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L’homme arpentait le trottoir, les yeux hagards. Louvoyait entre les groupes de passants. Semblait autant que possible les fuir. Évitait de les croiser.

Sa démarche était singulière. Il se déplaçait sur la pointe des pieds, comme s’il avait voulu rester discret en toutes circonstances.

Après chacun de ses pas, il prenait soin de replacer son talon contre le bitume. Puis, il avançait le pied suivant.

Son allure ne semblait pas souffrir de ce handicap imposé. Tout indiquait que cette façon de marcher était la sienne.

Du point de vu d’un regard extérieur, elle donnait l’impression qu’il sautillait, tel un gamin espiègle enthousiasmé par sa récente arrivée dans la cour de récré.

En costume cravate d’un jour de bureau, son teint était pâle. Son front brillait d’une transpiration régulière. Il ne faisait pourtant pas si chaud.

Ses yeux fuyants ne s’attachaient à aucun regard. A aucune vitre. A aucun lieu.

Il se contentait de les braquer droit devant. Vers l’horizon.

Dans sa main crispée, il tenait un sac-à-dos. De couleur noir, en toile lègére, il semblait s’agripper à ses lanières, comme si sa vie en dépendait.

Lorsqu’il croisait quelqu’un, le bras tendu, il ramenait la besace près de son corps. Soupçonneux, il essayait peut-être d’éviter qu’on ne la lui dérobe.

De faible volume, la sacoche ne semblait pourtant pas contenir grand chose. Cependant, les bretelles en étaient tendues en permanence.

Elle devait peser un certain poids.

A un passage piéton, l’inconnu s’arrêta. Il attendait anxieusement que le feu change de couleur. Un autre individu patientait avec lui. D’un pas chassé, il s’en était éloigné.

Enfin, le dernier véhicule s’immobilisa. L’homme se mit à traverser.

Attention !

Derrière lui, le quidam criait de panique. Tentait de l’avertir du danger. Sur le côté, un vélo de livreur forçait le passage. Il n'eut pas le temps de l’éviter. L’étoffe du précieux contenant se prit dans le guidon. Arraché à ses doigts, le sac fut emporté par l’élan.

Aussitôt privé de son leste, les pieds de l’homme en costume quittèrent le bitume. Alors qu’il s’envolait, il remuait des bras, tel un oiseau maladroit. Tentait de se retenir.

Au secours ! Aidez-moi !

On essaya bien de l'attraper par une chaussure. Mal laçée, elle se détacha. Resta dans les mains du bon samaritain qui avait tenté de s’en saisir.

Un coup de vent poussa le malheureux, plus haut, plus loin.

Bientôt on n’entendit plus les complaintes de ses appels à l’aide. On ne distingua plus sa silhouette au milieu des nuages.

Quelqu’un ramassa sa besace. Elle était anormalement lourde. La fermeture éclair en fut dézippée. Dans ses plis, elle cachait une haltère d’au moins 20 kg.