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tome 1, Chapitre 3 « la chute de l'ange » tome 1, Chapitre 3

Enzo regarda sa montre: il était 8h15. La journée commençait mal… L’hypothétique remplaçant de Sam allait arriver en retard pour passer son entretien d’embauche. Si il n’était pas là dans cinq minutes, il allait refuser le dossier; sa patience avait des limites . Gérer les affaires délicates de cette ville était assez difficile comme ça! Si en plus on lui envoyait un boulet il ne s’en sortirait pas!

Il observa l’attitude de ses collègues face à cette situation. Bert regardait à chaque instant sa montre et s’agitait de plus en plus furieusement. La patience n’avait jamais été son fort. C’était un maniaque de l’ordre alors sa réaction n’était pas surprenante. En revanche, Gregory était avachi dans son fauteuil, les pieds sur son bureau et lisait un magazine sportif. Bien sûr cela ne faisait que renforcer l’agacement de Bert. La nouvelle équipe allait être difficile à rendre efficace: un nerveux invétéré, un homme plus que décontracté, et un boulet incapable d’arriver à l’heure…

Enzo frappa sa main contre son front en signe de dépit. Les hostilités battaient déjà leur plein dans le bureau de ses deux collègues. C’était dans ces moments là qu’il était heureux de posséder une pièce à part, exclusivement pour lui. Finalement il se résolut à prendre le téléphone pour appeler le gouverneur et lui dire qu’il refusait le candidat, quand il aperçut un homme courir comme un dératé dans le couloir.

Il raccrocha alors le téléphone et se dirigea vers le grand bureau où Bert avait déjà commencé à se déchaîner sur le postulant. Au moment où il fit irruption dans la pièce, tout le monde se tut.

« - Agent Grell Tears… Je ne vous connais que depuis cinq minutes et je le regrette déjà. Vingt minutes de retard pour notre première rencontre, et en plus vous mettez le désordre au sein de mon équipe.

- Pardon monsieur… Vraiment désolé… répondit Grell en baissant les yeux.

- C’est tout ce que vous trouvez à me dire? Enfin peu importe votre cas est de toute façon indéfendable. Dit Enzo d’un ton suffisant. Veuillez me suivre jusqu’à mon bureau.

- Bien monsieur! Répondit-il avec précipitation. »

Les deux hommes s’assirent l’un en face de l’autre. Ils se fixèrent dans le blanc des yeux et Enzo craignant que le candidat dise à nouveau quelque chose d’absurde décida de rompre le silence le premier:

« - J’ose espérer que votre apparence physique n’est qu’une façade…

- Que voulez-vous dire? S’enquit Grell

- Eh bien vous avez la dégaine infantile. Vos traits sont pour le moins androgynes, vous avez une constitution très fine et votre jeune âge n’arrange rien... Seuls vos cheveux blonds gominés en arrière cadrent avec votre emploi. Rétorqua Enzo méprisant affichant un léger sourire en coin.

- Oh ne vous en faîtes pas commandant! Lisez mon dossier, vous verrez que je suis plus doué que mon physique le laisse à penser.

- Très bien, voyons cela. Je lis ici que vous sortez tout juste de l’école de police avec les recommandations de vos instructeurs. Bon sens de l’observation, et plutôt doué au combat. Intéressant. Mais votre assurance vous fait défaut, c’est manifeste.

- Oui en effet, je suis un peu timide. Avoua Grell en rougissant.

- Ok… je vais pas y aller par quatre chemins: Tous ceux qui sont ici ont fait leur preuve et ils en ont dans le pantalon. Donc il va falloir que tu te comportes autrement que comme une jeune fille en fleur, et que tu me montre ce que tu vaux. Je ne garde que l’élite de l’élite. Donc soit tu me prouves que t’es digne de bosser avec moi, sois tu trouves un autre job. C’est clair?

- Très clair monsieur! S’exclama Grell avec une pointe de détermination dans le regard.

- Fantastique! Mais je veux une preuve concrète alors on va te faire subir un petit baptême du feu pour voir ce que tu as dans le ventre. Et pour ça tu vas affronter Bert au combat.

- Quoi?! Vous parlez de cette montagne de muscle haute d’un mètre quatre-vingt cinq?

- Oui c’est ça. Un problème fillette?

- Non aucun. Je peux y arriver.

- Voilà une attitude déjà plus virile. Allons-y. »

Lorsque les deux hommes sortirent du bureau d’Enzo, Bert toisa Grell d’un air vindicatif. Gregory quant à lui pouffait de rire en regardant Grell. Malgré la sensation de malaise que cela lui procurait, il décida de ne pas broncher, et de faire comme si il n’avait rien vu. Mais il avait du mal à ne pas trembler. Bert était un véritable colosse, le combat n’allait pas être simple. Une fois dans l’ascenseur, un silence pesant s’installa. Grell était vraiment mal à l’aise, comment allait-il faire? Il en avait vu des combattants à l’école de police, mais là… C’était autre chose, c’était un navy seal! Un vétéran, une machine de guerre…

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent et les quatre hommes débouchèrent sur un étage où l’intégralité des pièces étaient faites pour le sport: gymnase, piscine, salle de musculation… Mais ce n’est qu’au fond du couloir qu’ils s’arrêtèrent pour pénétrer dans une salle de judo dont les murs et le sol étaient recouverts de tatamis. Grell trouvait décidément ce bâtiment de plus en plus intéressant mais n’eût pas le temps d’y songer plus longtemps car Enzo prit la parole:

« - Bien messieurs. Les règles sont simples: combattez jusqu’à ce que l’un d’entre vous soit hors de combat. L’équipement autorisé se résume à deux choses: gants de MMA, et protège-dents. Tous les coups sont permis. Est-ce que c’est bien clair?

