Le brouhaha de râles qui envahissait l’espace était insupportable. Cette rencontre annuelle des zombies, la quinzième depuis le début de l’apocalypse, se tenait pour discuter de nouvelles méthodes pour coincer les derniers survivants, ceux qui n’étaient pas comme eux et qui se cachaient dans les villes, dans les campagnes. Chaque rencontre se passait de la même façon : les zombies notaient leurs idées sur un bout d’entraille et le mettait dans une espèce de benne à ordures. Comme leur intelligence était limitée, on tirait alors un boyau au hasard et il deviendrait la ligne de conduite à suivre l’année suivante.

Cette année avait été placée sous le signe de la transformation. Pas le droit de mâchouiller les humains. Après quinze ans, certains membres de leurs peuples commençaient à peiner pour tenir debout. Bien que ce ne fut en soit pas un obstacle, cela embêtait leurs camarades, contraints de les promener partout comme les chiens de l’ancien temps. Alors on avait décidé de fonder une nouvelle génération de morts pour éviter que plus personne ne puisse venir à la réunion à cause de problèmes de jambes.

Les dernières créatures jetèrent leur « bulletin » de vote dans la cuve à boyaux et peu à peu, le silence tomba sur l’assemblée alors que l’Ancien, la plus vieille entité de leur communauté, s’approcha. Elle ne ressemblait plus vraiment à rien : une moitié de tête, un bras dégarni, une jambe rongée par un chien… Comme d’habitude, il se laissa tomber dans le bac dans un râle. Il mordit dans le premier bulletin qu’il trouva, puis on le hissa de nouveau sur l’estrade, tant bien que mal.

L’Ancien recracha le bout de papier en tapant sur sa poitrine et le morceau de boyau se déplia sous les yeux médusés des zombies présents. Sur sa surface pouvait être lu « Année Vegan ». Les zombies se mirent à hurler de satisfaction et de colère. Devenir végétarien, eux ? Qu’est-ce que c’était que cette histoire ? Malheureusement, la tradition exigea que le vote ne puisse être refait.

Ainsi, ce jour-là, les zombies devinrent vegan. Ce fut un changement assez choquant pour les survivants encore à l’extérieur, que de voir les morts brouter de l’herbe. La situation se détendit, et les hommes commencèrent même à dialoguer avec eux pour refonder une civilisation basée sur l’entraide et le respect. Comme quoi, même avec des prédateurs, on peut toujours arriver à un terrain d’entente.