Les élèves de l’école élémentaire n’avaient pas cours le samedi, contrairement aux collèges et lycées où les élèves avaient cours deux fois par mois. Sauf à Yûei, où c’était tous les samedis, mais c’était le meilleur lycée d’élite du pays, donc ce n’était pas étonnant. L’absence d’école ce jour-là arrangeait beaucoup Izuku, car il n’aurait pas besoin de trouver une excuse pour manquer les cours, que ce soit pour l’école ou pour sa mère.
Honnêtement, sa mère était pour Izuku un plus gros problème. Il savait qu’il allait devoir lui parler un jour de son voyage dans le temps, mais il avait peur de sa réaction. Peur qu’elle ne le croit pas. Il ne voulait pas faire face à la déception. Ça avait déjà été assez dur quand il a fallu lui parler de One For All après son hospitalisation suite au raid contre le Front de Libération du Paranormal. Ils l’avaient mise devant le fait accompli, il s’en rendait bien compte à présent, et une partie d’Izuku pensait désormais qu’All Might aurait dû demander l’autorisation à sa mère pour lui donner l’alter, car il était encore mineur. Mais Izuku avait peur que s’il lui disait la vérité maintenant, elle l’empêcherait d’être un héros, de devenir le nouveau porteur de One For All si All Might le choisissait vraiment, alors comme dans premier vécu Izuku ne dirait rien. Du moins, pas avant l’incident de l’USJ si cet événement ne pouvait pas être évité, même si le garçon espérait de tout son cœur qu’il le serait. Ça avait été de la pure chance que personne ne soit mort lors de cette attaque.
Mais Izuku n’en était pas encore là. Aujourd’hui il fallait s’occuper du problème d’All Might.
Nezu était venu le chercher comme il l’avait dit, et ils se trouvaient maintenant de nouveau dans la chambre d’hôpital du héros. L’homme se trouvait dans son lit avec un livre, son portable et la télévision ayant été confisqués la veille de peur qu’il n’essaye une nouvelle fois de partir malgré son état de santé s’il regardait les nouvelles.
‒ Ah, Nezu-san, Midoriya-shônen.
‒ Bonjour Y-Yagi-san, comment vous allez ? demanda timidement Izuku, même s’il connaissait déjà la réponse.
‒ Bien. Et je me repose, comme promis.
‒ C’est une bonne nouvelle, s’exclama joyeusement Nezu. Nous allons pouvoir écrire le communiqué aujourd’hui dans ce cas.
All Might se raidit légèrement et força un sourire.
‒ Ah, et bien… Je pensais qu’il serait mieux de le faire en vidéo, que les gens me voient pour qu’ils ne s’inquiètent pas, tenta-t-il de négocier. Et comme je ne peux pas encore utiliser One For All, je pensais attendre quelques jours pour le faire.
‒ Et en profiter pour retourner sur le terrain pour ne pas devoir faire le communiqué, justifiant que puisque vous êtes de retour, il n’y en a pas besoin.
Yagi se figea aux mots du principal et détourna les yeux, coupable. Izuku dû faire de gros efforts pour ne pas tenter de le défendre, car à sa place il aurait aussi pensé de cette façon. Et ce n’était pas la bonne chose à faire.
‒ Vous devez prendre soin de vous All Might. Il y a plusieurs centaines de héros à travers tout le pays, et ils sont suffisamment compétents pour se répartir votre charge de travail.
‒ Je sais, mon garçon. Mais c’est le travail d’un héros d’être toujours là, d’être toujours présent quoi qu’il arrive. Je ne peux pas rester dans un lit à ne rien faire pendant que des gens souffrent et ont besoin de protection.
Les mots résonnaient à l’intérieur d’Izuku. Le devoir du héros était quelque chose qu’il avait assimilé dès son plus jeune âge dans son premier vécu. Protection. Espoir. Victoire. C’était ce que représentaient les héros pour les gens, avant même l’arrivée des alters. La corde sensible d’Izuku vibrait. C’est pourquoi il prit une lente et longue inspiration avant de parler.
‒ Je comprends All Might, dit-il en faisant sourire l’homme. C’est parce que je veux aider et sauver les gens que je veux être un héros.
Yagi semblait ravi que quelqu’un approuve son point de vue, accepte qu’il aille sur le terrain. Mais les prochains mots d’Izuku firent tomber son expression.
