Qui dit vendredi dit nouveau chapitre. Tokias découvre la vie de Guildien retraité de son père et il en apprend plus sur la mission !
Bonne lecture !
La maison était loin des standards auxquels on pouvait s’attendre pour un Guildien. Certes Rokas était réformé, mais il avait accompli de grandes choses et il ne méritait pas de vivre dans une bicoque.
Dans l’alcôve de la pièce centrale, Tokias y découvrit le katana et l’armure de son père, mis en scène et rutilant. Son tampon officiel s’y trouvait également : tout en or et rehaussé de deux pierres précieuses d’un vert aussi profond que les yeux du yôkai de son père.
Le bruit d’un panneau coulissant poussa Tokias à se retourner. D’un des placards muraux, Lokas sortait une large table et il se précipita pour l’aider. Eikichi participa à son tour, récupérant les quatre pieds démontables. En quelques minutes, la pièce à vivre se transforma en centre des opérations. Chiaki déroula une longue carte qu’il cala avec des ustensiles de cuisine.
Tokias alla refermer la penderie et remarqua alors qu’il n’y avait que deux futons, soigneusement repliés dans la partie haute.
— Il n’y a que Sekka qui habite avec toi ?
— On se débrouille plutôt bien à deux…
Tokias allait exprimer son scepticisme lorsque sa sœur revint avec des pinceaux, des pierres à encres et des rouleaux vierges. Son kimono était impeccablement ajusté, ses cheveux retenus en arrière par une barrette ornementée d’ipomées. Pour un peu, Tokias aurait eu du mal à la reconnaître. Tout du moins, ce fut le cas jusqu’à ce qu’elle le fixe et que son sourire moqueur lui rappelle sa vraie nature.
— Ce sera votre bureau temporaire si cela vous convient, expliqua Rokas.
Il pointa tour à tour les deux autres pièces de la maison.
— Ici, vous trouverez les archives que j’ai rassemblées ces dernières années. Il n’y en a pas beaucoup, mais de toute façon, je doute que vous en ayez besoin. Par contre, l’armurerie à côté devrait vous être bien plus utile. J’y stocke du matériel. Certains éléments sont dans un état qui laisse à désirer, mais je pense que ça pourrait être réparé si vous cela se révèle nécessaire.
Chiaki hocha la tête.
— Je ferai tout mon possible pour pallier les éventuels manquements.
— Je n’en doute pas, approuva Lokas. Dans un premier temps, nous allons nous rendre sur place afin que vous repériez les lieux, ainsi mes explications seront plus concrètes. Eikichi ?
Le jeune homme sursauta tandis qu’on l’appelait soudain.
— Euh, oui ?
— Si l’Attirance s’éveille en vous, il faut que vous nous l’indiquiez dès que vous en prenez conscience. Nous devrons vous installer à l’écart de Tamura le temps que la rencontre avec le yôkai se produise. Il serait dangereux qu’il se promène jusqu’en centre-ville. Ma demeure vous paraîtra peut-être rudimentaire, mais elle me semble adaptée. Nous pourrons y organiser une confrontation dans les meilleures dispositions possible.
— Ce serait un honneur ! s’empressa de répondre Eikichi le rose aux joues.
— Bien que l’Attirance s’impose en général sans qu’on ait à la provoquer, je ne peux que vous encourager à tester votre kage de façon très régulière : cela vous permettra peut-être de sentir une variation assez tôt pour qu’on l’anticipe. Restez aux aguets de la moindre anomalie.
— C’était mon intention, Rokas-dono.
— Haneki-dono m’a vanté votre prudence et je sais que je peux vous faire confiance… Je pense qu’il est temps de nous concentrer sur votre mission : si vous voulez bien m’accompagner.
Rokas les conduisit à l’extérieur sans attendre leur aval. Au contraire, Sekka resta en arrière et Tokias lui jeta un coup d’œil curieux tandis qu’elle organisait les documents en fouillis. Quand il constata que tout le monde était déjà sorti, il se pressa à leur suite.
Le groupe avait contourné la maison et se tenait désormais au bord de la rivière. La zone était dégagée à cet endroit. Durant des siècles, l’eau avait creusé le sol et se trouvait plus d’un mètre en dessous d’eux. Bien plus haut à l’ouest, une énorme cascade nourrissait deux défluents : un, le principal, partait au nord, alimenté par les neiges fondues des montagnes, il coulait au fond d’un gouffre aux parois verticales. Le deuxième, sur la rive duquel ils étaient, était bien moins profond et filait vers l’est.
Ici et là, des tâches noircies prouvaient que Rokas avait inspecté cette zone.
— Je n’ai pas fait dans la dentelle, se justifia-t-il Entre Tamura et la rivière, j’ai brûlé tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un arbrisseau ou un bosquet. J’ai préféré sécuriser au maximum la ville.
— À votre avis, demanda Eikichi, quelles sont les premières actions à mener ?
Rokas pointa du doigt le torii.
— Par manque de temps, je n’ai pas été des plus soigneux d’ici au territoire de la kitsune, un nouveau contrôle me paraît nécessaire. Il vous faudra aussi inspecter la végétation en amont où je n’ai pas encore opéré. Les îlots au centre de la rivière mériteront également d’être purifiés.
Rokas pointa du doigt la forêt maudite qui envahissait l’autre rive. À cette distance, ils percevaient sans mal les détails : la végétation dense et moussue empêchait de voir au-delà de la lisière. Par petites touches, Tokias distinguait des branchages blancs, des jubokko desséchés.
