Cole n’aurait jamais contaminé autant de monde en si peu de temps. N’est-ce pas ? La question tournait dans la tête de Calvin où vrombissait une véritable tempête. Il s’était senti en sécurité, dans cette petite pièce nimbée de lumière, au chaud tandis que les soignants allaient et venaient. On avait fini par lui bander la main. On l’avait incité à repartir. Calvin avait tardé. Les cris s’étaient rapprochés. Les râles avaient envahi le couloir. L’agitation était montée d’un cran. Les patients contre leurs sauveurs. Calvin s’était barricadé. La cacophonie avait continué.

Et si… Et s’il s’était planté ? Et si Cole était vraiment malade ? Calvin se remémora sa rencontre avec le loupiot perdu et son chien. Les moments passés ensemble. Cole… Cole s’était toujours montré craintif. Un individu blessé, endommagé. Naïf, aussi. Un gamin qui avait oublié de devenir adulte. Il avait partagé son repas avec Daniel, il l’avait vu faire. Son chien passait toujours en premier. Cole mangeait ensuite. Pas un mauvais bougre. Pas violent. Quoique…

On tambourina contre la porte. Calvin attrapa un scalpel sur le plan de travail et se prostra dans un coin, les yeux fixés sur la poignée tremblante. Les jointures de ses doigts blanchirent, ses ongles entrèrent dans la paume de sa main. L’avalanche de coups cessa net. Calvin n’entendait plus que sa respiration, trop forte à son goût. Ça fourmillait dans sa tête.

Quand Daniel avait attaqué Cole, Calvin était arrivé sur le tard à sa rescousse. Le rappel de cette soirée lui provoqua des frissons. Des frissons en dedans. Sur ses muscles frétillants. Il avait aperçu Cole, les veines de son cou saillantes, prêt à bondir à la manière d’un prédateur sur sa proie. Il avait mordu un de ses attaquants, le sang avait roulé le long de ses lèvres. Il avait haleté, les nerfs comprimés. Plus un homme, un animal.

Calvin passa une main sur son front, persuadé de suer transpirer à grosses gouttes. Front chaud. La fièvre ? Possible. Il n’avait plus les idées claires depuis… depuis Marylou. La morsure… l’air de bête traquée… le sang sur le visage. Calvin déglutit avec difficulté tant son oesophage se comprimait : l’espace d’un instant, il avait vu Cole à la place de Mary. L’espace d’un instant, il s’était trouvé à la place de Daniel. Calvin commença à claquer des dents. Il avait froid. Si froid. Pourtant sa peau brûlait, moite et tout à coup très pâle.

Cole n’avait pas touché Marylou, pourtant. Calvin se cramponnait à cette preuve irréfutable de l’innocence du jeune homme. Il ne lui avait même pas offert son sandwich, ils n’avaient pas partagés la même eau… et, surtout, la victime avait désigné son agresseur : un chat. Ça se tenait. Daniel et sa bande avaient aussi pu tomber sur quelques félins malades, dans les bas quartiers. Rien d’étonnant là-dedans. Mais l’hôpital… Comment expliquer l’hôpital ? Ou du moins, le coin des urgences ? Pas d’animal ici. Son altercation avec Cole avant d’entrer dans l’hôpital lui revint de plein fouet en mémoire. Par flash. La réponse. Elle était là, dans ses souvenirs : Cole n’aurait jamais approché un lieu infesté de scientifiques par lui-même. Il l’avait fait pour son pote, Calvin en était persuadé. Il n’avait jamais rencontré personne de cet endroit. Il n’avait pas pu contaminer qui que ce soit.

Ça coulait de source. Une épidémie se préparait. Les soignants avaient été surpris. Dans quelques heures, ça irait mieux. Cole tiendrait pas tout ce temps. Calvin devait le retrouver. Dans l’entrée, si c'était encore possible d’y accéder. Retourner dehors. Partir de cette ville et attendre que les choses se calment. Ca permettrait aussi aux bourreaux de les lâcher. Bon plan. Calvin garda son scalpel et en main et se décida à rejoindre le couloir où l’accueillit une odeur forte. Acre. Métallique.