Charles était assis à son bureau quand Ælyonn entra sans frapper.
— Et tes bonnes manières ? grogna-t-il.
En entendant sa petite-fille renifler, le patriarche leva la tête et vit le visage d'Ælyonn ruisselant de larmes.
— Viens t'asseoir, l'invita-t-il en lui désignant un grand fauteuil usé par le temps et le chat de la maison.
Charles se leva à son tour, servit un verre de porto qu'il tendit à Ælyonn et s'assit en face d'elle. Il avait chargé Idris de tout révéler aux enfants. Il le savait prévenant et très proches de ses neveux et de sa nièce. Ce qui inquiétait le vieux jardinier c'était l'état émotionnel de sa petite-fille. Elle était débordée par ses émotions, beaucoup trop même. Depuis l'éveil de ses pouvoirs, il voyait qu'elle était à fleur de peau. Ce changement d'humeur l'inquiétait. Ælyonn ne s'était jamais montrée aussi sensible et irascible. Il en arrivait même à douter de sa stratégie concernant son éducation.
— Il fallait que tu explores tes pouvoirs en toute insouciance et en toute liberté, sans être perturbée par le drame d'Amandine, expliqua-t-il tandis qu'Ælyonn essuyait ses larmes.
— Je ne veux pas partir ! La famille royale est monstrueuse, je veux rester à La Lupa avec toi, supplia-t-elle.
— C'est impossible, la vengeance des Clamerin d'Espla serait impitoyable et toute La Lupa en souffrirait. Tu dois aller à Mairelle avec le roi.
Ælyonn éclata en sanglot. Charles se leva et posa une main sur la tête de la Corataara.
— Petite, la famille royale a commis des graves erreurs mais les temps ont changé. Tu n'es pas Amandine. Le prince et toi, vous faites partie de la génération qui n'a ni connu la guerre ni la famine qui a suivi. Il est important que tu t'entendes bien avec lui et pas seulement parce qu'il sera ton chevalier. Vous pouvez accomplir de grandes choses ensemble pour le royaume et le monde.
Une puissante colère envahit Ælyonn. D'un bond, elle se leva et hurla que jamais elle ne serait la marionnette de cet idiot prétentieux. Elle refusait catégoriquement de voir ses pouvoirs contrôlés par qui que ce soit, encore moins par ce coureur de jupon, incapable de lasser ses chaussures tout seul. Sa fureur était intense et sans qu'elle sache pourquoi, tout chez le prince la révulsait. Charles la laissa déverser sa rage et attendit qu'elle se calme avant de parler.
— Gamin, tu es le roi et tu es ici chez toi sauf dans ce bureau où l’on frappe avant d’entrer, lança-t-il d’une voix calme.
Stupéfaite, Ælyonn se retourna et blêmit en voyant que le roi se tenait derrière elle, passablement énervé.
— J'ai frappé, Charles, mais vous n'avez pas entendu, répondit le roi agacé en allant se servir un verre. Je crois que c'était au moment où vous avez qualifié mon héritier de "merdeux égocentrique", précisa-t-il en s'adressant à la Corataara.
Ælyonn ne savait plus où se mettre mais son orgueil et sa colère l'empêchaient de présenter des excuses. Le roi soupira devant son manque de politesse.
— Mademoiselle, j'ai beaucoup à reprocher à mon fils mais il est loin de l'idée que vous en avez, commença-t-il. Ma famille a fait preuve de maladresse avec Amandine. Je le reconnais mais, voyez-vous, son histoire appartient au passé. Dorénavant, le bien-être des Corataara est primordial. Laurent ne pourra pas faire n'importe quoi, une fois qu'il sera votre chevalier, lui assura le roi.
La jeune fille n'était pas convaincue et ne dit rien. Elle alla s'installer sur un coussiège, une banquette en pierre intégrée à la maçonnerie d'une large fenêtre du bureau.
— Et quand est-ce que la bride sera posée ? Demanda-t-elle froidement.
