Lyloo détaillait la gigantesque lampe avec envie. Elle n’avait qu’à tendre le bras pour l’activer comme dans le conte de son enfance. Le seul obstacle entre l’objet qui brillait et son objectif, c’était Mme Claire, son institutrice, dont le rôle principal était notamment d’empêcher les vingt-cinq marmots qui l’accompagnait de toucher aux œuvres d’art pendant qu’un vieux guide aux allures de bouledogue expliquait d’une voix molle l’histoire des objets qui les entouraient. Sauf que Lyloo connaissait déjà tout ce qu’il racontait. Après tout, du haut de ses sept ans, elle avait été abreuvée très jeune de contes et d’histoires de divers pays. Ce qui l’intéressait, maintenant, c’était de s’assurer que ces histoires étaient vraies.
Malheureusement, le groupe avançait déjà vers l’autre salle, sans qu’elle n’ait seulement pu toucher le rêve de ses doigts. Elle poussa un soupir et traîna des pieds derrière ses camarades de classe, les yeux toujours rivés sur ce qu’elle convoitait. Elle devait trouver un moyen d’échapper à la vigilance des autres. Mais lequel ? Ils s’étaient déjà arrêtés aux toilettes en arrivant, et ils étaient à terre depuis trop longtemps pour que l’excuse du mal des transports fasse encore effet.
Elle opta alors pour la simplicité. Elle profita d’un coup de pied de Basile dans un vase de l’époque grecque et de l’air choqué du guide lorsqu’il s’écrasa au sol dans un bruit de vaisselle cassée pour s’éclipser. L’institutrice ne s’aperçut de rien, trop occupée à essayer de recoller les morceaux en bafouillant des excuses.
La petite fille s’approcha de l’énorme objet de bronze. Il ressemblait à la lampe d’Aladdin, en bien plus gros et bien plus brillant que dans ses souvenirs. La surface du métal était gravée de symboles et dessins étranges qui dataient d’un autre temps. Elle plissa les yeux pour essayer de les déchiffrer, mais sans dictionnaire adéquat, c’était peine perdue. Elle posa sa main sur l’œuvre d’art et frotta doucement sa surface. Il ne se produit absolument rien.
Déçue, Lyloo décida de faire marche arrière vers la salle où elle avait laissé son groupe… Sauf que le mur en face d’elle n’avait plus d’ouverture. Elle fronça les sourcils et regarda autour d’elle. Tous les objets de la pièce avaient disparu. Il ne restait plus que quatre murs blancs clos, la lampe, un vieux livre et la petite fille. Elle prit une grande inspiration avant de se jeter contre le mur et donner des coups de poing paniqués sur ce dernier, là où aurait dû se trouver l’autre salle.
« Madame Claire ! hurla-t-elle. Madame Claire, au secours ! »
Mais personne ne vint, et elle éclata en sanglots. Sa maman lui avait pourtant répété que la curiosité était un vilain défaut. Plusieurs fois ! Et voilà qu’elle était bloquée dans ce lieu à la fois familier et terriblement étranger, sans aucune chance d’en réchapper.
Non.
Elle ne devait pas céder à la panique. Il existait forcément un moyen de s’en sortir ! Peut-être que c’était une énigme ? Elle s’approcha avec prudence de la lampe et du livre. Le gros objet de bronze ne lui parut pas différent, mais le livre était nouveau. Elle l’ouvrit et parcourut les pages du regard. Elles étaient toutes recouvertes des mêmes symboles que la lampe. Que faire ? Elle ne pouvait pas les lire !
« J’aimerais tellement que tout soit écrit en français ! »
Sous ses yeux, les lettres se métamorphosèrent pour prendre une allure plus familière. Elle releva les yeux vers la lampe. Les lettres sur sa surface avaient également changé. Elles disaient désormais “Génie de la Lampe”. Au moins, si elle avait encore des doutes, ils venaient d’être effacés.
Elle reprit le livre et commença à lire les premières pages.
1. Faites trois tours sur vous-même.
2. Appuyez sur le bouton rouge sous vos pieds.
3. Frottez la lampe
4. Dansez la Macarena
5. Répétez le rituel à l’envers
Elle en resta dubitative. L’air incertain, elle fit trois tours sur elle-même. A sa grande surprise, un bouton rouge sortit du sol entre ses jambes. Elle appuya dessus, puis frotta la lampe. La musique de la Macarena s'enclencha et se répercuta bruyamment partout autour d’elle. Puis elle s’inversa. Alors elle refit la danse tant bien que mal à l’envers, frotta la lampe, appuya sur le bouton et fit trois tours dans le sens inverse de la première fois.
Immédiatement, une grande fumée bleue s’échappa de la lampe. Pendant quelques secondes, Lyloo ne vit rien, mais elle s’aperçut bientôt qu’une forme humanoïde gigantesque était en train de se former. La bouche grande ouverte, elle resta tétanisée lorsqu’une tête qui devait faire trois fois sa taille se pencha devant elle. Deux yeux grands comme les roues du carrosse de Cendrillon l’inspectèrent de haut en bas.
« Bonjour, maître de la lampe. Vous avez… rajeuni. Vous avez moins de barbe également. Êtes-vous seulement mon maître ? »
La fillette ne sut quoi répondre. Il la terrifiait. Le génie attendit sa réponse et, voyant qu’elle ne venait pas, balaya le vent de la main.
« En quelle année sommes-nous ?
— Deux… Deux mille vingt, répondit la fillette d’une petite voix.
— Quoi ? s’exclama le Génie. Mais cela signifie que… Si tu m’as activé, c’est que tu dois être l’arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière… »
Il reprit son souffle.
« Arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière petite-petite fille d’Aladdin ! s’exclama-t-il, surpris. Maîtresse, je suis le Génie de la Lampe, serviteur de votre famille depuis le VIe millénaire avant Jésus Christ. Laissez-moi vous baiser la main. »
Il s'aplatit devant elle et avala la moitié de son bras dans un bruit de succion inquiétant. La petite fille, loin d’être assurée, recula d’un pas et secoua sa main, couverte de bave d’un bleu foncé translucide.
« Enchantée, répondit-elle, gênée. Je… Je vous aime bien, mais j’aimerais rejoindre Madame Claire maintenant, dit-elle d’une petite voix.
— Bien sûr, petite maîtresse. Vos désirs sont des ordres. Lorsque vous claquerez des mains, vous serez de nouveau avec elle. Ne vous inquiétez pas, je vais… Rapetisser cette lampe, dit-il en se tournant vers l’œuvre d’art. »
Il s’exécuta. D’un coup de pied, l’objet devint une minuscule version de la lampe de bronze, auquel le Génie était rattaché. Il sautilla jusqu’à elle, puis Lyloo saisit la lampe.
« Lorsque vous aurez besoin de moi, répétez le rituel. Je retourne faire la sieste, sur ce. Bonne journée, chère maîtresse. »
En un éclair, il avait disparu. La petite fille resta un moment dubitative avant de claquer des mains. En un clignement de paupières, elle était de nouveau dans la salle du vase grec. Les enfants se tournèrent tous vers elle, surpris, mais ne posèrent pas plus de questions. Après un échange de billets verts, la visite reprenait.
Lyloo posa alors les yeux sur le petit objet qu’elle tenait entre ses mains. Un sourire timide étira son visage et elle rangea soigneusement la lampe dans la poche de son manteau, jusqu’à la prochaine fois.
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