– Merci ! grommelle Akira, un œil sur son précieux appareil.
Le sachet à hauteur de son visage, il l’examine quelques instants avant de lui rendre.
– C’est tout ? interroge Otomo, comme il dissimule sa surprise derrière un masque impassible.
Pendant ce temps, Akira a enfilé son appareil autour de son cou.
– Oui. Il n’y a rien à dire, sinon que c’est un tirage photographique vierge ou surexposé. Papier de qualité supérieure et appareil argentique, non numérique.
Étonné, le commissaire se tourne vers son collègue.
– C’est mon job ! ajoute ce dernier. Avant d’exercer en tant que légiste, j’étais photographe professionnel, alors tu sais en la matière j’en connais un rayon. Tu vois, le support n’est pas du tout le même pour l’argentique et le numérique. C’est à cause de la pixellisation.
Mais Otomo ne l’écoute plus et le laisse se perdre dans les méandres de ses explications. Sa voix n’est plus qu’un vague bourdonnement. Il sait ce qu’il a vu, mais il n’ose reposer les yeux dessus.
– Merci pour ce cours magistral. Mais en as-tu encore besoin, au cas où il y aurait des empreintes.
– Ma foi, je parierai mon Canon qu’il n’y en aura pas. Tu peux la garder, ça ira. Tiens ! Voici un peu de poudre de graphite et de révélateur.
– Si tu le dis, marmonne Otomo, songeur.
Fixant l’arrière du papier glacé, il essaie de déchiffrer les caractères imprimés. À demi effacé, il forme une suite ininterrompue de chiffres et de lettres désordonnés. Déçu, il la glisse dans son portefeuille, puis range dans sa poche le petit coffret que lui a remis Akira. Il jette un regard circulaire à la scène, quand ses yeux croisent ceux de la victime dont la tête penche désormais sur le côté, simples ronds dessinés par une main d’artiste, un point noir aux reflets argentés marque l’iris et la pupille ; des yeux de poupée. Soudain, Otomo s’arrache à la contemplation de cette créature tout droit sortie du théâtre No. Détourné de la source de sa fascination, il reporte son attention sur son collègue qui multiplie les angles de prises de vue. Ses mouvements à la fois vif et précis ont quelque chose d’hypnotique, comme une chorégraphie qui ne dirait pas son nom. Happé par la gestuelle, il demeure immobile, les bras ballants. Dans son esprit, les images se succèdent : les pas dans la ruelle, la découverte du corps, de son visage et enfin cette photographie qui n’en est pas une. A-t-il halluciné ? A-t-il rêvé ? Ou est-ce seulement le manque de sommeil ? Comment aura-t-elle pu se retrouver dans la poche de cet individu ? Incapable d’y apporter le moindre début de réponse, il fait quelque pas en direction de sa voiture, garée sur l’avenue. Tout à coup, il se ravise, comme pris d’un doute.
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