‒ C’est pourquoi je maintiens ce que je vous ai dit hier. Vous ne pourrez sauver personne en étant blessé. C’est un fait que j’ai moi-même appris à la dure, sur le terrain. Je pensais que ce n’était pas grave que je sois blessé, que tant que je pouvais bouger je pouvais sauver les gens, alors rien de ce qu’il pouvait m’arriver n’avait d’importance parce que… parce qu’en agissant ainsi je prouvais que… que je… que je n’étais pas inutile et sans valeur, renifla le garçon en luttant contre les larmes. Je sais qu’avant d’avoir One For All vous étiez aussi Sans-Alter, vous me l’avez dit dans mon premier vécu, et je… je sais ce que c’est de vivre dans un monde où les alters sont aussi importants que l’argent et la vie, et où l’absence d’alter est vue comme une… mauvaise chose.
Aberration et anomalie avaient été sur le bout de sa langue, mais Izuku ne les prononça pas. Il ne pouvait pas. C’était faux. Mais c’était surtout qu’il avait peur de commencer à y croire s’il les disait à voix haute. Izuku prit une inspiration tremblante, les larmes au coin des yeux. Ce n’était pas de lui dont il était question, ce n’était pas lui qui devait prendre soin de lui. Il devait rester concentré sur All Might.
‒ Vous êtes en train de faire la même chose que j’ai faite : vous vous sacrifiez pour prouver aux autres qu’ils avaient tort. Que vous n’êtes pas inutile et sans valeur. Que vous n’êtes pas un… Deku.
Les larmes coulaient librement sur ses joues. En fait, peut-être qu’il était aussi question d’Izuku, car son comportement ressemblait beaucoup trop à celui qu’avait All Might en ce moment. Jusqu’à aujourd’hui, il n’avait jamais compris ni réalisé à quel point ce surnom - cette insulte - lui avait fait mal et avait complètement dirigé sa vie. Il pensait en avoir fait une force, quelque chose qui donnait de l’espoir à ceux dont tout le monde pensait qu’ils étaient faibles et incapables de faire quoi que ce soit. Mais le garçon se rendit compte que ce n’était pas le cas. Il avait choisi Deku comme nom de héros tout simplement parce qu’il n’avait jamais été quelqu’un d’autre. Et quitte à être un Deku, alors, autant être un Deku qui sauve des gens.
Sa respiration s’accéléra, son environnement s’estompa, et sa tête tournait en boucle sur elle-même. Non. Non, non, non. Il n’était pas un Deku. Il ne pouvait pas être Deku. S’il l’était, il ne pourrait pas sauver les gens. Ce n’était pas possible, c’était deux choses incompatibles. Un Deku ne sauvait personne, un Deku était inutile, faible et sans valeur. C’était…
C’était pour ça qu’il avait échoué.
Il n’avait pas pu empêcher Aizawa-sensei de perdre sa jambe, parce qu’il était Deku. Il n’avait pas pu empêcher Nighteye de mourir, parce qu’il était Deku. Il n’avait pas pu empêcher Kachan d’être kidnappé, parce qu’il était Deku. Il n’avait pas pu empêcher Shigaraki de blesser les héros à Jaku, parce qu’il était Deku. Il n’avait pas pu vaincre All For One, parce qu’il était Deku. Il n’avait pas pu s’empêcher de se blesser et de se briser les os avec One For All, parce qu’il était Deku. Il n’avait pas pu empêcher ses professeurs d’être blessés à l’USJ, parce qu’il était Deku. Il n’avait pas pu empêcher ses camarades et ses amis d’être en danger, parce qu’il était Deku.
Il avait échoué parce qu’il était Deku.
Parce qu’il était Deku, il n’avait pas pu être un héros.
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Yagi Toshinori était un homme qui avait vu beaucoup de choses dans sa vie, en particulier après être devenu un héros, puis le héros numéro un. La grande majorité de ces choses n’étaient pas de bonnes choses. Morts, blessés, tueries, trafics en tout genre, accidents, dégâts urbains et environnementaux, pauvreté, misère, criminels, vilains. All For One.
