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tome 1, Chapitre 4 tome 1, Chapitre 4

Ælyonn tint parole et rentra à l'heure convenue. Elle fut accueillie par le visage sinistre de Nannou qui l'attendait devant la porte du domaine.

— C'est maintenant que tu rentres ? Tu as une idée de la honte que tu infliges à la famille ? S'emporta la gouvernante. Et puis, tu as vu dans quel état tu es ? Regarde-toi un peu !

Ælyonn leva les yeux au ciel, voilà que les ennuis commençaient. Le trajet jusqu'au palais fut ponctué par les récriminations de Nannou. Ælyonn ne l'écoutait pas, elle avait le cœur lourd, elle venait de mettre fin à sa relation avec Malik et tout ce qu'elle désirait c'était prendre un bain et pleurer. Entre deux reproches, la gouvernante l'informa que son grand-père, Idris et Valentin étaient en réunion avec le roi. Elle était donc la maîtresse de maison et elle devait se montrer à la hauteur. La famille Brémont hébergeait quelques hôtes de marque comme le gouverneur de La Lupa, Albert Galisson et sa famille qui venaient de la capitale de l'île, Zalag, ainsi que la comtesse de la Caya, une vieille amie de son grand-père.

Ælyonn prit donc les rênes du Hadiqa. Elle donna des instructions aux domestiques de la maison, s'enquit du bien-être et de l'installation de ses invités, le tout sous l’œil expert et ravi de Nannou. Une fois ses devoirs accomplis et tous les problèmes réglés, elle fila s'enfermer dans sa chambre. Elle se laissa tomber sur son lit et poussa un cri de douleur. Un truc dur venait de lui rentrer dans le dos. Elle tâta ses draps et découvrit un livre "Folklore et légendes de l'île de La Lupa" par Theodius Van Der Kemp.

"Mais qu'est-ce que c'est que ça ? Ce n'est pas à moi !" S'emporta Ælyonn.

Elle feuilleta l'ouvrage, il ne portait pas le sceau du Hadiqa, il n'avait pas donc été emprunté à la bibliothèque familiale.

"Qui est le crétin qui est entré dans ma chambre et qui a oublié son bouquin à la con dans mon lit ? " Rageait la jeune fille.

Le protocole voulait que le roi soit chez lui partout et toutes les portes du palais se devaient de rester ouvertes. La chambre d'Ælyonn ne faisait pas exception, à son grand désespoir. Dégoûtée, elle lança le livre dans un coin et se fit couler un bain avant de se préparer pour les festivités.

A la nuit tombée, le Mahal s'illumina. L'éclairage architectural accentuait la majesté des façades des bâtiments millénaires. Les imposants candélabres en bronze en forme de paons de la cour d'honneur étaient couverts de centaines de bougies tout comme les balustrades du palais Haveli. Toute la cour d'honneur du Mahal était ainsi illuminée et les voilages légers des terrasses dansaient dans l'air embaumé par la myrrhe et l'oliban. Par intermittence, le vent apportait les effluves chaudes du jasmin nocturne ainsi que les odeurs des plats épicés préparés pour le banquet.

La fratrie discutaient dans un angle de la cour. Ils avaient tous passé un sale quart d'heure quand leur grand-père sortit de sa réunion avec Léopold IV. Ils discutaient de la colère du patriarche quand ils furent interrompus par la sonnerie des trompettes annonçant l'arrivée de la famille royale. Ælyonn courut rejoindre d'autres jeunes filles et au son des instruments, elles commencèrent à danser.

Le roi et sa suite entrèrent dans la cour illuminée du Mahal. Le prince Laurent était ravi du spectacle qui s'offrait à ses yeux. Des jeunes filles dansaient autour d'un immense tambour. Des percussionnistes dansaient en tapant sur leurs instruments autour d'elles. Elles portaient toutes le même vêtement traditionnel dans des couleurs rouge et orange. Elles dansaient pieds nus, les cheveux détachés. Laurent s'assit avec ses parents sur une estrade installée devant une immense statue d'une divinité tricéphale aux yeux fermés. Il avait été ébloui par le Mahal en plein jour. L'eau, la lumière et la végétation étaient travaillées avec autant de soin et de délicatesse que les broderies de stucs qui ornaient les façades et l'intérieur des palais. Et là, de nuit, tout était sublimé par l'éclairage. Il se sentait comme transporter dans un autre temps et dans un autre monde. La Lupa était l'endroit le plus extraordinaire qu'il eut visité.

