Un chapitre un peu plus posé avant le rush qui mènera tout droit à la partie 2 qui pour le moment porte le nom de Ryûka ! Si le chapitrage ne bouge pas trop, il vous reste un peu moins d'une dizaine de chapitres à découvrir !
Bonne lecture !
Une odeur âcre de bois humide et de champignons sortit Eikichi de son inconscience. Très vite, elle fut accompagnée d’un sentiment de peur ainsi que du goût métallique du sang.
Les poumons d’Eikichi tressautaient, incapables de se remplir d’air, et sa tête se mit à tourner. Il essaya d’ouvrir ses paupières, mais elles étaient comme scellées l’une à l’autre.
Le bruit d’un panneau coulissant dans sa rainure parvint jusqu’à lui. Eikichi rampa sur le sol dans sa direction. Ses coudes devinrent douloureux tant il força dessus pour s’extraire des couvertures qui l’enveloppaient. Certains brins du tatami, échappés du tissage, s’enfonçaient dans sa peau, mais il n’y prêta aucune attention.
Eikichi tira son corps épuisé jusqu’à la coursive extérieure qui entourait la maison. Son poids bascula sur le côté et il retomba lourdement sur le dos ; son omoplate tapa trop fort contre la glissière.
Sa poitrine se gonfla enfin tandis qu’il inspirait l’air du jardin. L’humidité ambiante le fit frissonner et le bruit discret de la pluie l’apaisa.
On lui pressa l’épaule d’un geste plutôt doux. Son esprit était encore trop ensuqué, si bien qu’Eikichi ne sursauta même pas.
— Tu peux ouvrir les yeux ?
Tokias parlait à voix basse, comme s’il craignait de le déranger. Eikichi rassembla toute son énergie afin de soulever les paupières qui paraissaient peser des tonnes. Malgré le ciel voilé, la lumière diffuse malmena ses rétines et il eut besoin de plusieurs minutes pour s’y habituer.
Au-delà du toit, une pluie fine tombait bien droite sans interruption. Tokias était penché sur lui, l’expression anxieuse.
— Ils sont normaux ? coassa Eikichi.
Tokias acquiesça, puis l’enjamba sans cérémonie. Il revint un instant plus tard avec une couverture qu’il déposa sur lui. Eikichi prit conscience que sa sueur devenait trop fraîche au contact de l’air.
Non loin, un oiseau, plus courageux que les autres, chanta.
Tokias contrôla sa fièvre de ses doigts fugacement mis sur son front, puis s’installa non loin. Une hampe de flèche en cours de fabrication l’y attendait et il la ramassa sans un mot. Cette activité était le signe d’une grande anxiété chez lui.
Petit à petit, Eikichi reprit conscience de son corps, comme s’il l’avait quitté. Il gigota pour soulager son omoplate, puis puisa dans son courage pour soulever sa main bandée au-dessus de son visage. Une douleur sourde pulsait et le pansement dégageait une forte odeur de menthol.
— Ça fait mal ? se préoccupa Tokias.
— Moins que ce que j’aurai craint.
— Tu es shooté.
— Ceci explique cela.
Son bras retomba sur le parquet. Toujours sur le dos, Eikichi n’avait pas l’énergie de bouger, il fixa les poutres et les bas-reliefs du toit le temps de rassembler ses pensées, puis demanda :
— Ma blessure est grave ?
— On ne sait pas pour le moment, répondit Tokias sans le regarder. La plaie est trop gonflée pour avoir une idée des répercussions que ça aura.
— Les répercussions ? s’affola Eikichi. Je pourrais perdre l’usage de ma main droite ?
Son cerveau eut besoin de longues secondes pour faire le tour de ce que cela impliquait. Il ne pourrait plus manier la hallebarde, encore moins l’arc. Jamais, il ne maîtriserait l’art du katana. Et il lui faudrait réapprendre à écrire, à….