- Limpide, répondit Bert en souriant. »

Grell enfila ses protections et observa attentivement Bert. Ce dernier souriait sous son protège-dents, et faisait s’entrechoquer ses poings en signe de défiance. Grell était tendu. Il savait que ce combat était décisif mais pourtant il avait envie de fuir. De courir sans jamais s’arrêter, pour ne plus jamais revenir. Mais aujourd’hui il fallait qu’il se comporte comme un homme, un vrai. Pas le droit à l’erreur, pas le droit à la fuite.

« - En garde… Top! Hurla Enzo »

À peine le signal fût-il donné, que Bert fonça sur son adversaire tel un rhinocéros. Les coups se mirent à pleuvoir: front kick défonçant, direct du gauche, du droit, crochet, uppercut! Ça commençait mal. Grell avait esquivé le kick, et les deux premiers directs, mais l’uppercut l’avait défoncé plein fer.

Il recula de deux pas. Sa vision se troublait ses muscles faiblissaient déjà, mais il refusa d’abandonner. Et en faisant mine de tomber, il s’arrêta à cinquante centimètres du sol avant de donner un surpuissant High kick, qui percuta bruyamment la mâchoire de son adversaire.

Bert manqua de tomber en arrière sous le choc mais Grell ne lui laissa pas le temps de se laisser aller et renvoya un coup pied latéral en plein plexus. Bert se recroquevilla alors que son souffle lui manquait et que doucement il suffoquait. Mais rapidement, la rage de vaincre l’emporta sur la douleur et il entra en corps à corps avec Grell en se servant de ses bras comme de boucliers.

Grell entreprit alors de reculer lorsqu’il sentit la pointe d’un coude heurter brutalement sa mâchoire. Mais il n’eût pas le temps de comprendre ce qui se passait car il sentit les mains de Bert saisir ses jambes et l’envoyer au sol. Il voulut lancer sa jambe dans les testicules de Bert mais c’était déjà trop tard… Ce dernier venait de se décaler sur le côté et d’écraser de toute sa masse les côtes de Grell. Il semblait prendre un malin plaisir à lui piétiner les côtes.

« - Alors qu’est-ce qu’il dit maintenant le ninja, hein?! Je vais te broyer les côtes fils de pute!! Aboya-t-il avant d’écraser à nouveau les côtes de Grell »

Grell ne répondit pas. Un filet de sang jaillit de sa bouche alors que sa vision se troublait de plus en plus. Douleur était la seule information que ses sens lui renvoyaient. Il voyait le visage de Bert se déformer mais n’entendait plus rien… Tout semblait perdu.

Mais avant de perdre connaissance il voulut faire un dernier essai, le coup du désespoir qui ne marchait que rarement mais qui sauvait l’honneur. Pendant que Bert levait la jambe pour briser pour de bons les côtes de son adversaire, Grell bondit la paume en avant, et s’écrasa dans les parties de Bert. Celui-ci laissa échapper un hurlement de douleur, mais ne chercha pas à résister à la poussée de Grell. Lourdement il tomba sur le sol, et se mit à se tordre de douleur. Grell, quant à lui, à genoux, la tête en sang et deux côtes brisées, regardait hébété son adversaire.

« - Fin du combat! Match nul messieurs! Félicitations agent Tears. Je vous nomme officiellement membre à part en tiers de l’escouade Damoclès. Monsieur Kingsley va vous escorter jusqu’à l’infirmerie.

-M… Merci… répondit péniblement Grell. »

Gregory aida Grell à se relever, et le pris par l’épaule avant de quitter la pièce. Enzo avança vers Bert qui souffrait encore du coup qu’il avait pris, et lui tendit la main.

« - Merci commandant! Dit-il en se relevant.

- La prochaine fois, évite de sous-estimer tes adversaires, ça t’évitera ce genre de… légers problèmes.

- Léger problème?! Ce salopard m’a explosé les couilles! S’offusqua Bert.

- Depuis le temps que tu joues à ce petit jeu tu devrais en connaître les règles: tous les coups sont permis…

- Ouais mais j’en ai besoin de mes couilles! J’ai pas demandé à devenir prêtre que je sache!

- Et bien la prochaine fois tu y feras plus attention. Bon allez, on a pas que ça à faire. Vas à l’infirmerie avec ton nouveau copain et quand tes bijoux de famille se porteront mieux viens me rejoindre au bureau.

- À vos ordres commandant… soupira Bert. »

Bert détestait les hôpitaux ou tout ce qui s’en rapprochait. Et l’infirmerie du bâtiment ne faisait pas exception à la règle. Il trouvait l’endroit morbide avec ce blanc uniforme insupportable et cette odeur de médicament omniprésente. Cela lui évoquait les morgues des bases militaires, et les horreurs qu’on pouvait y trouver. Oui des horreurs… Il n’y avait pas d’autre mot. Des cadavres mutilés à l’extrême. Combien de camarades avait-il vu se faire étriper? Il n’en avait aucune idée… Il savait juste qu’il y en avait eu trop. Beaucoup trop.

