Après tout, on s’en foutait de rentrer dans les clous ou d’en sortir. Ben et moi, on n’a jamais eu l’impression d’être comme les autres. On a vécu des choses qui nous avaient conduits à devenir différents.
De manière toute naturelle, on a vécu notre premier passage à l’acte comme une évidence.
Une grande surface, un samedi début d’après-midi, pile le moment où il vaut mieux les éviter. C’est bondé, tout le monde est énervé. Y’a des gamins qui hurlent de partout et des parents excédés qui ont soudain la gifle facile.
On attendait pour déposer nos courses sur le tapis. Devant nous, un couple de vieux qui aurait franchement mieux fait de profiter de leur retraite pour faire les courses quand les magasins ne sont pas blindés. Derrière, une mère de famille dépassée par sa progéniture qui galopait partout et se roulait par terre en hurlant parce qu’elle refusait de leur payer un paquet de chewing gum.
Nous, on s’en foutait royalement. On se roulait des pelles à qui mieux mieux pour passer le temps. La petite vieille a fini par remarquer qu’on pourrait respecter les autres et arrêter de se frotter de manière indécente. Réflexion reprise en cœur par la mère débordée qui trouvait qu’on donnait un bien mauvais exemple à sa descendance. Ben et moi, on s’est regardés on s’est mis été d’accord d’un simple regard. Il a approché son visage du mien et m’a embrassée le plus goulument possible, allant jusqu’à me palper les fesses avec beaucoup d’application. Les deux rabat joies sont rentrées dans le rang et tout le monde a fait semblant qu’il ne s’était rien passé. Notre tour est arrivé, on a réglé nos achats et on s’est précipités à la voiture pour ranger les courses dans le coffre.
Il ne nous restait plus qu’à guetter la sortie du supermarché de la mère débordée et moralisatrice. Elle n’a pas tardé et nous l’avons suivie du regard jusqu’à sa voiture. On a assisté au chargement des courses ponctué des remontrances qu’elle prodiguait avec la rigueur d’un métronome à sa marmaille déchaînée. Elle a fini par les attacher dans leurs sièges autos. Trois gosses, trois sièges, chacun le sien et les vaches étaient bien gardées. Elle s’est éloignée pour ranger le caddie, c’est là qu’on est intervenus. J’ai approché notre véhicule du portique où elle rangeait son charriot, Ben était passé à l’arrière. Arrivé à son niveau, il a ouvert la portière et lui a balancé un coup de pied derrière les genoux. Elle s’est effondrée sur le goudron. Le temps qu’elle comprenne ce qui se passait, il l’avait ceinturée et hissée sur le siège à côté de lui. Comme elle ouvrait la bouche pour crier, il lui a enfoncé mon foulard au fond de la gorge, un coup de tête a fini de la calmer. J’ai pris la direction de la sortie du parking comme si de rien n’était en jetant un coup d’œil à la voiture de la mère de famille. Les enfants, toujours aussi agités, commençaient à trouver que leur mère mettait beaucoup de temps à revenir.
On est rentrés chez Ben.
Il habitait une petite maison tranquille en bordure de la ville. Rien de mirobolant, mais il y avait un petit jardin et un garage qui communiquait avec la cave, ce qui allait nous être bien utile. On a rangé la voiture sous abri et après en être descendus, on a entrepris de sortir la nana qui est sortie des vapes quand on l’a laissée tomber sur le béton. Elle nous a regardés avec des yeux hallucinés, elle a tenté de s’échapper en toute hâte, un peu comme un diable qui aurait jailli de sa boite mais elle a raté son effet s’est étalée de tout son long au sol. On l’a ramassée et traînée dans la cave. Là, on l’a ficelée sur une chaise. On a rajusté le foulard dans sa bouche et on a scotché le tout avec du Duct Tape. On a contemplé notre œuvre quelques instants. On n’avait pas encore vraiment commencé à s’amuser avec maman mais on était déjà au comble de l’excitation et le besoin de faire baisser la pression était intense. On aurait bâclé le travail sans cette petite pause. Fallait aussi qu’on réfléchisse, qu’on dresse le plan des évènements à venir. Ça aurait été dommage de rater notre coup, maintenant qu’on avait décidé de laisser libre court à nos aspirations, autant le faire bien.
