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tome 1, Chapitre 17 « La police s'en mêle » tome 1, Chapitre 17

- Alors, monsieur Colle, on se décide enfin à déposer, c’est pas trop tôt !

L’inspecteur Strade était une caricature de flic de série policière. La veste aussi fripée que les poches sous ses yeux, des cernes aussi noirs que le café qu’il devait s’enfiler à longueur de journée pour tenir le coup et des manières de voyou redresseur de torts. Laurent poussa un soupir qu’il avait espéré discret, manque de chance, il ne l’était pas.

- Oui oui, on vous emmerde hein … On vous empêche de vivre votre petite vie tranquille ! Mais moi, monsieur Colle, j’ai un homicide crapuleux sur les bras et j’ai hâte que cette histoire soit réglée ! Je n’ai aucune envie que l’auteur de cette boucherie ait envie de remettre le couvert et je ne peux pas me permettre de traîner, rapport à l’opinion publique, vous voyez. Alors, vous remballez vos soupirs et vos airs entendus et vous vous mettez à table, de suite !

Il avait dit ça comme une tirade de théâtre, avec les accents placés au bon endroit pour obtenir les effets souhaités. Il récitait son texte en somme. Comme il devait le faire depuis des décennies à voir la profondeur de ses rides.

- Je ne demande pas mieux que de vous aider inspecteur mais …

- Si vous aviez voulu aider, vous ne seriez pas allé crapahuter sur une scène de crime au petit matin en éparpillant vos empreintes partout sur place !

- Mais comment j’aurais pu savoir que cette lettre contenait de vraies informations ? Vous savez combien on en reçoit par semaine des lettres de dénonciation de crime et d’agression ? Des dizaines ! C’est pas faute de vous avoir averti les fois précédentes ! A chaque fois, on nous a envoyé balader parce que c’étaient des canulars ! Alors, maintenant, on va voir en reconnaissance avant d’appeler et c’est bien la première fois qu’on tombe sur ce genre de merdier !

- Ben c’est la fois de trop mon vieux Colle, c’est la fois de trop ! Vous avez merdé la scène de crime ! Les experts disent même que vous vous êtes approché de la victime ! L’envie de voir un macchabée de tout près ? A moins que vous ne l’ayez déposé vous-même sur place ?

- J’ai pas besoin de voir un mort de près. Renseignez-vous sur moi, j’ai couvert les évènements en Afrique. Des cadavres, j’en ai sans doute vu plus que vous. Alors, vous savez, j’ai pas vraiment de curiosité envers ça. Quant à avoir déposé cette pauvre femme moi-même, vous dites n’importe quoi et vous le savez très bien. J’imagine que si vous en êtes là dans vos réflexions, c’est que vous avez déjà épluché mon emploi du temps à la loupe. Vous savez très bien que dimanche, j’étais pas dans le coin.

Il se sentait las. Il n’aimait pas le ton de ce flic et encore moins l’idée qu’il aille fouiller dans sa vie. Connerie de courrier !

- Ouais, on a vérifié. Par contre, ça ne m’explique pas ce qui s’est passé quand vous êtes arrivés sur les lieux ni pourquoi vous avez été la voir de si près. Y’à des traces de pas qui vont jusqu’à elle !

- Mon rédac’ chef m’a filé le courrier avec l’adresse et m’a demandé d’aller y jeter un œil. J’ai pris la bagnole et j’ai fait ce qu’il m’a demandé. Ils m’en veulent de ne plus accepter de couvrir les conflits africains, alors, ils me laissent toujours les vérifs pouraves, histoire de bien manifester leur désapprobation. Je suis arrivé sur le parking du magasin et j’ai garé la voiture sur les places réservées au personnel. Y’avait personne sur place et pour accéder à l’enclos des poubelles, j’ai dû escalader le portillon qui bloque l’accès.

