Ce qui se dissout chez Laurent, c'est ce qui lui a donné une forme. L'appareillage que la tribu humaine bricole pour que chacun supporte le poids du monde. Sous le vent du temps, se disloque un être qui ne survit plus que par bribes.

Qu’est-ce qui gouverne cette destruction ? Pourquoi certains pans de sa personnalité demeurent là où d’autres s’étiolent. La gentillesse et l'amour d’autrui survivent, ainsi que l'humour, abâtardi mais bien vivace, qu'il a toujours opposé aux incongruités de la vie. Que reste-t-il de lui, finalement ? Son être nu ? La substantifique moelle de sa personne ? L'essentiel, dépouillé des brimborions du masque social ? Les décombres de sa différence  ou une simple monade encore dressée à vivre ?

Une main, à la fois impitoyable et miséricordieuse, soulève le voile que l'histoire de notre relation a posé sur lui. Par un effet miroir, ce rideau se lève aussi pour nous. Auprès de cette nébuleuse en voie d'effondrement, une manière de mémento vitaliste s'affirme. Sous la baderne de sa voix, il nous devient de plus en plus difficile d’ignorer ce qui demeure de notre vie.