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saison 1, Chapitre 9 « Hallucination - Part III » saison 1, Chapitre 9

Bifurquant dans les rues, à la seconde où elle arrivait vers le premier square, elle se pressa pour se poser sur un banc et vérifier à plusieurs reprises les contacts de son smartphone, complètement paralysée en lisant le prénom de la première personne à appeler en cas de pépin : Stanley.

Elle observa sur le fleuve qui longeait le square, un couple de cygne et leurs cygnons sortant de l’eau afin de se nourrir. Ils ne devraient pas tarder à migrer pour se rapprocher des las et estuaires, avec d’autres de leurs congénères…

Une énième fois, elle regarda son écran. Songeuse, Eliah conclut qu'il ne fallait pas bousculer le cours du temps et renonça à envoyer un message, profitant des rayons de soleil réchauffant le contour de son visage.

Enfouissant la tête dans les mains, elle soupira : « si même un inconnu le dit... ». Repensant au propos de Stan, qui, comme un commun accord, soutenait plus ou moins le discours de son frère.

Son minois exaspéré laissa place à un faciès décrépit, lâchant un petit rire nerveux. Depuis quand se laissait-elle influencer par autrui ? Qui était Stanley pour se permettre autant de familiarité ? Néanmoins, elle ne pouvait nier l'existence d'une connexion particulière entre eux - et à cette simple pensée, Eliah se frappa le crâne, se punissant pour penser à de telles inepties.

Tapotant ses joues, la demoiselle ravala un zeste d'énergie, retrouvant son courage à deux mains pour se bouger les fesses et passer une journée à errer sans but précis, oubliant avec une facilité déconcertante les consignes données par ce très beau gérant de salon de thé.

Eliah avait une furieuse envie de consommer, mais rien ne lui plaisait pendant qu'elle se baladait de magasin en magasin. Au moins, elle pouvait se féliciter de ne pas succomber à n'importe quelle tentation, aussi futile qu’elle soit.

Au cours de la journée, le ciel s'assombrit annonçant une terrible averse apparaissant dans les minutes qui se succédèrent, forçant la blonde à s'abriter sous la première toiture qui s'offrait à elle. Pour y accéder, il fallait entrer dans une cour, d'une superficie moyenne, recouverte partiellement de verdure. Pour accéder sous le porche de l'édifice, il fallait gravir un des trois petits escaliers en pierre, menant chacune à une porte - pour les extrémités, celle du centre en possédait deux, séparée également par un pilier, mais d’une taille moins conséquente, servant de socle pour une statue d'ange.

Si rien n'était gravé sur le bois, les anciens avaient sculpté la pierre de la cloison et la voûte de l'arche. Eliah trouvait ça joli, mais n'était pas sensible à l'histoire que cette dernière pouvait raconter et entra directement par l'une des portes à moitié entrouvertes.

Pas un rat ne déambulait dans l'église, outre trois croyants assis et disséminés dans la nef.

À minima respectueuse pour ces individus, elle marcha à pas de loup autour de la grande salle, contemplant l'architecture et ses vitraux. Même si elle ne comprenait pas qu'à leur époque, il y avait encore des gens pour croire à un être supérieur, peu importe la religion, elle ne dédaigna pas la beauté de ces monuments historiques.

Avançant vers la croisée du transept, elle percevait mieux ce qui se passait sur chaque côté, découvrant un quatrième individu admirant un tableau accroché sur le mur du croisillon de droite.

Pas loin d'un bon mètre quatre-vingt, doté d'une chevelure dorée et légèrement bouclée, cette silhouette - vêtu d'un manteau assez long et unie - lui était familière. Pas qu'un peu. Lorsque l'homme se retourna, son visage s'illumina d'un sourire bienveillant.

— Bonjour Eliah.

Malgré l'inexistence de soleil, la lumière qui transperçait les carreaux colorés, lui conférait une aura - si elle osait le dire - quasi surnaturelle. Surtout quand il dévoilait ses yeux azur au grand public. Si les anges existaient, il en serait la parfaite incarnation.

— Monsieur Flec, chuchota Eliah - saluant l'homme qui la suivait du regard jusqu'à ce qu'ils soient au même niveau.

— Appelle-moi Uri s'il te plaît, allégua-t-il.

Eliah baragouinait, trop surprise de le voir ici, mais visiblement, l'homme comprenait sa langue.

