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saison 1, Chapitre 6 « Notre collaboration sera... » saison 1, Chapitre 6

— Tu es un serviteur du malin ! Vade Retro Satana !

— Ah ouais… Tu tiens une sacrée couche toi en fait…

— Je suis maudit ! Cela ne me quittera donc jamais ?

— Tu me feras signe quand la dramaturgie sera finie. En attendant, je vais me servir un verre.

Crit se déplace en sautillant pour rejoindre la partie cuisine. Existe-t-il vraiment ? Est-ce mon passé qui me rattrape ? Je ne veux pas le croire.

— Dis-moi ? Tu n’as pas de Gin ? Où est-ce qu’il cache les douceurs ?

Que se passe-t-il ? J’entends des voix. Des hallucinations m’envahissent. Je m’évanouis dans la vase. Non… pas ça, pas encore.

— Eh ! J’y pense. Je ne vais pas pouvoir boire sous cette forme. Tu pourrais me donner un autre corps ?

Un monstre… c’est tout ce que je suis.

Des souvenirs me reviennent à l’esprit. Je ne veux pas y replonger… Non, s’il vous plaît… Non. C’est fini, ce n’était pas moi, pas ma faute.

Je cherche à fuir l’angoisse qui monte en moi. Ma respiration accélère sans que je ne puisse la contrôler. Dans un réflexe de survie, j’attrape mon ordinateur. En quelque clique, j’atteins ma page YouTube et découvre les sept abonnements qu’elle possède.

Je tente de me concentrer sur un autre sujet pour ne pas sombrer à nouveau. Est-ce que je pourrais utiliser le peu de vidéo de mon braquage foiré ? Un bêtisier… N’est-ce pas trop risqué après l’intervention des flics ? Hum… Je devrais trouver autre chose…

— Eh ! Tu m’entends ?

La gomme apparaît subitement au-dessus de l’écran. Ce qui me provoque aussitôt, une tétanisation des plus crispantes. L’ordinateur bondit légèrement, entraînant la chute du crayon.

Je me lève sans même lui jeter un regard et m’éloigne sans but. Le miroir m’arrête et me confronte à ma mine des mauvais jours. Les poches sous mes yeux semblent contenir toute ma poisse. Ma barbe à trous forme un cercle avec mes cheveux mi-longs, comme une cible. Avec mon énorme pif en plein centre… C’est certain, immanquable.

— Tu boudes ?

Je sens des picotements assez douloureux sur mon pied droit. Mécaniquement, je baisse la tête pour voir l’objet de ma souffrance… Non... je ne regarderais pas. Il n’existe pas.

D’un geste las, je me tourne vers la cuisine, me libérant de la torture psychologiquement physique.

— Tu es sérieux ? Tu n’as pas conscience de la situation…

— Lalalala !

Je place mon casque sur les oreilles. Mon pouce parcourt la playlist sur mon téléphone. Boilermarker de Royal Blood, parfait pour me concentrer sur la popote.

La lumière du bonheur m’éblouit à l’ouverture du frigo. Les couleurs, les textures et les saveurs se mélangent déjà dans mon esprit. J’imagine les différents aliments dansant au son de la musique, l’huile frémissante à chaque secousse de la poêle. Je vais me régaler.

C’est ce que j’aurais pu me dire, si seulement je possédais une poêle.

Je sors le reste de nouille instantanée et installe le paquet dans le micro-ondes. Voici la partie la plus délicate, je dois me souvenir du temps de chauffe. Cette cuisine représente un art et demande de la précision. Je tourne le bouton et la magie opère dans un faisceau doré des plus captivant.

Non. Non, je ne vois pas ce bout de bois qui saute devant la vitre. Non, je ne l’entends pas, tout simplement parce qu’il n’existe pas. Le décompte s’achève et j’appuie sur le bouton d’ouverture. Ce qui projette la porte comme un ressort, percutant le crayon qui est propulsé contre la faïence et échoue dans l’évier. Pour être sûr qu’il n’existe vraiment pas… Je fais couler l’eau froide pendant quelques secondes.

Le plat est chaud, je prends un torchon pour protéger mes doigts si délicats. J’ouvre le tiroir pour en sortir une fourchette. Au même instant, Crit quitte son bain avec une cuillère pour arme. La surprise me plaque au mur. Dans une série de cris invraisemblable, je le vois prendre différentes postures d’arts martiaux… Impressionnante cette imagination.

Je replie l’index derrière mon pouce et le relâche pour le frapper en pleine tête… Faïence… Évier… Douche froide.

Je rejoins mon canapé, détendu. Ça y est, tout redevient normal. Finalement, ce n’était pas la peine de s’affoler. Je reprends progressivement le dessus. J’ai même pensé à remettre mon caleçon, c’est dire.

J’allume la télévision dans le but de me divertir. Je passe les différentes chaînes de la TNT sans réelle envie. Une petite pointe d’anxiété dans le cœur.

— Mais tu es complètement malade !

Crit a soulevé mon casque pour me briser les tympans. Les nouilles ont bondi hors du plat, me couvrant une nouvelle fois le visage et le torse. Je ne sais plus quoi penser de cette conclusion fataliste, hormis essuyer la sauce qui me brûle la peau. C’en est trop, je pète un boulon.

— Ça suffit ! Raaaaaah !

— Ah ! Enfin une réaction cohérente et modérée.

— Tu n’existes pas !

— Comment ça ? Bien sûr que si. Tu le vois bien, je suis devant toi.

— Lalalala !

— Il ne va pas recommencer ! Tu vas voir si je n’existe pas… Tu vas comprendre !

Les paumes contre mes oreilles, je danse en chantant devant la baie vitrée. J’aperçois la vieille d’en face derrière sa fenêtre. Elle me regarde avec les yeux bien ronds d’un pigeon. Je lui fais signe pour la saluer… et c’est à cet instant que je sens mon caleçon descendre jusqu’à mes chevilles.

Un temps infini glisse comme le grain dans le sablier, avant que je retrouve mon confort. Je me relève et la cherche… Elle se cache derrière son téléphone portable en m’envoyant de grands pouces de satisfaction. Visiblement, la scène lui a plu et peut même améliorer mes relations de voisinage… Pourvu qu’elle ne fasse pas une crise cardiaque avec tout ça.

— Tu en veux encore ?

Crit saute sur la table, les yeux froncés et les mains sur… le crayon. Ce qui semble être son visage se teinte en rouge, signe de colère.

Je tends les bras devant moi, pour signifier une distance de sécurité.

— Non… Non, ça va aller. Tu existes, j’ai compris.

— Bien ! Maintenant que tu as retrouvé la raison. Tu vas pouvoir me transférer dans un autre corps ?

— Gnééé ?

— Oh la vache… Quelle brêle...

— Ta capacité, elle consiste à pouvoir m’incarner dans un objet. Tu peux donc me récupérer et recommencer dans un autre. Tu te souviens de cette nuit ? Le lion, puis la tuyauterie de la fontaine ?

— Ouaaaah ! Mais c’est dément comme pouvoir !

Encore une fois, le crayon chute en arrière, l’air dépité.

— Je vais pouvoir faire des trucs de dingue, et ma page YouTube va exploser…

Il ne bouge pas, les yeux dans le vide. Sa main droite vient masser sa gomme, laissant quelques miettes tomber sur la table.

— Notre collaboration sera légendaire…


Texte publié par Calamus, 11 mars 2022 à 11h39
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