Un chapitre pour lequel je suis très mitigée. Il y a des passages que j'aime beaucoup, d'autres... beaucoup moins ! Il y a de fortes chances qu'il soit retravailler dans la phase de finalisation !
Bonne lecture !
Le dragon était là, à quelques mètres de lui. Tokias saisit la garde de son katana, mais dans la précipitation, l’arme se bloqua dans l’étui. La queue du yôkai le balaya comme s’il n’était qu’un insecte.
Tokias roula plusieurs longues secondes et même si sa chute fut adoucie par les herbes de pampa, son corps était désormais parcouru de douleurs sourdes. Quand il parvint enfin à se libérer des joncs, le dragon avait repris son envol, tenant entre ses serres une silhouette qui hurlait à plein poumon. Il lui fallut quelques instants avant d’identifier Eikichi.
La peur au ventre, Tokias chercha Sekka. Sa sœur n’était pas visible, comme si elle s’était évaporée pendant la confrontation.
Tokias resta là, les bras ballants. Les cris d’Eikichi ne furent plus perceptibles bien avant que le ryû ne disparaisse dans la couche nuageuse.
Les premières gouttes de l’orage qui montait touchèrent sa peau et réveillèrent un peu son esprit anesthésié par le choc.
— Sekka ? appela-t-il d’une voix brisée.
Tokias recommença avec de plus en plus de puissance. Enfin, une silhouette malhabile se dressa entre les brins d’herbe.
— Je suis là.
Son corps tanguait tandis que Sekka cherchait quelque chose contre lequel s’appuyer. Les plantes qui l’entouraient pliaient sous son poids et Tokias se précipita pour lui offrir le soutien dont elle avait besoin.
— Merci, marmonna-t-elle.
— Tu es blessée ?
— Pas encore.
— Comment ça : pas encore ?
— La kistune arrive. Je pensais que le ryûka l’obligeait à se montrer prudente, mais je me demande si elle ne se méfiait pas tout autant d’Eikichi et du gaz hypnotique. À présent qu’ils ne sont plus là, elle a le champ libre.
Tokias fouilla la végétation des yeux sans détecter la moindre tache rousse dans le paysage. Durant un instant, il espéra que Sekka se trompait, puis il revint à la réalité : c’était sa peur qui parlait.
— Je ne la vois pas ! Tu sais où la kistune se trouve précisément.
— Elle est sous sa forme de renarde et profite du couvert des arbres. Je pense qu’elle redeviendra géante quand elle passera à l’attaque.
Quand il sera trop tard pour agir, même s’ils parvenaient à la repérer, songea Tokias.
Sekka se redressa, puis ferma les yeux. Quand elle les rouvrit, elle s’éloigna de Tokias sur des jambes tremblantes.
— Arme ton arc, on va essayer de la prendre de vitesse.
Après une brève hésitation, Tokias lui donna le katana. S’il était perturbé par la confiance aveugle qu’il devait soudain accorder à Sekka, il avait conscience de ne pas avoir de meilleure option. Face à la kitsune, son onibi ne lui servirait pas à grand-chose. Sans compter qu’il aurait du mal à le manipuler tout en tenant tête à l’animal.
Les pieds en diagonales afin d’assurer son équilibre, il tendit le fil sans traîner.
— Dans quelle direction dois-je tirer ?
D’une main légère, Sekka rectifia sa posture. Elle l’obligea à pivoter sur le côté, puis ajusta la position de la flèche depuis le coude de Tokias. L’œil au niveau du projectile, elle prit quelques secondes avant d’enfin s’écarter.
— Vas-y !
La pointe fila, puis se perdit dans les herbes. Durant plusieurs longues secondes, rien ne se produisit.
— Je l’ai ratée ? s’inquiéta Tokias.
Une nouvelle flèche remplaça la précédente dans l’arc. L’arme prête à tirer, Tokias visait toujours la même zone. Les plumeaux devant lui formaient un écran que ses yeux ne parvenaient pas à percer. La renarde aurait pu se trouver à deux mètres qu’il n’aurait de toute façon pas pu la repérer.
— Non, murmura Sekka.
Bien que son teint soit pâle, elle avait retrouvé un peu de vivacité. Le katana était pointé devant elle. Son maintien était plus stable et elle était prête à combattre.
— Prépare-toi ! le mit-elle en garde.
Tokias allait demander quelle direction il devait surveiller, mais des oreilles dressées d’un roux intense l’alertèrent. La kitsune grandissait à vue d’œil, et très vite sa tête dépassa la pampa qui arrivait à la hauteur des épaules de Tokias. Sans attendre, il tira sa flèche que la renarde évita d’un bond preste. Le temps qu’il enclenche un nouveau projectile, elle les dominait à presque trois mètres de haut. Il ne se souvenait pas de l’avoir jamais vu de si près et il était obligé de lever les yeux afin d’affronter son regard. L’œil couvert de cataracte donna la furieuse impression qu’elle pouvait lire son âme.
