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saison 1, Chapitre 1 « Futilité » saison 1, Chapitre 1

Le pantalon en cuir, patiné avec le temps, dévoilait le galbe de son ravissant fessier. Les personnes dans la rue se retournaient irrémédiablement pour l'admirer. Le ténébreux, arborant deux intenses pupilles vertes, n'y prêta aucunement attention. Casque de moto en main, concentrée sur son objectif, il traversa le passage piéton pour atteindre quelques mètres plus loin le lieu de rendez-vous.

⎮BEERGROUND⎮

Toujours à l'extérieur du bâtiment, il dégaina son smartphone pour vérifier l'heure.

« Rien de grave » se disait le retardataire, ignorant volontairement le nombre faramineux de notifications sur son écran.

Portable de nouveau rangé, il poussa un long et profond soupir, à la limite du désarroi, avant de pousser les portes de ce bâtiment construit dans de la vieille pierre.

À peine franchit-il la porte d'entrée que quelqu'un au fond du bar l'interpellait : « Stan, par ici ! ». Il reconnut entre mille cette voix tonitruante et fut forcé de tourner les yeux dans sa direction. Un grand gaillard au teint caramel balançait ses bras comme un dératé. Ce dernier était accompagné de quelques-uns de leur camarade.

Stanley se pinça l'arête du nez. Les clients n'affluaient pas encore à cette heure-ci, pourquoi diable Karim se mettait en scène ainsi ? À cette allure, il risquerait de griller leur couverture.

Il souffla, quelque peu dépité, et commença à se diriger vers son acolyte. Or, sur le chemin, son épaule heurta celui d'un autre individu. Les poils de Stan se hérissaient aussitôt quand il perçut son odeur, mais il se contenta de s'excuser - tout comme cet homme. Tous deux se jetèrent un coup d'œil placide, puis ils repartirent chacun de leur côté.

— Tu es en retard, souligna Karim.

Stanley prit place, avant de lui répondre :

— Gérer une entreprise n'est pas de tout repos.

— Peut-être bien, intervint un de leur ami. Mais c'pas la première fois que tu nous poses des lapins. On aimerait te voir plus souvent !

Albin était déjà éméché et ce n'était pas le seul. Le groupe - maintenant au complet - ne l'avait pas attendu pour débuter les hostilités.

Coudes posés sur la table, le menton enfoui dans la main, il sirotait tranquillement le fond de sa pinte, balayant la salle pleine à craquer du regard.

Au fond du bar étaient disposées trois tables de billard fabriquées dans un bois massif. De vieux motards y jouaient, buvant fièrement leur breuvage. Quelques mètres plus loin, quelques-uns de leurs collègues jouaient aux fléchettes, proches du gros pilier d'acier. Situés à l'extrémité de vieux barbouzes, se trouvaient chez les étudiants, rigolant, assis sur de vieux canapés en cuir usé. Peu d'entre eux fréquentaient l'endroit. Une grande mixité se trouvait parmi le personnel, comptant de charmantes serveuses et barmaids, notamment cette petite rousse voluptueuse, pimpante de sensualité. Le ténébreux se sentait parfaitement à son aise dans cet environnement.

Même s'il était dans son élément, Stan restait sur ses gardes. Depuis son arrivée dans la région, réputée pour ses vins et sa moutarde, il remarquait, avec surprise, que la ville n'était pas autant infestée que prévu, mais il avait noté que ce lieu était imprégné de leurs odeurs.

Perdu dans ses pensées, il ne remarqua pas la serveuse débarrassée les verres et prendre leur commande. Karim l'extirpa de ses songes, désignant la demoiselle quelque peu nerveuse, face à son visage revêche.

Sa première impression ne fut qu'éphémère lorsqu'il se plongea dans son regard hétérochrome, doté d'une froideur qu'il ne serait qualifié de bon ou de mauvais. Il lui était impossible de détacher son regard du sien. Sans parler du parfum qui l'enveloppait...

La serveuse réitéra sa question, mettant fin à cet envoûtement. Enfin, presque. Il se focalisa sur la forme de sa bouche naturellement pulpeuse.

Il lui était aisé de voir à travers la carapace de la jeune femme :

— Je vous prendrais le Gishiki, s'il vous plaît, répondit-il - sans l'ombre d'une hésitation, lui offrant un sourire des plus charmeurs.

Alors que la charmante demoiselle continuait de faire le tour des tables, Stanley ne la quittait pas des yeux une seule seconde, épiant tous ses faits et gestes. Il était même prêt à bondir vers, si elle venait à s'évanouir, mais elle semblait tenir bon.

Une bonne vingtaine de minutes s'étaient écoulées avant qu'il ne se fasse servir sa boisson. Il en profita pour renifler à nouveau – et le plus discrètement possible. Il ne s'était pas trompé. L'odeur qui enveloppait la demoiselle n'était pas la sienne. Alors qu'il cherchait vainement à qui associer cette odeur démoniaque, la serveuse était déjà partie.

Son acolyte lui murmura, afin que seul lui entende :

— Toi, tu as flairé quelque chose.