— Au solstice d'hiver, le jour des vingt-et-un ans de Laurent. C'est à dire à l'âge requis pour devenir roi comme cela est stipulé dans notre constitution, répondit Léopold. Vous avez six mois pour faire connaissance et fixer les règles de votre collaboration.
Alors qu'elle allait ouvrir la bouche, le roi reprit :
— Profitez-en pour prendre quelques cours de savoir vivre, cela vous fera du bien.
— Par Terre et Ciel ! Du calme petit ! gronda Charles. La gamine vient d'apprendre ce que ta famille a fait endurer à ma sœur, c'est normal qu'elle soit sur la défensive. Ælyonn connait le protocole du palais, tu n'as pas à t'en faire tant que toi et ta famille la respecteraient.
— Si vous le dites, répondit le roi dubitatif en finissant son bourbon. Puis se tournant vers Ælyonn, il ajouta :
— Mademoiselle, en preuve de notre bienveillance à votre égard, je suis prêt à oublier vos insultes envers le prince d'Altiérie. Je suis même disposé à exhausser n'importe lequel de vos souhaits avant notre départ de l'île. Que désirez-vous ? demanda le roi.
Deux heures plus tard, Ælyonn était à l’arrière d’un luxueux tout terrain, entourée de gardes et de Velasquez. Aucun des deux n’avait envie de passer l’après-midi avec l’autre. Ils ne s’étaient même pas adressés la parole et il régnait une atmosphère sinistre dans le véhicule. Ælyonn avait émis le souhait de se rendre à l'institut, un centre de recherche situé un peu en hauteur près des montagnes. Là-bas, des chercheurs en biologie végétale étudiaient et recensaient la riche flore endémique de l’île. Dépendant de l’institut, un laboratoire permettait l’extraction des principes actifs des plantes et de nombreux insulaires y venaient pour y chercher leurs remèdes.
La jeune fille relisait pour la énième fois la liste de plantes demandées par sa mère et songea qu'il il lui faudrait une troisième valise pour tout prendre. Viviane Brémont, était la Grande Apothicaire du royaume c'est à dire qu'elle était à la tête du laboratoire royal d’Aranthys. Elle était également la doyenne de la faculté de phytothérapie de Mairelle. Médecin de formation, c’est elle qui soignait les petits tracas courants de la famille royale qui ne nécessitaient pas les compétences du médecin des Clamerin d’Espla.
La voiture se dirigeait vers la réserve naturelle de La Lupa qui occupait un bon tiers de l’île. Avant de devenir la Corataara, Ælyonn voulait travailler ici, dans ce paradis pour botanistes. Ils avaient fait les trois quarts du trajet quand la voiture s’arrêta. Un arbre était couché en travers de la route, cela arrivait souvent dans cette partie de l’île très sauvage. Deux gardes sortirent pour s’en occuper et Ælyonn demanda la permission de se dégourdir un peu les jambes. Velasquez avait accepté et il était descendu avec elle pour la surveiller.
Quand elle sortit de la voiture, l’air chaud et humide la frappa violemment. Le contraste entre la voiture climatisée et l’extérieur était brutal. Mais quelque chose n’allait pas, l’air était étrange, lourd et électrique. Inquiète, Ælyonn utilisa ses yeux et vit que la végétation était couverte d’une sorte de brume violet foncé qu’elle n’avait jamais vu, ce qui qui l’intrigua. Quand elle toucha cette brume, un courant électrique la traversa transportant avec lui ce message d'alerte : "DANGER !"
