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tome 1, Chapitre 29 « La complainte des mourants » tome 1, Chapitre 29

Le maître profita de la torpeur ambiante pour se ruer derrière la double-porte. Ca puait cette odeur que Lambda avait déjà senti auparavant. Au terrain-vague. Dans la ruelle où on avait mis la patte sur Daniel et sa bande. Ça empestait. Les sens en alerte, Lambda aurait voulu prévenir son alpha. La mort avait meilleure essence. Cette… chose qui rôdait lui annonçait les pires horreurs. Une agonie à la fois lente et douloureuse. Cole méritait un avenir radieux. Pourquoi fonçait-il tête baissée dans l’enfer ? Plus il essayait de s’éloigner de la maladie, plus il s’en rapprochait. A moins que ce ne fut elle, qui prenait de l’ampleur au fur et à mesure de leur fuite ?

Lambda vivant, jamais il ne laisserait son maître seul. Il courut à sa suite tandis qu’une cohorte de voix autour d’eux s’insurgeait sans qu’il n’en comprenne le sens. Trop de mots, dans le langage des humains. Il avait retenu “Viens !”, “câlin”, “papatte”, “non”, “sortir”, “biscuit”... c’était déjà pas mal. La double porte claqua dans le dos des fugitifs.

— Sortez d’ici !

Deux scientifiques. Un enfant entre leurs mains. Chacun d’eux tenait un bras. Le petit s’époumonait. Se débattait. Il hurlait un son rauque, guttural, à s’en arracher la trachée.

— Lâche-moi, espèce d’enfoiré ! Sale chien !

Lambda connaissait ces mots. Plus ou moins. Jamais il ne les avait entendu dans une bouche aussi jeune. Cole s’était plaqué contre un mur. La terreur. On lui avait fait subir la même chose… et il avait laissé Nounours partir avec un des bourreaux. Ceux-là s’épuisèrent. Le garçon libéra un de ses bras. Sauta au cou d’un des tortionnaires. Nouveaux cris. Plus de rage, mais de douleur. De peur aussi. Le second bourreau, les yeux exorbités, enfonça la double-porte. Le premier finit acculé contre un mur, une main sanglante contre sa carotide.

L’enfant se tourna vers le maître sans le voir. Ses yeux, révulsés, l’obligeait à compter sur son ouïe. Cole retint son souffle malgré ses tremblements. Lambda garda les oreilles dressées. En chien de fusil, il toisait le malade. Qu’il essaye donc de s’en prendre au maître ! Lambda mordrait. Comme pour Daniel et sa bande. Même pas peur. Blam ! Blam ! Blam ! Ce bruit d’objet lourd jeté contre un mur fit sursauter le garçon. Il plaqua les mains contre ses oreilles. Il rugit. Il courru vers ce qui lui tapait sur le système, après la bifurcation au bout du couloir. Seuls. Lambda et Cole demeurèrent seuls, à l’exception du soignant au sol, la main sur sa carotide suintante, à gémir dans son agonie.

Des cris émergèrent. Plus loin. Après la bifurcation du couloir pâle et froid. Des hurlements. On crachait de désespoir. De haine. Les doigts de Cole tremblèrent quand il les serra en poing. Lambda couina: le maître s’était fichu dans le pétrin. Il ne reculerait pas. Pas sans Nounours. Le Colley se campa sur ses pattes, la peur au ventre, mais prêt à tout pour aider Cole. Des frères, dans la vie comme dans la mort. L’alpha méritait ce sacrifice.

Celui-ci se pencha vers Lambda qui sentit son souffle chaud contre son oreille :

— Reste derrière moi, d’accord ? On va retrouver Nounours.

Des mots dénués de sens pour l’animal, sauf pour le terme “Nounours” qu’il assimilait au grand humain sympathique, mais le ton de voix le rassura : le maître avait un plan. Son fidèle camarade l’épaulerait, comme d’habitude. Il laissa Cole prendre les devants et marcha à pas de loup, prêt à bondir au moindre danger. Plus ils s’enfonçaient dans l’aile des urgences, plus ils devinaient de fines gouttes de sang sur les murs blancs. Pas de doute. Cole reconnaissait la couleur vermillon du liquide que Jedefray aimait tant faire couler. Lambda grogna : l’odeur métallique se mélangea à celle de la maladie. La nausée lui comprima l’estomac.

Cole retint Lambda par le collier avant de se plaquer contre un mur. Blam ! Blam ! Blam ! A quelques pas, une femme aux cheveux longs se cognait la tête avec force contre une porte. Lambda se cambra : il entendit les os craquer. La patiente continua. Encore et encore. Toujours plus fort. Jusqu’à tomber, inerte, sur le sol. Plus un bruit.

Cole sortit de sa cachette, Lambda marcha dans ses pas. Il couina en passant devant la désespérée. Elle s’était arrachée les ongles à force de griffer les murs, ses doigts étaient nimbés de sang séché. Elle avait cherché à fuir… mais quoi ? Le maître jetait un oeil dès qu’ils dépassaient une nouvelle porte. Il les entrouvrait, murmurait le prénom de leur ami… en vain. On l’avait emmené ailleurs. On le torturait sûrement.

— Merde ! Merde ! Merde ! pesta Cole qui perdait petit à petit le contrôle de ses émotions.

Lambda se concentra. Avec son odorat, il se devait de mettre la patte sur l’ours et le sortir d’ici avec le maître. Il renifla. Plus vite. Plus fort. Jusqu’à discerner, au-delà du musc de la maladie et de la mort, l’arôme si familière de Nounours. Il en huma d’autres, aussi. La fille du métro les avait suivi. Son amie trainait dans les parages, mais ce qui la gangrènait parasitait son aura. Deux odeurs… bien plus connues que n’importe quelle autre effluve. Sven et le bourreau.


Texte publié par Albane F. Richet, 14 janvier 2024 à 14h27
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