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tome 1, Chapitre 1 tome 1, Chapitre 1

Le soleil était levé depuis peu, mais déjà, une chaleur moite envahissait les ruelles étroites et désertes de la citadelle de Sikil. Seule la place centrale de la vieille ville commençait à s'animer avec l'arrivée des premiers touristes de la journée. Si quelques-uns flânaient sous les arcades des anciennes guildes de l'île, la majorité d'entre eux gravissait les marches de la Grand'rue qui menaient à la Haute-Ville. Au sommet de la côte, les visiteurs étaient accueillis par la massive porte en pierre qui autrefois gardait l'entrée de la partie noble de la citadelle avec ses palais et ses jardins luxuriants. De l'autre côté s'étendait une terrasse naturelle surplombant la baie de l'île de La Lupa. Les cafés et les restaurants avaient fleuri aux pieds des anciens hôtels particuliers de la Première Terrasse et les touristes pouvaient déguster les spécialités locales tout en profitant d'un extraordinaire panorama sur la citadelle et son île. En cette paisible matinée de printemps, Ælyonn montait en courant les marches de la Grand'rue, répondant par un geste de la main aux sourires polis et aux "Bonjour, mademoiselle Brémont" qui ponctuaient sa montée. Arrivée à la porte, la jeune fille ralentit son allure et une fois celle-ci passée, elle s'arrêta, complètement essoufflée. Le souffle court, pliée en deux et les mains sur les cuisses, Ælyonn luttait contre les vertiges qui la saisissaient tout en maudissant son addiction au tabac.

— Vous devriez vous asseoir mademoiselle Brémont, proposa une voix familière à sa droite.

— C'est une bonne idée ! répondit Ælyonn.

Elle tourna la tête et sourit à Malik se tenait à côté d'elle avec un petit sourire amusé. Le jeune homme d'une vingtaine d'années lui indiqua une table et lui proposa son aide.

— Non, c'est bon, merci ! déclina la jeune fille. J'ai remonté en courant la Grand'rue depuis la Basse-Ville. C'est un peu violent comme exercice matinal avec une gueule de bois, reprit-elle en s'installant.

— Je vous apporte de l'eau, un antalgique et un gâteau à la cannelle, mademoiselle, indiqua Malik en s'inclinant légèrement.

— Arrête ton cirque ! Tout ça, c'est à cause de ton cocktail !, répliqua-t-elle faussement offensée.

Malik sourit. Hier soir, ils avaient fêté le doctorat d'un ami de la faculté de biologie végétale. La soirée s'était déroulée dans la Basse-Ville, dans les quartiers populaires autour du vieux port. Pas du tout le genre d'endroit que fréquentaient habituellement les grandes familles de l'île comme les Brémont. Ælyonn, qui n'avait pas encore dix-huit ans, avait fait le mur pour aller festoyer avec ses camarades étudiants. Elle s'était effondrée ivre morte dans un canapé vers trois heures du matin. Maintenant elle menait une course contre la montre pour rentrer chez elle. Si son grand-père découvrait son absence, elle risquait de sérieux ennuis vu ses antécédents.

— Je me dépêche, on reparlera de tout ça plus tard, lança le jeune homme en tournant les talons.

Malik était le fils d'un cafetier du vieux port, issu d'un milieu modeste, il avait intégré comme Ælyonn , la prestigieuse université du monde végétal de La Lupa. Bien qu'étant boursier, il travaillait à mi-temps comme serveur dans un café de la Première Terrasse pour financer ses études. Brun, les yeux verts, une peau claire et le sourire charmeur, ses grandes passions étaient les orchidées et les cocktails auxquels il donnait des noms de fleurs.

Ælyonn commençait à recouvrer son souffle, elle tira de la poche de son jeans son téléphone portable et regarda l'heure : huit heures dix. Elle avait vingt minutes pour rentrer chez elle et se préparer avant le petit-déjeuner familial. Même en empruntant des raccourcis, c'était une mission impossible. La demoiselle soupira et décida d'inspecter un peu sa mise. Ses longs cheveux châtains tombaient en boucles épaisses jusqu'aux reins et sans une bonne brosse il était difficile de les discipliner. Elle essaya tant bien que mal de les coiffer avec ses doigts, mais entre la sueur et les nœuds, c'était peine perdue. Avec la caméra frontale, elle s'observa. Son visage ovale était encadré par de longues mèches de cheveux. Son teint d'habitude d'une belle couleur dorée était encore rouge par l'effort qu'elle avait fourni. Une jolie bouche gourmande, un nez des plus banals, le visage d'Ælyonn Brémont était joli sans être exceptionnel. Ce qui la distinguait et impressionnait c'était ses yeux, deux diamants gris flamboyants qui lui donnaient un regard presque irréel. Ils n'étaient pas seulement gris clair, ils scintillaient à la manière d'une étoile ou d'une pierre précieuse, les rendant envoûtants, certains disaient même glaçants.

