Ælyonn était à Mairelle depuis une dizaine de jours et elle ne se faisait pas à sa nouvelle vie. L’étiquette lui pesait, elle n'aimait pas les jardins du palais et elle n’avait pas avancé dans l'exploration de ses pouvoirs. Malgré la chaleur estivale, Ælyonn tremblait de froid du matin au soir. Elle souffrait d'une très légère hypothermie qu'aucun médecin n'arrivait à expliquer. Les exercices physiques, les bouillotes et les pulls n'y changeaient rien, la température de la Corataara refusait de dépasser les trente-cinq degrés cinq. Son moral était au plus bas et son psychiatre, le docteur Lirou, voyant qu'elle sombrait, l'avait mise sous anxiolytiques. Viviane s'y était opposée et avait voulu mettre un terme aux séances. Finalement Ælyonn préféra continuer de le voir, elle avait besoin de parler de son mal-être. Un compromis avait donc été trouvé, le temps que Viviane trouve une alternative pour aider sa fille.
En attendant, Ælyonn passait le plus clair de son temps enfermée dans son bureau qui avait été réaménagé selon ses goûts. Un gros pouf comme celui de sa chambre occupé l’espace devant la porte-fenêtre, les tapis et les rideaux austères avaient été remplacés par d’autres aux couleurs chaudes et la pièce était remplie de plantes en pot. La Corataara avait punaisé au mur plusieurs plans : celui du domaine royal, celui de la ville et enfin celui du métro. Derrière son bureau était suspendu un grand tableau du Hadiqa. Sur le mur à côté de la porte d’entrée, elle avait accroché un portrait de Laurent sur lequel elle lançait des fléchettes quand elle s’ennuyait.
Le prince lui avait fait parvenir différents dossiers qu’elle devait étudier et dont il attendait des rapports le plus rapidement possible. Certains sujets étaient intéressants comme celui d’une bactérie répondant au doux nom de xylella fastidiosa, qui était responsable de maladies mortelles pour des centaines d'espèces végétales dont les arbres fruitiers du sud-est du pays. Mais d’autres, comme les protocoles de contrôle aux frontières des végétaux importés, ne l'enthousiasmaient pas vraiment.
Ælyonn, assise sur son pouf, finissait de lire le livre sur le folklore et les légendes de La Lupa. Sa lecture ne l'avait guère enchantée. Elle y avait retrouvé toutes les croyances superstitieuses de son île qu'elle rejetait. Certains mythes étaient de variations de ceux qu'elle connaissait déjà et les autres étaient des contes que Nannou, sa gouvernante, lui racontait quand elle était enfant.
Elle regarda l’heure : sept heures trente. Il était temps de descendre pour le petit-déjeuner. Elle avait dormi dans son bureau qui fermait à clé contrairement à sa chambre, pour fuir Antonin qui la harcelait pour aller à une soirée avec lui. L’aîné avait du mal avec le concept de vie privée ce qui avait poussé la petite sœur à se réfugier dans un lieu tranquille.
La Corataara retrouva sa famille dans la salle à manger. Le petit-déjeuner fut servi et le courrier arriva avec lui. Martin déposa un tas de lettres devant la jeune fille.
— Encore des admirateurs ? demanda Antonin.
— Ah, ah, ah… très drôle…, répondit cyniquement sa benjamine.
Depuis que la nouvelle du retour d’Ælyonn avait circulé parmi la bonne société, elle recevait tous les matins des invitations pour tout et n’importe quoi : prendre le thé, assister à des courses hippiques ou encore des vernissages. Ses parents avaient insisté pour qu'elle réponde aux invitations. La jeune fille avait découvert avec effarement qu'elle était un objet de curiosité. A chaque événement où elle se rendait, les mêmes remarques revenaient sur son "charme exotique" ou sur son "délicieux accent des îles". Chaque famille lui présentait un fils ou un cousin célibataire qui "mourrait d'envie" de faire plus ample connaissance. Ælyonn n’était pas dupe, étant la seule fille d’une famille richissime et proche de la Couronne, elle était un excellent parti. Parfois les remarques étaient moins intéressées et beaucoup plus mesquines comme lorsqu'on lui demandait si elle s'habituait à marcher avec des chaussures ou si elle n'était pas trop dépassée par la technologie du continent. Son père lui avait conseillé de ne pas répondre aux provocations.
