Il succomba à la mort.
Cependant, sa psychique demeurait intacte, rendant sa perception ondoyante.
Eziel ouvrit péniblement les yeux pour entrevoir ce qui l'attendait.
Était-ce là, la vision des limbes ? Le néant ?
Dans un immense espace vide, où l'obscurité régentait les lieux, il ne sentait plus aucun membre de son corps, empêchant tout mouvement – à moins que cela soit son état apathique qui le privait de toute action.
Serait-il devenu une âme en perdition ?
Si tout semblait nébuleux, il était en mesure de dire – ou plutôt de penser – qu'il flottait.
La seconde suivante, une décharge électrique s'empara de lui, réhabilitant ses cinq sens.
Or, ce moment très court lui paraissait abominablement long. En une fraction, il sentait et visionnait parfaitement bien les particules s'organiser pour modeler, un à un, ses os, se rigidifiant et s'arrimant l'un à l'autre pour former une structure parfaite, permettant ainsi, à ses muscles de se matérialiser et s'étirer convenablement pour envelopper son squelette. Dans la même phase, le reste de ses organes s'allongeaient, se contractaient, se gonflaient, diffusant une douleur incoercible.
S'il pouvait à nouveau recouvrer les membres de son corps, il lui était encore impossible d'en faire usage. Impossible de fermer les paupières, de serrer les dents pour mieux supporter la douleur. Impossible de bouger pour se défaire du calvaire. Impossible d'émettre un cri pour exprimer la souffrance qui le consumait.
À la dernière mesure, le supplice cessa immédiatement.
Apte à se mouvoir de nouveau, son corps n'était pas exempt de la gravité. Dégringolant aussitôt dans un puits sans fond, espérant atterrir sur un point de non-retour.
D'ailleurs, comment était-il arrivé là ? Il ne s'en souvenait plus. Toutefois, il gardait en mémoire sa dernière conversation avec sa sœur, se disant qu'il n'obtiendrait jamais de réponse à ses questions. Il n'aurait même pas pu lui dire au revoir, ni à elle ni à leur parent.
Entraîné dans le gouffre, Eziel abaissa les paupières embrassant le funeste destin.
La chute s'éternisait.
La vitesse restait constante.
Quelle situation absconse...
À cette allure, il avait le temps de penser à mille-et-une choses, mais son cerveau n'était pas en état, bien trop distrait par sa condition actuelle.
À mesure qu'il s'évanouissait dans les abysses, l'air se faisait plus glacial.
Son voyage, touchait-il enfin à sa fin ?
Pensant s'écraser sur un terrain pétré, son dos heurta un liquide, s'enfoncer à l'intérieur de celui-ci. L'instant d'après il tomba dans le vide à nouveau.
Dans son malheur, la chute fut de courte durée.
Atterrissant lourdement sur le sol, Eziel se contorsionna – une douleur lancinante dans le dos. Se retournant à plat ventre, les mains sur une couche terreuse, il ouvrit péniblement un œil : après les ténèbres vient la lumière.
S'il demeurait immobile, trop incommodé pour se mouvoir, il se contentait d'observer le cadre naturel qui s'offrait à lui.
Toujours dans une forêt, où il avait miraculeusement échoué, la première chose qu'il nota était le changement de saison. Si des feuilles s'accrochaient férocement sur les ramilles, la majorité jonchait le terrain, laissant un libre accès à un seul et unique chemin. Teinté des couleurs chaudes de l'automne, il n'y avait pas une trace d'humidité, le climat était plutôt cordial avec son brin de soleil – ses rayons perforant les anfractuosités des houppiers.
Laissant échapper un gémissement dès le premier geste, ce n'était pas une raison pour se laisser abattre. Ce n'est pas tous les jours qu'on survivait à une telle débâcle, mais quelle galère pour se relever. Ses bras et ses jambes tremblaient, peinant à le faire tenir en équilibre. Force est de constater qu'il était impossible de se mettre debout. Enfin, pour le moment.
