La pièce était plongée dans l’obscurité et seuls quelques écrans de verre laissés allumés l’éclairaient par intermittences. Les cliquetis des touches d’un clavier rapidement parcourues retentissaient dans un quasi silence de mort.
Les traits fatigués, le regard éteint, l’homme aux yeux couleur olivine semblait à bout de force comme hanté par une évidence qu’il espérait encore pouvoir nier. Soudain tout autour de lui se figea, il se retourna dans une peur presque panique avant que la lumière ne s’éteigne …
Une fraction de seconde suffit à enclencher un générateur annexe et une faible lumière, forme allongée placée au-dessus de la partie supérieure de l’unique porte du local, s’alluma.
L’homme serra entre ses mains une étrange croix d’argent surmontée d’une série de runes indéchiffrables.
Il fit un pas, puis un autre, bousculant le mobilier de verre.
Tout d’abord ce furent les villes … Oui ce furent les premières à tomber.
Les campagnes ensuite.
Il n’y avait plus aucun refuge, jusqu’à ce sanctuaire resté sûr jusque-là.
Les cris de l’homme déchirèrent le silence pourtant bien posé, mais finirent par se dissiper, emportant avec eux ce qui restait des lumières de Juhne.
La sonde indiquait des relevés préoccupants. Tandis que les derniers tests effectués sur le module Ancien laissaient présager d’une forte probabilité de fiabilité, toutes les données tendaient à infirmer ses calculs pourtant d’ordinaire si pointus.
La jeune femme n’avait jamais pris de risques inconsidérés concernant ses découvertes. Il en était de même pour celle-ci qu’elle estimait avoir le pouvoir de changer les choses à nouveau. Une source d’énergie presque inépuisable censée pouvoir atteindre la moitié de la puissance d’un E2PZ …
Le réseau de portes des étoiles était malheureusement vaste, bien trop vaste pour que toutes les destinations soient un jour répertoriées et visitées. Des peuples entiers avaient été déportés de la Terre vers ces ailleurs où les Goa’ulds avaient, au cours des siècles de leur règne, pu asseoir un pouvoir désormais devenu légende.
La Terre avait su établir avec de nombreux peuples des liens amicaux cachant en réalité des relations diplomatiques plus profondes, cherchant à créer une nouvelle alliance sans laquelle cet univers perdrait pied.
Pour le bien de tous les habitants de la Terre, le projet resta secret, même après la chute de leurs ennemis …
Le colonel Carter n’avait que peu de temps pour terminer ses projets en cours, elle le savait. Bientôt elle serait appelée au commandement du nouveau vaisseau de la flotte terrienne et tout cela appartiendrait au passé.
— Et vous êtes certaine que nous sommes assez loin ? » l’interrogea Cameron Mitchell avec une lueur d’inquiétude dans le regard.
— Cameron, cet observatoire est enterré à plus de dix kilomètres sous la surface, c’est dix fois plus que la distance de sécurité établie par mes calculs. » répondit-elle avant de s’installer devant un écran de contrôle.
— Nous sommes prêts à lancer la première séquence Colonel. » lui annonça un officier.
Les tests sur l’artefact ancien allaient pouvoir débuter …
— Phase initiale achevée Colonel Carter … Aucune anomalie détectée, début de la phase deux dans trois, deux, … Maintenant. »
Les alarmes retentirent, prévenant de la surchauffe du petit module. Les ondes électromagnétiques entraient en résonance, arrivant même jusqu’à faire trembler les murs de leur observatoire souterrain …
— Stabilisez les commandes énergétiques caporal … » ordonna-t-elle.
Elle quitta une seconde l’ordinateur qui lui relayait les données relevées dans les environs du module pour tester les fluctuations énergétiques qui entraient dans la porte des étoiles située en surface.
— A quel résultat doit-on s’attendre Sam ? » interrogea le docteur Daniel Jackson.
— Je ne sais pas encore, il est trop tôt pour le dire. »
Les données collectées étaient trop denses pour pouvoir être analysées en direct, il faudrait quelques minutes pour que chacune d’entre elles soit assimilée et que les premières conclusions puissent être établies dans une marge d’erreur acceptable. Le regard de la jeune femme changea subitement quand celles-ci furent rapportées par l’ordinateur.
— Ce n’est pas normal … » ajouta la scientifique l’esprit encore embrumé.