Le roi avait comme à son habitude un visage sévère et ne semblait pas partager l'émerveillement de son fils. Son attention se portait sur une jeune fille qui dansait devant lui et qui se démarquait par la richesse de sa tenue.

Ælyonn dansait avec bonheur sans se soucier du monde qui l'entourait. Elle se tenait là, victorieuse et souveraine, auréolée de la splendeur de sa jeunesse. Rien qu'en la voyant danser, le roi comprit pourquoi Velasquez avait tellement de mal à mener à bien sa mission. A n'en pas douter, elle était aussi fière et sauvage que son île.

De son côté, le prince mit du temps à se rendre compte que la vingtaine de jeunes filles qui dansaient avaient toutes des yeux taara. Cette découverte le mit mal à l'aise. Il se tourna vers Antonin qui s'était approché de l'estrade royale. D'un geste, il lui permit de monter et le garçon se pencha vers son ami.

— Ne les regarde pas dans les yeux, tu n'es pas habitué, lui conseilla Antonin.

Laurent lui rappela qu'il avait connu Ælyonn quand ils étaient enfants et qu'il connaissait l'impact des yeux étoiles.

— Comme tu voudras, mais ne vient pas te plaindre quand tu finiras crucifié, rit Antonin.

Laurent ne releva pas la remarque. Il demanda pourquoi il n'y avait que des jeunes filles taara qui dansaient.

— C'est en signe de bénédiction. Les taara apportent richesse et prospérité par leur danse, c'est une coutume qui date des princes de La Lupa, expliqua Antonin qui se retira quand son grand-père apparut, accompagné deux femmes âgées.

Elles portaient un grand plateau sur lequel brûlaient du benjoin et du santal. Charles envoya par trois fois la fumée en direction de ses hôtes royaux pour les purifier. Après ce rituel, il s'installa sur un fauteuil au pied de l'estrade et regarda la danse.

Celle-ci se termina dans un bruit de tonnerre et dans un tourbillon de jupes chamarrées. Toutes les jeunes filles s'inclinèrent en même temps pour saluer le monarque. Le souverain se leva, dit quelques mots de remerciement que les invités, triés sur le volet, applaudirent. Charles prit la suite du souverain et invita tout le monde au banquet qui se tenait au palais Haveli, juste derrière eux.

Le palais Haveli était l'un des bâtiments les plus anciens du Mahal. Construit autour de la cour d'honneur, sa façade était constellée de jharokhâ, des balcons en saillie finement décorés. Elle était également peinte de scènes mythologiques et de motifs végétaux. Par endroit, la pierre était percée de petites niches dans lesquelles brûlaient des lampes à huile. Leur lumière semblait donner vie aux fresques et la porte principale du palais impressionnait avec sa myriade de bougies qui l'encadrait. La salle des banquets était au rez-de-chaussée. Elle s'ouvrait sur les jardins par de larges arches en bois ciselés. Sur toute la longueur de la pièce, une rigole creusée dans le marbre blanc immaculé du sol, apportait le murmure apaisant de l'eau et sa fraîcheur. Les tables en U étaient décorées de toutes les espèces végétales peintes sur les fresques aux couleurs vives des murs et le plafond marqueté révélait toute sa complexité et son raffinement à la lumière des deux massifs lustres en cristal. La plus part des convives étaient déjà à leur place quand Ælyonn entra dans la salle. Après s'être changée, elle était partie à la recherche de ses frères et désespérait de les trouver avant le début du repas. Elle sortit dans les jardins et se dirigea vers une autre partie du Haveli. Sur un côté se trouvait une terrasse sur laquelle se dressait un chatri, un kiosque coiffé d'un dôme. Le coin étant isolé, Ælyonn était presque certaine que ses frères s'y trouvaient. Elle monta quelques marches et entendit la voix d'Antonin. Vu l'odeur qui lui parvenait, il était en train de fumer de la kaina avec Alexandre. Elle se précipita vers eux, mais eut la mauvaise surprise de voir que Velasquez était là avec le prince Laurent. Elle voulut faire demi-tour, mais Alexandre la vit :

— Lælo ! On se demandait où tu étais passée ! Tu viens fumer avec nous ?