Parvenant quand même à se mettre en position de tailleur, le blond posa sa main droite au niveau de genoux, la colonne légèrement fléchie, examinant les alentours. À première vue, le lieu était banal. Sans pouvoir l'expliquer, l'endroit lui était familier. Si seulement il pouvait marcher.
Les bras croisés, il ressassait le passé : des balades dans les bois, il y en avait toujours eu – rien de saillant. Alors pourquoi cette sensation de déjà-vu ? Pourquoi se sentait-il angoissé ? Son cœur et son instinct se coordonnaient pour le mettre en alerte. Peut-être était-ce simplement dû aux récents événements ? D'ailleurs, comment s'était-il retrouvé là-bas, puis ici ? C'est à rien n'y comprendre !
De toute manière, ce n'est pas en s'attardant ici qu'il obtiendrait une quelconque réponse.
Déterminé à bouger, il parvint enfin à tenir debout.
Pivotant la tête de gauche à droite, il s'interrogea sur le chemin à suivre et son intuition le mena tout bonnement sur le côté éclairé de la forêt.
Marchant précautionneusement sur la route, avec l'envie de s'égarer, il s'évertua tant bien que mal à ne pas sortir du droit chemin – chaque recoin se ressemblait, il n'y avait pas donc grand intérêt de s'y intéresser, se persuada-t-il.
Le voilà déjà face à une impasse. Une bifurcation se présentait à Eziel – se voyant contraint de choisir l'une des deux voies. Laquelle ? Gauche ou droite ? Appréhendant sa future destination, il analysa chacune d'elles. En toute logique, l'être humain opterait pour la droite, un parcours usuel, mais quand quelqu'un veut aller à l'essentiel, il choisirait la gauche, car souvent plus rapide. Et s'il fallait penser l'inverse ? Bon sang, pourquoi ne suivait-il pas tout simplement le chemin le plus éclairé ?
Se frappant le front, Eziel tourna à gauche et avança d'un pas plus décidé.
Le paysage ne changeait guère. Quelques taillis, buissons et troncs couchés tapissaient en supplément le décor.
Alors qu'il arpentait, un craquement l'alerta, provoquant la cohue dans son cœur, au point de le paralyser. Par automatisme, il vérifia autour de lui avant de vérifier sous ses pieds, réalisant qu'il avait simplement marché sur une branche.
« Pas de quoi se mettre dans tous ses états... » marmonna-t-il, s'injuriant silencieusement.
Doucement, les feuilles, suivis des branches, commencèrent à vibrer au gré du vent. Si le son était encore éloigné, le sifflement s'approchait dangereusement. Au loin, Eziel apercevait les feuilles mortes voltiger et à peine eut-il le temps de se cacher le visage, une bourrasque le frappa de plein fouet – se faisant sauvagement agresser par cette masse de verdure.
L'assaut terminé, d'un revers de main, il s'essuya le visage, notamment aux endroits où il avait mal. Cet amas de feuilles était parvenu à entailler son visage, mais aussi ses mains quand il examina ces dernières.
« Heureusement que je porte un sweat et un jean... » pensa-t-il, quelque peu nerveux.
Si sa raison lui implorait de rebrousser chemin, son instinct lui criait tout le contraire. Que faire ? Probablement annonciateur de grand danger, il ne pouvait pas se permettre de s'arrêter en si bon chemin – quel qu'en soit la raison !
Progressant péniblement sur un sentier périlleux sur une bonne trentaine de minutes, Eziel atteignit le carrefour.
« Putain ! » pesta-t-il – voilà qu'il se retrouvait avec une troisième alternative.
Cette fois-ci, il ne médita pas sur la meilleure voie à prendre et continua tout droit et au vu du vent qui cherchait à le stopper, il considéra qu'il était sur le bon chemin.
