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La Volonté du Neuvième T1 - Retour aux sources
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tome 1, Chapitre 3 « Réunion et reconnaissance » tome 1, Chapitre 3

Izuku tremblait comme une feuille. Non pas de froid, mais de nervosité. Il se trouvait devant les portes de Yûei, et malgré le visuel familier et rassurant, il ne pouvait s’empêcher de doucement commencer à paniquer.

Il avait sept ans et demi et l’entrée de la prestigieuse école était encore plus impressionnante que lorsqu’il l’avait vue la première fois quand il avait quinze ans. Le garçon avait fait en sorte d’arriver quinze minutes à l’avance, car il se rappelait que le lycée était immense, les élèves étaient actuellement en plein milieu des cours et ne le verraient pas arpenter les couloirs. Ça aurait donné lieu à trop de questions auxquelles il ne pouvait pas répondre. Sans parler de l’attention. Il était suffisamment rongé par l’angoisse et l’anxiété pour rajouter autre chose par-dessus.

Izuku essaya de prendre de profondes et lentes respirations pour se calmer, mais ça ne faisait pas beaucoup d’effets.

Qu’est-ce qui se passerait s’ils ne le croyaient pas ? S’ils se moquaient de lui ? Ou qu’ils le croyaient, mais ne le pensaient pas apte à les aider ? Ou si All Might, dans cette chronologie, ne lui transmettait pas le One For All ? Izuku voulait devenir un héros, mais le pouvait-il vraiment sans alter ? Il ne le savait pas ; il doutait ; il ne voulait pas que ses rêves soient une fois de plus brisés, même temporairement ou par erreur ; il pouvait toujours entrer au Département Général et tenter de finir sur le podium ou au moins d’accéder à la troisième épreuve du Festival Sportif ; mais les classes 1-A et 1-B étaient tellement fortes ! Est-ce qu’il réussirait ? Est-ce qu’il-

‒ C’est toi Midoriya Izuku ?

Il sursauta et cligna des yeux. Devant lui se trouvait un petit robot de Yûei, qu’on pouvait voir un peu partout au sein de l’établissement, en particulier au Département d’Assistance et au niveau des terrains d’entraînement. Celui-ci avait une grosse roue pour se déplacer et deux petits bras articulés.

‒ Euh… O-oui, c’est moi, répondit-il.

‒ Prends ça et suis-moi.

Le robot lui lança une carte métallique qu’il attrapa nerveusement, découvrant que c’était un badge ID de Permission Spéciale Temporaire, et il obéit. Izuku fut soulagé quand le système de sécurité des portes ne s’activa pas lorsqu’il s’en approcha. Il suivit silencieusement le robot à travers les couloirs familiers, pour découvrir au bout d’un moment qu’ils ne l’étaient plus. Il n’était encore jamais venu dans cette partie de l’école dans son premier vécu.

‒ C’est ici, indiqua le robot en désignant une porte avant de repartir.

Izuku déglutit, respira profondément et toqua à la porte. Ou du moins essaya. Car juste avant que son poing hésitant ne touche le bois de la porte, celle-ci s’ouvrit par elle-même, le faisait sursauter.

Avant que son cerveau ne puisse s’emballer sur le comment de la chose, Izuku vit le lumineux et grand bureau du principal, ainsi que ses occupants. Nezu et All Might. Ou plus exactement, Nezu et Yagi Toshinori.

C’était étrange pour Izuku de voir la forme maigre du héros sans qu’elle soit… eh bien, maigre. Il était moins large et musclé que lorsqu’il avait One For All d’activé, mais il était aussi en meilleure santé, le visage moins émacié et moins fatigué. Seule sa crinière de cheveux blonds était la même.

‒ Bienvenue, Midoriya-kun ! s’exclama Nezu depuis son bureau. Suis-je un rat, une souris, un ours ? Non, je suis le Principal !

Et possiblement une hermine. Le garçon n’en était pas sûr, car il n’avait jamais osé poser la question à qui que ce soit et encore moins au principal concerné, et comme son alter High Spec touchait le cerveau, peut-être en touchait-il aussi la physionomie et que ça avait indirectement changé l’apparence physique de son corps. Peut-être. Théoriquement. Il n’en était pas sûr, mais il allait partir là-dessus.

‒ R-ravi de v-vous rencontrer, s’inclina Izuku avec raideur.

‒ Je t’en prie, assieds-toi. Veux-tu du thé ?

‒ O-oui, s’il vous plaît ! E-encore merci d’avoir accepté de me recevoir, monsieur !

Izuku rejoignit timidement la chaise vide à côté de celle de All Might, évitant de regarder l’homme qui le fixait, et accepta la tasse de thé dans un murmure.

