Suite à vos remarques, le glossaire est de retour et un résumé de l'épisode 1 a été ajouté avant l'interlude !
J'espère que ça permettra à tout le monde de mieux s'y retrouver :)
Bonne lecture !
L’air, chaud et moite, accablait Eikichi. Il essuya de sa manche sale son front en sueur. L’odeur rance du sang qui datait de plusieurs heures lui arracha une grimace. Il poursuivit son geste jusqu’à sa nuque où les mèches échappées de son bun le grattaient. Gêné, Eikichi s’arrêta afin de remettre ses cheveux en ordre. Bien vite, il dut y renoncer : sa main blessée l’empêchait de nouer quoi que ce soit.
Peu à peu, le soleil passait derrière les montagnes et, bientôt, il ne profiterait plus de sa luminosité. Ils seraient alors forcés d’attendre le matin pour continuer leur route. Les pierres qui pavaient le chemin étaient bien trop instables pour qu’ils avancent à l’aveuglette. S’ils s’entêtaient, ils courraient le risque d’avoir un accident.
Ses yeux suivirent le tracé sinueux déjà parcouru jusqu’au plateau d’où ils étaient partis. En bas, le replat lui avait paru petit, mais à présent, elle était minuscule. Malgré la faim, la soif et la fatigue, ils avaient bien progressé.
Comme si le baku avait attendu ce moment de divagation, sa présence s’intensifia. À la périphérie de l’esprit d’Eikichi, le vide avait laissé la place à une masse aux contours imprécis, mélange de sensations, sentiments et passifs qui ne lui appartenait pas.
Eikichi avait l’impression que la conscience du baku cherchait à communiquer avec lui. Si cette présence étrangère ne le submergeait pas, il était évident que le yôkai tentait de s’imposer par instant. Eikichi parvenait à différencier ce qu’il tenait du baku ou de lui-même. Cela signifiait qu’il demeurait humain et ne courait pas le risque de sombrer dans sa nature yôkai...
Il s’accrochait à cette idée sans réussir à s’en convaincre.
À Heikô, Eikichi avait participé uniquement aux cours théoriques où il était toujours question de contrôle.
Séparer le yôkai de l’humain, puiser dans son kage, puis l’insuffler dans son ombre. Il s’agissait d’un acte réfléchi, dirigé. Cela paraissait loin de ce qu’il vivait à cet instant. L’intégration ne suivait pas le schéma classique, mais il n’avait pas absorbé le baku de façon conventionnelle. Les sensations allaient probablement s’atténuer dans les prochains jours.
Eikichi fouillait sa mémoire en quête du souvenir d’une expérience proche de la sienne, mais il n’en trouvait aucun. Dans les livres de la bibliothèque ou les récits de ses professeurs, le contrôle était présenté comme le seul moyen d’échapper à la folie qui conduisait les kageka à devenir akuma.
Même le vécu de ses camarades ne l’aidait en rien. Ôdan avait eu du mal à se connecter à son yôkai, soit l’inverse de ce que lui-même ressentait. Riani avait toujours craint sa nature de kageka et c’était son appréhension qui avait compliqué son apprentissage. Tokias, au contraire, avait vite maîtrisé son onibi sans avoir rencontré la moindre difficulté. La stabilité de son onibi avait été louée par leurs professeurs quelques heures à peine après qu’il l’ait absorbé.
Affronter ses doutes alors qu’il déambulait en territoire ennemi n’arrangeait rien : la fatigue, la faim et la chaleur se mêlaient à ses sens aux aguets, ce qui intensifiait ses angoisses.
Eikichi aurait tout donné pour se trouver au Sanctuaire. Même être à Tamura aurait été source de réconfort : Rokas aurait pu le guider afin d’intégrer le baku dans les meilleures conditions.
Une pression sur son bras le ramena à la pente qu’il était en train d’escalader.
— Eikichi ? Ça va ?
La tête de Sekka était penchée pour mieux voir son visage. Il lui sourit et lui ébouriffa les cheveux sans réfléchir.
— Ouais. J’ai juste hâte d’être en haut.
