«

»

Ils montèrent tous les deux dans la voiture d’Albert. Le village surplombé par une colline, se trouvait non loin de la mer. Le ciel d’un bleu limpide paraissait se fondre avec l’immense étendue d’eau ; les embruns étincelaient comme une pluie de diamants sous les rayons du soleil. Mais ni l’un ni l’autre des occupants du véhicule ne semblaient intéressés par le superbe panorama. Plus la voiture s’approchait du sommet de la colline, plus Lilly s’agitait. Elle remuait continuellement, fit claquer la poignée de la porte et commença à trembler. Albert s’aperçut de son malaise.

— Du calme. Bientôt tout sera fini.

Elle inspira et expira longuement en fermant les yeux.

— Et si c'était une erreur ? Si ce n'était pas... questionna prudemment Lilly.

Albert l’interrompit brusquement avec un ton de reproches sans pour autant quitter son regard de la route, concentré sur sa destination.

— Tu oublies l’enfer que tu as vécu ? Il ne s’est pas posé de questions, lui. N’oublie pas le mal qu’il t’a fait.

Lilly ne répliqua pas et détourna les yeux en direction du paysage qui défilait au travers de sa fenêtre.

Finalement, ils gagnèrent les hauteurs de la colline. Albert arrêta le moteur non loin du portail d’une magnifique petite villa, où par-delà le jardin, on apercevait la mer. Lilly scruta la propriété sans prononcer un seul mot. Albert s’approcha du portail, lut le nom du résident sur l’interphone et sourit du coin des lèvres. Il était enfin devant la maison de celui qu’il s’était juré de retrouver pendant toutes ces années. Lilly ne prêta guère attention à son sourire, le regard tourné vers la villa, continuant de l’examiner sous tous les angles de ses grands yeux bleus. Lorsqu’il eut fini sa petite inspection, Albert se tourna vers elle.

— C’est ici qu’il habite. Jolie maison pour un monstre, pas vrai ?

Il ajouta à voix basse, s’adressant à lui-même :

— Ça y est, je t’ai enfin retrouvé après tout ce temps…

Il s’interrompit en entendant Lilly s’approcher de lui.

— Il n’y a personne pour le moment, lui dit-il, on reviendra le moment venu.

Sur le sentier qui conduisait à la villa, une moto s’avança à toute vitesse, croisant la voiture d’Albert et Lilly. Elle s'arrêta devant le portail de la villa, un jeune homme en descendit. Il suivit la voiture du regard en retirant son casque.

— Qui ça pouvait bien être ? Je ne les ai jamais vus avant.

Il haussa les épaules pensant qu’il s’agissait sûrement de touristes, et entra à l’intérieur de la villa. La maison étant vide, il repartit sur sa moto à vive allure.

De retour dans leur appartement, Lilly s’était assise sur un rocking-chair et se balançait d’avant en arrière le regard perdu dans le vide. Les yeux de la jeune femme étaient d’un bleu clair rappelant la couleur de l’eau de la mer, qui contrastaient avec ses cheveux noirs coupés très courts.

— On attend, lui répondit Albert lorsqu’elle s’informa auprès de lui de ce qu’ils devaient faire à présent ; ils retourneraient à la villa le lendemain. Il l'encouragea à aller dormir.

Il retira son imperméable, une autre de ses étranges manies : qu’il fasse chaud, comme ici, ou froid, Albert ne quittait jamais ce long imperméable couleur beige, ce qui le rendait encore plus mystérieux. Lilly était assise sur sa chaise le regard fixé sur le mur droit devant elle, pensive. Ce que lui avait dit Albert dans l’après-midi lui revenait dans les pensées.

— Tu oublies l’enfer que tu as vécu ? Il ne s’est pas demandé s’il faisait une erreur lui, quand il a tué tes parents.

Plus tard dans la nuit, Albert recouvrit Lilly d’une légère couverture en s’apercevant qu’elle s’était endormie sur sa chaise. Il lui susurra à voix basse :

— Oui, bientôt tout sera fini.