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Jour 26 - La Bête du Président

— Monsieur le Président, je vous demande de vous arrêter !

Une tornade aux cheveux blonds vénitiens décolorés traversa le couloir, l'objet de son délit bien en évidence au dessus de la tête, poursuivi par une armée d'agents en costard-lunettes de soleil. La scène aurait pu être drôle s'il s'agissait d'un enfant chapardeur et pas du Président des Etats-Unis d'Amérique, armé de l'énorme bouton rouge capable de déclencher la Troisième Guerre Mondiale. Une rangée de nouveaux gardes du corps força la plus haute autorité du pays à rentrer dans son bureau. Ce dernier se jeta sur un canapé noir, réveillant au passage un gros chat roux, aussi délavé que son propriétaire qui bondit nonchalamment sur le bureau ovale pour commencer sa toilette. Le président chercha à protéger de son corps le joli boîtier qui envoyait des fusées dans le ciel, toutes réglées vers la Corée du Nord.

— Monsieur, supplia le premier ministre, c'était une boutade ! Monsieur Jung-Un rigolait quand il disait que vous n'étiez qu'un "gâteux mentalement dérangé" sur Twitter. Ce n'est pas la peine d'en faire une affaire d'Etat. Soyez raisonnable !

Le responsable en second se jeta sur le Président pour lui arracher le bouton dans une pluie de poils de chat s'élevant par centaines du cuir maltraité. Les deux hommes en vinrent rapidement aux poings, et, par chance, le précieux objet glissa des mains de l'homme le plus influent de la planète et vint s'écraser paisiblement contre le pied du bureau, ébranlant un vase qui se trouvait trop proche du bord.

— Monsieur ! Make America great again ! Calmez-vous maintenant !

Attiré par le mouvement du réceptacle, le chat se rapprocha et renifla un instant l'objet. Cette chose se tenait sur sa nouvelle zone de toilette préférée, c'était inacceptable. Avec douceur, il posa sa grosse patte sur le rebord de porcelaine et testa la solidité de celui-ci.

— Monsieur, si vous n'obéissez pas, je vais appeler votre femme. Vous savez qu'elle n'aime pas être dérangée pendant son golf !

Le chat retira sa patte, hésitant. A quel point son propriétaire tenait-il à cet hideux bocal ? Avec un peu de chance, il lui gâcherait la journée. Le rêve de tout félin qui se respecte.

— Non ! cria le Président. Pas ma femme ! Je vais me calmer, je le jure !

Le premier ministre relâcha son emprise et jeta un coup d'oeil aux alentours, à la recherche du précieux. Avec un regard qui aurait pu être qualifié de faussement désolé, le chat donna un petit coup de coussinet sur la porcelaine. Alors que le visage du Premier Ministre se tordait dans un "O" inaudible, le vase bascula dramatiquement et termina sa course sur le bouton rouge, qui se compressa sous l'impact.

Alors qu'un funeste tracé de fumée s'élevait derrière les fenêtres de la Maison Blanche, le premier ministre poussa un soupir las. Il décrocha sa cravate, la jeta au sol, et sortit de la pièce à reculons sur un thème musical bien connu : "F*ck this sh*t I'm out."