Je me suis mise à rire comme une folle, j’ai tourné les talons et me suis enfuie dans les escaliers en criant “c’est toi qui fait la femme ! ”
Ben m’a chopée par la cheville alors que j’arrivais en haut des escaliers. Il a rugi contre mon oreille qu’il était hors de question qu’il joue les gonzesses mais que par contre, j’allais prendre cher. Tout ça c’est terminé sur le sol de la cuisine, la porte de la cave même pas fermée, en y repensant, on était barges.
On a laissé maman mariner toute la nuit et une partie du lendemain dans sa cave. Quand on est descendus la voir, ça fouettait à mort. Cette salope s’était pissé dessus et le sol était trempé sous elle, elle avait vraiment touché le fond. On aurait dû ressentir quelque chose comme de la pitié mais elle avait déjà perdu tout caractère humain à ce moment-là. On ne la regardait que comme une chose. On avait cogité à ce qu’on voulait faire. On ne voulait pas de tuer pour tuer. On voulait faire un exemple. Dénoncer par notre acte ce que la société nous inspire, le rejet qu’on éprouve face à la machine et à ce qu’elle peut engendrer comme conneries et comportements aberrants.
Cette nana sur la chaise, si elle s’était occupée de ses gosses infernaux au lieu de nous sermonner Ben et moi, elle serait en train de préparer le dîner pour sa tribu en pestant contre la petite dernière qui ne range jamais sa chambre. Au lieu de ça, avec sa morale à deux balles, elle se retrouve ici. Ligotée dans une cave, l’œil hagard, en se demandant ce qui va lui arriver. A la regarder, je vois qu’elle a abandonné tout espoir de jamais rentrer chez elle. Elle doit sans doute regretter tous les instants manqués, ceux à côté desquels elle est passée sans les apprécier à leur juste valeur. Une vie gâchée en somme …
On s’est placés debout face à elle et on l’a regardée. Elle tentait de se débattre, sans grand succès. Le Duct Tape, ça a l’air efficace. Il faudra en racheter, si tout se passe bien.
Elle remuait autant qu’elle pouvait. On pouvait voir des larmes progresser le long de ses joues et rouler sur la toile adhésive argentée. Elle tentait désespérément de parler mais seuls quelques sons étouffés sortaient à grand peine du bâillon.
- On ne t’écoutera pas, tu parles trop et pour de mauvaises raisons de toute façon !
On avait amené une caisse dans laquelle se trouvait le matériel dont nous avions besoin pour mener à bien notre œuvre. Je l’ai ouverte sous les yeux affolés de notre première victime. Une fois le sol de la cave débarrassé, j’ai sorti une grande bâche que j’ai étalée au mieux. Ben a soulevé la chaise sur laquelle elle était ligotée et l’a déplacée sans effort pour ensuite la reposer au centre de la bâche. Pour la faire baliser un peu plus, j’ai continué à sortir le matériel, pièce par pièce. J’ai posé les objets en rang d’oignon sur le plastique à ses pieds. Deux paires de gants, deux combinaisons de peintre, un rouleau de corde, des tenailles et enfin une disqueuse munie d’un petit disque. Ben et moi, on s’est déshabillés et on a enfilé la combinaison sous son regard médusé. Elle avait cessé de couiner mais ses larmes coulaient sans discontinuer. Je riais en enfilant mes gants, j’étais excitée de ce qui se préparait, on y était enfin ! J’ai attrapé le rouleau de corde et j’en ai coupé cinquante centimètres environ. Je me suis approchée et arrivée à sa hauteur, je l’ai contournée et suis venue me placer dans son dos.
“Dit au revoir maman” ai-je chuchoté à son oreille. Elle a sursauté au son de ma voix et j’en ai profité pour lui passer la corde autour du cou. J’ai serré de toutes mes forces, prenant appui avec mon pied droit contre les barreaux de la chaise. Elle s’est débattue, assez vivement au début puis de plus en plus faiblement, jusqu’à ne plus bouger du tout.