— Qu’est-ce qui se passe maintenant ? »
— Le convecteur emmagasine trop d’énergie comme sur la simulation, mais au lieu de créer une surcharge dans le condensateur, on dirait que l’énergie se dissipe. »
— Bien, alors ça marche au lieu d’exploser … Vous pouvez me dire où est le problème ? » interrogea Cameron un peu sceptique …
— Et bien théoriquement l’énergie ne peut pas se dissiper comme ça. Elle peut décroître jusqu’à un certain seuil mais il y a de fortes chances qu’elle ait été transformée en rayonnement électromagnétique- »
— Ce qui veut dire ? » Continua Mitchell.
— Que nous sommes coincés ici jusqu’à ce que nous ayons un moyen de dissiper cette énergie. »
— L’énergie bloquerait l’ouverture du passage de la porte n’est-ce pas ? » intervint Jackson un peu en retrait depuis leur arrivée.
— Certainement … »
— Génial … » conclut finalement Cameron.
La perspective de rester sur ce caillou désert n’enchantait personne. D’après Samantha Carter, la porte ne pouvait être utilisée sans qu’une grande partie de l’énergie émanant du module ne se focalise dans le naquadah qui la composait. Les voyageurs qui s’y risqueraient seraient alors immédiatement désintégrés, et condamnés à rester pour toujours dans un trou de ver qui ne mènerait nulle part.
— Je crois qu’on peut tirer profit de la perte d’énergie. » intervint un homme brun qui les observait depuis quelques minutes déjà.
— Et, vous êtes ? » lança Mitchell sur un ton sarcastique …
— Oh désolé, » s’excusa-t-il en lui serrant la main « Je m’appelle Kaidan Alenko, mais je crois connaître certains d’entre vous … » fit-il en souriant à Carter.
La jeune femme l’avait rencontré lors d’un voyage sur une planète isolée où elle avait dû s’associer avec lui pour libérer Jack, Daniel et Teal’c d’un groupe de jaffas fidèles à Anubis. Il s’était envolé à bord d’un Alk’ech abandonné non loin du champ de bataille où il avait aidé à neutraliser des supers soldats.
Sa présence sur la base n’était cependant pas le fruit du hasard. Il était arrivé quelques minutes avant le début de l’expérience accompagné de soldats venus renforcer la sécurité de la base.
— Qu’est-ce que vous faites ici ? » fit-elle en souriant, surprise par son arrivée.
— Nous sommes entrés en négociation avec votre gouvernement pour ratifier un amendement sur nos futures routes commerciales. Le général Landry m’a autorisé à assister à votre expérience. » affirma-t-il sous l’œil méfiant de Daniel et Cameron. « Je peux ? » continua-t-il en indiquant la console qui dirigeait la machine.
Samantha lui laissa la place bien volontiers, s’étant souvenue que ses connaissances en technologies extra-humaines étaient sans doute plus poussées que les siennes et à l’heure actuelle, elle n’avait aucune solution à apporter à leur problème.
— Z’êtes sûre que c’est une bonne idée Sam ? » chuchota doucement Mitchell à l’oreille de son équipière.
— Je n’en ai pour l’instant aucune autre et si mes souvenirs sont bons, il a réussi à faire décoller un transporteur Goa’uld vieux de centaines d’années en quelques minutes. » répondit-elle de la même façon …
Dans la salle des commandes, assez restreinte, seule une petite vingtaine de personnes assistait aux essais, l’équipe SG comprise.
Les courbes qui jusque là s’affolaient sur le moniteur, devinrent plus simples. Les pulsions s’arrondirent et le nombre des rapports de danger baissèrent continuellement jusqu’à leur disparition pure et simple.
— Comment avez-vous fait ? » fit-elle sous l’œil soulagé de Jackson et Mitchell.
— Le système de dérivation d’une telle unité est très variable et nécessite une stabilisation, peu importe sa puissance. C’est l’une des lois qu’utilisaient les Anciens dans le développement de leur technologie, Colonel Carter … »
— Je trouve qu’il se la pète beaucoup. » laissa échapper Vala à Daniel.
— Peut-être mais jusque là c’est lui qui nous a tirés d’affaire. » répliqua Cameron sur un ton pour le moins désabusé.