‒ Je vais être honnête avec toi Midoriya-kun, je ne m’attendais pas que la personne que nous allions rencontrer aujourd’hui soit si jeune. Puis-je demander quel âge tu as ?

Izuku bu une gorgée de son thé, pour se donner un peu de temps et éviter de bégayer.

‒ J’aurais huit ans en Juillet, monsieur. Du moins, officiellement.

‒ Et officieusement ? demanda Nezu les yeux brillants.

‒ Environ seize ans, je crois, répondit le garçon en fronçant les sourcils de réflexion.

Devait-il compter les années qu’il avait revécu ? L’âge mental était différent de l’âge physique, et comme il n’avait revécu que ses jeunes années de maternelle, il n’avait pas dû y avoir un vieillissement mental, contrairement à son corps. Il ne savait pas.

‒ Excuse-moi mon garçon, mais comment un enfant de huit ans peut-il avoir seize ans ? À moins que tu n’aie été touché par un alter, mais je n’ai jamais connu ou entendu parler d’alter avec de tels effets, déclara All Might.

‒ Eh bien… euh… oui ? Je veux dire, oui je pense avoir été touché par un alter, en fait deux, je pense, en même temps. À moins qu’on puisse aussi compter les autres, même si techniquement ils n’étaient pas activés, mais dans ce cas je ne sais pas du tout le nombre exact d’alters, et encore moins leurs types et natures, sauf pour une dizaine d’entre eux au minimum ; mais là encore je ne pense pas qu’ils aient joué un rôle dans ce qui m’arrive, et honnêtement j’ai moi-même beaucoup de mal à croire ce qu’il m’arrive, mais connaissant les alters en question il est pos-

‒ Midoriya-kun.

Izuku se stoppa, les mains plaquées contre sa bouche et le visage complètement rouge. Il était très embarrassé et ne savait pas ce qui était le pire : bégayer ou marmonner. Peut-être un mélange des deux.

‒ Pardon, fit-il d’une petite voix.

‒ Inutile de t’excuser, tu n’as rien fait de mal, assura joyeusement l’hermine d’un vague geste de la patte.

Izuku le regarda étrangement. Pas besoin de s’excuser ? Mais ça avait dû être ennuyeux, dérangeant ou même effrayant, non ? C’était ce que tout le monde lui a toujours dit, donc ça devait être vrai. Mais Nezu ne semblait pas affecté par son marmonnement, contrairement à All Might qui était visiblement surpris.

‒ Donc Midoriya-kun ! Pour quelle raison voulais-tu nous parler ? Cela semblait extrêmement important.

‒ Ça l’est, confirma Izuku en hochant la tête. Mais je… c’est compliqué à expliquer, surtout que… c’est assez fou ? Oui, carrément fou. J’arrive toujours pas à y croire moi-même alors que ça fait… presque quatre ans que c’est arrivé.

‒ Quatre ans ? Pourquoi avoir attendu autant de temps pour demander de l’aide ? questionna le héros. Tes proches doivent s’inquiéter de ta disparition, s’ils ne savent pas que tu as rajeuni.

‒ Je n’ai pas rajeuni. J’ai…

Le garçon s’humecta les lèvres, le regard fixé sur ses chaussures. Il inspira profondément, et lâcha sa bombe :

‒ J’ai remonté le temps.

Un lourd silence surpris, presque choqué, s’abattit dans le bureau du principal. Leur visage exprimaient leur totale incrédulité face à cette déclaration, All Might en particulier.

‒ C-c’est… C’est impossible, affirma le héros après quelques instants. Il n’existe aucun alter capable d’une telle prouesse.

‒ Je savais que vous diriez ça, dit Izuku les épaules tombantes et la tête basse, sa tasse de thé posée sur ses genoux entre ses mains. Je pensais qu’attendre un peu, que je sois plus vieux serait mieux que d’en parler quand j’avais quatre ans, mais… c’était stupide n’est-ce pas ? Peu importe l’âge que je pourrais avoir, personne ne me croira.

‒ Mon garço-

‒ Seize ans, tu as dit ? interrompit Nezu. En deux milles deux cents soixante dix-sept, c’est ça ?

‒ Oui.

‒ Ta première année de lycée, donc. Es-tu allé à Yûei ?

‒ Oui, j’étais en 1-A, mais… mais vous me croyez ?

‒ Le Département Héroïque, je vois, rebondit le directeur en ignorant la question. Tu dois avoir un puissant alter.

Izuku se recroquevilla sur sa chaise, mal à l’aise, presque apeuré.

‒ Je… non. Je… j’en ai pas.

‒ Il n’y a pas de honte à ne pas avoir d’alter puissant Midoriya-shônen, assura All Might. Si tu as réussi l’examen d’entrée, alors tu as prouvé que tu pouvais être un héros.