J’ai contourné les premiers conteneurs qui semblaient nickels. J’allais faire demi-tour quand j’ai aperçu une main qui sortait du bac du fond. J’ai continué à avancer et j’ai fini par arriver face à sa poubelle à elle. Elle était installée sur un tas d’ordures. On aurait dit que celui qui l’avait placée là avait empilé tous les sacs poubelles des conteneurs alentour et l’avait déposée dessus. Elle m’a fait penser à une poupée désarticulée. Elle était assise mais l’équilibre semblait précaire. J’ai vu qu’elle n’avait plus de cheveux. Enfin, je veux dire… Le haut de son crâne n’était plus en place, j’ai aperçu l’intérieur, je ne me suis pas attardé sur cette partie.

J’ai vu sur ce qui lui restait de front qu’on avait écrit “we eat sheep”.

C’est là que j’ai dégainé mon portable pour vous appeler.

- Vous avez pris votre temps avant de le faire ! Les experts disent que vous lui avez tourné plusieurs fois autour. On peut savoir pourquoi vous l’avez reluquée de si près ?

- Je la connaissais. Je ne pouvais pas croire que c’était elle. J’ai voulu vérifier, c’est tout.

Autant le dire de suite, ils finiraient sans doute par découvrir qu’on se connaissait Marie et moi …

- Vous la connaissiez … Voilà qui est intéressant ! On peut savoir comment vous vous connaissiez ? Et pourquoi justement c’est vous qui avez découvert son cadavre ?

Son ton était sans appel, les choses allaient devenir vraiment compliquées. Il fallait à tout prix que je conserve mon sang froid si je ne voulais pas finir la semaine dans le collimateur de ce brave flic. Il lui fallait un coupable, il en trouverait un coûte que coûte.

- Pft …On a eu une aventure elle et moi, il y a quelques années. Rien de bien suivi, juste quelques rencontres discrètes, vous voyez quoi …

- Des rencontres discrètes ?

- Oui, discrètes !

Il le faisait exprès ce con !

- Elle était mariée. Elle n’avait pas envie que son mari sache qu’elle s’ennuyait ferme au pieu avec lui, alors, elle avait parfois des petites aventures et j’ai été un de ses extras. Ça a duré quelques mois, rien de très suivi comme je vous disais. On a dû se voir une dizaine de fois environ. C’est comme ça que je l’ai reconnue hier … Elle a, enfin, elle avait … Une tache de naissance sous le sein droit. C’est ça qui a attiré mon regard. Sans ça, je ne l’aurais pas reconnue. J’ai aperçu une ébauche de tache près du sein et j’ai tout de suite pensé à elle. Je me suis approché pour voir de plus près si mes doutes étaient fondés et là, le doute n’était plus permis, cette marque, c’était bien la sienne. Elle ressemblait à la silhouette d’un lapin.

J’avais souvent souri en voyant cette trace, je trouvais sa forme on ne peut plus incongrue. Ça appelait la douceur et je ne voulais pas être tendre avec elle. J’avais l’impression que son corps tentait de me corrompre avec cette forme émouvante.

- Puis, j’ai regardé son visage et ça a achevé de balayer mes doutes, il était pas mal couvert de sang et ses …. Blessures … La rendait assez méconnaissable mais c’était bien elle.

- Vous savez qui est son mari ?

- Non, ça va peut-être vous surprendre mais quand on est l’amant d’une femme mariée, le mari, c’est vraiment la dernière personne qu’on a envie de connaître !

- C’est mon adjoint.

Ma mâchoire inférieure s’est décrochée toute seule, je devais avoir l’air d’un poisson rouge, bouche ouverte. Il m’a fallu quelques secondes pour reprendre contenance.

- Il avait des doutes sur ses … Ecarts … ?

- Pas le moins du monde, je le crains.

- Je veux sortir d’ici avant qu’il ne lise ma déposition. Mieux, faites en sorte qu’il n’y ait pas accès. Je n’ai aucune envie de me retrouver avec un flic veuf et cocu aux trousses, j’ai déjà assez d’emmerdes comme ça !

- Ça on peut le dire que vous en avez, des emmerdes …

Je suis rentré chez moi la mort dans l’âme, si ce flic finissait par lire ma déposition, ma vie allait vite devenir un enfer !


Texte publié par Sabyne, 9 mai 2014 à 18h21
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