— Je ne crois pas que ce soit le bon moment, répondit-elle en jetant un regard à Velasquez et au prince.

Valentin s'était raidi en la voyant, il lui lança un regard plein de colère auquel la demoiselle répondit par un grand sourire.

— Bien dormi ? Commença-t-elle.

Valentin eut envie de lui lancer le contenu de son verre à la figure. Il avait été mortifié quand il avait dû faire son rapport et là elle se payait ouvertement sa tête devant le prince. Laurent ne dit rien, attendant de voir comment se déroulerait la confrontation.

— Ma mission est de vous protéger, il aurait pu vous arriver n'importe quoi, répondit-il glacial.

— Non, vous êtes ici pour protéger les intérêts du roi, ce qui n'est pas tout à fait la même chose, corrigea-t-elle.

— Par Terre et Ciel ! Mais vous avez finalement lu la lettre de cachet ! Ça ne vous aura pris qu'un mois, siffla-t-il faussement admiratif.

— Et dire que vous êtes censé être l'élite des services secrets, fit d'elle d'un air dégoûté. Je suis certaine que le Réduve doit trembler en pensant à l'homme qui s'est fait avoir deux fois comme un bleu.

Ni Laurent ni Valentin n'apprécièrent la remarque. Après l'éveil de ses yeux, elle avait été informée qu'un groupe d'assassins se faisant appelait le Réduve avait tué Amandine, la sœur de Charles et précédente Corataara au nez à la barde de la famille royale. Selon Valentin, l'intrus du Hadiqa appartenait aussi à cette organisation, d'où sa présence pour assurer sa sécurité.

Menaçant, l'agent s'avança vers Ælyonn, mais la jeune fille n'en avait cure. Elle s'avança aussi et planta son regard dans le sien. Valentin ne tint qu'une poignée de secondes, il ne pouvait pas faire mieux. Ælyonn gagna le premier round.

— Veuillez modérer vos propos, mademoiselle, intervint Laurent. Ces terroristes sont pris très au sérieux par la couronne. Nous n'oublions pas leurs crimes. L'honneur de notre famille est en jeu et Sa Majesté est intransigeante sur cette question.

— Un Clamerin d'Espla avec de l'honneur ? Ça existe encore ? Riposta Ælyonn qui se sentait en forme ce soir.

Laurent avait senti la morsure de la gifle d'Ælyonn sans qu'elle ne lève le petit doigt. Le prince bouillait de rage d'être humilié de la sorte. Antonin resta sans voix devant l'insulte mais il se ressaisit vite pour éviter que la situation ne dégénère.

— Bien ! Je vous propose d'en finir avec les mots doux pour ce soir. Lælo, tu te souviens de Laurent de Clamerin d'Espla, le prince d'Altiérie, tu sais, le futur roi d'Aranthys avec qui tu jouais quand tu étais petite ? Présenta-t-il avec une pointe d'insistance dans la voix.

Antonin se souvint que Laurent et lui étaient plutôt vaches avec elle lorsqu'elle vivait à Mairelle. Il tenta de se rattraper.

— Oublie la fin de ma phrase, arrête-toi à "futur roi d'Aranthys", c'est mieux. Tiens fume, ça va te détendre dit-il en lui tendant la cigarette de kaina.

— Non, c'est trop tôt pour moi et puis il faut que j'y aille, grand-père doit m'attendre.

Sans un regard pour Laurent, la demoiselle prit le chemin de la salle des banquets.

— Quand on la connaît, elle est adorable, tenta Alexandre pour défendre sa petite sœur.

Valentin eut une moue dubitative :

— Ça fait un mois que je suis ici et les seuls moments où elle se montre aimable c'est quand elle dort.