Arrivé à destination, Eziel se retrouva à l'orée du bois, un terrain bétonné qui se poursuivait, son horizon se dissimulant dans la brume.
Traversant le brouillard, il se heurta à un cul-de-sac – un long et grand mur lui faisant obstacle. Alors qu'il tourna la tête pour regarder derrière lui, il ne voyait plus la forêt. Déglutissant difficilement sa salive, il fit de nouveau face au mur, posant instinctivement sa main sur la pierre drôlement froide. La température de ce lieu paraissait normale.
Devant à tout prix poursuivre son chemin, peu importe où il devait se rendre, il longea l'obstacle.
Ne percevant que le bruit infime de ses chaussures piétinant le sol, le silence régnait en maître dans ce désert nébuleux.
Au fur et à mesure qu'il évoluait dans l'étendue voilée, rien ne changeait. Combien de temps errait-il ici, tel un funambule ? Se demanda-t-il s'arrêtant aussitôt, comprenant que quelque chose ne tournait pas rond.
– Enfin, tu saisis, résonna une voix au-dessus de lui - son écho se rependant dans l'entièreté de la surface. Les humains de nos jours, n'en font qu'à leur tête.
Ne sachant pas d'où provenait cette voix caverneuse, le bruit strident d'un métal raclant le sol lui indiquait partiellement sa position – supposant que l'individu devait se trouver encore à bonne distance.
Visiblement, ce n'était vraiment pas son jour de chance.
Bien que la peur le tiraillât, le blond recula prudemment sans faire de bruit, tentant même de contrôler le rythme de sa respiration. Écoutant attentivement, le son de l'objet rasant méchamment le sol, il contourna légèrement, pensant pouvoir revenir en arrière.
Les jambes légèrement fléchies, avançant toujours discrètement, Eziel priait pour retrouver les bois, espérant pouvoir s'y cacher. Une chose est sûre, il s'éloignait de ce psychopathe souhaitant probablement le tuer. Une fois certain d'être à bonne distance, il prit ses jambes à son cou et un petit halo lumineux émergea doucement dans son champ d'horizon. Il se tapa un sprint, arrivant miraculeusement vers la forêt.
Essoufflé, il se stoppa net à la lisière pour cracher ses poumons. Secouant vivement la tête de gauche à droite, il ne pouvait se permettre de faire une halte – pas maintenant. Haletant bruyamment, il essuya de sa manche, la sueur de son visage, et repris sa course – la vélocité en moins.
S'aventurant de nouveau dans la flore sauvage, se souvenant parfaitement des sentiers empruntés, quand il arriva à l'intersection, il continua tout droit et savait qu'il devait bifurquer sur la droite au prochain croisement. Toutefois, après une bonne heure à trottiner, aucun point d'embranchement ne se trouvait dans sa ligne de mire, l'obligeant à ralentir le pas.
Tout pantelant, le blond s'écroula, peinant à respirer.
« Bordel de merde » cracha-t-il – le poing cognant la terre.
Alors que sa situation devenait UNE FOIS DE PLUS calamiteuse, une petite brise chatouilla son visage, l'obligeant à relever la tête.
Déconcerté, il se releva mollement pour faire face à une petite clairière – une maisonnette en bois brûlé et presque décharné au centre de celle-ci.
Sans avoir le temps de se questionner sur la façon dont il était arrivé ici, des geignements d'enfants s'élevèrent de la cabane.
Terrifié à l'idée que des mômes ont pu être kidnappés, il se hâta instinctivement vers l'ancienne chaumière.
À peine franchissait-il le pas de la porte, qu'il eut un mouvement de recul, esquivant in extremis une grande lame courbée plantée dans l'encadrement de la porte. Cette dernière n'était pas munie d'un manche en bois, mais d'un grand anneau de jonction bien solide, entremêlé à une longue chaîne en acier. Suivant des yeux le fil formé par les maillons sur quelques mètres, à l'extrémité de la laisse métallique enroulant le poignet - appartenant à un sinistre personnage – plausiblement l'individu de tout à l'heure.