Ælyonn ne se préoccupa pas de son courrier. Elle bouda également les brioches que lui tendait son frère Alexandre, elle n’avait pas faim. Ses pensées fuyaient vers le Hadiqa et ses jardins. L’odeur de la terre de son île lui manquait terriblement. Elle avait le mal du pays et tout à Mairelle la déprimait.
— Ce matin nous avons rendez-vous pour les essayages de nos robes de bal, lui rappela sa mère. Nous partirons à dix heures et nous mangerons en ville, si ça te convient, proposa-t-elle.
La jeune fille ne répondit rien, elle s’en fichait, ce bal était le cadet de ses soucis.
— Je monte, je vais prendre une douche, annonça-t-elle.
Elle prit son courrier et quitta la salle à manger.
— Je m’inquiète pour elle, avoua Viviane en constatant que sa fille avait à peine toucher à son petit-déjeuner.
— Elle a passé presque quatorze ans sur une île tropicale, laisse-lui le temps de s'acclimater, répondit son mari en haussant les épaules.
— Elle s'est faite tirer dessus, c’est plus rude à encaisser qu'un changement de climat, objecta Alexandre. En plus, elle n'a pas d'amis à Mairelle. Elle passe son temps dans son bureau à travailler ou servir de distraction à des imbéciles désœuvrés. Ce soir nous sommes invités chez la princesse Clémence. Maman essaye de la convaincre de venir avec nous, s'il te plaît. C'est pour son bien.
Antonin acquiesça. Viviane n’avait pas l’air convaincu.
— Je ne suis pas sûre que passer une soirée avec le prince améliore l’humeur de votre sœur ! Je lui en parlerai, mais je ne vous garantis rien.
Une fois dans sa chambre, Ælyonn se fit couler un bain pour se réchauffer. Quand elle fut installée dans l’eau brûlante, elle ramassa son courrier posé sur le bord de la baignoire et commença à trier les invitations. Une enveloppe attira son attention, elle était rigide et plus lourde que les autres. A l’intérieur, se trouvait une petite carte métallique. Elle regarda l’enveloppe, elle avait été postée depuis Mairelle, mais il n’y avait pas ni le nom de l’expéditeur, ni une lettre d'accompagnement.
Curieuse, elle se redressa pour observer la carte entièrement lisse et noire. Elle faisait près de dix centimètres de long, trois centimètres de large et quelques millimètres de hauteur. En jouant avec, elle remarqua qu’elle coulissait. D’un coup, l’objet s’illumina et projeta un écran sur le mur et la jeune fille manqua de laisser tomber l’engin dans l’eau.
"C’est quoi ce truc ?!?" Stupéfaite, Ælyonn sortit précipitamment de son bain. Elle s’habilla rapidement et fila dans son bureau où elle s’enferma à clé. Elle balança son courrier sur le pouf et s’installa à son bureau avec l’étrange carte. Avec prudence, elle refit coulisser le dessus de la carte et de nouveau un écran fut projeté et un clavier virtuel apparut devant elle. Sur le mur, des protocoles informatiques se mirent en place. Il semblait à la jeune fille que l’engin se connectait à un réseau privé de tchat. Et puis, un curseur clignota et quelqu’un envoya un message.
S dit : Bonjour, était-il écrit.
La jeune fille n’osait plus bouger, elle hésita à tout fermer, mais la curiosité l’emporta, elle répondit et les premières lettres de son nom apparurent.
Æ dit : Bonjour. Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?
La réponse ne tarda pas.
S dit : Je suis Scorpion et je suis là pour vous aider.
Les questions et la peur se bousculaient dans son esprit. Tous ses appareils étaient sous surveillance et elle discutait avec un parfait inconnu via un jouet high-tech. Comme si l’inconnu devinait ses pensées, un autre message apparut.
S dit : Je n’ai pas beaucoup de temps, ce réseau est sécurisé, ne craignez rien. Vous ne savez pas tout sur le meurtre de la Corataara Amandine, cherchez ses cahiers.
Ælyonn était livide, comment pouvait-il être au courant des Corataara et de ce qui était arrivé à sa grand-tante. En tremblant, elle tapa un message.
Æ dit : Comment êtes-vous au courant ? C’est quoi ces cahiers ? Pourquoi vous ferais-je confiance ?