Izuku secoua la tête, sentant ses yeux lui piquer, et lutta pour ne pas pleurer.

‒ Non. Je… je n’ai pas d’alter.

Un petit silence suivit cette déclaration. C’était toujours le cas après que son statut soit dévoilé, comme si les gens avaient besoin de se rendre compte que, oui, n’avoir aucun pouvoir était possible. Vingt pourcent de la population mondiale était Sans-Alter, mais plus des trois-quart de ces personnes étaient actuellement des adultes de plus de trente ans. Plus le temps passait, plus le nombre de Sans-Alter diminuait. Encore une, peut-être deux générations après lui, et il n’y aurait sans doute plus aucune naissance de personnes Sans-Alter. Le Premier le lui avait dit : après Izuku, il y avait peu chance qu’il puisse transmettre One For All à une personne ne possédant pas d’alter.

‒ Tu es donc notre premier étudiant héroïque Sans-Alter.

Le garçon releva la tête vers Nezu. Il ne semblait pas se moquer ou être en colère ou… quoi que ce soit. Il avait dit ceci comme on énonce un fait, sans parti pris. Il fallut plusieurs secondes à Izuku pour réagir et secoua une nouvelle fois la tête.

‒ Non. Euh… j’avais un alter. Quand j’ai passé l’examen.

Les yeux du directeur se mirent à briller, et c’était légèrement inquiétant de l’avis d’Izuku.

‒ Mon garçon, fit All Might d’une voix un peu hésitante. Comment as-tu obtenu cet alter ? Est-ce...est-ce quelqu’un qui te l’a donné ?

– En effet, c’est vous, répondit Izuku en regardant le héros.

Ce qui fit rire Nezu, et c’était franchement effrayant. Izuku était content de n’avoir jamais interagi avec le directeur dans son premier vécu. Un petit coin de son esprit se demanda d’ailleurs pourquoi.

‒ Voilà qui va faciliter le reste de cette rencontre ! s’exclama Nezu. Surtout que j’imagine que tu ne peux pas rester toute la journée Midoriya-kun.

‒ Ah ! Non, j’ai dit à ma mère que je sortais jouer dehors, il faut que je sois de retour pour le déjeuner, dit le garçon en regardant sa montre pour s’assurer qu’il avait encore du temps.

‒ Tu n’as pas dit à ta mère où tu allais ? s’étonna All Might. Ce n’est pas prudent, mon garçon.

‒ Elle… n’est pas au courant de… tout ça, murmura Izuku en faisant un vague geste de la main. Et… j’avais peur qu’elle ne me croit pas. Je n’ai pas de “preuves” à lui donner contrairement à vous.

‒ Très bien. Pour être sûr que nous comprenons bien, je vais résumer. Midoriya-kun, tu as hérité du One For All par All Might ici présent, puis à cause d’un accident d’alter tu t’es retrouvé dans le passé dans ton corps d’enfant de quatre ans.

‒ C’est ça, confirma Izuku avec assurance. Vous me croyez vraiment ? Je veux dire, c’est assez dingue comme histoire !

‒ Étant donné les deux alters en question - parce qu’All For One est forcément également en cause, n’est-ce pas ? - cette possibilité n’est pas surprenante, même si j’avoue avoir été surpris. On ne voit pas tous les jours des voyages dans le temps, même accidentels. Et c’est aussi pour moi une bonne raison pour laquelle tu connais le nom civil de All Might, n’est-ce pas Yagi-kun ?

‒ Hum… Euh… O-oui, répondit le héros toujours sous le choc de la révélation.

‒ Nous n’aurons malheureusement pas le temps de tout voir en détail aujourd’hui, regretta l’hermine. Midoriya-kun, peux-tu nous dire les grandes lignes de ce qu’il s’est passé ? C’est pour ça que tu es là j’imagine.

‒ Oui !

À partir de là, Izuku raconta ce qu’il s’était passé dans son premier vécu. Sa rencontre avec All Might, la révélation de son secret, One For All, son entraînement, son entrée à Yûei en tant qu’aspirant héros, la Ligue des Vilains, leurs attaques, All For One qui n’était pas mort, la fuite de la Ligue et leur bref rapprochement avec le Shie Hassaikai, le Front de Libération du Paranormal et leur alliance avec la Ligue, l’opération pour les arrêter, la nouvelle condition de Shigaraki, l’état de guerre civile qui avait suivi après que All For One ait libéré tous les criminels de toutes les prisons du pays, y compris le Tartare où il était enfermé. Il raconta aussi brièvement ce qu’il avait fait à partir de ce moment, jusqu’au combat final, celui contre le Super-Vilain. Puis l’explosion, pour se retrouver soudainement dans son lit de nouveau âgé de quatre ans.

