Dans le dernier chapitre, Eikichi décidait de suivre l'odeur qu'il espère le conduira au Baku. De son côté, Tokias se réveille...
Bonne lecture !
Bien que le poids du sommeil devienne plus léger, Tokias gardait les yeux fermés. Le froid le réveillait peu à peu et il se recroquevilla sous sa couverture dans l’espoir de finir sa nuit. L’été serait bientôt là, mais la fraîcheur des montagnes parvenait encore à descendre jusque dans la vallée.
Le parquet qui grinça sous un pas souple attira son attention groggy. On s’approchait de lui, on s’arrêtait devant son futon, on…
Un choc dans les côtes arracha un gémissement à Tokias. Furieux, il bondit, prêt à étrangler son assaillant. Son poing jaillit, mais il ne rencontra que le vide. Les yeux encore embués de sommeil, il tenta de porter un autre coup. Un croche-pied lui fit perdre l’équilibre : il s’affala à plat ventre sur son lit et l’oreiller étouffa son grognement rageur.
Tout à fait réveillé cette fois-ci, il sortit le nez de sa couverture et darda un regard venimeux à Sekka qui le fixait depuis l’encadrement de la porte au cas où elle aurait besoin de fuir.
— Ça t’amuse ? s’emporta-t-il.
Avant que Tokias ne parte pour rejoidre la Guilde, sa sœur souffrait déjà d’insomnie et quand l’ennuie devenait trop grand, elle prenait plaisir à l’embêter. Il s’assit, puis rabattit en arrière les cheveux échappés de son chignon qui lui tombaient devant le visage.
— Où est Eikichi ?
Tokias cligna des yeux. Le futon près du sien était vide. Sa main glissa sur le matelas : froid.
— Je n’en sais rien ! s’énerva-t-il. Dehors ?
Tokias se leva et tourna sur lui-même. Sekka lui adressa un regard affligé comme s’il était le dernier des crétins.
— Tu te doutes bien que j’ai vérifié ! Je ne l’ai trouvé ni dans la maison ni dans le voisinage.
Tokias peinait à aligner ses pensées. Sekka s’impatientait : sa mâchoire se crispait de plus en plus et ses ongles jouaient contre le bois.
— Mais où…
Le tas de vêtements qu’il avait préparé la veille avait disparu : Tokias n’eut aucun mal à comprendre ce qui avait traversé l’esprit d’Eikichi.
— L’imbécile.
— Un désespéré, plutôt !
— Tu es obligée de me reprendre pour tout et n’importe quoi ?
Tokias réajusta sa tenue qui s’était relâchée durant la nuit. La porte coulissa et laissa apparaître le visage à l’expression très contrariée de Rokas.
— Ça faisait longtemps que je n’avais pas été réveillé par vos disputes nocturnes, grommela-t-il. Ça ne m’avait pas manqué !
Devant le silence de Tokias, le froncement des sourcils de Rokas s’intensifia encore.
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Eikichi a disparu, répondit Tokias.
Rokas se tourna vers Sekka qui enfilait une nouvelle couche de vêtements sur un kimono épais.
— Un bruit m’a réveillé, expliqua-t-elle, et quand je suis sortie, j’ai vu que la porte était ouverte et que Eikichi n’était plus là.
— L’état de Bunji a dû le perturber, pesta Tokias. J’aurai dû…
— Tu n’es pas devin, le coupa Rokas. Rien ne laissait présager qu’une telle idée aurait pu lui traverser l’esprit. Nous allons le traquer. Il vous paraît judicieux de commencer par où ?
— La rivière, répondirent Tokias et Sekka d’une même voix.
— Équipons-nous et allons-y. Avec un peu de chance, il n’aura pas trop d’avance.
La fraîcheur du futon ne permettait pas à Tokias d’être aussi optimiste. Si Eikichi avait agi de façon consciente, il ne devrait pas s’être enfoncé trop profondément dans un territoire infesté par les yôkai, mais le passé avait déjà prouvé que l’Attirance pouvait être plus forte que sa volonté.
— Je vais essayer de le détecter avec mon onibi, décida Tokias.
Pieds nus, il se pressa dans le minuscule jardin. Trop préoccupé par le sort de son ami, il sentait à peine les graviers sur lesquels il marchait. Rokas alluma plusieurs lanternes pour offrir une ombre digne de ce nom à Tokias. Ce dernier insuffla son kage et la masse difforme qui se dessinait sur les arbres, se condensa jusqu’à devenir solide. L’onibi se matérialisa amenant une luminosité dansante sur la végétation environnante.
Les yeux fermés pour mieux identifier les sensations envoyées par son yôkai, Tokias fouillait les alentours. Malgré la familiarité de la présence d’Eikichi, il lui était impossible d’affirmer si oui ou non, il se trouvait dans une des chaumières où les gens dormaient encore. Il chercha au-delà de Tamura, mais sa perception se diluait dans l’humidité dégagée par la rivière ou l’épaisse forêt.
Quand Tokias revint à lui, les poings serrés pour contrer son impuissance, Sekka était devant lui et lui tendait un kimono. Il le saisit et s’empressa de l’enfiler par-dessus celui qu’il portait. Même si le temps pressait, il s’obligea à l’ajuster avec soin. Il rentra dans la maison, Sekka sur ses talons, pour ressortir à l’avant.
Rokas se tenait sur le chemin qui conduisait jusqu’au cœur de Tamura, les yeux fermés. À ses pieds, aucune ombre n’apparaissait malgré la lanterne à sa main.
— J’ai envoyé mon kasha chez Chiaki pour l’alerter d’un problème. Je vais le rejoindre afin qu’on rassemble des volontaires et fouiller les alentours. Suivez votre propre piste.