Le prince ne disait rien, il avait le visage fermé et il était soucieux. Il avait eu un aperçu de la témérité et de l'insolence de la Corataara. Il était en colère. Elle avait fouetté son orgueil, sans égard pour sa qualité d'héritier du royaume. Cette passe d'arme ne faisait que confirmer ce qu'il savait depuis qu'il était enfant : les Corataara étaient dangereuses et devaient être contrôlées.

Quand Ælyonn arriva dans la salle, son grand-père fut soulagé de la voir.

— Ah ! Tu es là, le roi veut te rencontrer avant le banquet, suis-moi et s'il te plaît montre-toi respectueuse, lui conseilla-t-il.

Sans un mot, la jeune fille suivit son grand-père à travers le dédale des pièces du Haveli. Ils quittèrent le palais par un accès discret pour se diriger vers le deuxième groupe de bâtiments du complexe palatial, le palais des Princes. Entièrement de marbre blanc, c'était le cœur du Mahal et le bâtiment préféré d'Ælyonn. Les murs étaient couverts de motifs géométriques complexes et colorés, résultat d'incrustations de pierres de couleur dans le marbre blanc. Ils traversèrent le hall et arrivèrent devant une porte monumentale. Le massif moucharabieh en marbre était composé de motifs en étoile qui donnaient à la porte un aspect de résille de pierre brodée. Deux gardes ouvrirent la porte et derrière se trouvait une autre porte en bronze tout aussi richement décorée. Ils l'ouvrirent également et les Brémont pénètrent dans le Sish Mahal, la salle des miroirs, qui servait autrefois de salle d'audience aux princes de La Lupa. La salle circulaire était surmontée d'une coupole et soutenue par des colonnes. Entièrement en marbre dans des tons de vert et de beige, la salle devait son nom aux arabesques et aux fleurs stylisées réalisées en miroir et incrustées dans le marbre. Chaque centimètre carré de la pièce en était couvert. Sur le sol, au centre de la salle d'audience, une vaste rosace complexe également en miroir s'étalait. C'était sans conteste la plus belle pièce du Mahal. La lumière des bougies des candélabres se reflétaient dans les miroirs, rendant la salle aussi scintillante que les yeux d'Ælyonn. En face de la porte se trouvait le trône en marbre vert incrusté d'or et d'argent.

Le roi Léopold se tenait debout à côté du trône de La Lupa dans une grande alcôve en marbre. Ælyonn lui trouva un air inquiétant. Le souverain d'Aranthys avait des cheveux noirs coupés très courts, laissant apparaître un début de calvitie. Une bouche fine et petite, de petits yeux couleur châtaigne et un long nez droit lui donnaient l'air austère et très strict. La jeune fille et son grand-père s'approchèrent et le roi descendit trois marches pour se trouver à leur hauteur. Ils saluèrent le monarque en portant une main à hauteur du front et en la rabaissant. La famille bénéficiait de nombreux privilèges comme celui d'être dispensée du salut protocolaire, ce geste traditionnel de l'île étant suffisant aux yeux des Clamerin d'Espla. Les gardes quittèrent la salle, les laissant seuls dans le Sish Mahal. Le roi détailla Ælyonn de la tête aux pieds. Les mains dans le dos, et le regard hautain, il s'adressa à la Corataara.

— Comment se portent vos yeux, mademoiselle ?

Dans mes orbites, fut tentée de répondre Ælyonn, mais comme le capital patience de son grand-père s'était réduit à une peau de chagrin suite aux impertinences de sa fratrie, elle s'abstint.

— Ils sont opérants, Votre Majesté, je vois au-delà du visible, répondit-elle sagement.

— C'est une bonne chose, ils nous sont précieux, comme vous le savez. C'est pour cela que j'exige que vous mettiez fin à l'insolence dont vous faites preuve et qui semble être une seconde nature chez vous, ajouta-t-il avec colère.

— Je dirais plutôt que c'est sa nature première, Votre Majesté. Il semblerait que la Corataara et moi-même ayons des conceptions différentes de ce qu'est l'honneur, s'amusa une voix charmeuse derrière les Brémont.

Ælyonn sursauta, elle n'avait pas entendu le prince entrer dans la salle. Laurent marchait nonchalamment vers son père, les mains dans les poches avec un petit sourire narquois aux lèvres.