Sekka fit la moue et remit un semblant d’ordre dans sa coiffure en bataille.
— Je pense que chaque chose doit être faite en son temps. Tant que le baku ne te fait pas perdre pied, ne le considère pas comme un problème.
Eikichi la dévisagea, inquiet qu’elle lise aussi facilement en lui. Était-il si transparent ? Même si elle avait conscience de sa lutte silencieuse, cela n’avait pas l’air de la préoccuper. Le sourire en coin, elle lui ébouriffa les cheveux à son tour.
— Tu n’as rien d’un akuma !
Évaluant chaque pierre avec attention, elle le doubla.
Quelques mètres plus haut, elle se retourna. Les sourcils désormais froncés, elle le héla :
— Dépêche-toi ! Tokias va s’impatienter ! Et les esprits savent combien il peut être pénible quand sa mauvaise humeur prend le dessus.
Cela finit de secouer Eikichi et il s’engagea à la suite de Sekka. Très vite, ses gestes devinrent mécaniques. Il posait les pieds sur les pierres qu’elle avait empruntées en se préoccupant moins de leur stabilité. Elle lui balisait le chemin et cela lui permit de soulager un peu son corps fatigué.
Quelques minutes plus tard, ils atteignirent un plateau. Tokias les y attendait du côté opposé. Il fixait droit devant lui : un tic nerveux agitait ses doigts. Si le pic montagneux était encore plusieurs mètres au-dessus d’eux, le replat devenait une cime qui montait peu à peu vers le sommet. Ce chemin parut bien plus praticable et sûr à Eikichi. Tokias leur fit signe d’approcher d’un mouvement de tête. Les bras croisés sur sa poitrine, il évaluait le paysage en contrebas avec un air préoccupé.
Un trou entre les montagnes permettait de voir une partie du territoire Ryûka. Dans la vallée se trouvait un lac qui reflétait la lumière du soir. Cela aurait pu être un spectacle magnifique s’il n’y avait pas eu un temple lacustre qui occupait le sud des berges. Les pavillons se succédaient au point qu’Eikichi en perdit le compte. Un immense torii, d’un rouge profond, dépassait en hauteur tous les toits. De chaque côté, des statues s’enroulaient autour des poteaux qui soutenaient la barre du dessus. Malgré la distance, Eikichi reconnut sans mal deux ryû. Les corps sinueux des dragons accueillaient les visiteurs. Une foule de silhouettes minuscules en comparaison se pressait à leurs pieds.
Heikô considérait les ryû comme une espèce éteinte. Les seuls dragons qui existaient encore se trouvaient sur ce territoire. Il s’agissait d’ailleurs d’un mystère : comment le Clan pouvait-il contrôler leur population ? D’après les quelques témoignages qui leur étaient parvenus, aucun dragon sauvage ne survolait cette partie de l’île. Par le passé, de nombreux clans avaient mené des raids dans l’espoir de dénicher des ryû, mais personne n’avait pu dérober un bébé dragon ou même un œuf.
Eikichi observait le temple des Ryûka avec un mélange de crainte et d’excitation. La perspective d’apercevoir un de ces yôkai majestueux conférait le sentiment de se trouver dans un conte pour enfants. Néanmoins, cette rencontre signifierait qu’ils étaient repérés et il ne donnait pas cher de leur peau si cela se produisait réellement.
En contre-bas, un affluent se jetait dans le lac. L’eau serpentait entre les champs et son tracé n’était pas sans rappeler les ryû.
— Ils sont si près, murmura Sekka comme si elle redoutait d’être entendue.
— Trop près, ajouta Tokias en retour.
— Si l’on emprunte ce chemin, on devrait s’éloigner d’eux, avança Eikichi. Sans compter que ça a l’air plus praticable que la rivière asséchée.
Il pointait le doigt en direction de la cime. Sekka s’écarta pour observer le sentier avec attention. Elle suivit le tracé des yeux et recula autant que possible sur le plateau afin d’avoir une meilleure vue sur les hauteurs.
— C’est quoi la nuée là-haut ? demanda Sekka.