Avant même qu'elle ne puisse prévenir Valentin, des balles sifflèrent et les deux gardes qui s’occupaient de l’arbre s’écroulèrent. En un éclair, Velasquez poussa la jeune fille dans la voiture et sortit son arme. Les cinq autres gardes dégainèrent et tirèrent. Ælyonn était recroquevillée sur la banquette, son corps était tétanisé, mais pas son esprit. Elle entendait le bruit des impacts de balles sur la voiture, mais les vitres blindées tenaient bon. Velasquez hurla des ordres et d’un coup, il la prit par le bras et la tira hors de la voiture. Un autre garde qui la couvrait, s’écroula, une partie de la tête arrachée. Ælyonn fut éclaboussée de sang et hurla. Valentin la poussa sur le bas côté et l’entraîna dans la forêt. Elle courait et sentait des balles la frôler et fracasser les arbres. Velasquez riposta et un homme cria. La Corataara utilisa ses yeux, et supplia mentalement qu’on lui vienne en aide. "Je veux vivre" répétait-elle paniquée. La nature répondit à son appel. D'un coup, ils furent soulevés de terre par des lianes et lancés sans ménagement plus loin. Derrière eux un arbre s’écroula et un deuxième cri se fit entendre. Des branches les soulevèrent encore et ils furent projetés une seconde fois. Ils atterrirent lourdement sur des fougères géantes et roulèrent par terre. ils se retrouvèrent happés par la végétation et cachés au creux d’un immense arbre en décomposition. Ælyonn claquait des dents, tremblait et pleurait. Velasquez était juste essoufflé mais il avait perdu son arme. Il tira de sa poche, un galet lisse et argenté. Il appuya dessus, et une petite led bleue clignota. Ils restèrent recroquevillés dans cet abri de fortune. Ils entendirent des cris venir dans leur direction. Velasquez plaqua sa main sur la bouche d’Ælyonn et la serra contre lui. Des fougères étendirent leurs feuilles devant l’entrée de leur cachette et les hommes passèrent sans les voir. Ils restèrent quelques instants là, à surveiller les bruits quand leurs poursuivants en colère repassèrent devant eux.
— Putain ! On les a perdus, rageait le premier.
— C’est son domaine, on ne l’attrapera jamais, on rentre, répondit le second.
Ils partirent et la forêt retrouva son calme. Le chant des oiseaux reprit. Rassuré, Velasquez relâcha son étreinte. Ælyonn sentit quelque chose de poisseux couler sur sa joue. Elle porta la main à son visage. Du sang. Si elle était blessée, elle ne sentait rien. Velasquez lui fit signe de sortir. Alors qu’elle allait se glisser hors du tronc, elle s’arrêta. Le silence tomba de nouveau et un froid glacial traversa la jeune fille. Ses poils se hérissèrent et elle se colla contre Velasquez. En tremblant, elle lui fit signe de se taire. Ælyonn regarda par une fente dans l’écorce de l’arbre et l'agent la vit devenir aussi livide qu'horrifiée. Il regarda à son tour, mais ne vit rien. La jeune fille était en larmes et se mordait les lèvres pour ne pas crier en suivant quelque chose du regard. La forêt retrouva son activité normale et ils sortirent avec précaution. Ælyonn se laissa tomber sur le sol en tremblant. Elle suffoquait, sa tête tournait, et son corps était secoué de spasmes nerveux. Elle était en pleine crise de panique qui la fit vomir.
— Allez, debout, il faut partir, ordonna Valentin.
— Je… peux… pas, sanglota Ælyonn.
Velasquez mit un genou à terre, il saisit la Corataara par les épaules et la secoua.
— Bordel ! T’es plus forte que ça ! Reprends-toi ! On est danger ici, le Réduve ne va pas lâcher l’affaire aussi facilement !
Il était évident que l’organisation avait frappé. Il devait mettre la cible en sécurité, le plus rapidement possible. Il avait activé sa balise de détresse, les renforts allaient arriver. Devant le visage plein de désespoir et de sang de la jeune fille, il se montra un peu plus conciliant.
— Tu as deux minutes pour respirer.
Il lâcha Ælyonn qui essayait de prendre de grandes inspirations pour se calmer. Valentin avait mal à son bras gauche, une balle l’avait méchamment éraflé. Il avait déjà été touché par une arme à feu et il évalua son état. La blessure ne semblait pas trop grave, mais dans cette forêt, ça pouvait très vite se compliquer. Avant les deux minutes accordées, Ælyonn réussit à se contrôler tant bien que mal. Elle se leva et d’un pas mal assuré elle se dirigea vers l’agent.