La réponse mit un peu de temps à venir.
S dit : Je ne peux pas vous révéler mon identité pour ma propre sécurité. Ce sont ses journaux intimes, ils sont très importants. Ils contiennent des vérités qui font peur aux Clamerin d'Espla. Je ne cherche qu’à vous aider, le Réduve est beaucoup plus proche de vous que vous ne le pensez. Soyez prudente. Vous êtes en danger. Ne faites confiance à personne et cachez le communicateur.
Avant qu’Ælyonn ne puisse répondre quoi que ce soit, Scorpion se déconnecta et l’écran disparut. La jeune fille avait des sueurs froides et elle claquait des dents. "Ce n’est pas possible", murmurait-elle. Toujours tremblante, elle prit une cigarette sur son bureau qu’elle alluma avec difficulté.
"Calme-toi ! Calme-toi ! " se répétait la jeune fille en essayant de se rassurer. "Oh ! mais bordel c’est qui ? Comment sait-il tout ça ?"
Le flot de questions la submergea et l’angoisse monta comme une lame de fond. Son rythme cardiaque s’accéléra dangereusement, elle avait des vertiges. La Corataara posa sa cigarette dans un cendrier et se mit en position fœtale sur son pouf en se balançant légèrement pour se bercer. Elle chercha une bouée de secours, quelque chose à quoi se raccrocher pour ne pas sombrer. Le parfum de son grand-père lui vint à l’esprit, elle se concentra pour se souvenir de cette odeur musquée et épicée et la tempête s’apaisa. Ælyonn grelottait de plus en plus, elle se releva pour prendre un plaid. La Corataara tenta de reprendre la barre de son esprit en se concentrant sur les cahiers. Elle pouvait avoir un contrôle là-dessus et cette perspective la réconforta. Elle respira profondément et analysa la situation. Elle avait fouillé de fond en comble le bureau, elle n’avait pas vu de cahiers. Ses parents lui avaient assuré que toutes les affaires de la précédente Corataara étaient ici. De nouveau l’angoisse monta et inonda son esprit, des idées insensées lui venaient en tête et amplifiaient son mal-être. Elle doutait de la sincérité de tout le monde. Elle était catastrophée, la peur avait pris le dessus ; elle repensa à sa mère et à ses doutes sur le service de sécurité du palais. La panique lui serra la gorge. Sa mère avait peut-être raison.
Quelqu’un frappa à sa porte et Ælyonn sursauta. Avec précaution, elle ouvrit et Viviane fronça les sourcils.
— Ælyonn, tu es toute pâle ! Qu’est-ce qui se passe ? Tu ne te sens pas bien ? demanda-t-elle.
— C’est ça, je ne me sens pas bien, je crois que euh... , que je vais me recoucher, articula la jeune fille d’une voix mal assurée tout en repoussant sa mère.
— Viens avec moi, tu transpires. Je vais vérifier ta température, elle est peut-être remontée.
— Nan, c’est bon, je… J’ai juste besoin de dormir. Je… Je vais ranger mes dossiers et euh… je vais me mettre au lit.
— Ælyonn tu m’inquiètes, tu sembles paniquée, tu veux en parler ?
— Non, je vais bien. La jeune fille poussa sa mère hors de son bureau et referma la porte à clé.
Ælyonn prit le communicateur et le rangea dans un tiroir secret de son bureau. C’était une découverte qu’elle avait faite par hasard en se cognant la tête sur un bronze du meuble en aménageant la pièce.
Elle prit plusieurs grandes inspirations et sortit. Sa mère était toujours là, soucieuse. La demoiselle ferma son bureau à clé et se dirigea vers sa chambre.
— C’est bon, maman, ne t’en fais pas.
— Tu n’as pas vu ta tête, très chère. C’est Laurent qui te martyrise ? Il peut attendre un peu pour ses rapports, tu n’es pas un robot !
— Non, ce n’est pas lui. Ce n’est rien. Je t’assure ! Laisse-moi s’il te plait.
A contrecœur, sa mère descendit et alla voir son mari. Ælyonn se précipita dans son lit et se couvrit de sa couette. Elle resta là, tremblante, à tenter d'endiguer sa panique. Depuis son retour à Mairelle, le moindre petit problème créé de profondes angoisses chez la jeune fille qui se maudissait pour cette anxiété qui ne lui correspondait pas. Ses crises avaient débuté lors de sa première sortie à Mairelle. Elle avait été tétanisée à l’idée qu’on lui tire dessus en pleine rue. Elle était restée paralysée de longues minutes dans la voiture sans pouvoir en sortir malgré les mots réconfortants de sa mère.