Le métier de héros était un métier difficile, très difficile. Toshinori, en tant qu’All Might, ne cessait de répéter que tout le monde pouvait être un héros, mais ce n’était pas vrai. Il fallait un alter fort, ou au moins polyvalent, pour être capable de faire face à la dangerosité du terrain, et il fallait aussi beaucoup de force mentale pour résister à la pression et à l’horreur que les héros pouvaient rencontrer. Il reconnaissait que certains Alters non combatifs pouvaient tout à fait être très utiles à l’héroïsme, comme celui de Sasaki par exemple, mais c’était très rare. La quasi-totalité des personnes ayant ce genre d’alters échouaient soit à l’examen d’entrée des lycées héroïques, soit lors de l’examen de licence héroïque à la fin à la fin du cursus scolaire.
Donc si un jour on lui avait demandé si une personne Sans-Alter pouvait être un héros, il aurait honnêtement répondu non. Parce qu’être un héros était dangereux et mortel, et surtout parce qu’il était l’exemple même que ce n’était pas possible.
Yagi Toshinori n’avait pu devenir All Might qu’uniquement grâce à One For All.
Sans l’alter, il ne serait jamais devenu un héros.
C’était injuste et cruel, mais c’était malheureusement la vérité. Celle qu’il avait vécu durant les quinze premières années de sa vie.
Puis il avait rencontré Midoriya Izuku, et après la révélation choquante de son voyage dans le temps, savoir qu’il lui avait transmis One For All lui avait une nouvelle fois confirmé qu’il fallait un alter pour être un héros.
Toshinori ne lui avait pas demandé s’il voulait à nouveau hériter de l’alter, l’enfant était encore jeune après tout et il ne voulait pas que Midoriya devienne une cible pour All For One. Le jeune garçon l’avait déjà été une fois, dans son premier vécu, et c’était pour le héros une fois de trop. De plus, s’il combattait vraiment le Super-Vilain dans quelques années, il ferait en sorte de le vaincre une bonne fois pour toutes, afin que son successeur n’ait pas à porter le même poids que Toshinori portait sur ses épaules. Il ne savait pas si le jeune Midoriya serait son successeur, mais comme il l’avait déjà été avant - en quelque sorte - et que pour le moment il n’avait trouvé aucun candidat potentiel - surtout parce qu’il n’avait pas cherché - le garçon se trouvait donc en haut de sa liste nouvellement créée.
Et il n’y a plus repensé. Jusqu’au combat contre All For One. Jusqu’à ce qu’il se retrouve à l’hôpital dans un état grave avec un poumon en moins et l’estomac endommagé, sans parler de son cœur qui avait été fragilisé. Jusqu’à ce qu’il rencontre une nouvelle fois le jeune Midoriya, qui réussit à le convaincre de rester au lit au lieu de retourner sur le terrain. L’homme ne savait pas pourquoi il avait cédé face à Midoriya alors qu’il avait tenu tête à Sasaki, à Torino et même à Recovery Girl. Mais il l’avait fait. C’était peut-être ses mots, ou ses larmes, ou encore les deux. Ou la détermination qu’il avait ressenti venant d’un enfant si jeune, mais qui avait déjà tant vécu.
Cette action le conduisit dans ce lit d’hôpital, à avoir une sorte de révélation sur sa vie tandis que l’enfant en face de lui était en train de faire une attaque de panique, déclenchée par son propre discours. Il avait donc bougé, s’était accroupi au même niveau que le jeune Midoriya sur le sol et tentait de le calmer
Toshinori pouvait entendre les marmonnements qui sortaient de la bouche du garçon, et ça lui serrait le cœur. Quand il était encore Sans-Alter, il avait eu son lot de personnes lui disant qu’il ne servait pas à grand-chose vu qu’il n’avait pas d’alter. Mais sans valeur ? Se faire appeler Deku, signifiant inutile en japonais ? Jamais. Comment les choses avaient pu devenir aussi mauvaises en quarante ans, il ne le savait pas et ne le comprenait pas.
‒ Midoriya-shônen, respire calmement…
Le garçon ne réagit pas, sa respiration étant toujours aussi rapide et superficielle.
‒ Midoriya-shônen, tu m’entends ?... Tu dois inspirer profondément…
Toshinori parlait dans le vide. Il devait le faire réagir, mais le toucher risquait d’aggraver les choses. Du moins il le pensait, ça faisait des années qu’il n’avait pas eu à gérer ce genre de crise en tant que héros, il était rouillé.
‒ Midoriya-shônen… Midoriya… Izuku ?...
Ah, une réaction. Faible, mais une réaction quand même.