Les officiers supérieurs disaient que ces pertes rendaient plus fort et soudaient les survivants. Mais tout ça c’était des conneries, et Bert en avait fait l’expérience. On peut endurcir un homme mais pas le rendre insensible… Les officiers ne savaient pas ce que ça faisait de voir un camarade se faire liquider sans pouvoir rien faire. L’impuissance et la frustration avaient développé chez Bert une rage intérieure quasi constante. Ces deux éléments avaient forgé une bête de combat. C’était le but naturellement, mais les supérieurs ne précisaient jamais les conséquences exactes de ce pouvoir destructeur. La rage, la haine, et la douleur. Le jeu en valait il vraiment la chandelle? Difficile à dire.

Mais désormais cela n’avait plus d’importance. Bert était ce qu’il était et il faudrait qu’il fasse avec. Oui c’était bien mieux de raisonner comme ça. Qu’est-ce qui t’arrives? Se dit-il. C’est pas ton genre de divaguer comme ça. Reprends-toi bon sang!

Il marqua un cours temps de pause, respira profondément, et mis les épaules en arrière. Il était prêt, à nouveau serein, et fort de cette nouvelle sensation, il pénétra dans l’infirmerie. Grell était assis sur un des fauteuils et l’infirmier désinfectait les plaies de son visage. Bert le regarda avec gentillesse et s’assis en face de lui.

« - Très beau combat. Vous avez été plus que surprenant.

- Alors là j’ai du mal à vous suivre. Vous me brisez les côtes en me traitant de fils de pute, et maintenant vous me considérez comme un camarade… Il faudrait savoir. Déclara Grell perplexe.

- J’avoue que je me suis laissé emporter. Mes plus plates excuses…

- Je me contenterais de ça pour le moment. Sachez que votre emportement va m’handicaper pendant deux mois. Deux mois pendant lesquels je ne pourrais pas arrêter de suspects.

- Ouais je sais, sa vous fera deux mois à faire de la recherche depuis le bureau… c’est regrettable. Dit Bert embarrassé.

- Désolé de vous interrompre lieutenant, mais il faut que vous preniez votre anti inflammatoire. Dit l’infirmier timidement.

- Ok merci. Répondit Bert en avalant son médicament machinalement.

- Ne perdons pas de temps lieutenant. Le commandant doit s’impatienter.

- Oui vous avez raison Grell. »

Les deux hommes se levèrent solennellement et quittèrent l’infirmerie sans dire un mot. À leur arrivée dans le bureau, ce n’était pas un Enzo agacé qui les attendait mais plutôt un Enzo préoccupé. Perturbé par l’affaire qu’on venait de lui remettre.

« - Qu’y a-t-il commandant? Demanda Bert nonchalamment.

- L’affaire qu’on vient de me remettre est pour le moins inhabituelle…

- Dans quelle mesure?

- Et bien pour une fois on nous demande d’enquêter et non pas d’intervenir.

- Enquêter c’est le boulot des fédéraux normalement.

- Oui je sais mais l’affaire est si sordide que le gouverneur veut que ce soit une unité inconnue des médias qui fasse le boulot. Il faut selon lui, minimiser les dégâts sur l’opinion publique.

- C’est sordide à quel point? S’enquit Grell inquiet.

- J’ai pas de photos, mais d’après la police scientifique c’est vraiment moche. Le gouverneur a insisté sur l’aspect urgent de la résolution de ce crime. Ne perdons pas un instant. Ce meurtre a eu lieu dans un entrepôt désaffecté de l’East End. On y va.

- Je vais chercher les protections et les armes. Déclara Grell déterminé.

- Aucun intérêt, le mort ne se réveillera pas enfin! Répondit Enzo passablement agacé.

-Oh oui, pardon commandant. »

Enzo ne répondit pas et sortit du bureau pour aller prendre l’ascenseur, suivi de près par Bert. Grell resta quelques instants hébété. Gregory ne mit pas longtemps à le rejoindre.

« - ça promet d’être intéressant. Qu’en dis-tu Grell? Demanda Gregory affichant un sourire en coin.

- Je ne sais pas quoi penser. Le commandant est terriblement silencieux…

- Nous verrons bien. Rétorqua Gregory en se dirigeant vers l’ascenseur. »

Une fois montés dans le véhicule, un silence pesant s’installa à nouveau. Ce n’était pas un silence ordinaire. Ce calme trop parfait pour être naturel était gênant, oppressant, dérangeant. À quelles horreurs allaient-ils être confrontés? Il l’ignorait encore, mais un étrange pressentiment l’envahissait. Comme si une entité intangible lui écrasait le cœur. Grell était un jeune homme sensible, il le savait bien, mais ce qui le préoccupait actuellement ne venait pas seulement de lui. C’était une atmosphère dégagée par les membres de l’équipe, par le bâtiment, par la ville toute entière… De plus le ciel était atrocement gris. Gris comme la peau des cadavres, comme ce monde cruel coulé dans l’acier et le béton. Triste, immense, empli de douleur, ce monde s’effondre. On n’est rien d’autre qu’un rêve, une blague, une vague esquisse dans une œuvre d‘art. Une goutte, noyée dans l’océan de sang que l’homme fait couler…

Tant de violence, d’êtres vulnérables oppressés par les meneurs de cette société individualiste. Combien? Impossible de mettre un chiffre sur cette quantité là. Le regard de Grell avait perdu toute sa profondeur et son charme… Ses yeux s’égaraient dans le vague paysage qui défilait tristement derrière la vitre du véhicule. Le néant prenait lentement possession de Grell, et cela le dérangeait… Pourtant il ne luttait pas. Il laissait les chaînes de l’abîme s’enrouler lentement autour de lui et l’attirer dans les profondeurs insondables de son esprit.