La jeune femme croyait avec assurance que personne ne l’avait entendue ; elle roula des yeux et soupira.
— Quoi qu’il en soit, rien ne vaut une bonne chasse aux trésors anciens pour nous remettre de nos émotions ! » continua-t-elle avec insolence et bonne humeur.
— On n’est pas là pour ça aujourd’hui Vala, il faudra vous y faire ! » rétorqua Cameron.
— Comment ça ? Daniel, qu’est-ce qu’il veut dire ? Je comprends pas … »
— Bien maintenant que votre ami a réglé ce petit problème je pense qu’on pourrait retourner au SGC ? »
Jackson n’avait vraisemblablement pas envie de se lancer dans une explication quelconque avec Vala Mal Doran. Bavarde et maladroite elle avait su se montrer utile à bien des égards et son passé comme hôte de Ketesh, grand maître Goa’uld aujourd’hui disparu, l’avait rendue sensible à la cause humaine. Probablement aussi par le fait qu’elle fut à l’origine de l’une des plus grandes puissances que le monde ait connu, mais il s’agissait là d’une toute autre histoire.
Sam laissa aux personnes présentes le soin de récupérer l’objet Ancien selon le protocole bien spécifique qu’elle avait établi et qui permettait d’écarter tout danger lors de la manipulation.
Daniel composa une nouvelle fois les codes que tous connaissaient par cœur. La mécanique se mit en route, les chevrons s’enclenchèrent les uns après les autres, tournoyant dans un balai de lumières rougeoyantes …
Un puis deux … Trois jusqu’au septième et dernier d’entre eux.
Le vortex se forma dans un arc lumineux et une écume aveuglante ; de l’autre côté les attendaient le général Landry et plusieurs diplomates venus spécialement de Washington pour rencontrer leur invité.
Le vortex se disloqua derrière eux et Landry accueillit l’émissaire Kaidan Alenko comme les usages l’exigeaient. Les poignées de mains et les saluts courtois furent nombreux avant que tous ne puissent enfin prendre place à la table des négociations.
L’équipe SG-1 était restée en arrière et, malgré l’invitation de son ancien compagnon d’infortune, le colonel Carter imita ses camarades.
— C’est moi ou, il vous fait du gringue Carter ? » lança Cameron.
— … » elle hésita l’espace d’un instant « Vous plaisantez ? » répondit-elle à la fois amusée et gênée.
Vala réprima une remarque qui pourtant ne demandait qu’à être dite et préféra prendre le bras de Samantha avant de l’entraîner dans les coursives. Elle espérait sans doute pouvoir en apprendre davantage sur ce mystérieux inconnu à qui elle donnait sans doute déjà le rang de nouveau prétendant …
— Les femmes … » soupira Cameron Mitchell.
— Moi non plus je les comprends pas. » continua Jackson.
Ils quittèrent eux aussi la salle d’embarquement pour se rendre au débriefing, bien que cette mission n’en eût pas nécessairement besoin. Teal’c était allé rendre à la nation Jaffa des comptes sur l’exécution de Bââl, derniers des faux dieux Goa’uld exécuté récemment par les Tok’ra.
Quelques jours plus tard le traité allait être adopté selon des mesures profitables aux deux parties, mais pour cela Kaidan devait encore demander l’approbation du Grand Conseil de la planète dont il venait : Juhne. Trois fois plus grosse que la planète Terre, elle abritait deux milliards d’êtres humains et de grandes ressources naturelles préservées par une conception quasi idéalisée de la vie. L’heure fatidique arriva et tous les négociateurs envoyés par la Maison Blanche étaient présents lorsque le vortex permettant la communication entre les deux mondes s’ouvrit enfin.
— Ambassadeur Orine … » salua-t-il respectueusement.
— Kaidan Alenko, notre conseil a délibéré ce matin même. » lança une voix rauque sans visage « Le traité a été accepté à l’unanimité, nous souhaitons que ce partenariat avec nos nouveaux frères terriens soit des plus profitables à nos deux peuples. »
Ces paroles dessinèrent sur les visages des sourires de satisfaction.
— Je crois que nous saurons nous montrer dignes de votre confiance. » intervint le général Landry.
— Nous n’en doutons pas. A bientôt mes amis. » résonna enfin la voix avant que le vortex ne se disloque.
— Toutes mes félicitations … » le félicita Samantha.
