— Madame, simplifiez nous la tâche et recrachez ce que vous avez dans la bouche.
Obstinée, la vieille dame refusa d’un vigoureux mouvement de tête. Ses enfants et petits-enfants poussèrent un soupir de désespoir. Menottée, les bras prisonniers dans une camisole, Mémé Eulalie refusait toujours de coopérer.
Le spectacle avait déjà attiré les voisins, et plusieurs passants qui se demandaient pourquoi donc on maltraitait une vieille femme à ce point au milieu de la chaussée. Ceux qui la connaissaient tentaient de cacher son visage. On ne savait pas combien de temps la vieille vivrait encore, mais il était certain qu’à ce stade, elle ne serait pas enterrée dans le caveau familial. Comme disaient les jeunes, c’était trop la honte.
— Allons, madame, tenta de la raisonner une nouvelle fois le policier. Vous ne pouvez pas le garder éternellement dans votre bouche. Votre mari en a besoin, pour qu’on puisse essayer de lui recoller. Nous verrons les détails plus tard si vous faites un effort. Vous avez l’air d’être une femme respectable, ce n’est pas bien de se donner en spectacle comme ça.
Mémé Eulalie poussa un grognement à l’attention de l’urgentiste qui s’approchait par derrière. Profitant de la diversion, un autre bondit de derrière le fauteuil pour lui maintenir la mâchoire ouverte. La vieille dame rua et hurla, comme possédée, alors que l’autre médecin extrayait enfin l’objet qu’elle retenait caché derrière ses dents.
— Je l’ai ! cria victorieusement le médecin en brandissant dans les airs son trophée.
Il courut le mettre au frigo. Mémé Eulalie, si elle l’avait pu, aurait croisé les bras encore plus fort pour bouder. Le policier sourit narquoisement.
— Allons, ma petite dame, c’était la meilleure chose à faire. Vous ne pouviez pas garder le doigt de votre mari dans la bouche.
— Il aurait mérité que je l’avale ! cria la vieille dame.
— Mamie, mais qu’est-ce qui t’as pris ? demanda sa petite fille, toujours sous le choc.
— J’ai demandé la télécommande à Pépé Gérard et il m’a répondu avec un doigt d’honneur. Alors je l’ai mordu et j’ai arraché son doigt. Il l’a mérité ! C’est une ordure ! J’allais rater ma série préférée !
— C’est elle l’ordure ! cria l’intéressé depuis son brancard. Je demande le divorce !
— C’est ça, retourne vivre chez ta mère ! répondit la vieille femme.
Les deux vieux continuèrent à s’insulter sous le regard consterné de leur public. Par sécurité, il fut décidé ce soir-là que Mémé et Pépé ne vivraient plus sous le même toit.
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