Soudain il sentit une étreinte le tirer de cette prison de torpeur. C’était la voix du commandant qui l’appelait à sortir de l’ombre.

« - Grell? Grell? Répondez bon sang!

-Oui, pardonnez-moi, je divaguais. Répondit-il le regard encore à moitié vide.

- Tâchez de vous montrer plus attentif que ça à l’avenir. Le réprimanda Enzo en descendant du véhicule. »

Les trois hommes emboitèrent le pas au commandant Mc Kidney, l’air grave. L’expression sévère de Bert, était renforcée par ses traits durs de combattant. Grell admirait la complicité qui unissait Bert et Enzo. Ils étaient plus que de simples collègues. Ils étaient comme des frères. Bert ressentait ce qu’Enzo ressentait, le comprenait et agissait en conséquence… Une sorte de synchronisation parfaite, presque surnaturelle… Bert était l’ombre d’Enzo.

Oui, c’était comme cela que Grell concevait la chose. Si le fruit de leur collaboration était un édifice, Bert était les piliers, et Enzo était le toit, l’aboutissement final. Gregory ne représentait d’après ses premières observations que de simples tuiles. Et puis l’édifice devait être fragilisé… après tout ils avaient perdu Sam…

Grell s’arrêta devant l’entrée du vieil entrepôt derrière le commandant, et Bert. Gregory le rejoint assez rapidement… Le vent murmurait dans les feuilles des arbres quelque avertissement incompréhensible pour les oreilles des mortels. La tension était à son comble. Nul ne savait ce qui se trouvait derrière cette porte mais quelqu’un devrait faire un choix et agir, maintenant.

« - Le grade oblige commandant! Ricana Gregory.

- Je suppose que tu as raison. Putain… Tout ça pour un excité qui a voulu se faire remarquer…

- Bien dit commandant, on devrait demander une prime pour tout le mal qu’on se donne…

- Bon allez, j’ai pas que ça à faire. Répondit Enzo en ouvrant la porte »

La lumière envahit rapidement la sombre pièce. Enzo se stoppa net. Il regarda bouche bée le spectacle macabre qui s’offrait à lui. Des enceintes se mirent à diffuser une musique dont les paroles percutèrent la conscience d’Enzo de plein fouet: « London bridge is falling down, falling down, falling down, London bridge is falling down, my fair lady… ».

Sur le mur du fond, éclairé par la douce lumière extérieure, était crucifié le corps d’une femme… Elle était nue. Sur ses flancs, une plaie béante. Elle n’était pas très large. Mais du sang avait coulé de celle-ci en abondance. Son front ensanglanté était serti d’une couronne de fils barbelés. Deux brins descendaient le long de ses joues et rentraient dans sa bouche pour lui former un sourire artificiellement joyeux, mais terriblement étiré… Le sourire de l’ange. Ce sourire perdait son authenticité lorsqu’on la regardait dans les yeux. Un regard vide, comme ceux des poissons morts sur les étales des marchés. Ses cheveux châtains foncés, étaient coiffés en carré long, et tirés en arrière par un bandeau. Comme une petite fille. Derrière la femme, semblant émerger de son dos, étaient peintes sur le mur de larges ailes d’ange. Elles étaient peintes avec du sang. Au dessus de sa tête, un gros ventilateur tel une morbide parodie d’auréole, lançait des relents de putréfaction et de sang séché. Enfin, par delà le corps, les ailes, et le ventilateur, était peinte la signature de l’artiste: Bloody Widow (veuve de sang).

« - Mais qu’est-ce que… tenta d’articuler Enzo.

- Bordel de merde… renchérit Bert.

- Fascinant… Intervint Gregory en devançant les deux hommes pour se diriger vers le corps. »

L’atmosphère était cruellement malsaine. Une décadence macabre et provocante à la fois… Le tout mêlé à une évocation dérangeante de l’enfance. La comptine était entêtante… L’écho des voix enfantines se perdait dans l’esprit de Grell. La rotation lente des pales rythmaient sa respiration. Il était sous le choc. Le vide reprenait possession de ses yeux alors que péniblement il regardait son appui dans ces moments là, son commandant.

Les lèvres fines d’Enzo étaient légèrement tordues, formant un rictus de dégoût. Mais ses yeux noirs et profonds fixaient l’horreur qui lévitait quelques mètres au dessus d’eux sereinement. Il gardait la tête haute, fier et hautain. Fier comme le lion qu’il était. Bert quant à lui attendait les ordres du commandant alors que son visage à la peau rugueuse se déformait pour mimer au mieux le dégoût de son propriétaire.

« - Grell, ne restez pas planté là à rêvasser! Allez chercher le matériel photographique. Dit Enzo d’un ton impératif.

- Euh…oui! Tout de suite commandant! Répondit Grell en quittant l’entrepôt.

- Vos observations monsieur Kingsley?