— Pour le moment, nous n’en savons rien, insista Tokias. Cela fait à peine quelques heures que la confrontation a eu lieu, il est bien trop tôt pour faire des conjectures.
— J’ai l’impression qu’il s’est écoulé des jours…
— Moi aussi, soupira Tokias avant de sombrer dans un mutisme inhabituel.
Eikichi tenta de bouger les doigts de sa main blessée, mais renonça bien vite : cela réveillait de trop vives douleurs.
La pluie accapara de nouveau son attention, il fixa les gouttes qui suivaient le fil de plomb du toit jusqu’au sol trop longtemps pour que ce soit uniquement le fait de sa nature contemplative. Il ne savait quelle était la drogue utilisée, mais elle était puissante. Enfin, il parvint à s’en détacher pour s’intéresser à son ami.
— Tu es blessé ? demanda Eikichi.
— Non ! Non, répéta Tokias un ton plus bas quelques secondes plus tard. Tu sens encore l’Attirance ?
Le kage du baku était bien là, à la lisière de son esprit. Eikichi avait été habitué au vide et ce soudain trop-plein le laissait perdu. Cette présence demeurait malgré tout insaisissable, comme si un brouillard recouvrait tout et qu’il n’en percevait que des formes grossières. Une chose était certaine néanmoins, il n’entendait plus le battement de cœur du baku et il n’y avait aucune force suprême qui l’attirait au cœur du territoire de la kitsune.
— Je ne crois pas, dit Eikichi, mais j’ignore à quel point la drogue impacte mes sensations.
Un silence de plusieurs secondes s’étendit de nouveau. Tokias s’agita avec malaise avant de s’exclamer soudain :
— Tu as soif ?
Avant qu’Eikichi n’ait répondu, Tokias était retourné à l’intérieur. Il revint avec du thé et des onigiri. Eikichi fixa le plateau sans grand appétit. La vue de la nourriture lui fit réaliser qu’il était nauséeux.
— Merci, mais je pense que je vais attendre encore un peu avant de manger.
Le couteau de Tokias reprit son rythme, arrachant peu à peu le bois pour avoir une hampe aussi droite que possible. Ce geste répétitif et les bruits qui l’accompagnaient berçaient Eikichi. À tel point, que Tokias dût l’appeler plusieurs fois pour attirer son attention.
— Eikichi !
— Oui ?
— Ça ressemble à quoi un baku ?
— Tu lui as mis un coup de pied, tu ne l’as pas vu ? s’étonna Eikichi.
— Non, j’étais en proie au gaz hypnotique.
La conversation réveilla les souvenirs de la confrontation et Eikichi regarda d’un autre œil, l’arc posé près de Tokias.
— Tu m’as visé… murmura-t-il.
Tokias se frotta le visage d’un air las.
— Je voyais la kitsune, se justifia ce dernier.
— La kitsune ! s’affola Eikichi. Elle était là ?
— Non ! Je viens de t’expliquer que j’étais sous l’influence du gaz hypnotique du baku !
La colère suintait des paroles de Tokias et Eikichi jugea plus sage de ne pas insister. Il n’était de toute façon pas en état de se chamailler avec son ami.
— Le baku… C’est un animal assez trapu, taillé comme un cochon sauvage. Sa fourrure est sombre et piquetée de blanc dont les taches rappellent un ciel étoilé. Il a une courte trompe et c’est par là que le gaz s’échappe. Ce n’est pas gros… de la taille d’un chien viverrin à peu près. Ses sabots sont divisés en plusieurs parties reliées par de la peau et à l’arrière, il a des ergots.
Eikichi chercha vainement quoi ajouter tandis que Tokias restait silencieux, comme perdu dans ses pensées.
— Il va se passer quoi à présent ? conclut maladroitement Eikichi.
— Nous y réfléchissons. Mon père n’a aucune idée de l’endroit où le baku a pu se réfugier. Nous supposons qu’il faudra se rendre sur le lieu de la confrontation afin de le traquer.
