Des larmes de frayeur coulaient le long des joues de la jeune fille. Le cœur brisé, Everdine s'avança vers elle et posa ses mains noueuses sur les douces épaules. Elle pivota vers lui, buvant quelques forces et un peu lucidité à l'aura de normalité que représentait sa présence : un homme qui se tenait à la frontière de la mort, mais ne l'avait pas encore franchie.
« Rebecca... », murmura-t-il.
Ses doigts écartèrent les anglaises qui frôlaient ses joues et s'attardèrent sur la peau claire, en un geste de tendresse fraternelle qui avait failli déserter sa mémoire à jamais.
« E... Every ? balbutia-t-elle. C'est toi ? »
Ses mains se levèrent vers le visage raviné, en tracèrent les failles et les craquelures. Il l'attira lentement à lui, la serrant autant que le lui permettaient ses maigres forces.
Oublié, son pendentif se détacha et roula au sol. Il étincela d'un nouvel éclat vert, brutal et aveuglant. La jeune fille qui sanglotait entre ses bras poussa un gémissement sourd ; il sentit sa chair tendre se racornir, perdre de sa substance. Il la contempla, effrayé : la peau lisse et douce de Rebecca commençait à se creuser de sillons ; ses cheveux à blanchir comme les toiles d'araignées au plafond. La vie qui l'avait oubliée la rattrapait avec la plus grande des cruautés.
Une profonde colère s'empara d'Everdine : ce n'était pas normal, ni juste, ni justifiable. Elle ne devait pas payer un tel prix ! Pas à cause de son vœu inconsidéré de jeune fille amoureuse. Il lâcha sa sœur, qui tomba à genoux sur le parquet disjoint, déjà presque morte parmi les morts ; Josuah s'approcha d'elle, la tête légèrement inclinée, ses orbites vides tournées vers le vieil homme en une muette supplication.
Everdine se pencha péniblement pour ramasser la petite pierre verte dans sa grille d'or. Il ne voyait qu'une issue pour sauver Rebecca. Le frère de Rebecca serra le pendentif dans sa main, les yeux fixés sur la forme décharnée dans les vestiges de la belle robe crème.
Dans la petite église de bois blanc, les Mayfair, les Barnes, les Richter, les Armitage, les Langston, les Jones, les Barnes, les Digby, les Baskin, les Alton, les Budkin... en somme, toutes les familles de la ville, priaient sous la houlette du pasteur pour être libérées de la malédiction.
Pour la seconde fois, la lumière verte déferla de la colline, englobant le manoir, le cimetière, puis les maisons, les rues, la rangée d'érables le long de la chaussée et l'église où se terraient des fidèles terrifiés.
Quand elle mourut, l'église était vide et la ville dormait paisiblement sous une lune à peine voilée de nuages nacrés.
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