Comme je ne pourrai pas le mettre en ligne demain, je prends un peu d'avance ^^
Dans le précédent chapitre, Tokias réalisait qu'Eikichi avait disparu et il partait à sa recherche en compagnie Sekka.
Bonne lecture !
Le silence qui pesait sur les lieux n’avait rien de naturel : pas un oiseau ne piaillait, même le vent bruissait moins qu’il l’aurait dû dans cette masse végétale.
Les doigts d’Eikichi se pressèrent sur sa blessure au point de réveiller la douleur. Malgré ce geste désespéré, le baku demeurait inaccessible. Le lien s’était affaibli et depuis quelques minutes, il avait tout à fait disparu.
Un frisson agita le corps fatigué d’Eikichi. Afin de ne pas longer la forêt, il avait marché dans la rivière, luttant contre le courant. À présent, bien qu’il en soit sorti, ses pieds restaient gelés. Les frotter avait apporté un semblant de mieux, mais la maigre chaleur s’était vite dissipée.
D’après l’odeur qu’Eikichi avait suivie jusque-là, le baku se trouvait au nord. Le chemin qui devait l’y conduire était dégagé sur un mètre à peine. D’un côté, il y avait les arbres dont une partie des branches bougeaient à l’encontre du vent et, de l’autre, la rivière qui gagnait en puissance au fur et à mesure où elle descendait dans la gorge.
Non sans crainte, Eikichi avança sur le sol accidenté trop étroit à son goût. Sa progression était lente et ses yeux ne quittaient pas la végétation, son poignard tendu dans sa direction.
Durant un instant, l’idée de revenir sur ses pas afin de solliciter l’aide de Tokias et de son onibi se glissa dans son esprit. Eikichi la balaya sans mal. Mettre en danger ses camarades lui était insupportable, il assumerait la responsabilité de compléter son kage.
Tandis qu’il avançait, la gorge se creusait de plus en plus sur sa gauche. Son grondement s’intensifiait au fur et à mesure où la rivière était prise dans les rapides et heurtait les énormes rochers qui bloquaient sa route.
Le pas peu sûr, Eikichi gardait néanmoins son cap. Ses yeux fouillaient devant lui et les arbres en quête d’une silhouette qui ressemblerait à celle du baku.
Le yôkai ne devait plus être trop loin...
Un sifflement activa l’instinct d’Eikichi.
Sa tête bascula juste à temps pour éviter une branche qui cingla l’air dans sa direction. Son pied recula d’un pas, mais l'absence de sol sous le talon rappela Eikichi à l’ordre. Il balança son corps vers l'avant afin de ne pas tomber dans la rivière. D'un mouvement de rein, il s’enroula ensuite sur lui-même pour s’écarter du feuillage agressif qui battait encore le vide là où il se trouvait quelques secondes plus tôt.
Son équilibre perdu, Eikichi chuta sur l’épaule, à bout de souffle. Les racines du jubokko sortir de terre pour se refermer sur ses chevilles. Le pantalon en toile épaisse empêchait le yôkai d’atteindre sa peau pour y puiser son sang, mais le vêtement ne résisterait pas longtemps aux aspérités de l’écorce parsemée d’épines. Son couteau se plantait tantôt dans le bois, tantôt dans le sol. Eikichi était si désespéré que la pointe de son arme se rompît sur un rocher. La tension due au choc se répercuta jusque dans son bras ce qui le fit grimacer.
Au fur et à mesure où Eikichi se libérait de l’emprise du jubokko, il s’écartait de l’arbre affamé. Enfin, les racines se rétractèrent et il put reprendre son souffle quelques secondes.
Quand Eikichi se releva, ses jambes tremblaient un peu sous lui. Après quelques pas, il retrouva un semblant de calme bien que son attention soit toute entière tournée vers la forêt.
Quelques mètres devant lui, les jubokko remuaient de façon erratique. Eikichi s’avança avec prudence jusqu’au moment où il lui apparut impossible de progresser plus sans courir le risque d’être frappé par une branche.
Des éclats métalliques se glissaient dans l’air agité par les arbres. Le baku était là, probablement à quelques mètres. L’animal était tout près et pourtant, il sembla inaccessible à Eikichi. Il eut beau le chercher, il ne parvenait pas à le repérer dans la végétation.
Avec précaution, Eikichi s’aventura au milieu des jubokko. Il se contorsionnait pour éviter les branches, sautillait afin d’échapper aux racines.
Si les yôkai ne paraissaient pas avoir conscience de sa présence, ils ne se calmaient pas pour autant. Eikichi devina qu’ils étaient aussi sensibles au gaz du baku que les humains. Cette possibilité ne lui aurait jamais traversé l’esprit, néanmoins cela expliquait pourquoi le baku avait choisi de se réfugier là malgré ses blessures.
Les mouvements des jubokko étaient imprévisibles. Deux racines fouettèrent les mollets d’Eikichi ce qui lui arracha un gémissement douloureux. Un juron s’échappa de ses lèvres. Les dents serrées, il continua pourtant à marcher. Un coup de branches le fit reculer bien trop près du bord et il dut se résoudre à avancer à quatre pattes. La brume s’intensifiait et Eikichi s’accrochait à l’idée d’approcher sa cible.
