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tome 1, Chapitre 20 « Suppositions » tome 1, Chapitre 20

- C’est quoi cette idée de t’être fait tatouer un aigle sur l’épaule … Et la banderole “born to be wild” … C’est un peu has been comme concept, non ?

Je caressais son épaule nue. On était allongés sur le tapis du salon, on venait de se faire une petite partie fine de derrière les fagots. C’est dingue ce qu’il était doué. A moins que ce ne soit notre association qui fonctionne super bien mais je n’avais jamais connu ça avant. D’accord, je n’étais pas particulièrement expérimentée. A part ce cher monsieur Raase, j’avais couché avec deux autres types, juste des coups d’un soir. Rien de bien glorieux ni de très satisfaisant en réalité. Mais Ben … C’était juste dingue comme accord au pieu, et ailleurs aussi tant qu’à faire. Notre complicité ne se limitait heureusement pas à notre chambre !

- J’avais un truc à cacher, alors ça ou autre chose …

- Tu caches quoi dessous ?

- Un truc drôle, j’avais une marque de naissance. Dans le genre de la tienne en fait … Quand j’ai vu ton épaule la première fois, c’était bizarre, j’avais l’impression de revoir la mienne il y a de ça bien des années …

- Une marque de naissance … C’est plutôt marrant qu’on en ait une au même endroit quand même !

- C’est même plus surprenant que ça. La tienne ressemble vraiment à celle que j’avais. Elle est un peu plus claire peut être mais ça forme le même motif. On pourrait presque dire qu’on est jumeau de tache de naissance mais je ne peux plus le prouver.

Il avait souri en disant ça, un peu sur le ton de la boutade, mais j’ai bien vu qu’il était troublé.

- Pourquoi tu dis que tu ne peux plus le prouver ?

- Ben, j’ai aucune photo de moi petit ou même jeune, alors, je peux pas te montrer mon épaule avant tatouage quoi …

- T’as détruit les traces de ton passé ?

J’ai dit ça d’un ton désinvolte mais je sentais un serpent me nouer les tripes.

Je me suis rendue compte à ce moment-là que je ne savais pas grand-chose de lui. En réalité, je ne savais rien. Je connaissais son nom. Je ne me rappelle même pas qu’on ait échangé sur nos âges, encore moins sur nos passés. C’est fou quand j’y réfléchi, je suis en couple avec Ben sans rien connaître de lui … Quand on sait comment on occupe notre temps libre lui et moi … Si j’avais été une fille un tantinet réfléchie, je me serais méfiée. Je n’ai pas imaginé une seule seconde que notre relation pourrait m’être fatale.

- Je n’ai pas de passé. Je suis un enfant abandonné.

Il avait lâché ça d’un ton amer. J’ai senti le monde tourner autour de moi.

- J’ai grandi de foyer en institut, de famille d’accueil en maison pour jeunes difficiles. L’administration m’a rendu ma liberté à 18 ans. On m’a donné une carte d’identité, on m’a fourgué un boulot de merde comme commis dans un resto rapide et on m’a laissé une piaule à bas prix. C’est comme ça que l’état se débarrasse des jeunes en difficultés qu’il n’a pas pu élever et transformer adulte responsable. Une belle hypocrisie !

Quand j’ai vu ton épaule la première fois, j’étais content de savoir que tu avais des parents. Imagine que tu aies été une enfant abandonnée toi aussi, avec des taches de naissance semblables, on aurait vite fait d’imaginer qu’on a les mêmes origines.”

Il a dit ça en riant et moi, je me suis sentie devenir livide en une fraction de seconde. Je me suis à demi relevée sur un coude et je l’ai regardé, comme un noyé peut regarder la côte inaccessible. Je me sentais perdre pied, tomber sans fin au fond d’un gouffre infini.

- T’as quoi bébé ? On dirait que t’as vu un fantôme …

- C’est pas un fantôme que j’ai vu, ça doit être pire encore je pense.

- Pire ? Explique-toi ? T’as peur de mon passé ? Tu croyais vraiment que si je prends mon pied en grignotant mes semblables aujourd’hui, c’est parce que j’ai eu une jeunesse dorée ? Désolée de te décevoir princesse ! Ton chevalier est un mec à problèmes et si ça ne te plait pas, ben on peut toujours oublier qu’on s’est croisés !”

Ma réaction l’avait vexé, ça en rajoutait à mon trouble. Je manquais d’air mais il fallait à tout prix que j’explique ce qui se dessinait dans mon esprit. Lui non plus ne savais rien de mon passé. J’ai murmuré “Line et Paul m’ont adoptée” de ma voix la plus basse et la plus éteinte.

Il avait commencé à se redresser pour quitter le lit. Il s’est laissé retomber sur le matelas en me scrutant avec une intensité nouvelle.

- T’as été adoptée ?

Son ton était tout ce qu’il y a de plus incrédule. Je pouvais presque sentir ses neurones circuler à toute vitesse. Des connections s’opéraient dans son cerveau également et il en était à tirer les mêmes conclusions que moi.

- Oui, j’ai été abandonnée aussi. Dès la naissance. On n’a jamais pu voir le dossier de l’hôpital, c’est pas faute de l’avoir demandé mais la vieille Redaingotte n’a jamais voulu …

- La Redaingotte ? T’es allée à la Maison des Enfants aussi ?

- Euh, là, ça devient barge Ben. Je préfèrerais qu’on en reste là, tu veux bien ? J’ai besoin de réfléchir je pense. Ça en fait trop pour moi, je t’assure ! Je ne veux pas en savoir plus sur toi, sur nous, ok ?

Je me suis levée et j’ai remballé mes fesses que j’ai emmenées dans la cuisine. J’avais besoin d’un thé, j’avais surtout grand besoin d’oublier tout ce qui se bousculait dans mon cerveau. Je ne voulais plus réfléchir à tout ça. C’est quoi la probabilité pour que deux personnes ait la même tache de naissance au même endroit sans qu’aucun facteur génétique n’intervienne là dedans ? Aucune chance que tout cela soit ne soit qu’une coïncidence ! Mon monde est en train de s’écrouler ! Tout me porte à croire que l’homme que j’aime est mon frère. J’ai l’impression que la vie s’acharne sur moi. Pour un peu, je ferais mon Caliméro. La vie est décidément bien injuste ! C’est la première fois que je me sens bien, à ma place, en compagnie de la personne qu’il me faut et rien de cela ne pourrait se poursuivre ? J’ai si mal que j’ai presque envie d’en finir.

J’ai besoin d’oublier les mois qui viennent de passer, je devrais sans doute retourner dans mon petit appartement pourri et laisser la vie passer, chiante au possible. Sans piment et sans joie. J’ai envie de tout plaquer et partir loin, pour ne jamais revenir.

Un bruit m’a tiré de mes pensées tourmentées, Ben s’était levé lui aussi. Il avait entrepris de fracasser tout ce qui se trouvait sur son passage entre la chambre et la cuisine. Arrivé près de moi, il m’a attrapée fermement par le bras et m’a forcé à le regarder. Il avait l’air résolu et fermé, il me faisait peur mais je pouvais voir derrière son expression dure qu’il ne me ferait jamais de mal, deux fois plus de lien nous unissait maintenant.

- On va leur faire payer Bébé, ils vont en chier pour tout ce qu’ils nous ont fait !


Texte publié par Sabyne, 24 mai 2014 à 18h21
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