Stan se contenta de jeter un rapide coup d'œil à son collègue et se replongea dans ses pensées, soudainement obsédé par cette blonde aux yeux vairons, réfléchissant à un moyen de se rapprocher d'elle.

*****

Face au motard, Eliah sentit ses joues chauffées. Cependant, elle ne pouvait se laisser à la contemplation de ce beau visage et draguer sur son lieu de travail n'était pas envisageable - à quelques exceptions près... Elle se racla la gorge pour reprendre ses esprits :

– C'est bien noté. Je m'excuse par avance pour le retard ce soir, je finis de prendre les autres commandes et apporte vos boissons le plus rapidement possible, dit-elle – avant de tourner à 180° et quitter à la hâte la table de ces messieurs.

La soirée ne faisait que commencer pour Eliah et elle se sentait déjà exténuée. Ces derniers temps, ses nuits étaient accompagnées par un nombre incalculable de cauchemars et ne l'aidaient guère à se reposer. Cependant, elle relativisait en repensant à son ordonnance. Elle avait réussi à trouver un médecin lui ayant prescrit des somnifères - assez forts pour faire dormir un pachyderme. Elle espérait dès ce soir, ne plus être troublée pendant son sommeil, mais aussi ne plus se cogner contre les meubles – sinon, comment expliquer les hématomes sur son corps ?

Il ne lui restait plus qu'une dernière table : celle de Léandre et Jessy, les deux meilleurs potes de son frère jumeau – fraîchement arrivé. Si le premier était un habitué, il était rare de voir le second sortir de sa tanière en dehors de ses heures de boulot.

— Vous ici, dit Eliah, un sourire aux lèvres – probablement à moitié sincère quand elle posa son regard sur celui qui portait des lunettes.

— Salut ma belle, répondit Léandre.

Le rouquin esquissa un sourire malicieux sachant pertinemment qu'Eliah détestait qu'on la nomme ainsi. Il adorait taquiner autrui :

— Tu as vu, j'ai sorti notre homme des cavernes de sa grotte, ajouta-t-il – une tape dans le dos de Jessy.

Le concerné lâcha un grognement, réajusta sa paire de lunettes et salua la jeune femme sans grande conviction.

Eliah ne put retenir son haussement de sourcil et se mordit la lèvre inférieure. Visiblement, elle ne saura jamais comment fonctionne ce mec. Un véritable lunatique.

– Oh d'ailleurs, Eziel rentre ce soir ! Il va probablement vouloir nous rejoindre... dis Léandre d'une voix enjouée – regardant dans le même temps la carte des boissons.

— Non, coupa Eliah. On a discuté tout à l'heure...

Elle marqua une pause, avec le sentiment étrange d'être épiée.

— Son stage n'a pas été de tout repos. Il va rentrer directement se pieuter.

Elle balaya rapidement la salle du regard et reprit :

— De toute façon, on a prévu de se faire une sortie au centre commercial mercredi.

— Ah oui, avec les super nanas ! se moqua Léandre.

Les Super Nanas – comme le roux aimait les nommer - étaient le groupe de filles dans lequel Eliah se trouvait depuis le lycée. Même si chacune de ses amies avait emprunté des chemins différents, il n'était pas rare de les voir ensemble pendant leurs jours de repos ou de congés communes.

— Oui et mon invitation tient toujours. Elles ont hâte de vous revoir. Bref, passons aux choses sérieuses. Qu'est-ce que vous voulez boire ?

Sans surprise, Léandre opta pour le pet de dieux. Jessy était quant à lui toujours hésitant. Ce dernier inclina légèrement la tête sur le côté, fronça les sourcils, puis regarda Eliah droit dans les yeux – comme s'il voulait en découdre avec elle.

Un air suspicieux se dessina sur le visage d'Eliah, jusqu'à ce que le jeune homme s'exprime pour lui demander la triple du moment. Eliah resta pantoise, avant d'incliner la tête et se diriger au bar.

Comme à chacune de leurs rencontres, elle ne savait jamais comment se comporter avec lui. Si la plupart du temps, elle se torturait l'esprit à son sujet, ce soir, elle préférait se concentrer sur ce mec aux yeux verts, carrément séduisant !

Le travail terminé, Eliah se dépêcha de se changer – enfin, elle se contenta d'enfiler son écharpe et sa veste. De toute manière, les vestiaires étaient petits et mixtes.

Théophile s'accouda au casier voisin, observant sa collègue scruter son portable :

— Tu n'as pas arrêté ce soir. J'ai bien cru un moment que tu allais t'évanouir. Tout va bien ?

Eliah l'observa en silence, avant de réussir à décrocher un mot.

— Mouais, répondit Eliah.

Eliah se massa les tempes, laissant un long soupir s'échapper.

— J'admets qu'entre les gros week-ends de rush et les soirées étudiantes, je suis fatiguée.

Si seulement ce n'était que ça, pensa-t-elle.

De nouveau, elle était en proie aux cauchemars, bien différents et plus éreintants qu'à l'accoutumée. Ces mauvais rêves étaient survenus de façon inopinée. Et comment expliquer les séquelles qu'elle gardait à chaque réveil ?