Elle m’a rappelé le papillon rouge du bois.
J’ai lu qu’il fallait plusieurs minutes à une personne pour mourir d’asphyxie, alors, j’ai continué à serrer pendant un moment encore.
Des tas de sentiments contradictoires se mélangeaient dans ma tête. Ce n’était pas comme pour la vieille Tellier. Cette femme était jeune, elle avait des enfants, sans doute la meilleure partie de son existence devant elle. On avait pris sa vie aussi facilement qu’on souffle la bougie d’un gâteau d’anniversaire. Avions-nous le droit de faire cela ? Je veux dire, je sais que c’est réprouvé, nous avons décidé de passer outre les codes et les permissions de la société. Mais dans nos propres règles ? Etait-ce vraiment légitime de prendre la vie de cette manière ? Pour une raillerie à la caisse d’un supermarché ? Je commençais à douter des choix que nous avions faits et je pense que Ben l’a perçu.
- Lucie ?
- Hmm ?
- Tout va bien ?
- Je sais pas Ben, tu penses …
- On recule pas Bébé ! Tu sais ce que ces gens nous ont fait et nous feront si on ne leur montre pas l’exemple ? On ne peut pas les laisser faire, les laisser continuer, pense à tout ce qu’on a vécu. Rappelle-toi pourquoi on en est là. Rappelles toi que je t’aime, tous les trucs super qu’on a fait et tous ceux qu’il nous reste à faire …
Il avait dit ça un sourire au coin des lèvres, en désignant de la tête la disqueuse. C’était mon idée la disqueuse. Une vraie chouette idée. Un truc qui va délivrer un message pour de vrai !
Je me suis dirigée vers l’outil. Je l’ai branché sur le secteur et j’allais la mettre en marche quand il m’a arrêtée.
- Tst tst tst … Pas de précipitation ma belle, on va d’abord aller s’amuser … Si on la découpe maintenant, on aura du nettoyage à faire, ça va gicler partout ! On va laisser le temps au sang de lui filer dans les chaussettes et on reviendra finir ça cet après-midi. Comme ça, ça nous mènera gentiment à l’heure du dîner …”
J’ai frissonné quand il a dit ça, je me dégouttais presque, on venait de tuer une nana. JE venais de tuer une nana et on pensait au repas de ce soir … On doit vraiment avoir un problème …
On est redescendus en fin d’après-midi. J’ai enfin pu allumer la disqueuse. Je m’en suis servie pour découper le sommet de la boite crânienne avec application, ça ne saignait pas trop, Ben avait eu raison de tempérer mes ardeurs. Quand j’ai eu fini ma découpe, il s’est ramené avec une tenaille et a entrepris de soulever le couvercle que j’avais créé. Ça semblait super dur. Manifestement, le cerveau se cramponne à sa boite. Ben est parvenu à ses fins et on a pu découvrir le cerveau du citoyen bien-pensant lambda.
Ça ressemble donc à ça. Toute cette technologie qui permet de parler, penser, vivre, avoir des émotions, créer et j’en passe … Un truc grisâtre.
Il est loin d’être sexy le siège de notre supériorité humaine, notre gros cerveau de roi du règne animal. Alors que j’étais comme hypnotisée par le contenu de la boite crânienne, Ben a pris un cutter et s’est mis à graver au-dessus des sourcils de la victime. A l’aide d’un couteau d’office, j’ai prélevé la cervelle de la mère de famille et je l’ai posé dans un plat de porcelaine que j’avais descendu de la cuisine.
J’ai ensuite étalé une autre bâche au sol. Ben a déshabillé la nana et l’a déposée nue sur le plastique propre. On l’a roulée comme un maki et on a rabattu les extrémités qu’on a fixées avec de la bande adhésive pour éviter que du sang ne s’échappe. On a jeté les vêtements dans le poêle à bois et on est allés préparer le repas.
Avec quelques échalotes dorées au beurre, le cerveau humain pourrait presque passer pour un met assez fin …
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