Ces yeux portaient le nom de "taara", c'est-à-dire "étoile" en langue ancienne, c'était une particularité génétique propre à l'île de La Lupa et Ælyonn faisait partie des trois pourcents de la population insulaire à arborer ces étranges iris. La demoiselle n'eut pas le temps de contempler ses cernes et son mascara coulé, Malik était revenu et posa un verre et une assiette devant la jeune fille.

— Et voilà pour toi ! Tu vas rentrer à temps ? demanda-t-il.

Ælyonn saisit le verre d'eau fraîche qu'elle vida d'une traite puis le reposa avec un soupir de satisfaction.

— Non c'est foutu, soit j'arrive en retard, soit j'arrive dans cet état, dans tous les cas, je suis grillée, avoua-telle piteusement.

— Je suis vraiment désolé, Ælyonn, j'ai un peu trop dosé la tequila.

— Pas grave ! coupa-t-elle, le cocktail était bon, c'est l'essentiel ! Et puis ce n'est pas la première fois que je me ferai engueuler, je survivrai à la tempête, ajouta-t-elle avec un petit sourire résigné. Faut vraiment que j'y aille, je te dois combien pour le gâteau ? demanda-telle en se levant.

— Laisse, c'est pour moi, file vite ! répondit Malik.

Ælyonn le gratifia d'un large sourire, reprit sa course et Malik lui cria bonne chance. La cadette de sa promotion était issue de la plus grande famille de l'île, elle avait intégré l'université du monde végétal de La Lupa par dérogation du gouverneur, en raison de ses quinze ans. Sa première année avait été difficile ; son nom, ses yeux et son âge avaient été de sérieux handicaps à son intégration. Il lui avait fallu une année pour briser la glace et se faire accepter.

Ælyonn était arrivée au bout de la Première Terrasse et deux choix s'offraient à elle, slalomer entre les touristes qui remontaient la route jusqu'au sommet de la colline du mont Joyaux ou prendre à gauche et violer quelques propriétés privées. En croquant un bout de son gâteau, elle choisit la seconde option qui lui ferait gagner quelques précieuses minutes.

La citadelle de Sikil avait été bâtie il y a plus de trois millénaires au creux de la baie de l'île de La Lupa, une île au sud du royaume d'Aranthys. Ancienne colonie d'un peuple marchant venu de l'est, la ville étonnait par son architecture hétéroclite mêlant élégamment orient, proche-orient et occident. Sikil avait été construite au pied de plusieurs collines d'où affleuraient des terrasses naturelles. Petit à petit, elles avaient été aménagées pour des fins défensives puis les nobles et les plus riches marchands des guildes y avaient fait construire leurs demeures. Au fil des siècles, les collines avoisinantes avaient été transformées en terrasses et la Haute-Ville donnait l'impression d'être suspendue entre ciel et terre. A ses pieds, l'ancienne muraille et les tours de garde continuaient de veiller sur la population de la Basse-Ville, construite dans la petite plaine entre les collines et la mer.

Le mont Joyaux quant à lui, devait son nom au Mahal, la cité palatiale des princes de la Lupa, qui ornait son sommet. Cet ensemble architectural, aussi vieux que la cité, témoignait à lui seul de la richesse et de la splendeur de l'île. Le Mahal était la construction la plus élevée et la plus impressionnante de Sikil. Entourée de vergers, ses grandes murailles et ses trente tours de garde imposaient le respect. Le complexe se composait de plusieurs groupes de palais reliés entre eux par des jardins. La famille Brémont résidait depuis sept siècles au Hadiqa, l'ancien palais d'été des princes. Situé à l'est du complexe palatial, le domaine comprenait deux groupes de bâtiments et les plus beaux jardins d'eau de l'île, si ce n'était du pays. Il y avait bien longtemps que La Lupa était devenue une province du royaume d'Aranthys. Le Mahal était devenu un bien national et l'un des monuments les plus visités au monde. Seul le Hadiqa restait privé et ne se visitait pas.