‒ Izuku. Izuku, inspire profondément et bloque… Expire, lentement… Voilà… Inspire de nouveau… Bloque… Maintenant expire...
Toshinori n’était sans doute pas la bonne personne pour gérer une attaque de panique, mais amener une personne inconnue ne semblait pas être une bonne idée, vu comment le jeune Midoriya réagissait avec des gens qu’il connaissait et - espérait-il - en qui il avait confiance.
Cela prit donc du temps pour calmer le garçon. Nezu l’avait laissé gérer la crise, se tenant légèrement en retrait dans le cas où il aurait besoin de son aide, puis quand le garçon commença à se calmer, il disparut quelques minutes pour revenir avec du thé. Toshinori avait entendu quelque part qu’une boisson chaude était réconfortante quand on ne se sentait pas bien émotionnellement, et peut-être était-ce vrai, mais du chocolat aurait sans doute été plus approprié que du thé. Mais c’était Nezu, donc l’homme ne dirait rien.
Le jeune Midoriya désormais complètement calme, prit doucement et sans résistance la tasse qu’on lui mit entre les mains. Le pauvre était dans un triste état, affichant un air fatigué et un peu absent avec les yeux fixant le vide. Toshinori se sentait affligé et en colère face à ce qu’avait vécu le jeune Midoriya. Ce qu’il semblait même vivre actuellement ! Dans quelle école allait-il ? Qui étaient ses parents ? Qui étaient les gens qui lui avait dit qu’il était inutile suffisamment de fois pour qu’il finisse par y croire ?!
‒ Du calme Yagi-kun, fit Nezu en lui tapotant le bras avec sa patte avant de lui donner une tasse de thé. Je comprends ce que vous ressentez, mais ce n’est ni le lieu ni le moment.
Hochant la tête, l’homme se força à respirer calmement. Il pourrait s’occuper de ça plus tard, l’immédiat était le jeune Midoriya. Mais à part attendre, il ne savait pas quoi faire d’autre. Il allait devoir faire un stage de mise à niveau pour ce genre d’incident une fois qu’il pourrait sortir de l’hôpital. Surtout s’il se mettait à côtoyer régulièrement le jeune Midoriya. Depuis sa rencontre avec l’enfant, il n’avait recherché aucun candidat potentiel pour hériter d’One For All, se disant qu’il avait le temps, qu’il pouvait encore faire beaucoup de choses pour aider les gens en tant qu’All Might. Mais maintenant, ce n’était plus le cas. Son corps a été gravement endommagé à cause de son combat contre All For One, faisant qu’il ne pouvait plus utiliser son alter comme avant.
Prenant un instant, Toshinori se remémora sa rencontre avec le jeune Midoriya dans le bureau de Nezu, et de ce qu’il leur avait raconté. Qu’All For One n’était pas mort, qu’il avait attendu trop longtemps pour transmettre One For All, qu’il était devenu enseignant à Yûei, que la classe du garçon avait été prise pour cible par un groupe de puissants vilains, que le pays entier l’avait vu perdre son pouvoir en direct à la télévision après avoir vaincu de justesse son pire ennemi, l’obligeant à prendre sa retraite, de la découverte que le jeune Midoriya pouvait utiliser les alters des Prédécesseurs d’One For All, que l’alter faisait mourir prématurément leur porteur s’il avait déjà un alter, qu’All For One l’avait personnellement ciblé à la fin de sa première année de lycée.
Toshinori avait échoué. En tant que héros et en tant que mentor. Il était censé protéger les gens, pas les amener à vivre des choses horribles et douloureuses.
« Être le Symbole de la Paix était censé éviter que ce genre de choses n’arrivent. »
Mais… il pouvait réparer ça, n’est-ce pas ? Ses yeux se posèrent sur Midoriya qui fixait sa tasse de thé. Ces choses n’étaient pas encore arrivées, donc réparer n’était pas le mot à employer, mais il pouvait faire quelque chose. Il le pouvait, n’est-ce pas ? Il devait pouvoir le faire. Il était un héros, il ne pouvait pas ne rien faire. Il ne le supporterait pas.
Sa décision fut prise instantanément. Sans hésitation, ni regret. Au fond de lui, il savait qu’il faisait la bonne chose.
‒ Midoriya-shônen, dit-il doucement.
Le garçon leva la tête vers lui, mais ne le regarda pas dans les yeux. Toshinori savait que c’était la bonne décision, mais ça ne voulait pas dire qu’il lui serait facile de le mettre en mots, surtout après ce qui venait de se passer.