- Le tueur est un artiste, étant donné qu’il a signé son œuvre. La mise en scène est évidemment une remake de la passion du Christ, ce qui confère au meurtre quelque chose de solennel, mais l’artiste a contrebalancé cela en assimilant le ventilateur, objet sale et basique, à une auréole, objet sain et noble. De plus il a choisi une comptine pour mettre en relief son œuvre, ce n’est pas un hasard… Enfin il a apposé sa signature au dessus de l’auréole, ce qui prouve qu’il est narcissique et sûr de lui.

- Merci monsieur Kingsley.

- De rien commandant. C’était un plaisir… Répondit Gregory en souriant, le regard pétillant.

- Grell, vous pouvez prendre les photos avec monsieur Kingsley. Bert et moi nous serons au véhicule.

- Bien commandant. Répondit Grell. »

Il s’empressa de prendre les photos sous les angles définis par Gregory. Il n’arrivait pas à se concentrer sur ce qu’il faisait car il ne pouvait comprendre la fascination de Gregory pour l’œuvre de ce sadique. Ses yeux pétillaient d’intelligence, et ses lèvres fines formaient un sourire amusé. Il était joyeux apparemment… Une joie plus que déplacée au vu des circonstances. Ce n’était pas le genre d’émotions que cette œuvre aurait dû provoquer… La peur, la terreur, le respect à la rigueur. Mais pas cette légèreté aberrante. C’était une réaction irrespectueuse au plus haut point. Une fois tous les clichés pris, Grell fixa Gregory. Ses yeux gris brûlaient d’indignation et de haine.

« - Que me vaut ce regard haineux agent Tears? Demanda Gregory d’un ton suffisant sans même regarder Grell.

- Votre attitude est inacceptable! Rugit Grell.

- Au risque de vous choquer, la piété et le respect mortuaire c’est pas vraiment mon genre. Je n’ai aucun principe et je m’en portes bien. Répondit calmement Gregory.

- Salopard… Siffla Grell en quittant l’entrepôt. »

Une fois de retour au MPC, Enzo se hâta de donner les instructions à ses hommes: « - Bert, va consulter la police scientifique et fais moi une synthèse rapide de ce qu’ils ont trouvé, Gregory débrouille-toi avec les photos pour me trouver des infos supplémentaire. Quant à vous agent Tears, joignez les fédéraux et voyez si il y a des témoins, des suspects… »

Les trois hommes vaquèrent à leur tâche instantanément, tandis qu’ Enzo se rendit dans son bureau pour tenter de mettre de l’ordre dans ses idées. Il ne comprenait absolument rien à ce qui se passait. Il sentait que la situation était en train de lui échapper et que ce n’était probablement que le commencement. Qui était ce dégénéré, et que pouvait-il lui vouloir?

Il pris son visage dans ses mains et ferma les yeux afin de se détendre. Il était agacé par la situation. La mer sombre de ses yeux, habituellement calme et paisible était agitée d’un tourment nouveau. La machine de guerre qu’il était n’était pas programmée pour traiter ce genre de problèmes… Sa seule mission était de tuer. Enquêter était hors de ses compétences. Le statut de policier n’était qu’une couverture selon le gouverneur. Mais au final, lui et ses hommes étaient pris dans le maelstrom complexe d’ une situation que son instinct lui soufflait d’éviter à tout prix.

Comme il l’avait imaginé en prenant la direction de cette unité, se laisser guider par les politiques ne pouvait mener qu’à l’échec et au désastre. Mais il était trop tard pour faire demi-tour. Il fallait maintenant accepter la situation telle qu’elle était car lutter se serait avéré inutile. Mieux valait selon lui, prendre du recul et analyser la situation froidement. Comme à l’accoutumée.

Il releva la tête et de son regard perçant, observa ses hommes. Gregory, perpétuellement souriant comme un enfant regarderai sa mère, traçait des schémas dont il devait être le seul à comprendre quelque chose. La satisfaction qui brillait dans ses yeux suggérait à Enzo que son étude du tueur progressait dans la bonne direction. Grell quant à lui était dévoué à sa tâche mais terriblement désordonné. Il enchaînait les coups de fils de manière frénétique, et notait des informations de manière anarchique sur des feuilles volantes. Même si le spectacle qu’il donnait était affligeant, Enzo éprouvait de la satisfaction et était persuadé que ce jeune homme avait de l’avenir au sein de l’escouade Damoclès.

En croisant le regard d’Enzo, Grell se sentit obligé de sourire niaisement. Enzo détourna le regard en arborant malgré lui un sourire complice. Il se dit qu’il était temps qu’il fasse lui aussi sa part du travail. Il décrocha son téléphone et composa le numéro du gouverneur. Une voix rauque se fit entendre à l’autre bout du fil:

« - Gouverneur Ferguson, que puis-je pour vous commandant?

- Je vous appelle suite à l’affaire que vous m’avez confié.

- Quelles sont les nouvelles?

- Nous enquêtons actuellement sur la personnalité du tueur, et sur les preuves matérielles qu’auraient pu collecter la scientifique. J’ajouterais également que notre nouvelle recrue fait la liaison avec les fédéraux pour voir ce qu’ils ont appris de leur côté.

- Avez-vous des résultats concrets commandant?

- Non monsieur, la procédure est en cours.

- Vous ne me dérangez tout de même pas pour me dire que vous enquêtez?

- Non il y a autre chose monsieur.

- Qu’est-ce que c’est? Demanda le gouverneur semblant manifester un semblant d’intérêt.

