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tome 1, Chapitre 8 « L'Oiseau de Feu » tome 1, Chapitre 8

À la vue de l’objet, Skomorokh comme Krukis blêmirent en reconnaissant la couronne ceinte au front de Sirin.

— Le Letniy, souffla le forgeron, n’osant s’approcher de Vuk qui lui tendait le bijou.

Puis, reprenant ses esprits, il l’invita à le suivre. Au cœur de la bouche infernale, les cendres étaient froides, çà et là traînaient des morceaux de charbons, mêlés à des copeaux de métal.

— Assieds-toi, je te prie. Je vais prendre tes mesures. Ensuite, j’aurai besoin de trois jours pour réaliser ce que tu désires.

— Merci, maître-forgeron.

Quelques instants plus tard, Vuk plaçait la tiare au centre de la forge.

— Va donc voir Skomorokh, il te trouvera une chambre où passer la nuit, lui lança Krukis, alors qu’il activait le soufflet.

La pièce entre les mâchoires d’une pince, il la plongea dans les braises incandescentes. Pendant ce temps, Vuk avait rejoint l’homme de sage qui l’attendait devant.

— Krukis finira son travail dans trois jours, il m’a dit que vous pourriez me loger d’ici là.

— En effet, tu pourras t’installer à l’auberge.

Skomorokh semblait hésiter, mais Vuk secoua la tête.

— Maître Skomorokh. Je connais le secret de votre village et je l’emporterai avec moi, soyez rassuré.

— Tu es jeune homme avisé et généreux, Vuk. Que cela puisse te guider par la suite.

Vuk le remercia d’un hochement de tête puis s’en fut en direction de l’auberge. Sur son passage, il remarquait les œillades craintives des habitants, tout à la fois terrorisés et soulagés qu’ils les aient libérés de ce fléau. À l’auberge, les mêmes regards suspicieux se posaient sur lui. Était-ce lui qui affrontait Sirin cette nuit, au cours de laquelle s’abattit un orage que personne, de mémoire d’homme, n’avait jamais connu ? Dans la salle, la rumeur courrait sur toutes les lèvres. Peu désireux de lier, il préféra demeurer seul à une table près de la cheminée. Son dîner achevé, il se retira dans sa chambre et personne ne le vit plus jusqu’à l’aurore.

Ainsi en fut-il du jour d’après : aux heures des repas, il descendait souper puis s’éclipsait. Au matin du troisième, il sortit et tous le suivirent. Indifférent, il se rendit à la forge où l’attendait Krukis.

— Ainsi que tu me l’as demandé, voici la serre, si dure qu’elle briserait une roche sans le moindre effort.

Enveloppée dans un morceau d’étoffe, la griffe luisait d’un éclat écarlate, de la même couleur que le feu qui l’avait vu naître.

— Elle est magnifique, maître Krukis, murmura Vuk admiratif du travail du forgeron.

— Où allez-vous rendre, jeune Vuk ?

— Je prendrai la direction des Hespérides, souffla-t-il, comme il rangeait la pièce dans sa besace.

Dehors, une foule clairsemée le dévisageait, inquiète.

— Un chemin fort dangereux, jeune homme. Prends ceci, je te prie. Je l’ai sculpté à partir des copeaux de la tiare.

Dans sa main, Krukis lui avait glissé un corbeau suspendu à un anneau.

— Je ne vous oublierai pas maître Krukis.

À la sortie des remparts, Skomorokh l’attendait.

Dans la forêt, le calme régnait, l'atmosphère était toujours aussi étouffante et les arbres n'étaient pas encore parés de leurs couleurs d'automne. Cependant, il n'ignorait pas qu'il ne disposait que de peu de temps. À chaque oiseau qu'il croisait, il lui demandait :

— Je suis à la recherche de Ptitsa, l'Oiseau de feu. L'aurais-tu vu ?

Invariablement, l'oiseau lui répondait :

— Hélas, nous ne l'avons pas vu depuis le début des moissons.

Inlassable, Vuk poursuivait son chemin en direction des Hespérides. Un jour qu'il marchait sur le flanc d'une petite colline, il découvrit un village ; Zapadnoy a n'en point douter, ainsi que le lui avait confié Stratim au cours de leur conversation dans la prison. Ce fut alors qu'une chouette s'adressa à lui :

— Jeune Vuk, j'ignore où est Ptitsa, l'Oiseau de feu. Toutefois, quand je chasse dans ce village, qui niche au creux de la vallée, j'y aperçois d'étranges lueurs, pareilles à des feux follets. En fait ils sont apparus peu avant le début des moissons.

Vuk la remercia et partagea avec elle un peu de son repas. Assis devant son feu de camp, il contemplait le bijou que lui avait offert maître Krukis. Chacune des plumes, depuis la plus petite vibrisse, jusqu'aux grandes pennes, avait été gravée, ciselée avec un soin extrême. Pour figurer les yeux, il avait incrusté dans les orbites de minuscules éclats de micas. Songeur, il le regardait se balancer au bout de sa chaîne, tandis qu'il méditait les paroles de la chouette. Nul doute que les gens de ce village avaient autrefois passé un pacte avec Sirin : de bonnes récoltes en échange d'un premier ou d'un dernier né. Quelqu'un aura alors capturé son fils, Ptitsa, s'assurant par là qu'elle ne s'en prendrait pas à sa famille. L'automne était désormais fort avancé, les arbres parés de grenat se dénudaient et les premiers frimas arrivaient. Zapadnoy n'était plus qu'à une ou deux journées de marche. Néanmoins, il ignorait tout de l'accueil qu'on lui réserverait. Peu soucieux, il étouffa les flammes et s'endormit bien vite. Le lendemain au terme de sa randonnée, le village ne lui semblait éloigné plus que de quelques lieux. Cependant, il préféra passer une nouvelle nuit dans l'obscurité, guettant par la même Gamayun, qu'il n'avait revue depuis qu'il avait quitté le village de Yuzhnoy.


Texte publié par Diogene, 26 avril 2022 à 21h39
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