‒ Je ne pouvais pas laisser les choses se passer comme dans mon premier vécu. Tant de gens sont morts et ont été blessés. C’est la raison pour laquelle je voulais en parler avant d’être trop âgé, pour éviter la blessure d’All Might ; All For One la lui a infligée l’année de mes dix ans, ou peut-être neuf ans, je ne suis pas très sûr de moi pour les dates, et je ne pouvais pas rester à ne rien faire alors que je savais ce qui allait se passer ; je n’étais pas sûr de pouvoir contacter All Might, car en tant que héros numéros un il reçoit des centaines de mails par jour, j’avais donc peur que le mien finisse perdu sans être lu et en plus je ne savais pas quoi mettre pour attirer votre attention sans que vous pensiez que c’était un piège ou autre, et-

‒ C’est bon Midoriya-shônen, je comprends. Contacter Nezu était sans doute la chose la plus sûre et la plus discrète à faire. Nighteye aurait été très soupçonneux, confirma le héros. Et je te remercie de m’avoir prévenu de la blessure. Je vais appeler le développeur de mon costume pour demander des modifications, cela devrait me permettre d’éviter d’être aussi gravement blessé que tu le dis.

‒ N-non, je vous en p-prie, c’est n-normal !

‒ Il va bientôt être l’heure de rentrer chez toi Midoriya-kun, lança Nezu avant qu’All Might puisse à nouveau ouvrir la bouche. Il serait sans doute plus facile de continuer dans les détails par mail, pour ne pas t’obliger à venir à Yûei tous les samedis, mais sans ligne sécurisée, je crains que ce soit impossible. Les informations que tu possèdes sont trop dangereuses pour prendre le risque de se faire pirater.

‒ Mais Yûei a l’une des meilleures sécurités du pays !

– Peut-être, mais pas ta maison, Midoriya-kun.

– Oh...

Izuku n’avait pas pensé à ça. Honnêtement, il pensait pouvoir tout dire aujourd’hui lors de cette réunion, et au pire s’il se souvenait de détails importants, il pouvait toujours envoyer un mail à Nezu. Mais Yûei étant la meilleure école de héros du Japon, les Vilains étaient donc à l’affût d’une brèche dans la sécurité pour en profiter, et Izuku ne voulait pas être responsable de cette brèche. Il s’en voudrait toute sa vie.

Et s’il arrivait à sécuriser sa maison ? Izuku savait se débrouiller avec un ordinateur, autant qu’un utilisateur lambda c’est vrai, mais il pouvait apprendre. Bon il n’était pas sûr que sa mère soit d’accord, car la sécurité informatique incluait l’apprentissage du piratage s’il avait bonne mémoire. Mais… peut-être qu’il n’avait pas besoin de prendre des cours officiels ? Il n’avait qu’à aller sur internet. Il le faisait bien pour récupérer des informations sur les héros et leurs alters. Après tout, si on pouvait y trouver des choses datant de l’ère pré-alter, on pouvait aussi y trouver des sites apprenant le piratage. Izuku ne pensait pas pouvoir acquérir un bon niveau, mais une faible sécurité était toujours mieux que pas de sécurité du tout, et il pouvait sûrement mettre une alarme qui le préviendrait s’il y avait une intrusion. Ce devrait être possible, non ?

Le garçon hocha la tête, autant pour lui-même que pour Nezu.

‒ Comment fait-on alors ? Je vous… les envoie par courrier ?

Nezu rigola.

‒ Le papier est effectivement la meilleure sécurité contre le piratage. Ce serait une solution, même si savoir qu’une tierce personne – au minimum – à la possibilité d’accéder aux lettres est embêtant.

Izuku pensait que le directeur était un peu trop paranoïaque, mais comme il était l’une des personnes les plus intelligentes du pays, en plus d’être un héros et directeur de la meilleure école de héros du Japon, Nezu devait avoir raison. De toute façon, ça ne dérangeait pas Izuku de venir à Yûei toutes les semaines, il faudrait juste qu’il vienne en début d’après-midi pour avoir plus temps. Izuku lui en fit part.

Après s’être mis d’accord sur les horaires, afin qu’il puisse ne pas rentrer trop tard et inquiéter sa mère, le garçon quitta Yûei et attrapa le train en direction de chez lui. All Might avait voulu le raccompagner, mais Nezu voulait discuter d’autres choses avec le héros, car il ne savait pas quand il serait de nouveau libre.