Ælyonn avait peu de temps pour se rendre chez elle, ce qui la décida à jouer les équilibristes. Elle s'aida d'une poubelle pour escalader un mur et commença sa montée. La première propriété était la demeure d'un ancien militaire solitaire et misanthrope. Elle courut sur le mur et grimpa jusqu'à la deuxième terrasse qui abritait la résidence d'été d'un ancien ministre du gouvernement. Ælyonn ralentit son allure. Elle était prévenue, la prochaine fois qu'elle serait attrapée sur la propriété, le propriétaire porterait plainte. Après quelques sueurs froides, Ælyonn arriva en vue de la troisième et dernière terrasse. Elle emprunta un petit escalier taillé à même la roche et après une montée délicate de cinquante mètres collée à la paroi, la jeune fille commença son escalade jusqu'au sommet de la colline. Après quelques minutes d'effort, Ælyonn se posa lourdement sur la pelouse d'un jardin. Elle était essoufflée, dégoulinante de sueur mélangée à de la terre et des feuilles. Elle regarda son portable : huit heures trente-deux, elle était dans les temps, moins de cinq minutes de retard, c'était très acceptable. Elle se leva et dévala un petit chemin en pente douce. Au bout du sentier se dressait une immense muraille percée d'une poterne. La jeune fille sortit son trousseau de clés, ouvrit la porte et entra au Hadiqa.

Ælyonn était passée par la roseraie du jardin, elle marchait à vive allure sous la longue tonnelle couverte de roses parfumées. Au bout de ce tunnel coloré, on apercevait les colonnades du palais du Portique. Le palais était un carré à trois étages en pierres claires, flanqué d'une grande tour orientée vers la baie. Il devait son nom aux colonnades de la galerie couverte qui courait le long de la façade orientale. Toute en stuc, sculptée de filigranes et d'arabesques, la majestueuse façade en dentelle de pierre se reflétait en parfaite symétrie dans le bassin devant elle. Ce n'était pas le bâtiment le plus extravagant du Mahal, au contraire, son architecture et sa décoration extérieure étaient sobres par rapport au palais des princes ou au palais Haveli. Au fil des siècles, l'intérieur avait été réaménagé en fonction des modes et des besoins de la famille Brémont ce qui faisait de la demeure un joyeux bric-à-brac d'ornements de styles différents, mais pas toujours du meilleur goût, malheureusement.

Ælyonn respira à pleins poumons l'air frais et parfumé des jardins et sa fatigue se dissipa. Elle n'était plus qu'à quelques mètres de la sortie, lorsqu'un homme apparut devant elle. Ælyonn se figea, "grand-père" murmura-t-elle. L'homme avait plus de soixante-dix ans, grand et large d'épaules, les cheveux d'un blanc immaculé et parfaitement coiffés. Son visage carré et basané était strié de rides profondes. Une petite bouche sévère, un nez tordu et des petits yeux bleu électrique renforçaient l'aura d'autorité que dégageait Charles Brémont. Le vieil homme impressionnait par sa stature et sa prestance. Il se tenait bien droit, la tête haute, les bras dans le dos, toisant son effrontée de petite-fille de ses yeux bleus.

— Petite, quand je dis "pas de sortie en semaine", qu'est-ce que tu ne comprends pas ? Commença Charles d'une voix grave et posée.

Ælyonn ne répondit rien et baissa les yeux, honteuse. Le fait que son grand-père l'attende devant la roseraie n'augurait rien de bon. Il avait dû remarquer son absence bien plus tôt qu'elle ne l'aurait cru. Le patriarche soupira devant le mutisme de sa descendante :

— Viens, approche petite, tu es en retard, continua-t-il.

Ælyonn, toujours les yeux baissés, avança à pas lents vers son grand-père en se frottant nerveusement les mains. Elle s'arrêta devant lui et résignée, elle attendit l'annonce de sa sanction. L'homme retira une brindille des cheveux de sa petite-fille, releva son visage de ses deux grandes mains rugueuses et lui baisa le front.

— Tu as cinq minutes pour te débarbouiller et te présenter au patio, allez, déguerpis, lâcha-t-il.