— Je ne sais pas, répondit Tokias. J’ai essayé de détecter s’il y avait des gardes postés au sommet, mais je n’ai rien repéré.
Eikichi mit sa main pour se protéger du soleil afin de l’inspecter à son tour. Il eut beau fouiller les amas rocheux et les pointes saillantes, à part quelques cours d’eau asséchés et cascades, il ne remarqua rien.
— C’est difficile d’être sûr de nous à cette distance, conclut-il. Tu as utilisé ton onibi ?
— Oui, répondit Tokias. Il n’y a rien d’autre qu’une rivière un peu plus loin.
— C’est déjà pas mal, s’enthousiasma Sekka. Je suis assoiffée ! Et s’il y a de l’eau, il y a probablement de la végétation : on trouvera peut-être quelque chose à manger ! Tu nous y conduis ?
Tous deux se tournèrent vers Tokias dans l’attente de son aval. Il avait du mal à quitter le territoire Ryûka du regard et son front était strié d’angoisse. Il se contenta d’un hochement de tête en réponse.
La semaine prochaine, le chapitre sera du point de vue de Tokias et son sens du devoir pèsera plus lourd que jamais sur ses épaules !
À vendredi prochain !
Akuma : un akuma (dans mon univers !) est un kageka qui se laisse dévorer par son yôkai. Il perd son humanité et se transforme parfois physiquement. Guidé par l'instinct animal , il ne fait alors plus la différence entre le bien et le mal.
Atsuko : concubine de Chiaki
bun : Le man bun vient de l'anglais et se traduit littéralement en « chignon homme ». Il est utilisé afin de décrire un homme aux cheveux longs avec un chignon sur l'arrière de la tête qui remonte vers le haut.
Chiaki : Daimyo de Tamura
Daimyo : Chef territorial, il a un pouvoir de justice, de politique et de représentation.
Haneki-dono : Grand Maître du Sanctuaire Nord d'Heikô
Hanko : (terme non inventé) ce sont des tampeau, des sceaux qui permettent d'identifier la personne qui a écrit un document. Cela remplace notre signature. Ils sont encore utilisés de façon courante aujourd'hui et nombreuses sont les familles qui en possèdent deux : un pour les documents très officiels (achats de maison, mariage) et un deuxième pour le quotidien ( signer un reçu pour le facteur...)
Hiragana : (terme non inventé) c'est un syllabaire japonais
Jubokko : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, arbre vampire, il a l'apparence végétale, mais se nourrit du sang de ses proies.
Kage : c'est le don que possède Eikichi et Tokias. Il leur permet d'insuffler un esprit yôkai dans leur ombre pour en faire usage comme d'une marionnette. Le terme est tiré du mot ombre en japonais.
Kageka : c'est un utilisateur du kage
Kasha : Yôkai qui a l'apparence d'un chat géant et dont plusieurs parties de son corps sont enflammées
kitsune : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, renard à la forme et la taille mouvante
kôjô : c'est le nom du ryû possédé par Yumi
Konazawa : ville où se trouve le Sanctuaire où ont été formé Eikichi et Tokias
Kotone : concubine de Chiaki
Nikô : ville portuaire à l'ouest de l'île où sont envoyés Riani et Ôdan
Ôdan : camarade de promotion de Tokias et Eikichi
Onibi : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai ressemblant à un feu follet géant et kage de Tokias
Onigiri : boule de riz fourrée !
ryû : dragon (asiatique bien sûr !). Les individus sont très différents les uns des autres et ils possèdent des capacités différentes. Ils sont considérés comme éteints en Saneyama
ryûka : individus capables d'insuffler l'essence d'un dragon dans son ombre. Ce sont des kageka très rares et ils appartiennent tous au Clan Ryûka dont ils sont les membres les plus puissants.
Saneyama : île sur laquelle se déroule l'histoire.
Sekka : petite soeur de Tokias
Tamura : ville où se déroule la mission d'Eikichi et Tokias
Tomoe : (prénom japonais) nouvel aspirant kageka
Yukata : (terme non inventé) kimono en coton très léger qui, à l'origine, ne se portait que dans les bains publiques
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