Ça avait un côté soulageant de savoir que quelqu’un le croyait, qu’ils ne pensaient pas qu’il mentait. Il avait beaucoup hésité, déjà parce que cette histoire était dingue, mais aussi parce qu’il était un enfant, mais surtout parce qu’il était Sans-Alter. Dans son premier vécu, les rares fois où il avait parlé du mauvais traitement que lui infligeaient ses camarades de classe à quelqu’un, à un adulte, on l’avait accusé de mentir, d’inventer des choses. Sauf sa mère, tout simplement parce qu’il ne lui avait jamais rien dit. Ses excuses lors du diagnostic ont toujours résonné dans la tête d’Izuku et il ne voulait pas qu’elle s’excuse parce que son fils était intimidé à l’école et que tout le monde s’en fichait. Il ne voulait plus entendre ses excuses. Ironiquement, il avait dû y faire face une seconde fois après avoir remonté le temps.

Mais Izuku ne laissera pas tout ceci l’empêcher d’être un héros. Il avait réussi la première fois, il y arriverait cette seconde fois aussi.

oOo Plus Ultra oOo

Après la réunion à Yûei, la vie d’Izuku avait continué comme d’habitude. Ou presque. Tous les samedis, il retournait voir Nezu pour parler du futur. Le directeur lui avait fourni des cahiers pour y écrire tout ce dont il se souvenait, et ces derniers restaient bien à l’abri dans l’un des tiroirs du bureau.

Izuku avait réparti les informations entre les cahiers. Un pour la 1-A, un autre pour la Ligue des Vilains, pour le Shie Hassaikai et Eri, ou encore un sur l’opération contre le Front de Libération du Paranormal, etc. Il avait essayé de les écrire par ordre chronologique, mais il n’avait pas toutes les informations, ou alors il ne s’en rappelait pas tout de suite mais trois semaines plus tard par exemple. Il inscrivit autant de dates et de repères temporels que possible, mais avait l’impression que ce n’était pas assez.

Puis, trois mois plus tard, Izuku écrivit les derniers mots.

‒ Je… J’ai fini.

Fini. Il avait fini. Il venait d’écrire tout ce qu’il avait vécu, tout ce qu’il savait sur ce qu’il s’était passé depuis qu’il était rentré à Yûei, depuis qu’il avait réussi l’examen d’entrée. C’était une sensation étrange, comme s’il était vide en quelque sorte.

Nezu récupéra le cahier et le feuilleta, laissant Izuku un peu désœuvré devant une nouvelle tasse de thé. Il y avait droit chaque samedi, et il aurait été impoli de refuser, surtout que le thé du directeur de Yûei était très cher et d’excellente qualité. Le garçon avait même réussi à obtenir le nom et la marque du thé, dans l’objectif d’en offrir à sa mère pour son anniversaire dès qu’il aurait assez d’argent de poche. Bon, techniquement c’était l’argent de sa mère vu que c’était elle qui lui donnait son argent de poche, mais s’il arrivait à se faire un peu d’argent en rendant service aux gens dans son quartier, peut-être qu’il n’aurait pas à utiliser ce qu’elle lui donnait.

‒ Nous avons donc toutes les informations. Merci Midoriya-kun.

Izuku hocha la tête tandis qu’il prenait une gorgée de son thé.

‒ Tu ne vas plus être obligé de venir toutes les semaines. Toutes ces sorties ont dû inquiéter ta mère.

‒ Non, ça allait, réfuta Izuku. Je… je lui ai dit que je me promenais dans le quartier ou que j’allais à la bibliothèque qui n’est pas très loin de la maison, et je fais toujours en sorte d’emprunter un livre avant de rentrer.

Ce qui lui permettait en plus de justifier son avance avec les kanjis, mais aussi avec l’anglais dont beaucoup de termes étaient utilisés dans le domaine héroïque.

Nezu hocha la tête avant de se servir une nouvelle tasse de thé. Combien en buvait-il par jour ? Était-ce plus ou moins qu’Aizawa-sensei buvait de café dans une journée ? Non, ça devait être au maximum égal, personne ne pouvait dépasser la quantité de caféine – ou équivalent de théine – que son professeur principal pouvait ingurgiter dans la journée ; sans compter la nuit ! En tant que héros underground travaillant la nuit, il devait boire encore plus de café pour rester éveillé que pendant la journée ; mais à trop haute dose le café était mortel, est-ce qu’Aizawa-sensei allait bien ? Maintenant qu’il y pensait, est-ce qu’il dormait même ? Quand il n’enseignait pas, il dormait dans son sac de couchage jaune flashy qui le faisait ressembler à une chenille flippante ; est-ce que ça voulait dire que son sommeil n’était composé que de siestes de quelques minutes étalées sur toute la journée ?! Comment était-il encore en vie ?! Les sachets de gelée nutritionnelle et la caféine avaient des limites ! C’était dangereux pour sa santé ! Il devait dormir correctement ; et manger correctement aussi ; devrait-il lui donner de la nourriture en remerciement pour son travail ? Ah mais s’il faisait ça les gens crieraient au favoritisme ; pour tous les enseignants alors ? Mais dans ce cas, il n’était pas sûr qu’Aizawa y touche ; à moins qu’il y ait quelque chose qu’il aime, quelle était sa nourriture préférée ? Il allait devoir faire des recherches, ça n’allait pas être facile, il n’y a pas beaucoup d’informations professionnelles sur Eraserhead sur internet, alors les informations personnelles devaient être inexistantes ; peut-être en demandant à quelqu’un qui le connaît comme Prese-

‒ Midoriya-kun.