Elle n'osait en parler à ses amis, même les plus proches. Elle ne se voyait pas en discuter à un psy, de peur de se faire interner et n'en voyait pas l'intérêt. Elle pourrait se confier à Eziel, mais ce dernier risquerait de se faire du mouron - son jumeau étant quelqu'un d'assez anxieux. Concernant ses parents, elle préférait ne pas y songer, s'imaginant parfaitement leurs réactions - un peu trop surprotecteurs.

— J'ai juste besoin de décompresser un peu.

— Comme je te comprends, je crois qu'on est tous dans le même état en ce moment...

Théo se décolla du casier, ajoutant :

— Oh maintenant que j'y pense ! Mon coloc ne sera pas là de la semaine. Enfin, il est parti ce week-end et...

Eliah inclina la tête à droite, arquant un sourcil, comprenant à la seconde suivante ce que le jeune homme allait lui demander.

— Si tu veux, on peut se faire un petit after... chez moi... En plus, ma bagnole est réparée, je pourrais te ramener. Sauf, si tu veux rester dormir, auquel cas...

— Pas ce soir ! Le coupa Eliah. Mon frère vient de rentrer de son stage. Malgré la fatigue, je doute qu'il se soit endormi. Et je n'ai qu'une seule hâte, c'est de passer du temps avec lui.

Eliah effleura ses lèvres de son index.

— Peut-être une autre fois, ajouta-t-elle d'une voix enjôleuse.

Ou pas, pensa-t-elle.

— Hmpf, je comprends, répondit son collègue - se massant la nuque. Eh bien, je te souhaite une bonne soirée et repose-toi bien.

Ce dernier prit aussitôt la poudre d'escampette.

À l'extérieur, Eliah commença à pester à l'encontre de son collègue. Si au départ, ils s'étaient mis d'accord pour une nuit, sans lendemain, il semblerait que mÔssieur ne souhaite pas respectée sa part du marché. Une colère noire s'empara d'elle. Une colère plutôt dirigée contre elle, que lui. Elle s'en voulait d'avoir cédé facilement à la tentation, alors qu'elle savait pertinemment que coucher avec un collègue pouvait créer un conflit.

Continuant de bougonner dans sa barbe, une moto de l'autre côté de la rue attisa sa curiosité. Son pilote était à côté, dos à elle. Il semblait être en pleine conversation téléphonique. Elle commença à plisser les yeux pour mieux le scruter. À croire qu'ouvrir la bouche en cul de poule l'aiderait à améliorer sa vision. À ses yeux, elle bénéficiait d'une très bonne vue pour mater le « joli p'tit cul ».

Le concerné raccrocha et se tourna dans sa direction. Prises en flagrant délit, ses joues s'empourprèrent irrémédiablement quand elle reconnut le beau ténébreux. Elle pivota légèrement, comme pour se cacher.

Seigneur, Jésus, Marie, Joseph ! Il m'a vu admirer son merveilleux et sublime fessier ! Il risque grandement de se méprendre sur mon compte ! cria-t-elle dans son for intérieur.

– Je suis une âme pure et innocente, lâcha-t-elle.

Une autre silhouette – tapi dans l'ombre – pouvait voir le spectacle et semblait même amusée de la voir gesticuler ainsi. La personne finit par sortir, effleurant du bout de son index sa lèvre inférieure et décida de s'annoncer :

– Permets-moi d'en douter.

Eliah identifia immédiatement cette voix masculine. Elle se retourna, un sourire béat sur son minois et se jeta au cou de son nouvel interlocuteur.

– Eziel !

Cette accolade perturba un peu l'homme, qui finit par la prendre aussi dans ses bras.

– Woh, quel accueil ! Je ne pensais pas t'avoir manqué autant, se moqua-t-il

Si l'obscurité régnait dans la ville, il restait possible – grâce aux lampadaires - de voir quelques mèches blondes dépassées du bonnet du garçon. Et si l’on avait l'occasion de les voir côte à côte, aucun doute sur les liens qui les unissaient. Quasiment identiques, les jumeaux étaient diamétralement opposés en termes de genre. On aurait pris le plus grand, pour faire un copié-collé, inversé à l'horizontale, réduisant légèrement la taille de la sœur.

Eliah huma l'écharpe de son frère, effaçant tous ces tracas des semaines écoulées en son absence.

— Tu as bu ? Demanda Eziel - reniflant sa sœur.

— Deux, trois verres, pas plus, répondit-elle espiègle.

Eliah se montrait toujours protectrice. Eziel avait beau être une tête de linotte, il savait très bien se débrouiller seul, mais la jumelle jouait encore la mère poule et comme ce soir, elle réajusta l'écharpe de son frère pour qu'il n'attrape pas froid.

Cet imbécile a tendance à tomber malade, se disait-elle – au grand désespoir d'Eziel qui savait comment pensait et fonctionner sa sœur.


Texte publié par (In)Somnium, 16 mars 2022 à 09h39
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