Septembre. Il ne restait pas loin de 130 jours avant le grand réveillon et ce soir, rien ne semblait l’indiquer… Les regards et les mimiques de chacun ne se marquaient d’aucune anxiété, ni d’aucune hâte d’ailleurs ; Sûrement parce que l’occasion n’en était pas la conséquence. Et pourtant, moi, j’y songeais. Je ne fais toujours pas partie de leur monde. Une fierté qui s’évade, je pense, je ne juge toujours pas ; sinon moi, car la mort une fois de plus pris possession de mes inspirations nocturnes.
Le milieu de la nuit se fit savoir aux hurlements progressifs des automates qui occupaient la salle. Une drôle de salle d’ailleurs, grande mais sans âmes, volumineuses mais sans courbes. Elle était perdue un peu au milieu de nul part, entre rien et rien… et c’était le milieu de la nuit. Un centre. Je songe. Serait—ce, ce soir, une nuit à thème : « le centre, le juste milieu » ?
Je me pris soudain à pleurer en me sentant prisonnier de cette salle ; elle est perdue, c’est une cage ; et il me semblait y être présent depuis une demi-vie… une demi-mort… la moitié, le milieu… le centre.
Mais parlons plutôt de ses habitants ! ! ! Comment pourrais-je en parler par la plume sans oser les juger ? On peut critiquer sans juger à l’oral car le ton d’une voix permet d’exclure beaucoup de contres sens. Mais l’expression épistolaire à cette faiblesse de pouvoir toujours être relue mais pas indubitablement de la même manière. La force du poète est en ça qu’il sait écrire les mots de façon à diriger l’attention et l’interprétation du lecteur dans une direction voulue, qu’elle soit ou non en osmose avec celle de l’écrivain. « Je ne suis pas encor poète » et je m’y refuse… car… j’ai peur d’en devenir guerrier dont mon arme serait la force du verbe et de son utilisation… en un mot la manipulation cérébrale. Et puis je préfère être capable de maîtriser la lecture avant de maîtriser l’écriture.
« Car à tout état d’âme et toutes situations, le poète est habile à toute adaptation ».
Cependant, je peux l’écrire, cette analyse… Je peux critiquer par calligraphie sans juger ; mais pour cela, laissons un peu de place à la fiction pour installer un récit.
Il était donc minuit, mi-vie, mi-nul part ce samedi soir. Je dirigeais une ambiance à laquelle je n’adhérais pas, et dans ce silence chaotique, je regardais les silhouettes évoluer en déambulant. La lumière du stroboscope me passionne et m’intrigue toujours autant ; elle semble parfois ne laisser percevoir de ses victimes que la matérialisation de leur état psychologique. Ces flashs nous laissent voir des corps, des formes désarticulées qui semblent malgré leur mouvement être toujours fixées, immobiles, griffées.
Je n’entendais rien, plongeais dans ce sifflement reposant d’un silence presque parfait. Je regardais, abstraction faite de tous mes autres sens ; non, j’admirais sans comprendre et je laissais l’inspiration des vers m’envahir. C’est étrange, mais cette ambiance de discothèque qui me bloque, qui m’oppresse (sans savoir pourquoi) m’a toujours procuré l’envie d’écrire des poèmes et ce soir encore, je me laissais partir à la prose, sachant irrémédiablement qu’elle ne serait pas dactylographiée.
« Ô ! Étrange automate qui évolue sans loi
Ne vois-tu pas l’asphalte sur lequel tu t’abats
Il te donne une excuse pour oublier tes droits
Pour devenir muse à d’étranges combats »
Et je raturais, je recommençais, à vouloir placer un mot, un verbe fort, négatif ou positif, peu importe en réalité, je ne juge pas, mais je ne comprends pas.
Seul au milieu de cette masse, solitude contre foule, je me sentais l’esprit libre et les menottes aux poignets… Dure conflit personnel que le mien à cet instant… Ces foutues machines, créatrices de bruit et d’éblouissements… Merde, j’aurais mieux fait de fermer ma gueule. J’éclate de rire.
Tout le monde hurle, je n’entends pas qu’il n’y a plus rien à entendre ; le professionnalisme m’importe peu dans ce genre de population. J’aurais voulu qu’ils se taisent tous et qu’ils baissent les yeux sous le poids de mon regard, mais ça ne marchait pas. Déçu, j’envoyais alors un autre disque où les chansons enchaînées d’elles-mêmes me permettraient de me replonger pour un long moment dans mes rêves étranges.
Les automates, d’un dernier coup d’œil, semblaient s’être replongés sans âmes et sans cœur dans leur délire nocif, dans leur désir morbide… Bah ! Rien à foutre d’ailleurs ; ils ont gueulé et ils ne s’en souviendront jamais. Mais cela, cette pensée semble refléter un fait évident… Je me penche sur moi-même et je mets une fois de plus sur la table l’expression de mes névroses et mon impuissance face à la puissance de mes complexes… Je ne voulais pas cela, pas ici, pas maintenant, pas au milieu de tout ça.
En finissant sa ronde dans ce cube de particules en mouvement, mon regard se posa sur lui. Il était là, seul, assis sur un banc et il regardait ; Non, il analysait plutôt : cela se voyait dans le vide précis de son regard qui fixait chaque personne plus ou moins longtemps. C’était semble–t-il une appréciation noble par ça neutralité ; Aucun mouvement de cil, aucune grimace ni aucun sourire pour laisser croire que le regard de ce garçon pouvait être juge.
L’alcool que j’avais absorbé me fit croire d’abords à un miroir ; Était-il possible que ce soit mon image sur ce banc, Non, certes non, je n’étais pas sur un banc. L’hallucination fictive fit place à une réalité cruelle mais réjouissante ; Cruelle car la sérénité de cette personne ne cachait pas son malaise d’être au milieu lui aussi, et réjouissante car je n’étais plus seul dans et face à ce milieu. Un peu égoïste comme sentiment, me dis-je ! Je voulus aller lui parler, le motiver pour qu’il rentre dans cette danse infernale, mais je n’aurais pas apprécié que quelqu’un ait la même attention à mon égard…
Et pourtant, si j’avais su ! ! !
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