— Négocier avec les terriens est très agréable. » se confia-t-il « Voulez-vous que nous marchions un peu ? » continua-t-il poliment.
— Avec joie. »
Les couloirs du Stargate Command n’étaient pas des plus enchanteurs, réduits au seul béton parcouru par d’interminables lignes électriques et autres canalisations. Cependant Kaidan y avait rapidement pris ses marques, sachant rester discret au milieu de l’agitation quotidienne de la base.
Malgré tout, les missions sur le terrain restaient, en cette période assez étrange, peu nombreuses et cantonnées à l’essentiel … Atlantis était malheureusement restée silencieuse depuis quelques jours et l’inquiétude de voir débarquer de nouveaux problèmes restait permanente.
Lorsque le temps fut venu pour lui de retourner sur Juhne, Kaidan prépara ses affaires en prévision de son retour ; n’ayant pas pu saluer le départ du Colonel Carter, appelée à des affaires de la plus haute importance loin de la base.
Le reste de l'équipe SG1 accompagna l'émissaire juhnéen dans la salle d'embarquement ; les coordonnées de son retour s'initialisaient dans un bruit métallique sur la porte actionnée.
— Je crois nous nous reverrons bientôt. » fit Vala en mimant une accolade.
L’humour de leur hôte bel et bien présent malgré sa stature et son langage soutenu, il prit la jeune femme à son propre jeu et la serra contre lui. Surprise, alors qu’il saluait les autres personnes présentes, elle eut un petit couinement ridicule illuminé par un sourire de satisfaction.
— Ca c’est un gentleman ! » lâcha-t-elle au nez et à la barbe de Jackson qui préféra ne rien ajouter.
Il finit par gravir lentement la rampe d’accès mais avant même qu’il n’atteigne l’horizon, un dysfonctionnement fit se refermer le vortex. Il se tourna immédiatement vers l’assistance qui n’avait pour seule réaction qu’un brouhaha indistinct …
— Qu’est-ce qu’il se passe ? » chuchota Vala à Daniel.
Dans la salle de commande, le général Landry regardait pensif les moniteurs tandis que l’on composait une nouvelle fois l’adresse … Cameron se précipita dans les escaliers pour atteindre la salle en question et fut suivi de Vala et Daniel …
— Que se passe-t-il général ? » laissa échapper le colonel en uniforme.
— Walter ? » interrogea-t-il à son tour, ne sachant quoi répondre.
— Le contact avec la planète Juhne est rompu mon général. »
— Alors réessayez … » ordonna-t-il avec sang froid.
— Impossible mon général, trois tentatives d’activation et aucune réponse de l’autre côté »
— Alors quelles sont les possibilités ? »
— Il n’y en a qu’une … » continua Vala alors que Walter se tournait vers eux. « Il est arrivé quelque chose de grave de l’autre côté. »
Kaidan les avait rejoints en silence.
Bien que son peuple n’ait commencé à utiliser l’engin que quelques années plus tôt, il en connaissait le fonctionnement par cœur. Le diagnostic de Vala ne pouvait qu’être exact.
Les jours qui suivirent furent probablement les plus durs et bien qu’il fut soutenu par les autres membres de la base où il devait demeurer le temps qu’une expédition puisse être organisée, le choc risquait d’entraîner de graves conséquences sur sa santé. Malheureusement la récente prise de contact avec le personnel de la cité d’Atlantis n’arrangeait rien. Réquisitionnés pour défendre la planète, aucun vaisseau capable de voyager en hyperespace n’avait pu être disponible pour effectuer le voyage jusqu’à Juhne.
Les jours défilèrent et les tensions se dissipèrent enfin à l’arrivée d’Atlantis sur Terre. Sortie de la galaxie de Pégase pour protéger la terre, la cité atlante n’avait pas pu retourner en arrière et resta occultée dans la baie de San Francisco, en Californie.
Kaidan ne dormait plus, rongé par les questions qui ne pouvaient trouver de réponse. Chacune de ses nuits était le théâtre des pires scénarios que son imagination et son esprit scientifique pouvaient concevoir.
Deux mois s’écoulèrent avant qu’un soldat en treillis ne vienne frapper à la porte de la chambre pour lui demander de le suivre. Il le mena jusqu’à la salle de briefing où l’attendait le général Landry, fièrement posté face à la baie vitrée donnant sur la salle d’embarquement.