Ses parents étaient passés la voir et Ælyonn avait fait semblant de dormir. Ils avaient parlé entre eux à voix basse. Henri voulait prévenir Valentin, mais sa mère s’y opposait. Charles les avait prévenu qu'Ælyonn était devenue plus émotive depuis l'éveil de ses yeux. Le ton monta entre eux et ils sortirent pour ne pas réveiller leur fille. Après leur départ, la Corataara se roula une cigarette de kaina et elle prit son casque et son lecteur. Elle choisit une musique douce et fuma. La kaina n’améliora pas ses angoisses et elle n’en fuma pas la moitié. Ælyonn avait l’impression qu’elle allait mourir d’une crise cardiaque, elle avait mal dans la poitrine et son cœur s’emballait. Elle augmenta le son du lecteur et se remit sous sa couette. Personne ne vint la déranger de la journée sauf sa mère qui était passée déposer un plateau de nourriture sur son bureau et qui était restée un peu à ses côtés en lui caressant les cheveux. La jeune fille avait encore fait semblant de dormir, elle n’avait pas envie de parler.
* * *
Valentin était soucieux, il avait demandé un entretien en urgence au prince d’Altiérie. Il avait noté que la jeune Corataara dépérissait à vue d’œil. En l’espace d’une semaine la transformation avait été spectaculaire. Elle avait les traits tirés, le teint pâle et semblait avoir peur de son ombre, même ses réparties étaient moins mordantes. L’appel d’Henri Brémont n’arrangeait rien. Ælyonn s’était enfermée totalement paniquée dans sa chambre.
Trois jours auparavant, la demeure des Brémont avait été mise sous surveillance. Son bureau était le seul endroit où des mouchards n’avaient pas été posés, la porte était hautement sécurisée et les agents avaient manqué de temps pour la forcer sans l’abîmer. Cet aménagement avait été réalisé par les Brémont sans en avertir le palais, ce qui avait fortement contrarié le prince. Tout le reste de la maison était truffé de caméras et de micros aussi fins qu’une feuille de papier et transparents. L’intervention des agents avait été dirigée d’une main de maître par le prince. En deux heures, cinq agents avaient posé le matériel d’espionnage et il n’y avait aucun angle mort dans la maison y compris dans la chambre d’Ælyonn. Laurent s’était montré intraitable, pas moins de huit caméras et autant de micros y avaient été installés. Valentin et monsieur de Sabolin avaient réussi à le convaincre de respecter l'intimité de la jeune fille et de ne pas s'occuper de la salle de bain. Le prince avait accepté de ne pas mettre de caméras, mais il ne renonça pas aux micros.
Quand Valentin entra dans les appartement de l’héritier, il fut accueilli par son secrétaire qui le mena vers le boudoir. La pièce était remplie d’écrans et Guillemin était là, en train de surveiller la famille Brémont. L’homme balafré salua d’un mouvement de la tête l’agent qui lui répondit de la même façon. Laurent était debout et fixait avec attention les deux écrans qui renvoyaient les images de la chambre de la Corataara sous différents angles. Il mordillait son pouce avec nervosité.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il sans quitter les écrans des yeux.
— On a un problème avec Ælyonn. Elle ne va pas bien. Elle semble se faner, Votre Altesse Royale, répondit Valentin en regardant les écrans.
— Se faner ? Vous passez trop de temps avec les jardiniers du roi, Velasquez. Vous parlez comme eux, nota Laurent.
— Monsieur, permettez-moi d’insister, la Corataara dépérit sans que l’on sache pourquoi, insista l'agent.
Le jeune homme se tourna vers lui en souriant avec satisfaction :
— C’est une bonne chose, au moins elle est tranquille et je la tiens à l’œil sans difficulté.
Guillemin prit la parole de sa voix cassée.
— Votre Altesse, Velasquez a raison, elle semble malade et j’ai noté quelque chose d’inhabituel quand elle était dans la salle de bain. En ouvrant son courrier quelque chose l'a surprise et faite paniquée.
