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Chère Louise,

Je ne peux arrêter de vous écrire. Adonc que je me sustentais de mon agréable petit-déjeuner ; tartinant mon pain d’une onctueuse confiture. Je me suis en proie à des souvenirs datant de notre adolescence.

Vous souvenez-vous lorsque nous allions cueillir des fraises dans le jardin de votre grand-mère ? De nous voir manger ce succulent fruit en cachette, par couardise.

Notre seau finement rempli, nous le déposions aux pieds de votre mère-grand. Je me souviendrais, jusqu’à ce que la mort s’empare de moi, de sa posture. Ses mains, abîmées par les dures années à labourer les champs, se voyaient admettre une place sur ses larges hanches.

Vous souvenez-vous de son regard ? Il était dur et sévère. Il fallait nous faire tout petit, sinon nous allions avoir droit à une bonne fessée…

Vous vous souvenez sûrement de votre grand-père, ce bon vieux Alfred, il étouffait une moquerie derrière son journal relatant les nouvelles de la semaine. Huguette le gratifiait d’une admonestation, tandis que nous nous gondolions. Nous écopions d’une simple tâche d’assistant, du moins, dans un premier temps.

Le soleil à son zénith, c’était l’heure pour nous de dépêcher les ingrédients sur la table en bois sculpté par votre grand-père et qui ornait le coin où nous soupions. L’eau coulait sur nos frêles mains d’adolescent, puis venait l’instant du levé de votre chère mère-grand.

Huguette se drapait d’un tissu qu’elle passait autour de sa large taille. Vous rappelez-vous de ces heures à confectionner la mixture qui allait devenir cette savoureuse confiture de fraise ? Je m’occupai d’ébouter le fruit, tandis que vous, ma délicate Louise, vous les écrasiez entre vos mains si menues. Elles finissaient cuites dans cette gigantesque marmite que possédaient vos grands-parents, acheté il y avait de ça fort longtemps dans un marché au gré de leurs voyages.

Il en aboutissait une marmelade que nous versions dans divers pots. Je nous revois, nous faire taper sur les mains pour avoir eu l’audace de plonger notre plus grand doigt dans un des pots. Notre sourire complice alors que nous récoltions de la garde des pots, que nous allions devoir vendre aux habitants du village.

Votre grand-père, revenant du jardin, nous disait alors que nous pourrions garder quelques pièces, cependant que trois.

Vous souvenez-vous ? Nous revenions de notre dispensation, Huguette, nous avait tendu un panier rempli de plusieurs pots ainsi que d’un morceau de pain frais. Nous tenant par la main, je serais vos doigts contre les miens, je sentais votre cœur battre, tandis que la rivière s’ouvrait à nous.

Nos amis s’y trouvaient, s’amusant dans l’eau, certains s’embrassaient à l’ombre d’un saule. Je vous avais alors admiré, mais vous étiez émerveillée dans la splendeur des lieux, adonc vous ne m’avez point regardé.

À la lisière de la rivière, votre dos s’était trouvé une place contre un tronc d’arbre et vous aviez sorti la collation. Vos yeux c’étaient finalement posés sur moi, mais jamais plu je n’oserais vous embrasser, pourtant Dieu m’en était témoin, j’aurais tant voulu vous voler ce baiser.

Un bien beau souvenir qui me renvoie néanmoins la lâcheté que j’ai fait preuve, voilà tous mes regrets, j’en ai nombreux d’autres. Je vous les retracerais dans des lettres prochaines.

Votre vieil ami

Philibert Lantelme