Dans la pénombre, brutalement reconnecter à la réalité – yeux écarquillés, gorge desséchée, respiration saccadée – Eziel examinait ses mains complètement immaculées.
Fiévreux, il se caressa le ventre, gardant en mémoire la sensation de la lame se planter précisément entre son flanc et la région ombilicale –la douleur tellement insoutenable l'obligeait à se recroqueviller sur lui-même, pendant un bref instant.
Déglutissant avec difficulté, il restait encore atterré par le cauchemar qu'il venait de faire, Jamais l’un ne d’eux, ne lui avait paru autant réaliste que celui-ci, découvrant ce qu'endurait sa jumelle. À cette simple pensée, voilà que le frêle jeune homme qu'il était tremblait comme une feuille.
Toutefois, son cerveau pleinement actif l'aidait à rationaliser, retraçant ses activités des dernières semaines, il ne voyait aucun rapport avec son cauchemar. Rien de mémorable – concluant que son cerveau avait tout simplement une imagination débordante. Pris d'un léger spasme, une partie de lui s'attardait longuement sur les bribes de souvenirs qui subsistaient : une cabane en bois dans une clairière, des enfants en pleurs et un fou furieux. Quelle signification pouvait-il y avoir derrière tout ça ?
Redressé dans son le lit, tirant sur le col de son t-shirt, une grimace se dessina sur son visage : il n'y avait pas plus désagréable que de toucher un vêtement plein de sueur – et que dire des draps trempés ?
Les neurones complètement fonctionnels permirent enfin au garçon de percevoir les hurlements résonner dans l'appartement. Tout en se questionnant depuis quand sa jumelle cauchemardait, il s'extirpa de son lit et se hâta de sortir de sa chambre.
Prêt à entrer, il se figea - frappé par un éclair de lucidité - se demandant s'il était bien sage de réveiller sa jumelle dans sa torpeur. Il se rappelait son tout dernier essai : peur et agressivité n'ont jamais été aussi exacerbées ce jour-là et il en avait fait les frais.
Demeurant encore un long moment au seuil de la porte, il relâcha la poignée renonçant à toute tentative désastreuse. Or, le cri effroyable poussé par sa sœur l'obligea à entrer dans la pièce.
Allumant la lumière, le spectacle qui s'offrait à lui le paralysa. Ordinairement, les personnes lambda se débattaient dans leur lit, Eliah n'en faisant pas exception, mais que dire quand cette dernière se contorsionnait dans tous les sens, comme si une force invisible la manipulait à sa guise ?
« Eliah » voulait-il crier, sa gorge se resserrait tellement qu'il lui était impossible de simplement d'ouvrir la bouche. Il n'y avait pas plus effrayant et oppressant pour le jumeau que de rester sans pouvoir rien faire, à l'observer les yeux démesurément ouverts. Son nez le démangeait, les larmes montaient. Il ferma les yeux et se pinça la bouche, convaincu qu'il était encore bloqué dans un mauvais rêve, mais après cinq minutes d'attente, il devait accepter de faire face à la réalité et de trouver une solution pour se sortir de là.
Pour venir en aide, il devait d'abord se détendre, chose peu aisée dans ces conditions, mais il réussit à persuader son esprit que rien ne l'entravait. De cet état de fait, le voilà de nouveau libre de tout mouvement, il se précipita vers le lit, attrapant sa jumelle par les épaules :
– Eliah, réveille-toi, tu es en plein cauchemar ! gueula-t-il, la secouant.
Par un merveilleux hasard, on l'aida à s'échapper du joug de son agresseur, la tirant irrémédiablement de ses songes.
Éveillée, la première chose qu'Eliah vit était son frère : une mine affreuse sur son visage, presque terrorisé. Se redressant, poussant son jumeau à une certaine distance afin de conserver sa zone de confort, elle se massa le crâne comprenant ce qui le rendait inquiet. Même si elle y avait pensé, elle n'avait pas anticipé qu’il interviendrait, réalisant tardivement – lorsque ce dernier dévia son regard - que la plaquette de médocs se trouvait encore en évidence sur la table de chevet.
Le regard d'Eziel exprimait à lui seul une multitude de questionnements, se muant en un verdict hâtif et tranchant. À peine allait-il prendre la parole, qu'on frappa férocement à la porte d'entrée. Le voisin ne tardait pas à cogner plus fort, contraignant le jeune homme à se lever pour aller ouvrir.
La mâchoire crispée, regardant son jumeau quitter les lieux, Eliah inspira puis expira bruyamment lorsqu'elle se retrouva seule, ramenant ses jambes, les collant à son buste pour y enrouler ses bras et enfouir sa tête, cognant son front plusieurs fois contre les genoux.
« Putain de merde » maugréa-t-elle.