— Récupérez son courrier, je veux savoir ce que c’est, ordonna le prince.
— Tout est dans son bureau, Votre Altesse Royale, je n’ai pas de caméras là-bas, répondit le chef de sa garde.
Laurent fut contrarié par la nouvelle.
— Velasquez, vous vous en chargerez.
L'agent acquiesça et nota la nervosité du prince derrière son sourire. L'état de la Corataara l'inquiétait plus qu'il ne voulait le montrer. Valentin n'était pas admis au Carré mais il accompagnait toujours Ælyonn dans les jardins ou dans Mairelle. Il s'inquiétait de la voir de plus en plus distante avec lui. Elle ne lui parlait presque plus malgré ses efforts pour engager des conversations.
— J’exige dorénavant que son courrier soit ouvert avant qu’il ne lui soit remis. Je veux une copie de tout ce qu’elle reçoit que ça vienne du palais ou de l’extérieur. Que ce soit fait avec discrétion. Poursuivit le prince en se tournant vers Sabolin.
— Je vais faire donner des instructions en ce sens, Votre Altesse Royale, répondit son secrétaire en s’inclinant.
— Alexandre a raison, elle a juste besoin de sortir voir du monde et de se détendre, c’est tout ! Dans le pire des cas, il y a de la terre de La Lupa dans les serres tropicales du palais, ça devrait lui suffire.
Laurent quitta le boudoir et retourna dans son bureau, Valentin et Sabolin le suivirent.
— Autre chose ? demanda le prince en entrant.
— Non, monsieur, répondit Velasquez en s’inclinant avant de partir.
Le secrétaire alla fermer toutes les portes ouvertes avant de rejoindre le prince assis dans un fauteuil.
— Mon Prince, mademoiselle Brémont…
— Ça suffit, coupa Laurent agacé. J’ai vu qu’elle n’allait pas bien et c’est à mon avantage. Ce soir, elle rencontre William, si elle plus fragile qu’à l’accoutumée, ce sera plus facile de la sonder et de trouver ses failles. Si elle ne va pas mieux, j’aviserai. Vous pouvez disposer, je n’ai plus besoin de vos services pour le moment, conclut Laurent d’une voix cassante.
Le serviteur perdit son sourire et quitta le bureau.
* * *
En début de soirée, Ælyonn sortit de sa chambre, à force de faire semblant de dormir, elle s’était réellement endormie. Elle allait mieux, mais Scorpion et ses mises en garde lui serraient toujours la poitrine. En temps normal, elle se serait montrée plus forte. Le problème, c'était qu'en temps normal, elle était dans les jardins du Hadiqa ou dans la forêt. La jeune fille descendit au salon ou ses deux frères buvaient des bières.
— Lælo, tu sors enfin de ta grotte ! C’est un exploit, la taquina Antonin.
— Foutez-moi la paix, répondit la jeune fille avec mauvaise humeur.
— On part dans une heure, prépare toi, sœurette, enchaîna Alexandre.
Ses frères n’avaient pas enterré l’idée de la sortir ce soir. Ils s’inquiétèrent un peu devant le visage blasé de leur sœur qui avait du mal à cacher son ennui profond.
— Allez ! Ne fait pas cette tête, la princesse Clémence a très envie de te rencontrer ! Tu verras, on sera en petit comité entre gens de bonne compagnie, tenta de la convaincre Alexandre.
Sa sœur répondit d’un ton sec.
— Alex, Laurent est un connard prétentieux, je n’ai pas envie de sortir pour passer une soirée avec lui, d’ailleurs je n’ai pas envie de sortir tout court.
Antonin éclata de rire.
— T’es pas possible, Lælo ! Tu es trop excessive, arrête de lui en vouloir pour ce qui n’est pas encore arrivé et laisse-lui une chance, c’est quelqu’un de bien.
Ælyonn sentit la colère monter.
— Lui laisser une chance ? Vous vous foutez de moi ? La famille royale a décidé de me voler ma vie pour en faire ce qu’elle veut en me demandant de la fermer ! Et je devrais laisser une chance à ce petit con qui trouve ça très bien ? Jamais de la vie ! Je vais le mettre à terre, le piétiner, lui faire bouffer sa bride et gare à vous si vous tentez de m’en empêcher, cria-t-elle malgré elle en les menaçant de son index.