Izuku stoppa son marmonnement involontaire, les mains plaquées contre sa bouche, légèrement apeuré. Les gens n’aimaient pas quand il faisait ça, vraiment pas.

‒ Vu que tu sembles si inquiet pour Eraserhead, je te promets de m’assurer qu’il dort suffisamment quand je l’embaucherai. S’il accepte de devenir professeur dans cette chronologie.

Izuku acquiesça, les mains toujours contre sa bouche.

‒ De plus, je pense que tu seras soulagé d’apprendre que Yagi a un nouveau costume, beaucoup plus résistant et avec des protections supplémentaires au niveau du torse et de l’abdomen.

‒ Vraiment ? C’est génial ! s’exclama Izuku avec un grand sourire. Avec ça il ne devrait pas être aussi blessé que dans mon premier vécu, le fait qu’il ressemblait à un squelette et qu’il toussait régulièrement du sang était franchement effrayant et inquiétant.

‒ Je suis également heureux qu’il puisse éviter cela. Et en parlant de Yagi… que comptes-tu faire Midoriya-kun ?

Le garçon cligna des yeux, ne comprenant pas la question.

‒ À propos de One For All.

‒ Oh ! Euh… Je ne sais pas, avoua-t-il, le regard fuyant. Je n’y avais pas vraiment réfléchi. Au début, quand je suis revenu je veux dire, je pensais que rien ne pouvait être changé, et que… je finirai par avoir une nouvelle fois l’alter. Mais j’ai réussi à changer des choses, un peu, et si All Might arrive à vaincre All For One, alors… alors il n’aura plus besoin de trouver un successeur.

Sa voix à la fin n’était pas plus haute qu’un murmure, la tête baissée, ses yeux fixant ses pieds, et ses mains serrant sa tasse presque vide.

Izuku n’avait pas pensé à ce qu’il se passerait si All Might n’avait pas besoin de transmettre One For All, tout simplement parce qu’il ne voulait pas y penser. Dans son premier vécu il n’avait réussi tout ce qu’il avait fait uniquement grâce à l’alter, et honnêtement, même avec juste du muscle supplémentaire Izuku ne pensait pas que ce serait suffisant pour réussir l’examen d’entrée de Yûei.

Bien sûr, il pouvait toujours tenter d’entrer dans d’autres écoles, mais… il était Sans-Alter. Si aucune école obligatoire ne pouvait le refuser pour cette raison, ce n’était pas le cas du lycée. En fait, il ne savait même pas si Yûei autorisait les Sans-Alter, en Héroïque en tout cas, pour les autres départements, l’absence d’alter ne devait pas être très dommageable ou préjudiciable.

‒ Honnêtement, connaissant Yagi, même après avoir vaincu All For One, je pense qu’il cherchera quand même un successeur pour prendre sa place de Symbole de la Paix.

Le garçon redressa la tête avec espoir, avant de rapetisser dans sa chaise.

‒ Ce ne sera pas moi dans ce cas.

‒ Pourquoi cela ? demanda l’hermine avec beaucoup de curiosité.

‒ Je… Quand une partie du secret d’All Might a été révélé au public, sa vraie apparence et le fait qu’il ne pouvait plus utiliser son alter, les choses se sont… envenimées, expliqua Izuku doucement. C’était léger au début, mais ça a empiré. La criminalité est montée en flèche, en particulier dans les grandes villes. Sans parler du Front de Libération du Paranormal qui faisait de plus en plus parler de lui, puis son alliance avec la Ligue. Et… la guerre civile qui a suivi. Les gens se battaient les uns contre les autres parce qu’ils avaient peur, et n’hésitaient pas à utiliser du matériel de soutien Detnerat, alors que c’était techniquement illégal. La Commission ayant été attaquée et affaiblie, ils ne pouvaient pas gérer ce qui se passait, et… beaucoup de héros ont démissionné et ont pris leur retraite, ce qui a engendré beaucoup de colère et de déception chez les civils.

Izuku regarda Nezu avec autant d’assurance qu’il en avait, c’est-à-dire pas beaucoup.

