaut ce collier ?

— 10 pièces d’or, lâcha le vendeur les lèvres pincées tout en fusillant du regard la princesse.

— Tenez, lui tendit-elle sans chercher à marchander.

Dès qu’elle eut récupéré la marchandise, elle tira la princesse derrière elle jusqu’à ce qu’elles se retrouvent à l’écart des oreilles indiscrètes.

— A quoi vous pensiez ?! S’emporta Vertefeuille qui sentait la colère prendre la place de l’inquiétude. Et si quelqu’un vous avez enlevé ? Vous auriez pu vous faire tuer!

Elle ne réalisait même pas à quel point ses propos étaient hypocrites, ses émotions semblaient alimentées sans fin par le souvenir de son angoisse précédente.

— Je… Je suis désolée, s’excusa Séraphine en baissant les yeux.

— Vos exc-

Elle s’arrêta net en voyant de grosses larmes couler sur les joues de la princesse qui gardait la tête baissée sans dire un mot. Son humeur se refroidit instantanément.

— Que… Que ça ne se reproduise plus, soupira-t-elle finalement incapable de continuer à s’en prendre à elle, tenez votre collier. Maintenant, ne lâchez plus ma main.

— Merci !

L'héritière se dépêcha d’accrocher son nouveau bijou avant de prendre la main tendue devant elle. Les deux jeunes femmes reprirent leur route. L’une regardait autour d’elle avec méfiance, tandis que la seconde s’émerveillait devant chaque nouvelle échoppe. Vertefeuille espérait quitter la ville dans l’heure, pour mettre le plus de distance possible entre elles et ceux qui ne tarderaient pas à se lancer à leur recherche dès qu’ils s'apercevraient de la disparition de la princesse.

— Est-ce que nous pouvons goûter ce mets ? Demanda Séraphine dont les yeux rouges s’effaçaient devant son sourire innocent.

— … D’accord.

Étonnamment, même la cuisinière finit par oublier qu’elles étaient pressées. Elles passèrent la soirée et une partie du début de la nuit à goûter à toutes les échoppes. La jeune royale donnait l’impression de n’avoir jamais mis les pieds dehors, et la regarder s'extasier devant chaque nouvel objet faisait oublier le reste du monde à sa comparse.

Finalement, la lune se trouvait déjà haut dans le ciel quand Vertefeuille regarda la ville s’éloigner au loin. Elle avait payé un paysan pour les conduire à la prochaine ville, celui-ci voyageait même de nuit pour gagner du temps sur ses prochaines ventes. Assise le dos contre le bord, elle baissa son regard sur la blonde endormie dont la tête reposait sur ses jambes. Sa respiration était lente et calme, l’écouter la berça doucement jusqu’au sommeil.

*

Il fallait presque deux semaines pour retourner à la demeure d’Aslinn. Elles en mirent quatre. Chaque nouvelle étape suscitait l’excitation de Séraphine, et sa compagne se retrouvait incapable de la priver de quoi que ce soit. Heureusement, elles ne manquaient pas d’argent grâce aux possessions de la princesse qui valaient une petite fortune à elles seules. Le regard qu’elle portait sur le monde était bien différent de ce dont Vertefeuille avait l’habitude. Et à chaque fois qu’elle se disait qu’elle devrait se dépêcher de la livrer à sa sentence, elle se rassurait en se disant qu’elle pouvait bien lui accorder un dernier jour de liberté.

Après tout, elle était déterminée mais pas cruelle. Elles partageaient chaque instant de leurs journées, discutant de toutes leurs découvertes et de leur programme du jour suivant. La princesse restait tout le temps enjouée, réussissant le tour de force d’égayer également sa compagne. Pendant tout leur trajet, ce fut Vertefeuille qui s’occupa de les nourrir, et chaque repas elle recevait des éloges dignes d’un héros ayant pourfendu un démon. Cela l’amusait grandement car elle restait persuadée que son amie exagérait toujours ses propos.

— Toutes ces fleurs ! C’est magnifique ! s'extasia Séraphine en pointant du doigt une maison sur le côté.