— Surprenant, n'est-ce pas ? Pourtant, ce n'est pas si fantastique que cela. Un homme de science se doit toujours de rester ouvert d'esprit, sourit le fameux Uri.

— J'ai peut-être aussi tendance à oublier que croyant n'est pas synonyme de pratiquant, souligna Eliah - un petit air espiègle.

S'il avait répondu à sa question, sa curiosité n'était pourtant pas assouvie, elle observa la peinture devant laquelle il semblait s'émerveiller.

— C'est une réplique de l'original, annonça Uri contemplatif - mais attentif à son interlocutrice, dont il remarquait des gouttes d'eau éparses sur ses cheveux et vêtements. Elle couvre le plafond entier d'un des plus grands châteaux phares de notre pays. L'auteur de cette œuvre voulait rivaliser avec Michel-Ange et Rubens.

Remarquant le silence de son interlocutrice, qui semblait l'écouter avec naïveté, il ajouta :

— Tu vois la créature ? Il possède sept têtes. Il correspond tout bonnement aux sept péchés capitaux. Et ici, dit-il en désignant du doigt, le bas du tableau où se trouvaient trois personnages mis en lumière par rapport au reste, tu as la représentation du diable, de la chair et du monde, vaincu par le grand Saint-Michel.

— Donc, si je comprends bien, ce tableau narre l'histoire de la chute de Satan, répondit Eliah - pas très sûre d'elle.

Uri eut un petit rire indulgent.

— Plutôt de Lucifer et des anges rebelles.

— Mais Lucifer et Satan sont une seule et même personne, commenta la blonde - confuse.

Laissant un silence flotter dans les airs, l'homme demeura un instant méditatif, se plongeant possiblement dans les livres d'histoires.

— C'est vrai... Enfin, c'est ce qu'on finit par penser les chrétiens au fil des années, mais selon certains écrits, ces deux-là sont deux entités distinctes, répondit Uri.

— Hein ?

— Désolé Eliah, le devoir m'appelle, dit-il en vérifiant sa montre - puis observa la demoiselle. Tu as l'air fatigué, ne te surmènes pas trop. Si je ne suis pas trop enseveli par les corrections, je passerai peut-être ce soir. Bonne journée.

Uri salua de la main Eliah et parti en direction de la sortie.

Même si Uri n'était au départ qu'un client récurrent, elle avait appris à le connaître et à apprécier sa présence. Il était un des rares consommateurs à savourer les bons alcools proposés au bar ; et omettant cette information, c'était une personne incroyablement cultivée et d'une générosité incroyable. Un véritable philanthrope qui restait pourtant dans l'ombre.

Continuant sa ronde, la blonde eut un coup de barre et s'assit sur le premier banc à disposition pour se reposer un peu.

Des picotements parcouraient le long de son cou, plutôt désagréable s'il est dû mettre un mot de dessus, mais le plus fâcheux dans l'histoire était la fatigue qui la poursuivait depuis quelque temps.

Un vent de panique la submergea, la même sensation que ce matin et ce midi... Persuadée depuis le début à du somnambulisme, elle se rappela avec amertume l'égratignure, mais également l'ecchymose quelques jours plus tôt.

En tout cas de nouvelles questions gambergeaient dans la cervelle, pensant enfin trouver une réponse : le monstre qu'elle rencontrait dans ses cauchemars n'était peut-être que l'ombre d'elle-même ; son côté obscur ; elle se faisait involontairement du mal pendant son sommeil. Était-ce dû au nouveau médicament qu'elle prenait ?

Se massant les tempes, laissant son esprit s'agiter, se faisant la réflexion dont les gens encore présents dans l'église pourraient l'aider, une vague de froid tomba brutalement dans l'enceinte. L'ambiance, ainsi que la luminosité étaient plus opaques qu'à l'accoutumée, donnant à croire que la nuit s'était pointée plus tôt que prévu.

Malgré la peur, elle accepta soudainement que l'église la protège de tout danger.

La bonne blague.

Elle pouvait sentir la présence de la créature maléfique qui la hantait.

« Réveille-toi » maugréa-t-elle dans sa barbe, se pinçant la peau.

Voyant que rien ne changeait, elle releva la manche de sa veste et de son pull pour se planter les ongles dans la peau. Si la douleur était bel et bien présente, et que du sang commençait à jaillir, l'atmosphère restait la même.

Elle ne cherchait même pas à savoir où se dissimulait son assaillant. Il n'était pas loin. Elle le savait au plus profond de ses entrailles.