‒ Midoriya-shônen. Tu n’es pas inutile.
Le garçon frissonna au mot. D’accord, c’était trop direct.
‒ Comme tu l’as dit, je suis moi-même né Sans-Alter. Donc tout comme toi, je sais ce que c’est de vouloir quelque chose qui t’es inaccessible à cause de quelque chose que tu ne contrôles pas. C’est… À mon époque, quand j’avais ton âge je veux dire, les Sans-Alter étaient plus nombreux, mais comme maintenant, ils étaient principalement des adultes et des personnes âgées, ce qui fait que j’ai moi aussi eu mon lot de… taquineries et de mauvaises paroles.
Midoriya le regarda, hébété, tel un hibou, avant de commencer lentement à secouer la tête. L’homme continua avant qu’il ne puisse dire un mot.
‒ C’est pour ça, mon garçon, que je peux te dire qu’ils ont tort. Ceux qui te disent ces vilaines paroles ont tort. Tu n’es pas inutile, Midoriya-shônen. Jamais. Personne n’est inutile ou sans valeur. Avec ou sans alter, ajouta Toshinori en voyant l’enfant sur le point de répondre.
‒ Mais sans alter, je ne peux pas être un héros, répliqua malgré tout Midoriya d’une toute petite voix.
L’homme ouvrit la bouche, mais fut coupé par Nezu.
‒ Il me semble qu’on avait déjà abordé ce sujet, Midoriya-kun.
‒ Je… J-Je sais, fit-il penaud en baissant les yeux.
Qu’est-ce que Nezu avait dit à l’enfant ? Il n’avait pas eu de contact avec le principal depuis cette fameuse réunion, son apparition hier ne comptant pas. Lui avait-il dit ce que Toshinori pensait qu’il lui avait dit ? Il ne pouvait pas-
‒ J’ai dit à Midoriya-kun qu’il pouvait être un héros même en étant Sans-Alter.
Sa question avait dû se voir sur son visage. D’accord. C’était donc ce que Nezu lui a dit. Très bie- Quoi ? Il ne pouvait pas lui avoir dit ça ! C’était irresponsable ! Et dangereux ! C’était-
‒ Je suis parfaitement conscient de ce que je lui ai dit, Yagi-kun. De plus, ce n’était pas un mensonge. Il existe des Héros Pro qui n’utilisent quasiment pas leur alter dans leur métier, ou qui ont un alter absolument inutile pour l’héroïsme, qui sont pourtant de très bons héros, déclara Nezu tranquillement. La plupart d’entre eux se trouvent en Europe, mais il y en a aussi de très bons ici au Japon. Ils n’ont pas un rang très élevé ainsi que très peu de visibilité, mais cela ne les empêche pas de faire leur travail.
‒ Je sais ça, Nezu-san. Mais ils ont un alter, ils peuvent donc se défendre, et-
‒ Yagi-kun, le coupa le directeur un peu trop joyeusement. En tant qu’éducateur, il est de mon devoir de corriger les erreurs afin qu’elles ne se répandent pas chez les gens, leur faisant penser que des choses fausses sont vraies, et inversement.
L’animal le regarda et Toshinori ne put réprimer un frisson de peur remonter le long de sa colonne vertébrale.
‒ Le métier de Héros a été créé afin de réglementer les comportements d’auto-défense via l’utilisation des alters. Ce qui a également contribué à l’interdiction d’utiliser son alter de manière publique, les gouvernements ayant peur de l’anarchie que l’utilisation libre des alters pourrait engendrer. Principalement parce que les personnes possédant un alter, très minoritaires à cette époque, l’ont utilisé pour se défendre et riposter lorsqu’elles étaient attaquées, bien que certaines personnes les ont aussi utilisés pour faire le mal. Si on les avait laissé utiliser leur alter sans restriction, les Sans-Alter, très majoritaires, se seraient senti en danger d’autant plus que le chaos régnait dû aux affrontements entre les deux camps. Il fallait donc apaiser les tensions. Interdire l’utilisation des alters pour toutes les personnes en possédant, les rendaient virtuellement Sans-Alter, donc comme la majorité de la population.
Toshinori savait déjà tout ça. C’était la base qu’il avait appris lorsque son mentor lui avait parlé d’One For All et d’All For One et de la montée en puissance de ce dernier. Il connaissait l’histoire, et il ne l’avait pas oublié.