Elles venaient d’arriver dans une nouvelle ville, et comme à leur habitude, elles commençaient par faire un tour tranquillement avant de chercher une place où passer la nuit. Vertefeuille sourit en l’entendant s’exclamer, puis elle tourna la tête dans la direction indiquée. Les plantes semblaient pousser dans n’importe quel sens, totalement laissées à l’abandon autour d’une demeure tout aussi anarchique. L’expression de la jeune femme se figea quand elle réalisa où elles se trouvaient.

— Je vous attendais mes enfants…

Aslinn se tenait debout sur le perron de sa maison, une tasse de thé à la main. L’odeur d’écorce d’orange et du citron lui parvient jusqu’à la rue où elles se trouvaient.

— Vous nous connaissez ? S’étonna la blonde sans se douter qu’elle s’adressait à son futur bourreau.

— Evidemment. Entrez donc, j’ai fait du thé…

La princesse hésita mais en voyant que Vertefeuille s’avançait déjà dans le jardin, elle la suivit sans hésiter. Elle tenta d’attraper sa main, comme à leur habitude, mais l’autre ne ralentit pas une seule seconde. Une fois à l’intérieur, elle les retrouva assises autour d’une vieille table en bois massif.

— Asseyez-vous princesse, l’invita l’inconnue. Buvez ce thé.

L’étrange femme ne la quittait pas des yeux ce qui la mit légèrement mal à l’aise. De son côté, la voleuse par temps de pluie attendait que le miracle opère. Elle avait rempli sa part du marché, d’un instant à l’autre, elle deviendrait la personne la plus puissante du monde. Mais pourquoi diable Aslinn prenait-elle autant de temps pour effectuer son miracle ?

— Buvons ! Les encouragea l’hôte.

Les deux jeunes femmes s’éxécutèrent plus ou moins à contre-coeur. Il y avait quelque chose dans l'intonation de celle-ci qui les poussait à obéir sans réfléchir.

— Bien, maintenant que nous avons bien bu, retournons dehors.

Comprenant que le moment arrivait enfin, Vertefeuille sauta sur ses pieds et la suivit avec précipitation. C’était presque comme si elle avait oublié la présence de Séraphine à ses côtés. Ou plutôt, elle n’était devenue qu’une ombre dans la périphérie de sa vision. Son existence appartenait déjà au passé.

Le soleil brillait encore dans le ciel, mais des nuages gris commençaient à s’agglutiner.

— Laissons la magie opérer, prophétisa Aslinn en fermant à moitié ses paupières pour observer les deux jeunes femmes.

La brunette arriva en première, une expression extatique sur le visage en voyant le temps qui changeait déjà. Elle pouvait même percevoir l’humidité qui grimpait en flèche autour d’elles. Enfin, la blonde arriva à son tour, elle attrapa les mains de son amie avec un petit cri de victoire.

— Enfin ! S’exclama-t-elle avec un grand sourire.

Vertefeuille se retourna vers elle avec surprise, pour voir une goutte de pluie s’écraser sur son visage rond. La seconde suivante, une averse monumentale leur tomba dessus. En un instant, elles étaient trempées jusqu’aux os. La plus puissante du monde sentit le pouvoir monter en elle, déferlant avec la force d’une tempête. Ses pieds commencèrent même à décoller du sol tellement la magie débordait de tout son corps. Même Chat s’envola à ses côtés tandis que Séraphine les regardait les yeux écarquillés.

— Ta magie Vertefeuille ! C’est génial ! S’exclama-t-elle.

Ses bras se tendirent vers le haut alors qu’elle tenait toujours ses mains dans les siennes, un grand sourire sur le visage. L’autre ne comprenait pas pourquoi sa victime vivait toujours, mais une part d’elle se réjouit avec une force aveugle. Peut-être qu’elle avait mal compris la demande d’Aslinn, peut-être qu’elle n’avait pas besoin de mourir après tout ! Tous ses souvenirs en compagnie de la princesse déferlèrent avec autant d’énergie que son pouvoir, et elle devient totalement grisée à l’idée de pouvoir continuer sa vie à ses côtés. Un autre sentiment se trouva alors libéré dans sa poitrine et dans son cœur.