— Vous êtes blessé, remarqua-t-elle d’une voix chevrotante. Si on ne s’occupe pas de votre bras, il s’infectera très rapidement.
D’une main tremblante, elle prit son bras pour vérifier la plaie.
— T’as une trousse de secours dans tes poches ?
Ælyonn mesura le décalage qui existait entre eux deux. La forêt était hostile et dangereuse aux yeux de Valentin alors qu’elle y voyait une réserve phénoménale de nourriture et de médicaments ainsi qu’un refuge sûr. Elle soupira consternée et regarda autour d’elle avec hésitation.
— Suivez-moi.
Tout en essayant de contrôler ses tremblements, Ælyonn se mit pieds nus et se concentra. Le maillage dense du réseau mycorhizien se révéla à la lumière de ses yeux taara. Elle cherchait de l'eau et des plantes médicinales en tentant de décrypter les échanges entre les végétaux. Une ligne dorée se démarqua et s'enfonça dans la jungle. Ælyonn , sans aucune hésitation, elle se mit en marche mais Valentin la retint fermement par le bras.
— Nan, il faut retourner à la voiture, c’est par…
Il s’arrêta net. Il ne savait absolument pas de quel côté aller, toute trace de leur passage et de leurs poursuivants avait disparu comme par enchantement.
— Faites-moi confiance, je sais ce que je fais, s’énerva Ælyonn en se dégageant.
Valentin hésita. Il avait vu des arbres les sauver et des plantes bouger. Cette fille le terrifiait avec ses pouvoirs qui semblaient la laisser indifférente. Cependant, il dû admettre qu'elle était la plus qualifiée pour les sortir de là. Il ravala sa fierté et la suivit.
Ælyonn avait menti. Il n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle faisait. Elle se contentait de suivre son instinct et la fine ligne dorée qui serpentait entre les arbres. La forêt révélait ses secrets à la jeune fille. Chacun de ses pas déclenchait des ondes d’un bleu électrique qui frappaient les plantes et les faisaient changer de couleur ou clignoter. Toute la végétation semblait attentive à ses mouvements et Ælyonn s'inquiéta de la déranger. Comme si les plantes sentaient sa réticence, elles s'écartèrent sur son chemin et les fleurs libérèrent de doux parfums. Non. Elle était la bienvenue tout comme l'étranger qui l'accompagnait. Ce prodige stupéfia Valentin, mais la Corataara plongée dans ses visions, ne vit rien de ce miracle. Plus ils s'enfonçaient dans la forêt et plus les couleurs et les pulsations s'intensifiaient. La Corataara était éblouie par toutes les couleurs et les formes des végétaux qui se mélangeaient pour faire naître des motifs géométriques vivants qui évoluaient, se déformaient et se reformaient à l'infini. Seul la ligne dorée restait stable et guidait la jeune fille. Au bout de quelques minutes, ils arrivèrent auprès de la berge dégagée d’une rivière. Ælyonn se précipita pour boire et se laver le visage. Elle avait une vilaine plaie au front et son crâne lui faisait à présent mal.
— T’es folle, ne pas boit pas ça ! s’écria Valentin.
— Quoi ? C’est de l’eau, de quoi avez-vous peur ? demanda Ælyonn agacée par le tutoiement.
— C’est sale, se justifia Valentin.
Ælyonn lui expliqua que cette rivière venait des montagnes et que jamais il ne trouverait une eau aussi pure sortir d’un robinet. L'agent secret but avec méfiance, lors d’une précédente mission, il avait bu de l’eau claire d’une rivière et il était resté trois jours au lit avec une forte fièvre. Il retira sa chemise et nettoya sa plaie. C’était plus grave qu’il ne l’avait pensé. Le sang continuait de couler, pas assez pour que ce soit une hémorragie, mais un geste trop brusque et c’était fichu.