Elle en avait marre.

Eliah avait envie de : rager ; hurler ; pleurer ; crever.

Pourtant, elle se devait montrer plus courageuse...

Et si le courage s'appelait la fuite, elle choisirait ce prénom sans problème.

Ce qu'elle fit.

Sans regarder autour d'elle, elle prit ses jambes à son cou et quitta l'église.

Une fois de plus, Eliah tentait d’échapper à son agresseur qui prenait un malin de jouer au chat et à la souris. Sillonnant les couloirs du sous-sol, elle ne prêtait guère attention au décor qui se ressemblait tous et ne menait nulle part.

Empêtrer dans ce labyrinthe, empruntant un énième carrefour, alors que le monstre s’esclaffait et semblait se nourrir de ses peurs, Eliah pivota sa tête légèrement sur sa droite et aperçut une porte en bois.

Sur ce laps de temps, elle ralentit la cadence pour bifurquer en direction de cette porte dans l’espoir de le semer et se donner un instant de répit. Une chance pour elle que la porte ne soit pas verrouillée. Et quel heureux hasard de trouver un verrou de box derrière celle-ci, une fois le palier franchi. Sans une once d'hésitation, Eliah fit glisser la tige et descendit le levier sur la dernière gâche de l’encadrement.

Ses yeux dévièrent jusqu’au bas de la porte, lui permettant de déceler un cadenas à gauche entre le pas de la porte et le pied d’une simple étagère en bois.

Eliah ramassa l’objet et l’introduisit dans la fente du verrou. Quelle était donc la probabilité de tomber sur la bonne serrure pouvant accueillir un cadenas ? Pas besoin de tergiverser, le plus important, était d’avoir pu se calfeutrer et d’être en sécurité, malgré le danger qui rôdait.

Lâchant un profond soupir, Eliah se colla dos à la porte profitant de cet instant pour reprendre son souffle et se reposer, mais à peine releva-t-elle la tête un frisson parcouru son échine, pendant que ses yeux s’écarquillèrent d’effroi.

L’intérieur était éclairé par une kyrielle de bougies érigeant un chemin menant à une issue à peine perceptible. Ne sachant ce qu’il l’attendait là-bas, Eliah avança prudemment, soucieuse de ne pas se prendre les pieds dans les cierges par peur d’engendrer un incendie. Atteignant bientôt l’extrémité de la pièce, elle commença à entrevoir la toile de fond.

Sur le mur, une grande pièce sculptée à même la pierre ornait celui-ci, agrémentée d’un emblème. Le symbole ressemblait à une sorte de spirale, où chaque branche se joignait à l’intérieur du rond – et autre centre de celui, était dessiné une mouche.

Le visage d’Eliah se renfrogna, telle une pécore et préféra se concentrer sur le reste de la scène quasiment vide.

Un râle se manifesta au même endroit, obligeant la jeune femme – déglutissant péniblement sa salive - à avancer pour voir l’entièreté de la scène.

La pièce de forme octogonale, qui voyait quatre de ses murs poussés en avant, possédait des espaces dédiés à entreposer des bougies, permettant d’éclairer la pièce. Au sommet de ceux-ci, mais sous les arches, des têtes de gargouilles y avaient été dressées. Quant aux deux derniers murs libres, on avait placé respectivement un autel, garnis de sept grands cierges chacun. On pouvait y retrouver également l’emblème du mur, ainsi qu’un démon aux yeux globuleux modeler sur les bougeoirs.

Son cœur rata un battement et Eliah se figea sur place. La terreur, prenant possession de son corps alourdissait chaque muscle, l’empêchant même de grincer des dents. Son rythme cardiaque s’accéléra quand elle reconnut la silhouette agonisante sur le sol : une femme âgée de grande taille ; les cheveux lisse et hirsute ; une arcade sourcilière à l’osseuse proéminente ; et des rides bien prononcées au-dessous de ses yeux ; gisait dans son propre sang. Comme dans les cauchemars de son enfance, la femme - similaire à une sorcière avec son nez aquilin – portait toujours le même accoutrement : des épaulières ; une sangle le long de son buste pour ranger des armes tranchantes et d’autres autour de ses biceps ; le pan de sa robe était déchiré au niveau des genoux, laissant entrevoir un pantalon en cuir, sous ses grandes bottes aux bouts pointus.