‒ Mais les gouvernements, voyant la puissance et la polyvalence des alters, ont décidé d’autoriser certaines personnes à utiliser le leur de façon officielle, via un permis ou une licence, pour aider les forces de police à restaurer la paix et à maintenir la sécurité. C’est ainsi qu’a été créée la Commission des Héros, dont le nom change en fonction des pays, pour qu’elle délivre cette autorisation en fonction de critères spécifiques. Critères qui n’ont jamais changé, même si aujourd’hui ils sont régis par un examen. En d’autres termes, si vous réussissez l’examen vous remplissez les critères demandés. Les écoles héroïques existent dans le seul but de former les candidats héroïques à valider lesdits critères.
Ça aussi, l’homme le savait déjà. Ou du moins les grandes lignes. À peu près.
‒ Quels critères ?
Toshinori sursauta à la question de Midoriya. Se tournant vers lui, il put voir que son regard terne avait été remplacé par un regard brillant. Brillant… d’espoir, avait-il envie de dire. Nezu gloussa, et l’homme recula légèrement.
‒ Il me semble que, dans ta vie antérieure Midoriya-kun, tu as passé l’examen provisoire, n’est-ce pas ? demanda le directeur au garçon, qui hocha la tête. Bien, dans ce cas comme tu le sais, il y a deux parties à cet examen : combat et sauvetage. Dans la première partie, les candidats sont testés sur leurs capacités offensives, leur réactivité, leur adaptabilité, et tout ce qui concerne le combat en général. Dans la seconde partie, les candidats sont jugés sur leurs décisions, leur comportement face aux victimes, leur sauvetage et leurs soins, entre autres. La première partie change à chaque examen, tandis que la seconde reste la même, bien que son environnement puisse changer, expliqua Nezu en prenant une gorgée de son thé. Maintenant, parmi tous les critères que je viens de citer, quels sont ceux qui requièrent explicitement d’avoir un alter ?
Le héros resta silencieux. Le jeune Midoriya également, mais il pouvait voir qu’il réfléchissait à la question de Nezu. Et Toshinori, malgré lui, réfléchissait aussi à cette question. S’il reconnaissait que la plupart des critères exposés n’avaient pas besoin d’un alter pour être remplis, celui des capacités offensives en revanche…
‒ Les capacités offensives, répondit Toshinori.
‒ Vraiment ? Et pourquoi cela ? Après tout, vous n’avez pas besoin d’un alter pour donner un coup de poing à quelqu’un, Yagi-kun.
‒ Je… Eh bien, c’est vrai… Mais, ne serait-ce pas plus efficace avec un alter ?
‒ Pour tuer ? Certainement ! fit Nezu avec un sourire joyeux, trop joyeux pour Toshinori. Mais il est très fortement déconseillé aux héros de tuer leurs adversaires, donc un simple coup de poing bien placé est suffisant pour neutraliser temporairement un adversaire.
‒ Eh bien…
‒ Prenons cela sous un autre angle, Yagi-kun. Citez tous les héros ne possédant pas d’alter offensif.
L’homme cligna des yeux. Des héros sans alter pour combattre ?
‒ Vous, Sir Nighteye, Recovery Girl, et euh…
Nezu hocha la tête et attendit qu’il continue. Mais, Toshinori ne savait pas qui citer d’autres. Il pensa à son mentor, mais vu qu’elle avait été l’une des détentrices d’One For All, elle ne pouvait pas être prise en compte. Il réfléchit plus fort. Toshinori ne côtoyait pas beaucoup les autres héros, sauf lors de la présentation du classement héroïque. Oh.
‒ Crust, Wash, et Best Jeanist.
‒ Ils peuvent tous les trois se servir de leur alter de manière offensive, bien qu’ils le fassent rarement. Qui d’autres ?
Le héros réfléchit, et réfléchit, mais il se rendit compte que la quasi-totalité des héros avec qui il avait rarement fait brièvement équipe avaient tous des alters offensifs. En même temps, Toshinori avait passé presque l’entièreté de sa carrière en solo, et - il avait assez honte de l’admettre - il n’avait jamais fait attention aux alters des héros à qui il venait prêter main forte. Il devait bien y avoir des héros connus qui n’avaient pas d’alter offensif…
‒ Oh, euh… le jeune Ingenium ?