— Retourner dans la forêt semble inévitable : quand devrons-nous partir ?
— Pas toi.
— Pardon ?
— Tu n’es pas prévu sur cette mission !
— Mais c’est mon baku…
— C’est déjà dangereux pour quelqu’un qui a toutes ses facultés alors pour toi qui n’est pas.. enfin, tu vois ce que je veux dire !
Eikichi se redressa sur son coude, prêt à protester, mais la douleur dans sa main qu’il avait serrée par impulsion le ramena à la réalité. Il se couvrit les yeux de son bras.
— Il n’y a pas d’autres solutions ?
— Hormis celle de te laisser subir le kage incomplet au point de sombrer dans la folie ?
— Si possible, j’espère éviter cette issue, oui, marmonna-t-il avec sarcasme.
— Pour le moment, on n’a rien d’autre. Nous avons envoyé un messager à Konazawa dans l’espoir d’avoir de l’aide de la part d’Haneki-dono, mais on ignore si la réponse arrivera à temps.
Un juron s’échappa des lèvres d’Eikichi. Son état précipiterait ou non le départ de la traque. La perspective que d’autres mettent leur vie en danger pour lui était inconcevable.
Eikichi se promit de tenir jusqu’à l’arrivée de Guildiens aguerris, capables d’affronter la kitsune. D’ici là, il lui faudrait supporter le kage incomplet et être rapidement sur pied pour qu’il ne soit plus envisageable de l’écarter de cette mission.
On se retrouve la semaine prochaine (théoriquement, le chapitre n'est pas encore prêt à être publié !) avec Tokias. Mon objectif à présent que la suite est plus clair est de rusher dans les prochaines semaines afin de finir cette partie. Ensuite, je ne sais pas encore si je m'attaquerai au premier jet de la partie 2 ou si je changerai un peu d'air avec un autre projet !
Bonne journée !
Atsuko : concubine de Chiaki
Chiaki : Daimyo de Tamura
Daimyo : Chef territorial, il a un pouvoir de justice, de politique et de représentation.
Haneki-dono : Grand Maître du Sanctuaire Nord d'Heikô
Hanko : (terme non inventé) ce sont des tampeau, des sceaux qui permettent d'identifier la personne qui a écrit un document. Cela remplace notre signature. Ils sont encore utilisés de façon courante aujourd'hui et nombreuses sont les familles qui en possèdent deux : un pour les documents très officiels (achats de maison, mariage) et un deuxième pour le quotidien ( signer un reçu pour le facteur...)
Hiragana : (terme non inventé) c'est un syllabaire japonais
Jubokko : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, arbre vampire, il a l'apparence végétale, mais se nourrit du sang de ses proies.
Kage : c'est le don que possède Eikichi et Tokias. Il leur permet d'insuffler un esprit yôkai dans leur ombre pour en faire usage comme d'une marionnette. Le terme est tiré du mot ombre en japonais.
Kageka : c'est un utilisateur du kage
Kasha : Yôkai qui a l'apparence d'un chat géant et dont plusieurs parties de son corps sont enflammées
kitsune : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, renard à la forme et la taille mouvante
Konazawa : ville où se trouve le Sanctuaire où ont été formé Eikichi et Tokias
Kotone : concubine de Chiaki
Nikô : ville portuaire à l'ouest de l'île où sont envoyés Riani et Ôdan
Ôdan : camarade de promotion de Tokias et Eikichi
Onibi : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai ressemblant à un feu follet géant et kage de Tokias
Onigiri : boule de riz fourrée !
Saneyama : île sur laquelle se déroule l'histoire.
Sekka : petite soeur de Tokias
Tamura : ville où se déroule la mission d'Eikichi et Tokias
Tomoe : (prénom japonais) nouvel aspirant kageka
Yukata : (terme non inventé) kimono en coton très léger qui, à l'origine, ne se portait que dans les bains publiques
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