Le tir força la renarde à reculer, bien trop peu pour qu’ils soient hors de danger. Face à sa silhouette imposante, Tokias se sentait insignifiant. Telle une fourmi devant un humain, il n’imaginait aucun plan qui puisse la vaincre. Avancer à son contact serait suicidaire, attendre qu’elle vienne à eux l’était tout autant.
— C’est moi qu’elle veut, rappela Sekka. Si le combat semble perdu, pars.
— Pas cette fois ! s’insurgea-t-il. Il est hors de question que je fuis.
C’était un cri du cœur, un hurlement face à l’impuissance qui lui nouait la gorge. Tokias changea de tactique et dirigea les flèches vers le ciel. Il tira ce qui lui restait en bougeant autant qu’il le pouvait. Il s’agitait devant la renarde qui grognait. Son poil se dressait sur sa nuque tandis qu’il la haranguait avec l’arc dénué de projectile.
Si la kitsune parvint à esquiver la plupart des flèches qui venaient d’en haut, l’une d’elles s’immisça dans l’épaisseur du pelage et se perdit dans son cou. Cela ne la ralentit pas. Elle s’approchait d’eux en cercle, les obligeant à réajuster en permanence leur position. Sous leurs pieds, la rivière, bien que petite, les déséquilibrait. Ils leur étaient difficiles de progresser avec assurance alors que cela avait l’air si simple pour le yôkai.
La kistune était si près que son grognement s’insérait dans le corps de Tokias au point de le paralyser de l’intérieur. Sekka récupéra l’arc qu’elle lança sur la kitsune. L’animal ne prit pas la peine de l’éviter. Elle rendit bien vite le katana. Le poids lourd de l’arme réveilla Tokias et rompit la transe dans laquelle les grondements l’avaient plongé.
— Si la kitsune était sûre d’elle, affirma Sekka, elle serait déjà passée à l’attaque. On a nos chances.
Sekka possédait une assurance qui laissait Tokias dubitatif. Il fut néanmoins obligé de s’y accrocher même si la kitsune qui avançait lentement, la bave aux lèvres et les dents trop grandes, étaient difficiles à occulter. Il pointa le katana devant lui. La longueur de la lame amplifiait le tremblement de sa main. La kitsune progressait vers eux, le pas souple. Le katana avait de bonnes dimensions. Peut-être que s’il évitait le museau, il pourrait atteindre à la gorge.
Sekka ne lui en laissa pas le temps, elle fonça sur la kitsune.
Affolé, Tokias l’appela. Sekka l’ignora et pire, ne ralentit pas. Il ne put que la suivre dans son sillage, sans savoir quoi faire pour soutenir son attaque.
La renarde se ramassa sur elle-même la gueule grande ouverte, puis bondit. Tokias sauta sur la droite, mais la kitsune ne lui accorda aucune attention : elle ne voulait que Sekka. Sa sœur s’était baissée, un long poignard dans chacune de ses mains. Elle visait le ventre du yôkai. L’animal se retourna dans l’air pour tenter de la gnaquer. Afin de mieux contrôler sa chute, la kitsune rapetissa jusqu’à attendre la taille d’un ours.
Sekka trancha un genou et le sang gicla sur elle. La renarde s’effondra plus qu’elle se réceptionna. Le bras de Sekka était à portée de dent. Afin de la protéger, Tokias bouscula la kitsune d’un coup d’épaule et ils roulèrent tous deux plus loin. Dans la chute, le katana lui échappa.
Désarmé, Tokias était tout contre la kistune, ses pattes prêtent à le déchiqueter.
Soudain, Sekka fut à ses côtés. Comme prise de folie, elle plongeait ses couteaux l’un après l’autre dans l’animal. D’un coup de rein, la kitsune s’écarta de quelques pas. Sekka tomba à genoux, le corps secoué de tremblement, les joues pleines de larmes et les pupilles écarquillées.
Tokias se précipita sur son katana. Sekka vacillait. Le regard vide, elle se coupa la main. Son sang s’accumula et elle le mélangea à une tache laissée sur son kimono. Le visage blême, elle s’écroula.
— Sekka ? Sekka !
L’œil vitreux, elle n’était plus vraiment là et elle ne réagit à aucun de ses appels.
La kistune se mit à glapir de plus en plus fort. Les cris stridents vrillaient les tympans de Tokias. Elle piétina le sol. Quand elle s’élança vers Sekka, les réflexes prirent le contrôle.
La renarde passa à côté de lui et Tokias dressa le katana. Elle s’embrocha d’elle-même dessus, aveuglée par son besoin viscéral de tuer Sekka. Les mains autour de la garde et les pieds plantés dans la tourbe meuble, il s’assurait que la lame ne lui échappe pas. Le yôkai demeurait massif, même si elle avait rapetissé. Indifférent à la douleur et à la blessure, la kitsune avançait coûte que coûte vers Sekka. Ses pattes avant grattaient la terre à quelques centimètres de sa proie.