— Général, vous avez demandé à me voir ? » fit respectueusement Kaidan.
— Oui … Prenez un siège » ajouta-t-il en faisant demi-tour.
Le général américain se cachait bien souvent derrière ses sarcasmes pour se tenir à distance des autres, mais savait tout autant quand changer de ton et se révéler bien plus humain.
— Vous n’êtes pas sans savoir que nous avons essuyé les attaques d’un ennemi qui venait de loin et que la cité des anciens est revenue sur terre. »
— J’en ai entendu parler. »
— Et bien le Pentagone et le CIS nous ont autorisé à utiliser deux de leurs Jumpers afin d’envoyer une équipe sur Alen IV. A partir de cette planète… »
— Il nous serait possible d’atteindre Juhne en deux heures … » fit-il soudainement réveillé par cette révélation.
— Les deux Jumpers sont déjà en route et devraient arriver dans quelques heures. »
— Merci, Général. » fit-il, enthousiaste.
— Remerciez le Colonel Carter, c’est à elle que vous devez tout ça. » conclut finalement l’homme à l’éternelle veste de cuir.
Les heures qui suivirent passèrent lentement mais après l’attente de ces dernières semaines, les Jumpers lui donnèrent l’impression d’apparaître presque instantanément. Les vaisseaux avaient dû se poser sur le sommet de Cheyenne Mountain à l’endroit même où le sas de l’ancien silo à missile pourrait leur ouvrir la voie vers l’horizon de la porte.
Deux équipes d’une vingtaine de personnes chacune avaient été préparées et briefées pour l’occasion. Deux pilotes, du personnel médical ainsi qu’un membre en devenir du CIS chargé de superviser l’utilisation des deux navettes atlantes, mais surtout de mener un rapport à sa hiérarchie sur la situation de peuple Juhnéen, offrant le cas échéant aux survivants, l’hospitalité. Installée juste à côté de Kaidan qu’elle n’avait jamais rencontré, la jeune femme noua ses longs cheveux blonds et se présenta à lui.
— Monsieur Alenko n’est-ce pas ? »
— Oui. » fit-il imperturbable « A qui ai-je l’honneur ? »
— Jenifer Montini, je suis chargée de … »
Comprenant qu’il s’agissait davantage d’une marque de politesse qu’un réel intérêt pour ce qu’elle faisait à bord du vaisseau, elle se ravisa et laissa tomber les bonnes formules d’usage.
— Je suis désolée par ce que vous arrive. Gardez espoir. » fit-elle en posant une main attentionnée sur la sienne.
Il eut une réaction pour la première fois depuis qu’elle l’avait aperçu arrivant dans l’encadrement de la porte de la soute de l’engin. Il releva la tête et plongea son regard dans le sien comme simple signe de remerciement.
Le contact physique, il l’avait presque oublié.
La présence réconfortante de cette paume sur le dos de sa main, lui semblait être pour la première fois depuis longtemps sincère et dénuée de toute tristesse. La compassion de la jeune femme anima son visage d’un léger sourire avant que le pilote de l’autre vaisseau n’annonce leur décollage imminent.
— Jumper I à SGC, nous décollons … »
— Bien reçu Jumper I, nous lançons l’initialisation de l’ouverture vers la planète de destination. Attendez instructions. »
— Bien reçu SGC, Sheppard, terminé. »
Le colonel Sheppard faisait partie de la première expédition vers la cité perdue des Anciens en 2003 et avait succédé au colonel Sumner décédé cette même année, à la direction des équipes militaires. Possédant le gène Ancien il avait eu tout le loisir de pouvoir accéder aux technologies laissées après leur disparition. Il avait entre autres choses acquis la faculté de pouvoir piloter les Jumpers de la cité d’Atlantis.
Un léger sifflement retentit alors, soulevant la masse de métal à quelques mètres au dessus du sol. La descente serait sans doute rapide et sans problème jusqu’à atteindre l’horizon des évènements.
Lorsqu’ils arrivèrent face à la baie vitrée de la salle des commandes, Kaidan aperçut sans nul doute possible la silhouette connue d’une jeune femme en uniforme dont les cheveux blonds semblaient avoir le pouvoir d’éclairer son visage. Elle lui fit un sourire timide …
— Kaidan, ici Samantha Carter … Je tenais à vous souhaiter bonne chance. Je suis de tout cœur avec vous. »
— Merci Sam. » répondit Kaidan, ravi par les quelques mots de son amie.