- Le tueur m’a envoyé un SMS avant-hier. Il y citait un extrait de la comptine qui était diffusé sur la scène de crime et un message d’amour. En clair je pense que ce type se paie notre tête et que ce n’est pas n’importe qui. Il connait l’existence de l’escouade Damoclès. C’est peut-être plus qu’un meurtre étrange commis par un dérangé… La situation risque de devenir problématique monsieur.

-Faîtes-en sorte qu’elle ne le devienne pas commandant. »

Le gouverneur avait raccroché… Comme dans les séries américaines. Enzo commençait à se demander pour qui se prenait ce type. La politique… songea-t-il. Je hais la politique. Malgré son agacement, il pris une feuille et un crayon et commença à y inscrire toutes ses hypothèses concernant l’affaire. Suspects éventuels, mobiles, alibis des suspects…

Deux heures plus tard, l’équipe se retrouva pour une mise en commun des éléments. Enzo, l’esprit vif regarda tour à tour ses hommes afin de tenter de deviner les résultats de leurs enquêtes respectives. Bert était calme et posé, il avait donc probablement quelque chose. Gregory souriait comme toujours, mais avait la tête haute et le regard fier. Il était donc presque sûr que celui-ci tenait une piste. Grell avait une mine de chiot que l’on caresse, il était donc également probable qu’il ait des informations.

« - Situation messieurs? Demanda Enzo avec un ton de sergent instructeur.

- Du côté de la scientifique, aucune preuve. Pas de cheveux, d’empreintes ou quoi que ce soit de ce genre. Ce type est un vrai fantôme… En revanche du côté du légiste, j’ai appris que la morte, une dénommée Sophia Michel, avait été tuée par exsanguination. La plaie qu’elle avait aux flancs était post-mortem. Apparemment on lui a extirpé tout son sang avec du matériel de prélèvement sanguin, et je pense que vous savez à quoi ce sang a servi. La plaie aux flancs a été causée par une lance, comme dans la passion du Christ. C’est tout ce que j’ai pu trouver.

- C’est déjà pas mal. Monsieur Kingsley?

- D’après moi ce tueur n’a pas fait ça par provocation. Il n’a laissé aucun indice derrière lui. C’est plutôt une sorte d’offrande… j’ai la conviction que le meurtrier veut nous offrir cette œuvre pour nous impressionner.

- Il est taré ou quoi? S’enquit Bert atterré.

- Qu’il soit taré ou non ne change rien à la donne. Rétorqua Gregory d’un ton de conférencier. Dans sa tête tout cela appartient à un raisonnement parfaitement logique. Un peu comme pour une chaîne de tronçonneuse: tant qu’elle est sur ses rails elle tranche comme si de rien était ce qu’il y a devant elle. Les arbres continueront à tomber si on enraye pas le mécanisme. Ajouta-t-il en savourant son petit effet.

- Très bien. Agent Tears?

- J’ai obtenu le dossier des fédéraux. Pas de témoins, pas de suspects non-plus. La morte était directrice de division dans le prestigieux établissement scolaire de Santa Maria. La police y a déjà interrogé ses collègues. Pas de suspect potentiel, ils avaient tous un alibi pour le soir du meurtre. De plus, au vu des conclusions de monsieur Kingsley, je ne pense pas que ce soit l’œuvre d’un membre de cet établissement. Dit-il en hésitant.

- Qu’est-ce qui vous permet de le dire? Demanda Gregory amusé.

- Le meurtre est trop parfait pour que ce soit une vengeance. Trop soigné, arrangé. Et puis le tueur a signé son œuvre, ce qui prouve qu’il recommencera… Dit Grell peu sûr de lui.

- Bien vu agent Tears. Pour ma part j’ai une information à vous communiquer. Déclara Enzo, l’air grave. Le tueur m’a envoyé un SMS il y a deux jours. Il y avait une photo de l’entrepôt et un extrait de la comptine qui y était diffusée, suivi d’un message d’amour. Je pense que ce type se paie notre tête et que nous ne pouvons pas le laisser faire. Mais cette provocation signifie deux choses:

D’abord il joue avec nous. Deuxièmement, il connait l’existence de l’escouade Damoclès. À mon avis ce n’est donc pas n’importe qui. Nos recherches vont donc se reporter sur deux milieux: les sectes sataniques, et les opposants politiques.

- Avons-nous des cibles précises? Demanda Bert le regard empli de curiosité.

- Oui. Pour les sataniques, les doom’s day sons( fils du jugement dernier), et pour les politiques, la Chine serait un bon point de départ. Une dernière chose messieurs: les équipes seront un peu spéciales cette-fois. Bert accompagneras Grell parce qu’ avec ses deux côtes fêlées il aura du mal à se battre si besoin est. Gregory vous venez avec moi. Quelqu’un a-t-il une remarque ou une question?

- Non commandant. Répondirent les trois hommes en chœur. »

Enzo enfila à la hâte son manteau et prit son arme de service, c’est-à-dire un calibre 44 magnum. Gregory le suivit de près.

« - Où allons-nous? Demanda Gregory perturbé par la précipitation d’Enzo.

- Rendre une petite visite au gouverneur. Répondit-il froidement. »

Les deux hommes prirent l’escalier de secours qui menait directement en dehors du bâtiment. Enzo descendait à toute allure l’escalier de ferraille grinçant. Si les chinois étaient réellement derrière tout ça, il fallait agir vite. Une fois dehors Enzo ne prêta pas attention aux gémissements de Gregory qui avait du mal à suivre l’allure de l’ancien soldat.