Soudain, la kitsune retrouva son apparence de renarde. Le katana était désormais dans le vide. Tokias bascula en avant.
— Non, cria-t-il. Non !
Tokias se releva comme il le put.
Sekka et la kitsune constituaient un amas informe tout juste visible derrière l’écran formé par les herbes de pampas. Elles grognaient et gémissaient en chœur sans que Tokias ne puisse démêler leur voix. La renarde était plus rouge que rousse. Sekka la tenait dans son dos, l’avant-bras sur sa gorge. Leur sang se mélangeait et teintait la végétation.
Le yôkai n’eut aucune réaction quand Tokias s’approcha. La kistune luttait pour respirer, encore plus pour déglutir. Il l’acheva d’un coup de katana.
Ce fut presque trop facile.
La kitsune était un être démoniaque qui avait hanté ses cauchemars durant des années. Un yôkai si puissant qu’il était célébré comme un demi-dieu.
Pourtant, à présent, son corps était celui d’une renarde des plus banales au pelage piqueté par l’âge.
Le retour au calme le laissa hagard.
Tokias s’agenouilla près de sa sœur, la secoua, mais elle ne réagissait pas. Elle haletait, son front était couvert de sueur. Ses yeux s’agitaient sous ses paupières closes. Il la serra contre lui, les mains tremblantes.
Il y avait tant de sang...
Les gouttes portées par un vent trop chaud devinrent de plus en plus nombreuses. Tokias voyait un manteau de pluie passer au-dessus de la montagne.
Il devait leur trouver un abri.
La semaine prochaine, on retrouvera Yumi... elle aussi doit atteindre son point de bascule !
Bonne journée et à vendredi prochain !
Akuma : un akuma (dans mon univers !) est un kageka qui se laisse dévorer par son yôkai. Il perd son humanité et se transforme parfois physiquement. Guidé par l'instinct animal , il ne fait alors plus la différence entre le bien et le mal.
Atsuko : concubine de Chiaki
bun : Le man bun vient de l'anglais et se traduit littéralement en « chignon homme ». Il est utilisé afin de décrire un homme aux cheveux longs avec un chignon sur l'arrière de la tête qui remonte vers le haut.
Chiaki : Daimyo de Tamura
Daimyo : Chef territorial, il a un pouvoir de justice, de politique et de représentation.
Haneki-dono : Grand Maître du Sanctuaire Nord d'Heikô
Hanko : (terme non inventé) ce sont des tampeau, des sceaux qui permettent d'identifier la personne qui a écrit un document. Cela remplace notre signature. Ils sont encore utilisés de façon courante aujourd'hui et nombreuses sont les familles qui en possèdent deux : un pour les documents très officiels (achats de maison, mariage) et un deuxième pour le quotidien ( signer un reçu pour le facteur...)
Hiragana : (terme non inventé) c'est un syllabaire japonais
Jubokko : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, arbre vampire, il a l'apparence végétale, mais se nourrit du sang de ses proies.
Kage : c'est le don que possède Eikichi et Tokias. Il leur permet d'insuffler un esprit yôkai dans leur ombre pour en faire usage comme d'une marionnette. Le terme est tiré du mot ombre en japonais.
Kageka : c'est un utilisateur du kage
Kasha : Yôkai qui a l'apparence d'un chat géant et dont plusieurs parties de son corps sont enflammées
kitsune : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, renard à la forme et la taille mouvante
kôjô : c'est le nom du ryû possédé par Yumi
Konazawa : ville où se trouve le Sanctuaire où ont été formé Eikichi et Tokias
Kotone : concubine de Chiaki
nekomata : yôkai qui ressemble à un gros chats. Il possède deux queue enflammée.
Nikô : ville portuaire à l'ouest de l'île où sont envoyés Riani et Ôdan
Ôdan : camarade de promotion de Tokias et Eikichi
Onibi : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai ressemblant à un feu follet géant et kage de Tokias
Onigiri : boule de riz fourrée !
ryû : dragon (asiatique bien sûr !). Les individus sont très différents les uns des autres et ils possèdent des capacités différentes. Ils sont considérés comme éteints en Saneyama
ryûka : individus capables d'insuffler l'essence d'un dragon dans son ombre. Ce sont des kageka très rares et ils appartiennent tous au Clan Ryûka dont ils sont les membres les plus puissants.
Saneyama : île sur laquelle se déroule l'histoire.
Sekka : petite soeur de Tokias
Tamura : ville où se déroule la mission d'Eikichi et Tokias
Tomoe : (prénom japonais) nouvel aspirant kageka
Yukata : (terme non inventé) kimono en coton très léger qui, à l'origine, ne se portait que dans les bains publiques
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