‒ Je ne veux pas être un Symbole de Paix. Ce n’est pas bénéfique. Les héros ne sont pas tout puissants. Les héros… peuvent mourir.

Il pensa à Kôta, dont les parents avaient été tués par Muscular, laissant l’enfant rempli de chagrin et de colère, orphelin à six ans. Il pensa à Midnight, tuée lors de l’assaut contre le Front de Libération du Paranormal, seule sans renfort ou amis à ses côtés. Il pensa à tous ces héros qui étaient morts, durant leur travail, en aidant et protégeant des gens, en sauvant des vies, laissant derrière eux des familles et des amis en deuil à cause du vide créé par leur absence. Ses yeux s’embuèrent, ses gènes familiaux refaisant surface.

Tant de gens étaient morts.

Avant Yûei, Izuku n’y avait pas fait attention, ce n’était pas quelque chose sur lequel les médias insistaient et revenaient. Pourtant c’était là, c’était la réalité. C’était injuste. Le monde était injuste. Izuku le savait, il était aux premières loges depuis son diagnostic : les humains ne naissaient pas égaux, la vie était injuste, difficile, et même carrément cruelle.

Le monde n’était pas juste. Les héros étaient censés réparer cette injustice, et non en faire partie. En être victime.

Le monde n’était pas juste. Et Izuku en était triste. Si triste.

Un léger tapotement sur son genou le fit sortir de ses pensées, pour trouver Nezu à côté de lui, une boîte de mouchoirs dans les pattes. Le garçon en prit un en le remerciant doucement et se moucha, puis sécha ses larmes.

‒ Tu as vécu beaucoup de choses Midoriya-kun. Trop même, compte tenu de ton âge. Tu as traversé des épreuves que, normalement, seuls les Héros Pro traversent. Et la faute nous en incombe.

Izuku redressa la tête pour nier, mais le directeur ne lui en laissa pas le temps.

‒ Non. Tu es un enfant, un adolescent certes, mais un enfant malgré tout. C’est à nous, adultes et professionnels, de s’assurer que vous, étudiants, êtes protégés, que vous allez bien, autant physiquement que mentalement, et à la vue de ce que tu as écris, de ce que tu as raconté, nous avons échoué. Je m’en excuse sincèrement.

Le directeur s’inclina devant un Izuku sous le choc.

‒ N-non… V-vous… C-c’est bon. V-vous n’avez encore r-rien fait, t-techniquement, donc v-vous n’avez pas à v-vous excuser.

‒ Je me sens tout de même responsable, Midoriya-kun. Que ce soit mon moi actuel ou mon moi futur, nous sommes la même personne.

Izuku ouvrit la bouche pour dire quelque chose, n’importe quoi, mais aucun son n’en sortit. Il ne trouvait rien à dire. Alors il hocha simplement la tête. Nezu retourna à son fauteuil, laissant la boîte de mouchoirs sur le bureau près du garçon.

‒ Pour en revenir à One For All, c’est ton choix de l’accepter ou non. Et je ne pense pas que Yagi t’en voudrait de ne pas reprendre sa place de Symbole de la Paix, surtout si tu lui expliques pourquoi. Mais quoi que tu choisisses, sache que tu auras une place dans le département Héroïque une fois que tu auras fini le collège.

Le silence suivit cette déclaration. Izuku regardait le directeur comme s’il lui avait poussé une deuxième tête – ce qui vu la diversité des alters ne serait pas si choquant tout compte fait – et après de longues secondes, décida qu’il avait mal entendu, que ses émotions lui avaient brouillé le cerveau pour comprendre de travers ce que venait de lui dire Nezu.

‒ Q-quoi ?! M-m-m-mais monsieur, si je n’ai pas d’alter, je peux pas… C’est pas possible, je ne peux pas… Je suis Sans-Alter, donc je ne peux pas…

“Sans alter, tu ne peux pas être un héros.”

Tout le monde le lui avait dit. Tout le temps, tous les jours depuis son diagnostic.

Même All Might.

Être un héros était son plus grand rêve, mais… les rêves n’étaient pas la réalité. La réalité pour quelqu’un sans pouvoir était dangereuse, injuste, triste, sans rêve.

‒ Midoriya-kun, tu es un jeune homme intelligent, mais on dirait que parfois tu ne réfléchis pas comme il faut, lança Nezu en lui servant une nouvelle tasse de thé. Pourquoi penses-tu ne pas pouvoir être un héros si tu es Sans-Alter ?

‒ Parce que… tout le monde me l’a dit ? Chaque personne que j’ai croisée ? affirma Izuku d’une petite voix.

Il ne comprenait pas pourquoi Nezu lui posait la question, il devait bien le savoir, non ? Tout le monde le savait ! C’était une vérité universelle qu’un Sans-Alter ne pouvait pas être un héros.