Soudain il s’arrêta net, fit volte-face et plongea son regard ténébreux dans les beaux yeux bleus de Gregory. Ce dernier se rendit compte que la main d’Enzo compressait sa pomme d’Adam. Il écarquillait les yeux, ne comprenant pas rien à la situation. Il laissa échapper quelques gémissements de peur, mais le regard abyssal d’Enzo ne vibrait pas de la plus petite once d’humanité.

« - Si tu n’arrêtes pas de te plaindre, je serai obligé de t’arracher la trachée… Et nous ne voudrions certes pas cela, car le sang laisse des tâches difficiles à nettoyer.

- Ok ok… Je me tairai c’est promis mais relâchez votre étreinte s’il vous plaît… »

Enzo relâcha sa prise et tourna les talons.

« -Nous sommes devant mon véhicule personnel. Inutile de te dire qu’il m’est très cher alors il vaut mieux que tu ne l’abîme pas. Dit il d’un ton sans équivoque.

- Très bien commandant. Répondit Gregory en montant dans le véhicule. »

Le rugissement du moteur de la Maserati rompit le calme plat qui habitait le parking du MPC. Le véhicule quitta le parking et pénétra dans les rues de Londres à 70 km/h. Naturellement un gyrophare était intégré au pare-choc, prévenant les gens du statut du véhicule. La voiture semait panique et incompréhension dans son sillage…

Si cela perturbait Gregory au plus haut point, Enzo n’en avait cure. Il avait l’allure d’un flic, mais pas son mental. Il se fichait pas mal de la protection de ses concitoyens. C’était une machine de mort et rien d’autre. Le simple fait de lui faire mener une enquête comme un vulgaire flic fédéral, et pour des raisons politiques en plus, était un blasphème. Le gouverneur était un hypocrite. Il prétendait protéger l’opinion publique mais la vérité était toute autre. Les élections législatives approchaient et il voulait avoir un parcours sans failles voilà tout. Ce type méritait une balle en pleine tête mais Enzo se ferait violence pour l’instant. Il le liquiderai peut-être le jour de partir en retraite, histoire de fêter son départ en grande pompe. Il y réfléchirait plus tard.

Pour l’instant il devait garer son véhicule devant la préfecture sans tuer personne. Il freina brusquement, provocant ainsi une forte secousse dans l’habitacle.

Il descendit du véhicule et montra son badge aux deux militaires qui gardaient l’entrée, raides et impassibles comme des statues. Les deux gardes le regardèrent d’un air dur mais Enzo leur fit comprendre que ce n’était pas vraiment une chose à faire, en soutenant leurs regards fièrement.

Finalement ils les laissèrent entrer sans poser de questions. Ils traversèrent un long couloir empli de décorations qui devaient dater du XIX° siècle. Un mobilier élégant, un sol en marbre, des tableaux de grands peintres français… La prétention à l’élégance était ce qui régissait cet endroit. Une hérésie selon Enzo car la police ne devait pas avoir l’air de petits bourgeois étriqués mais plutôt d’hommes simples et accessibles au peuple.

« - De fausses peintures… c’est vraiment grotesque! Ricana Gregory

- à qui le dis-tu! Renchérit Enzo. »

Les deux hommes s’arrêtèrent devant une porte à double battants en chêne massif. La porte colossale s’ouvrit en grinçant pour laisser apparaître une jeune femme d’1,65 m qui était l’archétype de la secrétaire des riches: Jolie, mince, vêtue d’un chemisier blanc et d’une jupe noire près du corps. Le tout rehaussé par des chaussures à talons aiguilles rouges.

« - Le gouverneur va vous recevoir messieurs. Mettez-vous à l’aise… Dit-elle d’une voix sensuelle en tournant les talons. »

La salle d’attente était à l‘image du reste du bâtiment: une statue antique se situait devant la porte du bureau du gouverneur, la table était en bois de chêne, le sol en marbre blanc et au centre de la pièce s’étalait un tapis en peau d’ours. C’était la preuve accablante de ce qu’Enzo pensait: des bureaucrates dirigeant la police… Le monde était décidément tombé bien bas. Police était devenue synonyme de politique et fatalement de corruption. Quelle hypocrisie! Alors que les élus prétendaient faire la chasse à la fraude fiscale…

« - Faîtes ce que je dis, mais dîtes pas ce que je fais. Remarqua Gregory, à nouveau souriant.

- Oui c’est tout à fait ça monsieur Kingsley… Soupira Enzo.

- Messieurs le gouverneur va vous recevoir. Déclara la jeune secrétaire affichant un sourire de façade.

- Bien. Répondit Enzo d’un ton neutre en se levant. »

Les deux hommes suivirent la secrétaire jusqu’à la porte du bureau. Celle-ci frappa trois coups la noble porte. Un silence bref se mit en place, puis quelques secondes plus tard, une voix rauque se fit entendre:

« - Entrez. ». Enzo s’exécuta fit pivoter la lourde porte sans difficultés. La pièce était prise dans une légère toile grise, à peine perceptible, mais dont l’odeur ne trompait pas: de la fumée de cigare. Au-delà de cette légère brume, se tenait un homme bidonnant de petite taille. Il devait avoir la cinquantaine à en juger par les restes poivre et sel de ses cheveux qui ne dépassaient pas les deux centimètres de hauteur.

« - Bonjour gouverneur Ferguson. Déclara Gregory d’un ton solennel.