Leur conversation était restée privée, néanmoins ça n’est qu’une fois leur communication terminée que le second Jumper s’élança au travers du vortex.
Pour la plupart des passagers il s’agissait là de leur première traversée. Pour certains le voyage fut une expérience forte tandis que pour d’autres, elle fut des plus déplaisantes. De l’autre côté ils découvrirent que la planète sur laquelle ils venaient de débarquer était semblable à un immense désert dépourvu de toute atmosphère.
— Command, nous sommes arrivés de l’autre côté. » lança le pilote atlante.
— Reçu, Bonne chance Colonel, Command terminé ! » répliqua l’opérateur avant de déconnecter la liaison entre les deux portes.
John Sheppard menait la mission comme à son habitude depuis des années, c’est d’ailleurs pour son expérience que le CIS avait porté son choix sur cet homme au courage exemplaire.
— Jumper II, ici Jumper I, on vous envoie les coordonnées de notre destination … »
— Bien reçu Jumper I. » répondit le militaire aux commandes.
Kaidan avait rejoint le jeune pilote du vaisseau et prit place dans le second fauteuil du cockpit. S’il avait été terrorisé à l’idée de découvrir le fin mot de l’histoire, il n’en paraissait rien. Le visage blême, le regard éteint n’étaient que d’infimes détails aux yeux des autres et les semaines passées avaient plus ou moins été épuisantes pour nombre d’entre eux. Le voyage allait probablement durer et s’occuper à étudier les technologies présentes dans le vaisseau serait sûrement l’activité qui retiendrait le plus son attention.
Les heures passèrent sans qu’il ne s’en rende vraiment compte. Mais quand Kaidan releva la tête vers la vitre qui les séparait du vide de l’espace, il ne vit que ce disque noir majestueux surmonté des flammes bleues et blanches. La lumière était diffuse et faible en comparaison de celle du soleil qui réchauffait la Terre et à laquelle tous étaient plus ou moins habitués.
Rapidement le lieutenant qui pilotait le Jumper enclencha une série d’analyses qui pouvaient déterminer si leur approche de la planète représentait un danger quelconque pour les occupants de la navette.
— Colonel Sheppard ? »
— Je vous écoute lieutenant. » fit-il depuis l’autre vaisseau.
— Les moniteurs font état d’une faible activité à la surface, aucune onde radio et une très faible radioactivité. » commenta le jeune officier.
— Feu vert pour l’atterrissage Madden, nous allons tenter de contacter les gouvernements par radio depuis la haute orbite. »
— Bien mon colonel. » répondit le jeune gradé.
Le vaisseau prit la trajectoire prévue par les informations qu’avait données Kaidan et descendit en direction de la capitale planétaire juhnéenne. Le pilote convia les passagers serrés à l’arrière à attacher de nouveau les ceintures de sécurité installées sur les sièges, en prévision des perturbations liées à leur entrée dans l’atmosphère de la planète.
La capitale était censée se trouver dans la face non exposée au rayonnement de l’étoile mais l’absence des lumières de la cité ne laissait rien présager de bon.
L’entrée dans l’atmosphère se fit douloureusement, les secousses et la pression faisaient chanter le métal et paraissaient pouvoir compromettre toute la structure du vaisseau. Les éclairs illuminaient les masses nuageuses plus épaisses à chaque nouveau mètre parcouru vers la surface, et, quand enfin le paysage se dégagea, les pires visions d’horreur rêvées par le juhnéen les semaines passées disparurent, remplacées par une réalité bien plus sombre. Le Jumper décéléra lentement en s’approchant des ruines qu’il surplombait.
Les projecteurs du module éclairaient un sol poussiéreux, une nuée épaisse et sèche …
— Des cendres … » laissa échapper Kaidan, resté muet jusque-là.
Elles virevoltaient tout autour d’eux, couvrant les derniers vestiges des hautes tours qui s’élevaient autrefois dans la capitale. Le sol semblait formé de masses indistinctes et irrégulières probablement couvertes sur plusieurs mètres par la poussière grise …
— M’autorisez-vous à prendre les commandes lieutenant ? » fit Kaidan en observant un plan qui se dessinait sur le verre devant lui.