Le roi parut contrarié en apprenant la nouvelle. Son héritier avait dû se frotter aux griffes de la demoiselle pour parler ainsi. Il soupira et fixa la jeune fille. Des erreurs avaient été commises par sa famille il y a plus de trente ans mais les temps avaient changé et le royaume avait grand besoin d'une Corataara. Il y a quatorze ans, Charles avait quitté la capitale en emmenant avec lui sa petite fille âgée de quatre ans. Pendant toutes ces années, lui, le roi Léopold IV d'Aranthys avait été désigné persona non grata à La Lupa par son ancien mentor. Ce qui l'agaçait le plus, c'était que maintenant que la Corataara était sous son contrôle, il se retrouvait avec une délinquante mal élevée formée par le plus grand stratège du royaume. Malgré sa colère contre Charles, il craignait que l'exigence de la charge de Corataara ne soit trop difficile à supporter pour une enfant aussi fougueuse. Le roi se pinça les lèvres par contrariété et décida de se montrer ferme.

— Apprenez, mademoiselle, que la Couronne dispose d'un moyen de vous discipliner et vous garder sous contrôle : "la bride".

— Qu'est-ce que c'est ? demanda Ælyonn suspicieuse.

— Un dispositif très particulier apposé sur les Corataara par les souverains d'Aranthys, expliqua le roi. Cependant, suite à certains événements tragiques survenus pendant la guerre, je ne suis pas en mesure de vous l'apposer. C'est donc mon fils et héritier, le prince d'Altiérie qui s'en chargera et c'est à travers lui que vous me servirez.

Ælyonn était bouche bée. Elle n'avait pas du tout prévu ça. C'est quoi cette bride que le prince allait lui mettre ? L'héritier était très fier, c'était un grand honneur que lui faisait son père et il eut un petit rire satisfait en voyant la mine déconfite d'Ælyonn.

— Votre Majesté, vous m'impressionnez, vous avez réussi à faire taire la Corataara, le félicita Laurent.

Ælyonn ne supporta pas ni la joie du prince ni son arrogance. Elle lui lança un regard noir, il perdit de sa superbe et baissa la tête. Les yeux de la Corataara flamboyaient. Il repensa à Antonin qui lui avait parlé de mourir crucifié par des yeux taara. C'était exactement ce qu'il ressentait à ce moment. En un quart de seconde, il venait de se faire tailler en pièces par deux lames affûtées, maniées avec dextérité et il en tremblait. Son père vit son trouble ainsi que la sueur perlée sur son front. Il vint à sa rescousse.

— Ce genre de comportement ne sera plus toléré lorsque la bride sera apposée, mademoiselle. Retenez bien qu'il ne tient qu'à vous de choisir les conditions de notre collaboration. Soyez docile, c'est dans votre intérêt. Dans le cas contraire, la bride saura vous rappeler à l'ordre.

Ælyonn tremblait elle aussi, mais de rage, les menaces du roi étaient claires, se soumettre ou souffrir, tels étaient les choix qui s'offraient à elle. Son grand-père était aussi furieux qu'elle et serrait les poings en fixant avec colère le monarque.

Le roi reprit :

— Avez-vous compris, Corataara ?

— Oui, Votre Majesté, répondit Ælyonn d'un ton glacial en foudroyant le roi de ses yeux.

Mais contre toute attente, il soutint son regard aussi facilement qu'un membre de sa famille. Le souverain eut un petit sourire pincé et conclut l'entretien au grand soulagement de Charles.

Les Brémont quittèrent le Sish Mahal. Ils marchèrent en silence et Charles lançait des coups d'œil vers sa petite-fille soucieuse.

— C'est quoi la bride ? Demanda Ælyonn.

Charles s'arrêta et la serra fort dans ses bras.

— Je me doute que tu as beaucoup de questions, mais ce n'est ni le lieu ni le moment d'en parler.

Sois certaine que je ne laisserai personne te faire du mal. En attendant, tu dois assister au banquet, si tu ne veux pas attiser davantage la colère de Léopold.

— Je n'ai pas faim, soupira Ælyonn, mais les continentaux ne sont pas habitués à nos épices, ça va être très drôle à voir, ajouta-t-elle.