- à qui ai-je l’honneur? Répondit-il le regard dédaigneux.

- Je suis Gregory Kingsley, consultant en matière d’analyse psychologique des criminels, au sein de l’escouade Damoclès. C’est un plaisir de vous rencontrer. Ajouta-t-il d’un ton enjôleur.

- Moi de même monsieur. Répondit-il le sourire au lèvres.

- Navré de vous interrompre gouverneur mais nous venons avec des informations de la plus haute importance à vous confier. Intervint Enzo froidement.

- Quelles-sont-elles commandant? Demanda le gouverneur irrité qu’on ait mis fin aux flatteries de Gregory.

- Nous avons poursuivit notre enquête et possédons à présent deux pistes: la secte satanique des doom’s day sons. En effet ceux-ci se font peu remarquer au cours de l’année mais orchestrent des coups d’éclats régulièrement pendant les lunes rousses. Notre seconde piste est un complot politique à visée anarchiste à l’approche des élections. Je soupçonne les chinois de ne pas y être pour rien.

- Ces informations me prouvent une fois de plus que vous êtes l’homme de la situation commandant, mais elles auraient pu m’être révélées au téléphone… Rétorqua le gouverneur. Ses traits ravagés par le temps et le tabac formaient désormais une grimace désapprobatrice.

- Oui en effet mais pour enquêter sur les chinois il me faut un appui politique et rien d’autre. Un appui que vous êtes le seul à pouvoir m’accorder.

- Très bien. Je joindrai l’ambassadeur et vous pourrez interroger les agents spéciaux en service dans Londres.

- Merci infiniment gouverneur. Et pour la secte?

- Si vous les soupçonnez de quoi que ce soit et qu’ils refusent de coopérer, éliminez les. Je vous autorise à mobiliser des véhicules militaires… Autant que ça ne soit pas obsolète.

- J’exécuterais vos ordres monsieur. Dit solennellement Enzo.

- Ce fût un réel plaisir monsieur! S’exclama Gregory en regardant d’un œil distrait l’écran de l’ordinateur du gouverneur.

- Tout le plaisir était pour moi. Répondit le petit homme en expirant un filet de fumée par les narines. Je vous souhaite une bonne journée. Ajouta-t-il avant de se rasseoir dans son fauteuil. »

Enzo et Gregory quittèrent la pièce. Les deux hommes échangèrent un regard complice et regagnèrent tranquillement leur véhicule. Avant de monter dans la voiture d’Enzo, Gregory s’approcha de l’un des deux gardes et lui susurra à l’oreille:

« - Dîtes au gouverneur que lorsqu’ il y a marqué porno gratuit sur un site, c’est que c’est lui qu’on veut baiser… »

Le garde le foudroya du regard mais ne broncha pas. Gregory soutint son regard en souriant et gagna tranquillement son siège.

« - Dîtes-moi commandant, qu’est-ce qui peut vous faire penser que les Chinois sont derrière cette macabre mise en scène? Demanda Gregory perplexe.

- D’après les statistiques, il y un nombre anormalement élevé d’agents spéciaux au service du gouvernement chinois, en activité dans Londres. De plus les élections approchent, alors mettre un peu de désordre permet d’influencer l’avis des électeurs, répondit Enzo. Son regard se perdait dans le vague, Gregory comprit qu’il n’était même pas convaincu de ce qu’il racontait. Il se cherchait des repères, rien de plus.

- Certes mais il y a plus impressionnant comme attentat…

- Le meurtre n’est pas la fin en soi. Nous savons que les chinois trempent dans de sales histoires, mais Ferguson n’a pas assez d’influence pour les faire tomber. Si jamais il est élu, et qu’il balance ce qu’il sait, les chinois seront confrontés à un scandale d’ordre international.

- Oui mais ça ne colle pas avec la personnalité du tueur: il est narcissique, joueur et entretient un lien privilégié avec vous. Il veut se mettre en valeur en tant qu’individu, et non en temps que messager d’un groupe.

- écoutez… Laissez-moi faire mon boulot, c’est moi qui dirige l’enquête. Votre avis est pris en compte mais c’est moi qui décide. C’est clair? Demanda Enzo en plongeant ses yeux dans ceux de Gregory.

- Limpide commandant. Répondit Gregory arborant son sempiternel sourire amusé. »

Il observait le triste paysage urbain qui défilait sous ses yeux, songeur. Cette fois c’était clair. Le commandant était perdu. Il n’était pas effrayé car la peur était quelque chose qu’Enzo Mac Kidney ne connaissait pas, mais même cet abruti de William aurait remarqué ce qui n‘allait pas. Le commandant détestait ne pas contrôler le déroulement des évènements.

C’était certainement un problème qu’il n’avait jamais rencontré et il en résultait qu’il ignorait comment le gérer. Il luttait contre le cours des évènements, il se débattait furieusement pour échapper à l’étreinte meurtrière du destin, mais paradoxalement, il s’embourbait de plus en plus voluptueusement dans les boues marécageuses de la perdition. Il refusait manifestement d’accepter son sort. Le tueur était un marionnettiste, et tant qu’ils seraient enchevêtrés dans l’abîme de l’ignorance, ils resteraient des pantins dans les mains de ce dégénéré. Cet homme effrayant quoique fascinant, et diablement complexe de simplicité: Bloody Widow.


Texte publié par THENightmare, 10 juin 2014 à 18h18
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