‒ Il est vrai que la vitesse en soit n’est pas offensive, mais Ingenium peut s’en servir en combat, informa Nezu d’un ton joyeux. Midoriya-kun, as-tu d’autres héros à rajouter à la liste ?
Le garçon sembla s’illuminer légèrement.
‒ Eraserhead, Midnight, Mrs Joke, avec Ragdoll et Mandalay des Wild Wild Pussycats. Il y a aussi Fat Gum mais je ne suis pas sûr pour lui. Hum… Selkie n’a pas d’alter offensif, mais je ne me souviens pas si elle est déjà diplômée. Je sais qu’il y en a d’autres, mais là tout de suite, je ne me rappelle pas de leurs noms, désolé.
‒ Aucun problème, Midoriya-kun. Je ne suis pas sûr non plus en ce qui concerne Fat Gum, mais même sans lui, nous avons une bonne liste de héros ne possédant pas d’alter offensif. Certains d’entre eux ont même été étudiants à Yûei ! ajouta le principal.
Toshinori cligna des yeux. Il y avait plus de héros qu’il ne le pensait, et Yûei ne formant que l’élite des héros, ils devaient aussi être puissants à leur manière. Alors… Peut-être… Oui, peut-être qu’on pouvait être un héros, même si on n’avait pas d’alter.
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.
Izuku regarda le visage d’All Might se faire pensif. Il redoutait sa réponse. Dans son premier vécu le héros numéro un lui avait dit qu’il était impossible pour quelqu’un Sans-Alter d’être un héros. Il avait atténué le refus en parlant de la police et des médecins, mais ce n’était pas ce qu’Izuku voulait être. Il voulait aider les gens avant qu’ils n’aient besoin d’eux. Si les gens avaient besoin de la police ou de médecins, ça voulait dire pour Izuku que les héros avaient échoué. Non pas qu’il sous-estimait leur importance et leur travail, non ! Ils protègent et sauvent des vies également. Mais… ils ne représentaient pas l’espoir comme le faisaient les héros.
Le garçon fronça des sourcils. Par leur travail, les policiers et les médecins devraient rassurer les gens, et ils le font ! Mais… pas comme les héros. Pourtant quelqu’un étant sauvé par un policier devrait se sentir aussi soulagé que s’il était sauvé par un héros, non ? C’était une figure d’autorité et de protection après tout. À moins que… l’alter ne joue un rôle ? La police, peu importe le pays, avait refusé d’utiliser leur alters dans le cadre de leurs fonctions, ce qui faisait qu’ils utilisaient les mêmes armes et équipements que lors de l’ère Pré-Alter, face à des criminels et vilains qui, eux, utilisaient leurs alters sans vergogne.
‒ Pourquoi les alters sont-ils synonyme de sécurité ? marmonna-t-il sans s’en rendre compte.
‒ C’est une excellente question, Midoriya-kun ! s’exclama Nezu, faisant sursauter le garçon. Si je puis demander, qu’est-ce qui t’as fait parvenir à cette réflexion ?
Oh, Izuku n’avait pas fait attention qu’il avait parlé à voix haute. Il fallait vraiment qu’il arrête de marmonner.
‒ D-désolé. Je… je pensais à la police.
‒ Oh ? Pour quelle raison ?
Izuku jeta un coup d’œil à All Might, avant de se concentrer sur Nezu.
‒ Eh bien… euh, dans mon premier vécu, j’ai… j’ai demandé à… à un héros si quelqu’un comme moi pouvait aussi être un héros, et… il a dit non, expliqua-t-il d’une toute petite voix, sans oser regarder qui que ce soit. Puis il… le héros a enchaîné sur le métier de policier que je pouvais faire à la place, mais euh… c’est vrai qu’ils protègent et sauvent les gens, mais… pas comme les héros ; j’ai toujours voulu être un héros, même sans alter, mais je n’ai jamais pensé à la police ; je… avec mon statut de Sans-Alter, j’ai plus de chance de devenir policier que héros, et je pourrais quand même sauver les gens, mais… je veux toujours être un héros ; et je ne comprends pas pourquoi ; ce qui fait que je me suis demandé quelles différences il y avait entre les héros et les policiers, et la seule que j’ai trouvé était l’utilisation des alters ; ce qui m’a fait me demander pourquoi les gens voient les alters comme des protections ; ce qui n’a pas vraiment de sens puisqu’ils les voient aussi comme un danger selon le type de l’alter ; et-
‒ Doucement Midoriya-shônen. Tu dois respirer.