Ses frères se regardèrent, au final ce n’était peut-être pas une bonne idée de mettre Laurent et leur sœur dans la même pièce. Aucun des deux ne savait quoi dire pour apaiser la jeune fille ou pour défendre leur ami, après tout elle n’avait pas tout à fait tort sur les méthodes de la famille royale.
— Écoute, Lælo, Laurent sera là, mais tu n’es pas obligée de lui parler. Clémence est adorable et vous avez des goûts en commun. Je suis certain que vous allez bien vous entendre, affirma Alexandre.
Mais Ælyonn n’avait pas envie de se laisser amadouer.
— Ça pue le traquenard, cette soirée, je n’irai pas ! Et puis j’ai du travail, je dois terminer mes rapports avant que l’autre trou du cul princier ne fasse une crise, hurla-t-elle en quittant la pièce.
— Pfiou, c’est chaud, heureusement que personne ne peut l'entendre depuis le palais, souligna Antonin. Laurent exige sa présence ce soir, on va devoir trouver une solution.
— On la bâillonne, on l’assomme et on la jette dans le coffre de ta voiture ? proposa son cadet.
— Y’a de l’idée, approuva l’aîné en riant, mais je crois que j’ai une solution moins radicale.
Les garçons montèrent voir leur sœur qui s’était enfermée dans son bureau. Alexandre frappa doucement :
— Ælyonn ouvre s’il-te-plaît, ne fait pas ta tête de mule.
— Je ne veux pas aller à cette soirée ! martela la jeune fille.
— C’est un ordre du prince, tu ne peux pas refuser, s’impatienta Antonin.
— Son ordre, il peut se le carrer dans le…
— On a compris, n’en rajoute pas ! Ma chère frangine Tu fais une fixette sur son royal postérieur ! La coupa Alexandre avec malice.
Ælyonn ne répondit rien, et la porte s’ouvrit.
— Je ne fais pas de fixette sur les fesses de Laurent ! C’est clair ? lança-t-elle avec froideur.
Les garçons entrèrent en souriant, titiller l’orgueil de leur sœur marchait toujours. Antonin se jeta avec délice sur le pouf géant. Il adorait ce meuble et en avait également acheter un pour lui. Alexandre de son côté, regardait les dossiers de sa sœur.
— Alors ? À combien tu estimes ta présence parmi nous ce soir ? demanda Antonin.
— Je suis trop chère pour toi, répliqua Ælyonn en essayant de pousser son frère hors de son pouf.
— Allez Lælo ! Ton prix sera le mien, répondit son frère en chatouillant sa sœur.
— Arrête ! Tinou, t’es chiant ! Riait la jeune fille en se débattant.
— C’est quoi ces dessins, les interrompit Alexandre en montrant des aquarelles.
— Les planches botaniques d’Amandine, répondit la jeune fille qui était tombée par terre après avoir été virée de son pouf.
— C’est très beau, tu vois pareil ?
— Oui, mais repose ça c’est fragile s’il-te-plaît, demanda Ælyonn.
Alexandre n’écouta pas et continua d’étudier les dessins.
— Je n’arrive pas à lire, c’est écrit quoi en tout petit ?
— Je n’en sais rien, je n’arrive pas lire non plus. Beaucoup de dessins sont annotés mais l’encre est presque effacée ou c'est incompréhensible, précisa-t-elle en rejoignant Alexandre. Elle voulut lui reprendre la planche des mains mais son grand frère l'en empêcha.
— Avec ta permission, je prends celle-ci. J'ai un ami qui peut traiter ton dessin pour rendre la note lisible. J’en prendrai soin, promit-il.
— Je peux te faire confiance pour ne pas cafarder auprès du palais, des parents ou de Valentin ? Se méfia sa petite sœur.
— Si tu viens avec nous ce soir, tu auras un agrandissement lisible de tout ce que tu voudras et sans que personne ne le sache, sourit Alexandre.
Ælyonn réfléchit un instant. De nombreux dessins étaient annotés par Amandine et toujours à côté des végétaux vus par une Corataara. Ælyonn espérait que ces notes concernaient ses pouvoirs. Après avoir peser le pour et le contre, elle décida de donner une chance à son frère. Elle mit cependant une condition : elle voulait aussi connaître l’emplacement des caméras de sécurité du domaine royal.
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