— Je vais chercher de quoi vous soigner, restez ici, je reviens, le prévint Ælyonn.
— Non, je viens avec toi, pas question que tu disparaisses dans cette jungle, répondit-il sèchement
— Abruti, répliqua la jeune fille en mettant ses mains dans la terre.
Mentalement, elle demanda de l’aide, elle se concentra sur des mots clés : blessure, sang, soulagement. La végétation vibra autour d’elle, des impulsions rouges partirent dans toutes les directions et aussitôt un chemin doré se dessina. Ælyonn le suivit avec Velasquez collé à ses talons. Ils longèrent la berge jusqu’à un endroit un peu plus dégagé. Sur la toile lumineuse qui s’étendait devant elle, il y avait une tâche noire. Ælyonn n’y prêta pas attention et marcha dessus. Elle poussa un cri quand elle tomba dans un grand trou rempli d’eau et de boue.
— Tu cherches quelque chose ? demanda Velasquez totalement hilare.
— Ma dignité... Soupira-t-elle, dégoutée.
De sa main valide, Valentin l’aida à remonter.
— Tu n’as rien vu ?
— Juste un truc noir, je ne savais pas que c’était un trou.
Elle retira son tee-shirt et l’essora avant de l’étendre sur un rocher au bord de l’eau. Elle était en brassière et elle observait le sol avec sévérité. Valentin était très curieux de savoir comment elle avait fait pour rater cet obstacle. La jeune fille se pencha et ramassa une plante.
— J’ai trouvé ce qu’il nous faut, annonça-t-elle, fière d’elle.
— C’est quoi ? L’interrogea Valentin en regardant la touffe verte et grise qu’elle avait en main.
— J’en sais rien ! Mais je vais utiliser les feuilles pour faire un cataplasme.
Ælyonn arborait un sourire confiant. Valentin était sceptique, il se voyait déjà mort empoisonné à cause d’une plante ramassée au hasard. Ælyonn était déjà en train de broyer les feuilles à l’aide d’une pierre. Avec précaution, elle prit de l’eau dans ses mains et elle réalisa une pâte qu’elle appliqua sur le bras de Valentin.
— C’est un peu trop liquide, mais je n’ai rien pour l’épaissir. La plante va stopper le sang et elle est antiseptique. Laissez ça sur la blessure, dans trois heures il faudra changer le cataplasme.
— Tu te rends compte que tu es aimable ? Se moqua Valentin.
— Ne le répétez pas, ça nuirait à ma réputation ! Répondit Ælyonn en essayant de rester sérieuse. Maintenant il faut manger, reprit-elle. Il y a des figuiers là-bas.
Elle désigna du doigt des arbres dans la forêt. Elle alla cueillir des fruits et ils mangèrent.
— Qu’est-ce que tu vois ?
Valentin osait enfin poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis l’attaque du Réduve. La Corataara s'y attendait et elle avait préparé sa réponse. Elle finit sa figue, se leva, prit une feuille d’arbre qu’elle montra à Valentin.
— Décris-moi ce que tu vois, ordonna Ælyonn, en tutoyant Valentin pour la première fois.
— Une grande feuille verte, répondit Valentin qui ne comprenait pas.
— Je vois des choses très différentes. Elle prit une profonde inspiration et commença :
— Le limbe est bleu sombre, la marge est dorée et la nervure principale et les nervures secondaires sont rouge sang. Entre les nervures la cuticule est étrange, il y a une sorte d’ocelle qui change de couleur en permanence, détailla Ælyonn en regardant la feuille avec sévérité.
— J’ai rien compris, avoua Valentin dépassé par les connaissances de la demoiselle.
La jeune fille réfléchit un instant.
— La feuille est bleue, le bord de la feuille est jaune, les nervures sont rouges. Dans les espaces entre les nervures, il y a un œil de plume de paon qui change de couleur. C’est mieux ?