Ælyonn fut surprise : "Quoi, c'est tout ? Pas de cris ? Pas de sermon ? Même pas des bassins ou des rigoles à nettoyer en plein soleil comme punition ? Qu'est-ce qu'il se passe ?" pensa-t-elle, ahurie. Son grand-père voyant son étonnement reprit :

— Ne crois pas t'en sortir aussi facilement ! Petite, tu paieras cher ton escapade nocturne ! Si tu veux jouer à la plus fine avec moi c'est perdu d'avance et maintenant file !, termina-t-il d'une voix calme et autoritaire.

Ælyonn prit note des menaces et après avoir adressé un timide sourire à son grand-père, elle fila vers la maison sans demander son reste.

Charles Brémont regarda sa petite-fille s'éloignait la tête basse et le dos rond. Hier soir, il l'avait vu se faufiler discrètement hors de la maison après avoir annoncé qu'elle montait se coucher. Il n'avait rien dit. Son nom et ses yeux étaient les meilleurs sauf-conduit qu'Ælyonn puisse avoir sur l'île. Elle était sa petite-fille et la fille du Grand Maître des Jardins du Roi. Quant à ses yeux, ils impressionnaient très facilement. Le folklore local racontait que les taara pouvaient bénir ou maudire d'un battement de cil et des légendes pleuraient les malheureux qui avaient perdu la raison au fond de leurs yeux. Les insulaires avaient gardé une crainte révérencieuse à l'égard des yeux étoiles même si la science moderne avait en partie résolu le mystère de ces iris.

S'il était certain de ses choix concernant l'éducation d'Ælyonn, sa sécurité posait un grave problème depuis hier soir. Peu avant trois heures, un inconnu s'était introduit dans le domaine et avait essayé de forcer la porte du jardin d'Ælyonn. C'était Idris, le plus jeune fils de Charles Brémont qui l'avait surprit. L'homme sortit une lame et Idris avait réussi à le désarmer. Malheureusement il s'était fait dominer dans un violent corps à corps. L'inconnu avait réussi à s'enfuir sans laisser de trace après avoir à moitié assommé le jeune homme. Sur le lieu de l'affrontement, un couteau avait été retrouvé, quand Charles vit l'insecte stylisé gravé dessus, il s'était précipité dans son bureau, laissant son fils aux bons soins de Nannou, la gouvernante. Il avait aussitôt appelé le préfet de police de La Lupa pour lui demander de l'aide. Le préfet Irfan Kapoor avait fait immédiatement le nécessaire, prévenu qui de droit et le tout, dans une totale discrétion. Cet incident ne devait surtout pas s'ébruiter. Une heure plus tard, les jardins du Hadiqa étaient fouillés par les hommes du préfet et un médecin était au chevet de son fils blessé. La nuit étant peu propice pour une fouille minutieuse, une nouvelle inspection avait lieu en ce moment même dans le domaine.

Monsieur Brémont arriva au patio. Il avait pour particularité d'être circulaire et non carré. Situé au cœur du palais, il était encerclé par des galeries couvertes . Au centre trônait une fontaine en marbre blanc d'où partaient quatre rigoles, également en marbre, qui alimentaient en eau les petits bassins ronds disposés aux quatre points cardinaux. Ici et là, des plantes en pot apportaient une touche de couleur et de vie à l'ensemble. La table du petit déjeuner avait été dressée à l'abri des rayons du soleil. Idris Brémont été déjà assis en compagnie de Nannou. Charles s'installa et s'enquit de la santé de son cadet. Le jeune homme de trente-cinq ans avait un œil au beurre noir et la lèvre supérieure gonflée et violacée. Une estafilade marquait sa peau caramel foncé juste sous l'œil gauche. La bagarre avait été rude, Idris était athlétique et sportif mais ça s'était avéré insuffisant face à son adversaire.

— Ælyonn est rentrée, elle va descendre dans un instant, annonça monsieur Brémont.

— Tu lui as parlé de ce qui s'est passé ? demanda son fils.

— Non, pas encore répondit Charles qui, d'un geste de la main, donna l'ordre de servir le petit déjeuner.

La gouvernante prit la parole :

— Ælyonn le saura bien assez tôt. S'il y a une faille dans la sécurité du Hadiqa, il y en a une au Mahal. Dans ce cas, la procédure est très claire, la protection d'Ælyonn doit être renforcée ! Votre petite-fille va adorer ces nouvelles restrictions à ses mouvements, ajouta-t-elle avec un petit sourire ironique.