‒ Donc tu as décidé que tu ne pouvais pas être un héros, uniquement parce que les gens te l’ont dit ?

‒ C’est… Je… Mais monsieur, sans alter je ne peux rien faire ! Je serai un fardeau sur le terrain ! Je ne ferai que me mettre inutilement en danger !

“Sois réaliste.”

Nezu le regarda attentivement avant de secouer la tête.

‒ Ayant eu Eraserhead comme professeur principal pendant un an, j’avais imaginé que tu aurais compris certaines choses sur l’héroïsme.

‒ Je-

‒ Quel est l’alter d’Eraserhead ?

‒ L’Effacement, répondit Izuku sans réfléchir. Ça lui permet d’effacer l’alter des gens, sans compter les alters de type mutant. Il ne semble pas y avoir de limite quant au nombre d’alters qu’il peut effacer en même temps. L’utiliser trop longtemps et trop souvent lui donne les yeux secs. L’effet s’annule s’il cligne des yeux ou si une mèche de cheveux se retrouve devant ses yeux. Ses cheveux flottent lorsque l’alter est activé pour une raison que je n’ai pas encore comprise, j’hésite entre un effet secondaire pour que l’alter ne s’annule pas lui-même et un effet secondaire passif hérité d’un de ses par-

‒ Et que se passe-t-il lorsque Eraserhead ne peut pas utiliser son alter ? coupa Nezu. Comme en étant face à un adversaire avec un alter de type mutant par exemple ?

‒ Il se bat sans. À la place, il utilise son arme de capture et un style de combat au corps à corps pour battre son adversaire.

Nezu hocha la tête, l’air satisfait.

‒ Dis-moi Midoriya-kun, quelle est la différence entre toi étant Sans-Alter et Eraserhead se battant sans alter ?

‒ C’est…

Izuku referma la bouche. Il ne savait pas quoi répondre. Il ne connaissait pas la réponse. Les informations sur Eraserhead étaient difficiles à trouver, mais Izuku avait été son élève pendant une année scolaire entière, il l’avait vu se battre plusieurs fois, donc il devrait connaître la réponse à cette question. À une question si simple. Pourtant il n’arrivait pas à la trouver. Parce que… Non ! Il devait en avoir une, il ne la savait pas, voilà tout. Même s’il adorait les alters, il ne pouvait pas avoir toutes les réponses sur le sujet. Il n’avait suivi aucun cours sur les alters et n’avait aucun diplôme dans le domaine après tout, il ne pouvait donc pas tout savoir. C’était normal. C’était-

‒ C’est parce qu’il n’y en a pas, rétorqua doucement Nezu. Il n’y a aucune différence.

Quelque chose de chaud gonfla dans la poitrine d’Izuku, mais le garçon le réprima. C’était un faux espoir, c’était mauvais, il ne pouvait pas s’y fier. Mais Nezu semblait si sûr de lui, si sincère. Comme si… comme s’il lui disait la vérité.

Il sentit ses yeux le brûler, et il serra les lèvres pour empêcher les larmes de couler.

‒ Même sans alter Midoriya-kun, tu peux être un héros.

.

.

Midoriya Izuku pleura. Énormément et sans retenue. Sa gorge lui faisait mal, son cœur lui faisait mal. Mais en même temps, il était si soulagé, si heureux que quelqu’un lui dise ces mots avec sincérité, que quelqu’un croit enfin en lui, que quelqu’un pense vraiment qu’il pouvait être un héros, même sans alter. C’était ce qu’il avait toujours voulu.

Le garçon continua de pleurer pendant de nombreuses minutes, et le Principal Nezu le laissa faire. Il en avait besoin et le héros sentit qu’il ne serait pas bon de le faire s’arrêter. Midoriya avait vécu beaucoup de choses pour un jeune adolescent de seize ans.

Trop, comme l’avait estimé Nezu.

Midoriya n’avait jamais vraiment eu l’occasion de soulager sa peine, ses angoisses, sa peur, sa douleur. Il ne voulait inquiéter personne, n’être un fardeau pour personne, et surtout pas pour sa mère, puis pour ses professeurs et camarades de classe une fois au lycée. Même s’il avait déjà laissé ses émotions le submerger, ce n’était que la surface. Quelque chose de superficiel comparé à tout ce que le garçon avait en lui depuis des années.

Midoriya avait appris à l’âge de quatre ans que les gens n’étaient pas égaux.

Midoriya a appris aujourd’hui que cette inégalité ne l’empêchait pas d’être ce qu’il voulait devenir.

Midoriya Izuku, que ce soit dans cette vie ou dans une autre, était et sera toujours un Héros.


Texte publié par Yuedra, 6 mars 2022 à 03h06
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