— Beaucoup mieux, merci, reconnu Valentin. C’est impressionnant, et tu vois tout comme ça ? demanda-t-il fasciné.
— Non, quand je regarde la forêt par exemple, je vois un kaléidoscope de couleurs et de formes qui se transforme en permanence.
— Et comment tu as trouvé cette plante ?
— J’ai tapé " plante anti-saignement" dans la barre de recherche de l’internet végétal et j’ai suivi les panneaux de signalisation.
Elle se moquait un peu de lui, mais dans le fond c’était ça. La plante était un hémostatique et un antiseptique naturel comme elle l’avait demandé. Elle avoua même que c'était là une de ses meilleures communications avec les plantes.
— Les plantes te parlent ? Demanda Valentin toujours plus curieux.
Ælyonn prit le temps de bien réfléchir.
— Non, pas vraiment, il n’y a pas de mots ou de sons, elles….
Ælyonn hésitait, ce n’était vraiment pas simple à expliquer, mais elle était heureuse de pouvoir partager cela avec quelqu’un même si c'était Valentin. Son grand-père lui avait dit de garder pour elle ce qu'elle voyait. Elle souffrait beaucoup de ne pas pouvoir parler de ses découvertes et de ses interrogations.
Valentin de son côté découvrait une autre Ælyonn, beaucoup moins sûre d’elle. Il avait passé un mois à subir ses injures et son mépris au point de la haïr Et pourtant, à cet instant, il ne pouvait s'empêcher de ressentir une réelle compassion pour cette enfant couverte de boue et de sang, qui semblait terriblement seule et perdue face à des pouvoirs qui la dépassaient. Ælyonn avait besoin de parler et il l’encouragea de son mieux.
— C’est à la fois très primitif et extrêmement complexe, expliqua-t-elle. Elles réagissent aux sons, mais elles semblent comprendre les intentions. Par exemple, j’ai visualisé du sang, une plaie et j’ai pensé à ce que l’on ressent quand la douleur s’arrête. Après la requête circule comme dans un réseau informatique et le résultat s’affiche sous la forme d’un chemin doré jusqu’à la bonne plante qui accepte de se laisser cueillir. En fait, c'est comme si je savais lire un langage chimique que mon cerveau traduit en images. C’est de cette manière que j'ai compris que la plante me disait d’utiliser ses feuilles, mais je ne connais pas son nom.
Valentin était réellement impressionné. Mais il n'oubliait pas sa mission. Cette discussion était aussi un moyen d'en apprendre plus sur les pouvoirs réels d'Ælyonn.
— Et pourquoi tu es tombée dans le trou ?
— Je ne vois que le végétal, les champignons et un peu les bactéries. Je ne vois pas les autres êtres vivants et maintenant je sais que les obstacles naturels forment des taches noires dans le décor. Elle sourit piteusement en pensant à sa chute.
Valentin ne souriait pas. Il n’avait pas oublié la panique de la jeune fille dans le tronc d’arbre.
— Qu’est-ce que tu as vu quand on était caché ?
Ælyonn blêmit, elle se mit à trembler malgré elle. Quand elle essaya de parler, sa bouche s’ouvrait et se fermait sans qu’un son ne sorte. Tout ce qu’elle réussi à articuler c’était un tout petit "je ne sais pas".
La poche de Valentin sonna, ce qui interrompit la conservation. L’agent se leva et aida la jeune fille à se mettre debout.
— Qu’est-ce qu’il se passe ?
Valentin sentit de l’inquiétude dans la voix d’Ælyonn. Il répondit avec un grand sourire.
— La cavalerie arrive.
Un avion avançait silencieusement, l’engin bleuté était parfaitement lisse avec des lignes épurées, il portait le blason royal sur ses flancs. Il se stabilisa au-dessus d’eux et amorça sa descente. A trois mètres du sol, une porte s’ouvrit et une échelle métallique et souple descendit jusqu’à eux.
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