Mort. Le meilleur mensonge que ce psychopathe de scientifique avait dégoté. Cole trembla de tous ses membres, pris de nausée. Si l’autre enfoiré avait répandu la nouvelle de sa mort alors… alors il voulait vraiment le tuer. Les amygdales de Cole le titillèrent, à la fois d’horreur, de colère et d’amertume. Il aurait voulu rugir, frapper dans les vitres de la rame, arracher son corps trop bouillant pour lui… mais il ruminait d’autres pensées bien plus sombres et effrayantes que sa soi-disant mort : les coïncidences s’accumulaient… et il les méprisaient.
— Comment… comment tu connais Jedefray ?
La voix off annonça leur arrêt.
— Pff ! pesta Calvin. Comment je ne le connais pas, plutôt ! Tout le monde, dans cette ville, a entendu parler du vieux Coldman.
Calvin avait éclipsé son regard. Un mensonge. Ou du moins, il avait détourné la vérité. L’ours se leva de sa place avant même l’ouverture des portes, prêt à bondir et à s’éloigner le plus possible de cette rame. Du mec bizarre. De Coldman et son acolyte. Cole se rua à sa suite malgré la lourdeur de son estomac comprimé de stress. Il n’en avait pas fini avec Calvin.
— Tu m’espionnes pour son compte ?
Nounours grimpa les marches de l’escalator deux par deux, la chaleur bienfaitrice de la station le quitta pour le froid ardent de la rue. Il se retourna à peine pour confronter Cole :
— C’est plutôt à toi que je devrais demander ça. Je sais même pas qui tu es. T’es flippant, mec.
Les mots se répercutèrent sur Cole à la manière d’un coup de massue en plein ventre. Tout à coup, il réalisa le fossé qui se creusait entre lui et Calvin. Il avait tant espéré avoir dégoté un allié dans sa tourmente que l’idée même de le perdre l’affligea d’un vertige d’une violence inouïe. Il se retint contre un mur, reconnut la véhémence d’un aboiement terrorisé de Lambda et paniqua davantage quand il se rendit compte combien il peinait à respirer. Son cœur battait à tout rompre, ses cottes accusaient la douleur, mais ses poumons refusaient toute intrusion de l’air.
Cole se pencha en avant. Il hoqueta à plusieurs reprises tandis que les picotements dans ses doigts remontaient le long de ses bras. Son œil s’embua de larmes, Cole imaginait déjà Nounours le distancer dans l’optique de le perdre une bonne fois pour toutes. Il fut saisi de spasmes frénétiques, il méprisait ses mensonges et, dans sa tête, tournaient en boucle les phrases percutantes de Jedefray. C’était pour son bien. Il était dangereux. Il avait tué sa mère. Malade. On devait le soigner.
Calvin, son seul ami dans cette ville immense, allait l’abandonner. Comme son père qui le voyait déjà mort. Comme sa mère qu’on avait assassinée. L’idée de se retrouver seul l’anéantit. Il méritait ce châtiment, oui, il le méritait.
Plus que quiconque, Cole connaissait les affres du mensonge. Ceux des explications vaseuses. Ces non-dits et ces dissimulations avaient ruiné son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte. Pourtant, voilà qu’à peine arrivé à Monroe, loin de ces bourreaux, il commettait des erreurs similaires.
Pauvre con, s’insulta-t-il intérieurement, t’es pire que ton connard de géniteur.
Le monde tournait autour de lui, ses jambes frémissaient comme de l’eau bouillante. Il inspira profondément. Lambda colla sa patte contre le genou de son maître. Manière à lui de s’inquiéter de son état.
Cole n’osa pas rouvrir l’oeil. Découvrir la disparition de Nours.
Il a dit… il a dit qu’on devait parler, se rassura-t-il malgré toute la culpabilité qu’engendraient ces paroles.
Il espérait… espérait quoi ? Qu’on le tienne par la main et qu’on le défasse de ses vilains démons à sa place ? Cole s’en voulait d’être aussi con. Ses forces l’abandonnèrent, tout comme son envie de lutter. Il se sentit tomber, quand de grandes paluches l’enserrèrent.
— Eh ! C’est pas le moment de te laisser aller, hein ! Tu t’reposeras au parc.
Cole rouvrit l'œil, stupéfait. Nounours l’avait rattrapé dans sa chute. Un frisson agréable remonta le long de son échine et le calma instantanément. D’habitude, il associait les accolades à une manière de l’entraver. Un autre moyen que les lanières de cuir pour empêcher tout mouvement. Cette fois, c’était différent. Amical. Bienveillant. Sincère. Cole se cramponna à ses bras recouverts de tatouages, à la dérive avec tous ces fourmillements terribles dans son corps et cette impression qu’on drainait toute son énergie vitale. Nours, sa bouée de sauvetage. Il se raccrocha à cette idée, l’oeil humide.
— T’es vachement émotif comme gars, remarqua l’ours.
Il pouffa de rire avant de reprendre :
— En fait, je crois que t’es extrême en tout ! Allez, viens. Je déconnais pas tout à l’heure, faut qu’on parle. Mais avant ça, on va trouver un coin où se poser. Et vérifier que les deux zouaves nous retrouvent pas.
Lambda acquiesça d’un aboiement sonore. Il tournoya autour des deux hommes tandis que Cole essuyait son oeil “vachement émotif”.
— Je sais pas… je sais pas comment ils ont réussi à me retrouver.
Calvin passa une main songeuse le long de sa barbe de trois jours. Cole appréhenda : si Nours connaissait Jedefray, son plan pourrait s’agir d’un piège. D’un autre côté… il avait cruellement besoin d’un ami en qui avoir confiance.
— Y a rien, sur toi ? s’enquit l’ours. Qui vient du labo.
Cole fronça les sourcils, suspicieux :
— Nan, déclara-t-il. Je suis arrivé en chemise et en jean, je te rappelle.
Nours haussa les épaules :
— Y a des poches dans les jeans… Et à ta chemise, y en a une près du coeur.
Certain de ne rien y trouver, Cole voulut faire plaisir à son ami et fourragea dans les recoins perdus de son pantalon. Rien à gauche. Ni à droite… Mais un petit objet plat à l’arrière. Il hoqueta, puis sortit ce qui, quelques jours plus tôt, avait représenté son plus grand sésame : la carte magnétique de Jedefray.
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