Enfin, à quelques mètres devant lui, une masse sombre se découpait sur le sol. Le Baku avait trouvé refuge au pied d’un torii ancien à moitié brisé dont les poutres étaient couvertes de mousse.
Eikichi tordit son corps afin de passer les branches qui le séparaient encore du baku. La poitrine de l’animal se soulevait sur un rythme saccadé et irrégulier. Une racine de jubokko, agitée de soubresauts, avait réussi à s’enrouler autour de sa patte jusque sur son poitrail.
Quand le baku leva un œil vitreux vers lui, Eikichi découvrit que Bunji avait touché l’arcade avec sa bouteille. Ses pupilles jaunes étaient comme voilées. L’animal poussa un soupir las tandis que leurs regards se croisèrent, puis sa tête retomba avec lourdeur sur l’herbe. Sa trombe se redressa et la brume s’épaissit. Le jubokko qui s’enroulait autour du yôkai s’agita, puis se rétracta.
Eikichi s’accroupit, puis tira son couteau avec précaution. Il lui fallait atteindre la gorge s’il voulait que ce soit rapide. Le baku bougea et dégagea son cou épais. Les plis formés par sa peau se lissèrent.
Eikichi déglutit : l’animal paraissait s’offrir en sacrifice.
Tandis que la lame s’approchait, le yôkai ne frémit pas, il gardait les paupières fermées. Au moment de le tuer, la main d’Eikichi trembla. Et si c’était un piège ?
Un gémissement lugubre le pressa. Les larmes aux yeux, Eikichi planta son couteau qui traversa sans difficulté la chair. Le sang coula, inonda sa paume non blessée. Durant quelques instants, il ne vit que le liquide qui débordait de l’animal pour imbiber ses vêtements.
Eikichi ne se sentait ni soulagé ni heureux. Juste désemparé.
Soudain, ce fut comme si sa tête se fendit en deux. L’odeur de la forêt imprégnée de sang lui donna la nausée. Son esprit s’ouvrit sur un monde trop loin de sa nature humaine et des souvenirs confus qui ne lui appartenaient pas. Des sensations étrangères, des douleurs : le passif du yôkai s’ajoutait au sien et Eikichi s’y perdit.
Au Sanctuaire, ses professeurs lui avaient mille fois expliqué de quelle façon son kage deviendrait complet. Afin de garder le contrôle, Eikichi devait se concentrer sur lui, sur ses convictions...
Il en était tout simplement incapable, dévorer par le désir de vie du baku.
Eikichi lâcha son arme, saisit sa tête, puis hurla à plein poumon.
Rendez-vous la semaine prochaine pour le dernier ou l'avant-dernier chapitre (il faut que je relise afin de voir si le dédoublement du point de vue apporte quelque chose).
Bonne journée !
Akuma : un akuma (dans mon univers !) est un kageka qui se laisse dévorer par son yôkai. Il perd son humanité et se transforme parfois physiquement. Guidé par l'instinct animal , il ne fait alors plus la différence entre le bien et le mal.
Atsuko : concubine de Chiaki
Chiaki : Daimyo de Tamura
Daimyo : Chef territorial, il a un pouvoir de justice, de politique et de représentation.
Haneki-dono : Grand Maître du Sanctuaire Nord d'Heikô
Hanko : (terme non inventé) ce sont des tampeau, des sceaux qui permettent d'identifier la personne qui a écrit un document. Cela remplace notre signature. Ils sont encore utilisés de façon courante aujourd'hui et nombreuses sont les familles qui en possèdent deux : un pour les documents très officiels (achats de maison, mariage) et un deuxième pour le quotidien ( signer un reçu pour le facteur...)
Hiragana : (terme non inventé) c'est un syllabaire japonais
Jubokko : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, arbre vampire, il a l'apparence végétale, mais se nourrit du sang de ses proies.
Kage : c'est le don que possède Eikichi et Tokias. Il leur permet d'insuffler un esprit yôkai dans leur ombre pour en faire usage comme d'une marionnette. Le terme est tiré du mot ombre en japonais.
Kageka : c'est un utilisateur du kage
Kasha : Yôkai qui a l'apparence d'un chat géant et dont plusieurs parties de son corps sont enflammées
kitsune : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, renard à la forme et la taille mouvante
Konazawa : ville où se trouve le Sanctuaire où ont été formé Eikichi et Tokias
Kotone : concubine de Chiaki
Nikô : ville portuaire à l'ouest de l'île où sont envoyés Riani et Ôdan
Ôdan : camarade de promotion de Tokias et Eikichi
Onibi : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai ressemblant à un feu follet géant et kage de Tokias
Onigiri : boule de riz fourrée !
Saneyama : île sur laquelle se déroule l'histoire.
Sekka : petite soeur de Tokias
Tamura : ville où se déroule la mission d'Eikichi et Tokias
Tomoe : (prénom japonais) nouvel aspirant kageka
Yukata : (terme non inventé) kimono en coton très léger qui, à l'origine, ne se portait que dans les bains publiques
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