Nannou, de son vrai nom Marie Arora était une femme énergique d'une soixantaine d'années, toujours habillée d'une éternelle robe noire à col blanc. Petite, menue, elle avait un long visage, une bouche très fine, un nez aquilin et des petits yeux marron. Avec ses cheveux gris et son chignon très strict, elle apparaissait peu avenante à première vue. Elle avait passé la moitié de sa vie à prendre soin de la famille après la mort de Garance Brémont, l'épouse de Charles. Les Brémont considéraient la domestique comme un membre de la famille et aucune décision n'était prise sans qu'elle soit consultée. C'était aussi l'une des rares personnes qui pouvait tenir tête au maître de maison sans trembler.

Idris se mit à rire, mais il fut stoppé net par sa lèvre endolorie.

— C'est sûr qu'Ælyonn ne va pas apprécier, grimaça-t-il, mais on ne peut pas faire comme si de rien n'était. Il faut lui parler de ce qui l'attend, ajouta-t-il en fixant son père.

Charles ne sourcilla pas, il porta à ses lèvres une tasse de thé en soutenant le regard de son fils. Il avait trouvé Idris quand il avait cinq ans, dans les ruines d'une ville du continent pendant la guerre. Il était devenu son fils et il lui avait appris le métier de jardinier. L'enfant était devenu un homme, avec de grands yeux noirs, un grand nez et le bas du visage caché derrière une petite barbe qui encadrait sa bouche charnue. Ses cheveux noirs, bouclés et courts lui donnaient un air dur. Généralement, sa seule présence suffisait à faire fuir les curieux qui s'approchaient un peu trop près du Hadiqa ou de sa nièce.

La tension entre les deux hommes se dissipa avec l'arrivée d'Ælyonn. La jeune fille avait revêtu une petite robe vert foncé à bretelle, un peu trop courte au goût de Charles sans doute, mais qui mettait en valeur ses jolies courbes et ses longues jambes dorées. Elle était pieds nus, ses cheveux mouillés lâchés dans le dos.

— Mais que t'est-il arrivé ? s'exclama-t-elle en découvrant le visage tuméfié de son oncle.

Elle se précipita vers Idris pour examiner ses blessures.

— Tu t'es battu ? Ça te fait mal ? Demanda-t-elle inquiète.

— Ça va, ne t'en fait pas, répondit-il en laissant sa nièce tâter délicatement le bord de son œil enflé.

— Où et comment tu t'es fait ça ? insista Ælyonn.

— Par un touriste aviné qui voulait visiter le Hadiqa. Allez, viens déjeuner, gamine. Répondit monsieur Brémont sur un ton qui interdisait toute réplique.

La jeune fille jeta un regard au coin à son oncle qui lui répondit par un haussement des sourcils. Elle comprit sans difficulté que l'absence de punition était liée à l'état de son oncle. Dépitée, Ælyonn s'installa et prit un mangoustan dans la corbeille de fruits. Malgré l'attitude glaciale de son grand-père et de la gouvernante, Ælyonn chercha des réponses.

— Et par où est entré ce touriste ? Se risqua-t-elle.

— On cherche encore, répondit sèchement Nannou.

Charles déplia le journal et se plongea dans sa lecture pour clore la discussion. Cette tension palpable mit la jeune fille très mal à l'aise. Voyant son incompréhension, Idris vint à son secours :

— Père, tu as eu des nouvelles du conservateur ou du directeur de la sécurité ?

— Non pas encore, mais ça ne devrait pas tarder, tous les accès intérieurs ont été vérifiés, les jardins sont en train d'être fouillés et j'attends le rapport des caméras de surveillance, expliqua monsieur Brémont sans quitter son journal des yeux.

Ælyonn remercia intérieurement Idris mais son intervention ne lui apprenait rien. Charles s'était contenté de rappeler les procédures en cas d'intrusion dans le domaine. C'est ce qui arrivait, de temps en temps, pendant la haute saison, quand des touristes un peu trop curieux ou perdus se retrouvaient dans les jardins du Hadiqa. Tout en buvant son thé, elle analysa le peu d'informations à sa disposition. La cicatrisation des plaies de son oncle lui indiqua que l'agression avait eu lieu après son départ et avant cinq heures du matin. Elle estima aussi que si elle n'avait pas été punie, c'est que son grand-père était soulagé de la voir rentrer saine et sauve. Elle entrevoyait ce qu'il s'était passé et tenta un coup de bluff.

— Alors ? Qui rôdait près de ma porte ? Le préfet Kapoor a des pistes ?


Texte publié par Cilou, 5 octobre 2021 à 16h55
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