— Plus tard, quand nous aurons déjà sécurisé tout cela, il faudra contacter Haneki-dono afin de s’assurer de l’état des berges qui se trouvent dans le territoire de la kitsune. Nous devrons aussi envisager de brûler la forêt maudite sur plusieurs mètres et ainsi éloigner le danger. Officiellement, ce territoire n’est pas celui d’Heikô, mais nous ne pouvons faire comme si de rien n’était.
— C’est un travail sur plusieurs années qui commencent, commenta Chiaki. Est-ce qu’Heikô aurait intérêt à mettre tant d’énergie afin de protéger notre petit village ? Je sais que la Guilde ne peut être partout…
— Les jubokko sont une menace pour tous, intervint Eikichi. J’ai comparé les cartes actuelles avec celles de l’époque du Clan des Neuf et la forêt a pris des proportions immenses. Si on ne stoppe par l’invasion à la rivière, c’est tout le sud de Saneyama qui est en danger.
Chiaki et Rokas le fixèrent de longues secondes avec surprise. Les yeux rivés sur les îlots envahis de végétation, Eikichi ne semblait pas en avoir conscience. Tokias ne put retenir un sourire : il retrouvait son comparse tel qu’il se comportait lors des cours à Heikô.
— Je prends note d’insister sur ce point lors de mes échanges avec Haneki-dono, finit par réagir Chiaki.
Tokias imprima son onibi dans son ombre. La masse noire s’éleva pour former son feu follet géant. À l’aide de ses sens, il étudia l’environnement à la recherche d’anomalies. Hormis quelques rongeurs sous terre, il ne détecta rien qui ne retienne son attention. Bien que la fraîcheur de la rivière trouble les perceptions de son yôkai, les îlots n’étaient pas plus habités. Au-delà, à la lisière de la forêt maudite, Tokias perdait toute certitude, néanmoins, il lui semblait qu’aucune source de chaleur importante ne s’y trouvait.
Accroupi, Eikichi analysait un endroit brûlé.
— Il y a une sorte d’empreinte… remarqua-t-il.
Le sourire aux lèvres, Rokas lui en donna la raison sans un mot. Son ombre s’éleva à son tour et forma une silhouette proche du chien. Quand son apparence se stabilisa, Tokias reconnut sans mal le kasha de son père. Le yôkai ressemblait à un grand chat à la fourrure sombre avec une gueule un peu plus large et avancée que leur lointain cousin félin. Ses quatre pattes, sa queue qui s’agitait avec humeur, et sa colonne vertébrale émettaient du feu qui réchauffa bien vite l’atmosphère.
Les yeux du kasha, deux billes émeraude, fendues par de fines pupilles allongées, se posèrent sur Tokias et, durant un instant, sembla jaugée son âme.
— Je comprends mieux, répondit Eikichi qui observait l’animal, fasciné.
— Il a été efficace, mais certaines racines ont pu m’échapper, précisa Rokas. Mes problème de vue ne m’ont aidé en rien.
L’évocation de son handicap mit Tokias mal à l’aise. Son père n’était pas aveugle, loin de là, mais il peinait aussi bien à voir de près que de lui. Rokas lui avait expliqué un jour, que sa vision était principalement constituée de taches grossières de couleur. Avant que Tokias ne rejoigne Heikô, il n’était pas rare que Rokas lui demande de lire certains de ses courriers.
— J’ai constaté qu’il y avait beaucoup de cartes chez toi, dit Tokias, qui les a faites ? S’il a suivi toutes les actions jusque-là, son aide pourrait être très utile.
Rokas lui adressa un sourire amusé.
— Sekka.
Tokias dut se mordre la lèvre très fort pour ne pas grogner.
Dans le prochain chapitre, la mission sera en cours et Eikichi en découvrira plus sur Tamura, ville coincée au milieu de deux territoires hostiles.
Bonne journée !
Atsuko : concubine de Chiaki
Chiaki : Daimyo de Tamura
Daimyo : Chef territorial, il a un pouvoir de justice, de politique et de représentation.
Haneki-dono : Grand Maître du Sanctuaire Nord d'Heikô
Hanko : (terme non inventé) ce sont des tampeau, des sceaux qui permettent d'identifier la personne qui a écrit un document. Cela remplace notre signature. Ils sont encore utilisés de façon courante aujourd'hui et nombreuses sont les familles qui en possèdent deux : un pour les documents très officiels (achats de maison, mariage) et un deuxième pour le quotidien ( signer un reçu pour le facteur...)
Hiragana : (terme non inventé) c'est un syllabaire japonais
Jubokko : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, arbre vampire, il a l'apparence végétale, mais se nourrit du sang de ses proies.
Kage : c'est le don que possède Eikichi et Tokias. Il leur permet d'insuffler un esprit yôkai dans leur ombre pour en faire usage comme d'une marionnette. Le terme est tiré du mot ombre en japonais.
Kageka : c'est un utilisateur du kage
Kasha : Yôkai qui a l'apparence d'un chat géant et dont plusieurs parties de son corps sont enflammées
kitsune : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, renard à la forme et la taille mouvante
Konazawa : ville où se trouve le Sanctuaire où ont été formé Eikichi et Tokias
Kotone : concubine de Chiaki
Nikô : ville portuaire à l'ouest de l'île où sont envoyés Riani et Ôdan
Ôdan : camarade de promotion de Tokias et Eikichi
Onibi : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai ressemblant à un feu follet géant et kage de Tokias
Saneyama : île sur laquelle se déroule l'histoire.
Sekka : petite soeur de Tokias
Tamura : ville où se déroule la mission d'Eikichi et Tokias
Tomoe : (prénom japonais) nouvel aspirant kageka
Yukata : (terme non inventé) kimono en coton très léger qui, à l'origine, ne se portait que dans les bains publiques
LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
2782 histoires publiées 1267 membres inscrits Notre membre le plus récent est JeanAlbert |