Un homme, semble-t-il, l'observait, la tête couverte d'un sac de jute épousant la forme de son visage – ne permettant pas au blondinet de percevoir une quelconque expression. Ce dernier était vêtu d'un vieil uniforme de soldat délabré et encrassé par la terre et de la cendre. Si sa tenue était similaire à celui d'un soldat de l'armée de terre, il portait un casque à crête et sans visière, datant du Moyen-âge. Il remarqua également que ce dernier portait autour du cou, une corde, similaire à ceux qu'on mettait aux pendus. Drôle d'accoutrement...
Le pseudomilitaire déplaça sa jambe droite un peu plus en arrière, et d'un mouvement bras – celui envelopper de la chaîne – tira pour ramener son arme à lui. Lorsque la lame s'extrayait de la cloison, une bonne partie de la corde se rembobinait autour de son avant-bras, laissant tomber lourdement la lame sur le sol.
Laissant échapper un hoquet, Eziel voulut saisir la poignée, mais renonça aussitôt lorsque le combattant se mit à marcher vers lui. Malgré la menace, il ne se résolut pas à abandonner les bambins qui pleuraient à l'intérieur de la petite maison.
Le prédateur exécuta une nouvelle attaque, loupant de peu sa proie. Il lâcha un grognement de mécontentement. Néanmoins, la lame avait éraflé la pommette du blond sans qu'aucun d'eux ne s'en aperçoive.
D'ailleurs, Eziel ne savait pas d'où lui venait ses réflexes, déduisant la seconde d'après que l'adrénaline et l'instinct de survie lui conféraient probablement certaines aptitudes – jusqu'à là endormi chez un être humain.
– Abandonne gamin, somma le soldat.
– Jamais... maugréa entre ses dents le blond, pour camoufler sa voix chevrotante.
Toutefois, il ne pouvait pas rester planter là non plus. Réfléchissant à un moyen de se sortir de ce pétrin, sans pour autant se résigner à sauver les enfants, il feinta la fuite pour se cacher derrière la maison en bois.
Fort heureusement pour lui, le soldat ne se pressa pas pour le suivre, il ne restait qu'à savoir s'il arrivait de son côté ou de l'autre. Supposant que le criminel pensait comme lui, il était possible qu'il surgisse d'où il venait, mais qu'il chercherait à le tromper et donc l'attendrait patiemment de l'autre côté.
Or, ce ne fut pas le cas, levant naïvement la tête, l'individu - sans le moindre bruit – se trouvait déjà sur le toit, surveillant le bon moment pour passer à l'offense.
Alors que ses bottes atterrissaient pesamment sur la terre, le soldat empoigna sans transition la gorge du blondinet, le soulevant sans difficulté.
L'observant de plus près, Eziel vit qu'il ne portait pas un sac de jute sur la tête. Non, il discerna des morceaux de tissus par-ci, par-là, cousu à même la peau. Les points de suture semblaient être récents, en vue du sang à peine sec.
– Je t'ai donné maintes occasions de déguerpir. Tu ne me laisses pas le choix.
Alors qu'Eziel se débattait – en vain – le soldat enfonça farouchement la lame dans son abdomen. Un liquide sombre et brillant jaillit de sa bouche, laissant un goût métallique sur le palais et la langue.
– Et que je ne t'y reprenne pas sale mioche, s'écria-t-il.
Agonisant de douleur, la vision du jeune homme se brouilla peu à peu. Il commençait à avoir froid. Il entendait le soldat lui proférer des menaces, lui hurlant même dessus. Pourquoi ? Il ne comprenait pas ce que l'autre lui disait, son ouïe s'affaiblissait aussi.
Luttant tant bien que mal pour rester en vie, Eziel finit par s'évanouir, ne gardant en bribe ces dernières paroles :
– Réveil-toi !
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