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Ameuté par les vociférations, le vieil eubage s'était précipité dans la forge.

— Que vous arrive-t-il, maître Ognjen ? s'enquit soudain Domovoï, attiré par les vociférations de Gniewko.

— Rien ! Seulement un sot qui n'avait pas assez médité les conséquences de ses actes. Comment se porte notre jeune invité ?

— Je crois que la présence de vos filles est pour beaucoup dans son rétablissement. Mais attendez-vous à ce qu'elles vous réclament, plus que de raison, des histoires le soir.

À ces mots, Ognjen éclata d'un rire tonitruant.

— Voilà qui occupera nos longues soirées d'hiver ; surtout que je ne reviendrai pas sur ma parole.

Avec précaution, il s'empara de la serre qu'il avait tirée de l'Osenniy, puis l'enveloppa dans le morceau de toile qu'il lui avait confié. Dans les escaliers, les effluves d'un repas futur commençaient à se répandre, tandis qu'une voix les appelait.

— Père ! Maître Domovoï ! Venez déjeuner.

Quelques instants plus tard, tous étaient assis autour d'une marmite où mijotait un copieux bortsch. Quand le repas toucha à sa fin, Ognjen se leva, puis dévoila l'objet qu'il avait emporté avec lui.

— Ainsi que Ptitsa te l'a ordonné, j'ai fabriqué cette seconde serre. Maintenant, peux-tu me confier un instant ton pendentif ?

Les bras encore douloureux, Vuk détacha la chaîne passée au tour de son cou, puis la déposa sur la table. Avec précaution, Ognjen s'en empara et, à l'aide d'une pince, en écarta les griffes, puis il glissa un œuf, après y avoir gravé des entailles. Enfin, à l'aide d'un fil métallique qu'il chauffa à blanc sur les braises, il le scella, avant de le lui rendre.

— Que contient-il, maître Ognjen ?

— Cela, ce sera à toi de me le dire, lui répondit-il dans un sourire.

Silencieux, Vuk examinait l'étrange objet ainsi enchâssé entre les serres du corbeau. Sur le côté, il découvrit un fermoir, en vis-à-vis d'une minuscule charnière. Mais il ne désirait pas l'ouvrir, une voix soufflait en lui que l'instant n'était pas encore venu.

— Merci, maître Ognjen, murmura-t-il, comme il le plaçait contre sa poitrine.

Curieuses, Snežana et Kalina s'approchèrent pour examiner de plus près ce que leur père avait fabriqué.

— Est-ce que nous en aurons un, nous aussi ? s'exclamèrent-elles aussitôt, en chœur.

— Qui sait ? leur rétorqua-t-il malicieusement. J'ai dit que je cessais de forger jusqu'à ce qu'il me présente des excuses. Cependant, je n'ai jamais dit que je n'œuvrerai plus.

Décontenancées les fillettes s'étaient longuement regardées, puis avaient décidé que cela leur suffisait et elles avaient éclaté de rire. Pendant ce temps, Vuk, aidé de Domovoï avait fini de revêtir les habits que lui avait donné Luba.

— Je crois que vous voilà tous deux parés pour affronter les pires frimas.

Face à face, emmitouflés dans d'épaisses couches de laine et de fourrures, Vuk et Domovoï se toisaient. Quiconque les eût rencontrés, qu'il ne devinerait à qui il parlerait.

— Je crois que nous ne vous remercierons jamais assez, s'exclama Domovoï.

Mais Ognjen secoua la tête en signe de dénégation. Luba portait contre son sein Micha, tandis que Snežana et Kalina s'accrochaient aux plus de sa robe.

— C'est à moi de vous remercier, maître forgeron, murmura Vuk, tandis qu'il rangeait les deux serres dans sa besace.

Les yeux embués, ni Ognjen ni Luba n'ajoutèrent mot et ce fut dans le silence, qu'ils les regardèrent s'éloigner dans le village enneigé.

— Où vont-ils, père ? interrogèrent les jumelles.

— En direction de l'ouest, vers le village de Severnoy.

— Ensuite, il y a Vostochnoy, ajouta-t-il d'une voix lugubre.

Surprises, Snežana et Kalina fixèrent un instant leur père.

— Qu'y a-t-il là – bas, pour que la peur se lise ainsi sur ton visage ?

— Là-bas est la demeure de Sirin, souffla leur mère, comme elle caressait leurs têtes.