Il tendit un sac duquel sortait de longues tiges.
— Voici des fusées de détresse. Les rouges en cas de danger…
— … les bleus si la mission est terminée, je sais, le coupa Tokias.
Seules les bandes à nouer autour de ses poignets manquaient, Tokias les ajusta tout en se dirigeant vers le nord. Quand ce fut fait, il tendit la main en arrière. Sans un mot, Sekka lui donna son arc, son carquois, puis la lance d’Eikichi.
Quand ils arrivèrent à la rivière, le ciel se teintait de rose. Tokias grimaça à l’idée que la brume matinale s’élève de l’eau : cela rendrait l’utilisation de son onibi plus difficile encore.
Tandis que Sekka inspectait le sol, Tokias insuffla de nouveau son yôkai dans son ombre. Il grogna : la maigre luminosité de l’aurore ne suffisait pas. Il frotta deux pierres et une pluie d’étincelles lui permit d’éveiller son kage. La technique n’avait rien de simple, car elle ne laissait qu’une poignée de secondes pour agir. Il avait fallu près d’un an à Tokias avant d’être capable de l’employer.
Avec les sens de l’onibi, il fouilla les alentours à la recherche d’une source de chaleur assez grosse pour être le baku ou Eikichi : il ne perçut rien. Il secoua la tête en proie à un dilemme. Devait-il aller à l’est ou à l’ouest afin de trouver Eikichi ? Son choix se révélait crucial : s’il se trompait, il y aurait fort à parier qu’ils perdent la trace de son ami. La mâchoire crispée, il se tourna vers sa cadette.
— Sekka ? Ta théorie ?
Il avait honte de solliciter son aide, mais elle avait une meilleure connaissance du terrain et il ne pouvait s’en passer à cet instant.
— Si comme Eikichi l’a dit hier, le baku a bien trouvé refuge dans la forêt de Jubokko, il doit être à l’ouest. Le sol y est bien plus rocailleux et ils ont plus de mal à s’y implanter.
Tokias regarda l’eau qui s’écoulait vers l’est pour se perdre entre la forêt des jubokko et le territoire de la kitsune, puis à l’ouest, là où la chaîne des montagnes Enkei bloquait la vue.
— J’espère que tu as raison.
— Moi aussi, soupira Sekka. Si le baku et Eikichi se sont enfoncés à l’est, je ne donne pas cher de leur peau. Même équipé, même avec l’onibi, les y suivre serait du suicide.
— Il y a un endroit où le courant est moins fort ?
Sekka garda quelques secondes le silence, avisant la berge opposée du regard.
— On devrait pouvoir traverser un peu plus loin : il y a un guet. Tokias ?
— Quoi ?
Il était tendu, conscient que ce qu’elle allait lui dire ne lui plairait pas.
— Si tu ne le perçois pas une fois qu’on sera de l’autre côté, je pense qu’il faudra attendre qu’il revienne de lui-même à Tamura… Nous ne pourrons avancer à l’aveuglette en ne comptant que sur la chance.
Et ne rien faire ? Admettre qu’il était impuissant ? Tokias avala sa salive avec peine. Affronter le danger lui paraissait bien plus facile… et acceptable.
Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour la suite ! Le rythme va s'accélérer et on arrive à la fin de cette partie (il ne reste plus que deux ou trois chapitres !)
Bonne semaine !
Akuma : un akuma (dans mon univers !) est un kageka qui se laisse dévorer par son yôkai. Il perd son humanité et se transforme parfois physiquement. Guidé par l'instinct animal , il ne fait alors plus la différence entre le bien et le mal.
Atsuko : concubine de Chiaki
Chiaki : Daimyo de Tamura
Daimyo : Chef territorial, il a un pouvoir de justice, de politique et de représentation.
Haneki-dono : Grand Maître du Sanctuaire Nord d'Heikô
Hanko : (terme non inventé) ce sont des tampeau, des sceaux qui permettent d'identifier la personne qui a écrit un document. Cela remplace notre signature. Ils sont encore utilisés de façon courante aujourd'hui et nombreuses sont les familles qui en possèdent deux : un pour les documents très officiels (achats de maison, mariage) et un deuxième pour le quotidien ( signer un reçu pour le facteur...)
Hiragana : (terme non inventé) c'est un syllabaire japonais
Jubokko : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, arbre vampire, il a l'apparence végétale, mais se nourrit du sang de ses proies.
Kage : c'est le don que possède Eikichi et Tokias. Il leur permet d'insuffler un esprit yôkai dans leur ombre pour en faire usage comme d'une marionnette. Le terme est tiré du mot ombre en japonais.
Kageka : c'est un utilisateur du kage
Kasha : Yôkai qui a l'apparence d'un chat géant et dont plusieurs parties de son corps sont enflammées
kitsune : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, renard à la forme et la taille mouvante
Konazawa : ville où se trouve le Sanctuaire où ont été formé Eikichi et Tokias
Kotone : concubine de Chiaki
Nikô : ville portuaire à l'ouest de l'île où sont envoyés Riani et Ôdan
Ôdan : camarade de promotion de Tokias et Eikichi
Onibi : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai ressemblant à un feu follet géant et kage de Tokias
Onigiri : boule de riz fourrée !
Saneyama : île sur laquelle se déroule l'histoire.
Sekka : petite soeur de Tokias
Tamura : ville où se déroule la mission d'Eikichi et Tokias
Tomoe : (prénom japonais) nouvel aspirant kageka
Yukata : (terme non inventé) kimono en coton très léger qui, à l'origine, ne se portait que dans les bains publiques
LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
2782 histoires publiées 1267 membres inscrits Notre membre le plus récent est JeanAlbert |