Pendant l’identification, Eliah avait remarqué le trou béant au niveau de son bassin, mais ne distinguait pas le symbole blanc peint sur la plateforme en pierre, à cause du sang qui se répandait autour.

Une fois la personne identifiée, cette dernière appela Eliah, s’étouffant avec sa salive mêlée à son sang.

La jeune femme resta plantée, continuant d’observer la femme qui n’avait eu cesse de la tourmenté lorsqu’elle était gamine et se focalisa un instant sur ses ongles acérés.

La sorcière continua d’appeler Eliah entre deux râlements.

Encore indécise, Eliah laissa de nombreuses secondes défiler avant de se décider à la rejoindre – animée par la curiosité – et s’agenouilla au niveau de sa tête, évitant d’imbiber ses vêtements dans le liquide rouge.

La femme lui fit signe de s’approcher encore plus et Eliah s’exécuta aussitôt.

Eliah pouvait lire à travers son regard effroyable, un brin de nostalgie, lui offrant un sourire empreint de douceur – presque maternelle – jusqu’à là insoupçonnée.

— Eliah, je suis désolée. J’ai failli à ma mission… commença la vieille femme.

Eliah resta silencieuse et interrogative, attendant la suite de son discours.

— Je sais ce que tu penses et je peux comprendre ta méfiance vis-à-vis de moi, or, tu te fourvoies à mon sujet.

« De quoi parle-t-elle » se demandait la jeune femme.

— Je sais qu’aux yeux des humains, nous ne sommes que des chimères et que nos méthodes sont quelque peu arriérées, surtout dans le monde dans lequel tu vis actuellement, mais c’est l’unique moyen de vous protéger.

La vieille femme lâcha un petit cri de douleur et toussota avant de reprendre :

— Nous apparaissons dans vos cauchemars pour vous protéger et repousser le mal, mais celui-ci ne cesse de croître dans l’ombre et ont gagné bien plus de terrain que je ne pensais. Je n’ai même pas pu avertir tes parents.

Eliah se retrouva encore plus confuse à l’évocation de ses parents.

— Eliah, il faut que tu les préviennes le plus rapidement.

— Les prévenir de quoi ? questionna la jeune fille – les lèvres tremblantes, l’esprit complètement nébuleux.

— À l’époque, il envoyait ses sous-fifres, mais par je ne sais quel moyen, il a trouvé une faille et est venu en personne s’introduire dans tes rêves. Et ça, sans que je m’en aperçoive. Quelqu’un a réussi à flairer votre véritable identité ou a trahi vos parents. Et au-delà de cette hypothétique trahison, quelque chose à forcément dû se passer là-bas et lui a permis de gagner en puissance.

— Qui ça « il » ? demanda Eliah paniquée.

— Ça n’augure rien de bon…

— Mais de quoi parlez-vous ?

— Tu dois prévenir tes parents, mais aussi ton frère. Il est sûrement le prochain sur la liste.

— Je ne comprends pas ! s’écria Eliah, affolée et toujours dans l’incompréhension totale.

La vieille femme se mordit la lèvre inférieure, sans qu’Eliah sache si son attitude était due à sa réaction ou due à la souffrance qui lui incombait.

— Ce n’est pas à moi de t’en parler et je respecte totalement la décision de tes parents concernant ton frère et toi. Mais s’il te plaît, dis-leur que vous êtes en danger et qu’il faut agir.

Un blanc s’immisça entre les deux femmes, la première souffrant silencieusement, la seconde mutique, décontenancée par la situation : plein de questions, sans aucune réponse.

La vieille sorcière leva péniblement son bras, effleurer du dos de sa main la joue droite d’Eliah.

— Comme tu es devenue jolie. Rien d’étonnant quand on sait qui sont tes parents. Sache une chose, Eliah, je suis fière de toi. Il ne me reste plus beaucoup de temps, dit-elle en suffoquant.

Cependant, cette dernière trouva assez d’énergie pour se relever et se mettre en position assise, attrapant la nuque d’Eliah – un geste similaire qu’un ami ferait pour faire une accolade. Cette dernière lui murmura à l’oreille.

— Pardonne-moi Eliah.

À ces mots, elle planta ses ongles dans l’abdomen d’Eliah, qui hoqueta d’un air surpris.

Alors qu’elle pensait mourir, Eliah se réveilla, assise sur le banc de l’église.


Texte publié par (In)Somnium, 15 octobre 2022 à 18h53
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