— Séraphine je-

Les bras de la princesse devinrent flasques. Elle ne s’écroula pas au sol uniquement parce que Vertefeuille lui tenait toujours les mains.Elle arrêta tout simplement de respirer en la voyant retenue comme une poupée sans fils.

— Aslinn ? Qu’est-ce qu’il se passe ? S’inquiéta-t-elle la pluie dégoulinant sur son visage. Est-ce que c’est vous ? Qu’avez vous fait ?

— D’où viennent de telles accusations ? Répliqua celle-ci sans expression.

— Vous aviez dit que vous vouliez son coeur ! La reprit Vertefeuille folle de rage.

— Et tu me l’as emmené.

La colère de la jeune femme se retourna contre elle, et elle hurla de rage face à sa propre incohérence. Elle avait enfin ce qu’elle voulait, alors pourquoi s’en prenait-t-elle maintenant à sa bienfaitrice ? Pourtant, elle ne pouvait pas non plus se résoudre à lâcher Séraphine, elle la hissa dans ses bras, et la serra de toutes ses forces contre sa poitrine.

— Son cœur ! Vous l’avez tuée ! Sanglota-t-elle.

— Encore ces accusations… Je n’ai fait que récupérer la semence que tu as plantée, Vertefeuille. L’amour que la princesse ressentait pour toi.

La plus puissante se figea, une mélange d’espoir et de désespoir déferlant sur elle, sans que la pluie ne réussisse à l’en laver.

— Mais… Alors ? Pourquoi ne se réveille-t-elle pas ? Si ce n’était que des sentiments ?

— Il y avait une autre bénédiction, lui révéla Aslinn en buvant dans sa tasse de thé malgré la météo.

— Une bénédiction ? Mais elle est morte !

Le crier ne rendit la réalité que plus lourde à porter tandis que la rigidité du corps dans ses bras devient presque insupportable.

— Comme elle aurait dû l’être. Il n’y a pas de mal à vous le révéler maintenant. La reine est venue me demander une bénédiction il y a plus de vingt ans. Sa petite fille était mourante. En échange de ne pas pouvoir sortir par jour de pluie, j’ai pu lui sauver la vie.

— Mais ça n’a aucun sens !! S’égosilla Vertefeuille désespérée.

— La magie n’a pas besoin de faire sens.

La jeune femme regarda le visage éteint de Séraphine, cela ne semblait pas normal, pas juste. Elle devait encore sourire, rire, s’extasier. Mais pourquoi avait-elle tellement de remords maintenant ? Pourquoi continuer de vivre sans elle devenait si difficile alors qu’à peine un instant avant elle la sacrifiait sans aucune hésitation ?! Elle revit l’expression sincèrement soulagée de la blonde en voyant sa magie, savait-elle déjà à ce moment-là que sa vie allait finir ? L’eau tentait de laver ses souvenirs, ses sensations, pourtant elle avait l’impression d’encore sentir ses mains dans les siennes…

Lentement, les pieds de Vertefeuille descendirent pour toucher le sol. Elle déposa doucement le corps de son amie en protégeant son visage des intempéries en se penchant au-dessus. Chat vient blottir sa tête dans le cou froid de la princesse. Quelle idiote faisait-elle, réalisa finalement la voleuse.

— Vous lui avez déjà sauvé la vie, faites-le à nouveau, demanda-t-elle finalement.

— Je pourrai à nouveau changer la météo, supposa Aslinn. Mais tu redeviendras comme avant.

— Tant pis ! Être puissante ne sert à rien sans elle !

Après tout, elle pouvait se contenter de voler seulement un jour ou deux par an. Elle l’avait bien déjà fait toute sa vie…

— Toutefois, la princesse n’a plus rien à m’offrir.

— Que voulez-vous ? S’empressa désespérément Vertefeuille.

— Ta magie.

Sa bouche s'agrandit. Elle baissa la tête.

— Faites le.


Texte publié par Mizumi, 21 mars 2022 à 12h34
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