Tandis que le voisin menaçait d'appeler les flics et qu'Eziel tentait de l'apaiser, la demoiselle se débarrassait des couvertures pour sortir de sa couche, puis s'échauffa pour détendre ses muscles et surtout apaiser sa conscience avant de faire face à un interrogatoire. Alors qu'elle s'étira, les bras en l'air, elle ressentit de la chaleur dans son dos, plus précisément une sensation de brûlure au niveau de la dorsale droite quand elle travailla les obliques. Étonnée et curieuse, elle souleva son débardeur. Son teint blanchâtre se liquéfiait, tandis que ses lèvres oscillaient et que ses yeux devenaient humides, elle effleura du bout des doigts - toute tremblante- l'égratignure marquer sur sa peau. Terrifiant.
Entendant la porte claquer, Eliah remit en place le pan de son haut, rabattant quelques mèches de cheveux derrière ses oreilles, et resta plantée devant son miroir, attendant nerveusement qu'Eziel revienne.
Celui-ci s'arrêta à l'entrée de la chambre et appuya son épaule contre l'encadrement, les bras croisés, dévisageant sans scrupule ce qui lui servait de sœur, attendant des explications. Illico presto.
Hein ? Qu'est-ce qu'il a foutu, s'interrogea la jeune femme, remarquant l'énorme trace de sueur sur le t-shirt de son frère.
– Ne me sors pas d'excuse bidon, dit Eziel d'un ton menaçant –constatant que la sœur gardait le silence qui se frottait machinalement le bras. À quand exactement remontent tes terreurs nocturnes ?!
Se mordillant frénétiquement la lèvre inférieure, Eliah serra les poings réfléchissant à une réponse, mais il lui était impossible de déterminer une date, puis elle était bien trop obnubilée par son tout dernier rêve. Si le précédent lui avait paru des plus réalistes, celui-ci dépassait l'entendement. Fébrile, elle se souvenait avec exactitude ce qui s'était passé dans son cauchemar et souhaitait à nouveau vérifier si elle était oui ou non, victime d'une hallucination. Elle voyait et sentait encore, les griffes de son assaillant érafler sa peau précisément là où elle avait encore mal. Loin de croire au paranormal, un frisson parcourut son échine à l'idée que ses mauvais rêves puissent prendre forme...
– Encore hier, tu me soutenais que tu ne prenais rien, pesta son frère - visiblement contrarié au ton de sa voix.
Eziel se trouvait vers la table de nuit, inspectant minutieusement le contenu de la boîte, la notice dans l'autre main.
– Surtout ces merdes-là. Tu sais que tu es naturellement sujette aux effets secondaires.
– Je n'avais pas d'autre solution sous la main...
– Bien sûr que si, coupa-t-il. Quand est-ce que tu vas finir par te foutre dans le crâne, que consulter un psy n'est pas la signification de faiblesse ?!
Piquée au vif, la sœur se contenta de se mordre la langue avant de rétorquer :
– C n’est pas parce que cela t'a aidé à une époque que ça fonctionnera pour moi. Ce n'est pas parce qu'on est lié par le sang, qu'on doit faire tout pareil.
– Quel est le putain de rapport ? S'agaça l'autre. Tout ce que je souhaite, c'est que tu ne retombes pas dans certains travers, est-ce trop demandé ?! Si papa et maman l'apprennent...
– Ils n'en seront rien, objectait la jumelle. Je suis assez grande pour savoir ce que je fais. Je comprends tes inquiétudes, mais j'avais grandement besoin de me reposer.
– En te bourrant de somnifères ?
Eziel ouvrit le tiroir de la table, découvrant d'autres boîtes de somnifère.
– Hé, je ne te permets pas, s'approcha Eliah, énervé qu'on fouille dans ses affaires.
– Bordel, il avait raison.
– Qui ça « il » ?
Eziel ne répondit rien, rendant plus furax la blonde.
– Qui ça «IL» ? répéta-t-elle.
– Personne. Maintenant, si tu me permets, je vais prendre tout ça et les jeter.
– Quoi ? Mais non ! s'injuria Eliah – se saisissant de l'avant-bras de son frère. Fais ça et je...
– «Je » quoi ? Tu vas me frapper, répliqua Eziel, haussant d'un ton.
Eliah libéra brusquement Eziel, déconcerté par ce qu'il venait de dire –restant silencieux, cela ne l'empêcha pas de se confondre en excuse. Les jumeaux se regardaient en chiens de faïence, perdus chacun dans leur propre tourment.
– Eliah...souffla le garçon, arborant une expression plutôt morose. Si tu commences à me mentir et à garder tes problèmes au fond du placard, les choses vont tôt ou tard resurgir et ne feront que s'empirer. On a à peine entamé le sujet hier et peut-être que je me trompe, mais j'aimerais sincèrement que tu y réfléchisses...
La sœur, ne cachant pas son exaspération, souffla lui permettant de faire face à son aîné :
– Ce que tu peux être pénible, mais d'accord... Je songerais à prendre rendez-vous. Mais je te préviens, avant que tu ne sautes de joie. Si, je ne le sens pas, je stoppe tout et ça s'arrête ici. Tu ne peux pas me forcer à faire quelque chose dont je n'ai pas envie.
Même si la réponse ne lui plaisait guère, Eziel hocha la tête. Si sa jumelle était encline à accepter un compromis, il devait aussi consentir à sa part du marché.
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