Izuku ferma sa bouche, rouge de gêne, mais respira comme demandé.
‒ Ce sont d’excellentes réflexions, Midoriya-kun. Les réponses à tes questions prennent racines dans les mythes de l’ère Pré-Alter, vois-tu. Un Héros était une personne mortelle possédant un ou des super-pouvoirs et s’en servant pour faire le bien, faire régner la justice, ce genre de choses. À l’inverse, dans les mêmes mythes, ceux qui utilisaient leurs pouvoirs pour faire le mal et blesser les autres étaient vus comme des méchants, voire des créatures non-humaines. Cette dichotomie est par ailleurs toujours d’actualité, avec les héros d’un côté et les vilains de l’autre, exposa l’hermine avant de prendre une gorgée de thé. De nos jours les héros sont des professionnels, des fonctionnaires liés à la Commission des Héros, qui est elle-même liée au gouvernement. Mais dans l’imaginaire collectif, les Héros ne sont pas soumis aux gouvernements, surtout qu’à travers l’histoire nous avons vu que certains d’entre eux sont des dictatures oppressant leurs citoyens. Et ces oppresseurs, quels qu’ils soient, sont très souvent mis à terre par ce qu’on appelle des Héros, même quand ils n’ont aucun super-pouvoir. Donc pour les gens, un héros aura plus de légitimité en tant que protecteur qu’un policier. C’est aussi pourquoi quand un héros fait des choses mauvaises ou controversées, l’opinion publique est extrêmement critique et virulente, car les gens ont tendance à oublier que ces héros sont aussi des êtres humains imparfaits pouvant commettre des erreurs. Leur exception à pouvoir utiliser leur alter a fait que la population les met sur un piédestal, et leur remet les yeux fermés leur bien-être et sécurité sans se poser de questions.
Nezu se tut, regardant tranquillement les deux autres, qui le fixaient avec de grands yeux. Izuku ne s’attendait absolument pas à une conférence du principal sur le sujet. Il aurait vraiment dû le savoir, c’était Nezu après tout, l’être le plus intelligent du pays, voire potentiellement du monde.
‒ J’aimerais beaucoup continuer sur ce sujet fort intéressant, mais je crains que cela n’interfère grandement avec l’objectif pour lequel Midoriya-kun et moi-même sommes actuellement présents.
Izuku cligna des yeux. Oh, c’est vrai. Il avait complètement oublié.
‒ Alors Yagi-kun, avez-vous réfléchi à propos du communiqué annonçant votre retrait temporaire du terrain ?
All Might s’étouffa et cracha un peu de sang face au changement de sujet et à la question plus que directe du principal. Il bégaya quelque peu, puis après avoir jeté un coup d’œil à Izuku, il finit par se calmer et soupirer.
‒ Je… Très bien. Je resterai tranquille à l’hôpital, accepta-t-il sur un ton défaitiste.
Izuku fut soulagé. Vraiment soulagé. Il avait réussi à convaincre All Might de se soigner correctement et de se reposer. Le héros ne pouvait plus utiliser One For All comme avant son combat contre All For One, mais s’il faisait attention, il pourrait avoir une meilleure santé et un temps d’utilisation plus long que dans son premier vécu au moment où Izuku entrerait au lycée.
Inspirant profondément, il se leva de sa place sur le sol et aida All Might à se réinstaller dans son lit. Il s’en voudrait beaucoup si l’homme rouvrait ses blessures à cause de sa crise de panique. Crise qu’Izuku décida de ranger loin dans son esprit. Il ne se sentait pas encore prêt à revenir dessus. Il attendrait d’être à la maison et seul. La chose immédiate et importante pour lui était le rétablissement de All Might, et rien d’autre.
Le reste de la visite passa rapidement, Izuku encourageant All Might à écrire le fameux communiqué, sous l’œil attentif de Nezu. Une fois le papier écrit, Nezu et Izuku quittèrent la chambre, puis l’hôpital. Le soleil commençait doucement à atteindre l’horizon, et le garçon fut reconnaissant que sa mère travaillait plus tard aujourd’hui, remplaçant un collègue malade. Car sinon, il ne savait absolument pas comment expliquer l’heure tardive à laquelle il rentrait. Il avait toujours été un affreux menteur, après tout.
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