Son grand-père sourit.

— Léopold connaît le feu de nos plats, mais ce n'est pas le cas de son rejeton prétentieux !

Ils rirent tous les deux, l'insolence n'était pas qu'un trait de caractère d'Ælyonn, c'était l'apanage de la famille Brémont.

Ælyonn essaya de faire bonne figure devant ses frères. Elle était assise entre eux, non loin de la table royale où se trouvait leur grand-père. Toujours soucieuse après sa rencontre avec le roi, la jeune fille ne toucha presque pas son assiette. Même ses frères peinèrent à lui arracher un sourire. Après les plats chauds venaient les rafraîchissements à base de soupes froides, de salades et galettes accompagnées de différentes sauces. C'était le moment où il était acceptable de quitter la table pour se promener dans les jardins. D'ailleurs les insulaires se levaient avec leur coupelle de soupe pour profiter de la fraîcheur des jardins et des bassins. Ælyonn décida de s'éclipser du banquet. Sans prévenir personne, elle traversa les jardins en direction du Hadiqa. Arrivée au Portique, elle monta dans sa chambre, ferma la porte à clé et alla prendre une douche. L'eau fraîche lui fit du bien, elle laissa couler quelques larmes qui la soulagèrent. Une fois calmée, elle sortit de sa salle de bain et enfila un tee-shirt, un short et descendit dans son jardin. L'air était agréable, elle alluma quelques bougies autour du bassin. Elle se roula une cigarette de kaina, s'adossa au tronc de son arbre et alluma son ordinateur.

Ce matin, Ælyonn ne s'était pas contentée de droguer Valentin. Elle en avait également profité pour copier des dossiers de son ordinateur. Elle espérait trouver plus d'informations sur ses pouvoirs et le Réduve puisque sa famille restait très évasive sur ces sujets.

Elle passa vite sur les analyses génétiques faites sur sa famille, les rapports quotidiens de Valentin et sur la liste de ses infractions au code pénal où son nom côtoyait celui de Malik. Elle jubila quand elle trouva enfin des informations sur le Réduve puis elle déchanta vite. Ce qu'elle lisait, elle le savait déjà. Le Réduve était un groupuscule extrémiste qui avait vu le jour il y a plusieurs siècles. Il revendiquait des positions politiques et religieuses farfelues, mais il était inoffensif jusqu’au jour où il se lança dans des assassinats et des attentats. Le groupe tenait son nom d’un insecte prédateur, un type de punaise qui aspirait la chair et le sang de ses proies. Si à l’origine c’était les ennemis d’Aranthys qui étaient visés par les pamphlets du Réduve, celui-ci avait pris un nouveau cap en se lançant dans des actes terroristes. Le chef de l’organisation avait été arrêté après la guerre et il s’était pendu dans sa cellule pendant le procès.

Ælyonn fut dépitée mais elle ne renonça pas. Elle ouvrit un autre fichier et tomba sur la photo d'une jeune fille triste possédant des yeux taara.

Amandine, murmura la jeune fille. Avec fébrilité, elle s'attaqua à la lecture du petit document. Le rapport indiquait que bien que le secret autour des Corataara était absolu, le Réduve découvrit leur existence. Il se lança alors dans une traque pour "purifier le royaume de cette engeance démoniaque et contre nature". Amandine fut enlevée et torturée à cause de ses yeux. Son corps mutilé fut retrouvé dans un champ quinze jours après sa disparition. Le rapport parlait aussi de l'incident au Hadiqa et Ælyonn apprit que l'homme avait été lui aussi retrouvé mutilé. Le rapport concluait que le Réduve n'avait jamais été détruit et qu'il y avait un ou des traîtres dans l’entourage des Brémont ou de la Couronne.

Ælyonn se sentait mal, mais elle voulait savoir. D'une main tremblante, elle ouvrit les photos du dossier. Elle eu des nausées en voyant le corps d'un homme égorgé, avec les mains et à la langue tranchées. Puis, elle fut prise d'une crise de panique devant la photo sa grand-tante énuclée.


Texte publié par Cilou, 7 octobre 2021 à 22h52
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