— Je ne crois pas que- »
Jason Madden n’eut pas le temps de terminer sa phrase que déjà l’appareil ancien obéissait au juhnéen. Il avait compris que si cet homme pouvait prétendre piloter le vaisseau, il était sans doute détenteur du gène ancien.
— Nous devons trouver le Sanctuaire des Dieux, c’est là que se trouvait notre porte. » expliqua-t-il calmement au pilote décontenancé.
Il restait sans voix devant la maîtrise dont faisait preuve Kaidan alors que lui-même avait dû recevoir un entraînement de plusieurs semaines avant de réussir à le faire ne serait-ce que décoller.
Ils parcoururent plusieurs kilomètres avant d’atteindre ce que Kaidan désignait comme le Sanctuaire, légèrement surélevé et dominant le reste de la ville ; un bâtiment aux colonnes impressionnantes s’élevait devant eux sans toutefois avoir subi autant de dégâts que les autres.
— Préparez-vous. » fit Kaidan en débouclant sa ceinture de sécurité.
L’engin se posa et il quitta son siège. Le lieutenant savait très bien que la prochaine intention de son passager était de sortir et de rejoindre l’intérieur du Sanctuaire … Jason se doutait qu’il n’y trouverait rien d’autre que des ruines mais l’espoir l’animait et il n’avait probablement pas le droit de le lui retirer.
— Colonel ici Mad, la surface de la planète semble complètement dévastée, on vient de se poser vers ce que l’émissaire juhnéen appelle le Sanctuaire. Nous allons tenter une sortie et voir s’il reste du monde là-dedans. Terminé. »
— Bien reçu lieutenant. Ramenez-moi tout le monde en un seul morceau compris ? »
— Compris monsieur. »
L’équipage enfilait déjà les manteaux et chacun se couvrait la bouche et le nez à l’aide de l’écharpe qui l’accompagnait selon les instructions du militaire.
Dehors de violentes bourrasques peinaient à soulever la masse dense des cendres agglomérées sur le sol. Alenko fut le premier à quitter l’habitacle, rabattant la capuche sur sa tête.
Kaidan avançait avec peine mais de façon déterminée, écrasant la poussière grise sans jamais devoir ralentir … En face de lui se tenait cet étrange édifice, surplombant un large escalier détruit en plusieurs endroits par la chute de lourdes pierres de taille.
Une à une, il dévora les marches jusqu’à atteindre l’embrasure d’une porte brisée par les vents. A l’intérieur le carnage était tel que l’endroit aurait pu paraître méconnaissable à n’importe quel autre Juhnéen … Mais il connaissait ces lieux comme sa poche …
L’immense salle était construite de larges plaques de marbre mais les colonnes brisées et le toit arraché n’avait sans doute pas pu résister aux forces qui s’étaient déchaînées en ces lieux. La grandeur de Juhne avait disparu, s’était envolée avec ce qui avait ravagé cette planète pourtant gouvernée par une race pacifique.
A terre se trouvait à demi recouverte par la poussière la porte des étoiles, déconnectée du contrôleur qui se trouvait à l’origine à quelque pas de son socle. Il ne put s’empêcher de se remémorer la beauté d’autrefois du sanctuaire qu’il avait quitté, rayonnant et paisible, animé par les débats publics et les concertations privées de la chambre d’Antari.
Il revoyait l’ambassadeur Orine venu le saluer le jour de son départ, sa mère non loin de là en robe de souveraine ambassadrice qui lui souriait.
Il se dirigea vers le fond de la salle suivi par Jenifer, tandis que les quelques scientifiques présents installaient leurs instruments autour de la porte des étoiles. Il poursuivit là où les cendres n’avaient fait qu’effleurer le sol, là où tout semblait être resté comme avant. Il poussa une porte et manqua de tomber dans le vide qui s’étendait de l’autre côté. Le ciel noir et le manteau de cendres se confondaient, faisant disparaître la ligne d’horizon.
La tour sur laquelle ils s’étaient posés était la plus ancienne de la capitale, celle qui fut construite par leurs ancêtres alors même qu’ils s’installaient sur la planète.
Elle avait résisté au choc et sauvegarder un monument de leur histoire. Mais comment son histoire pouvait-elle encore avoir le moindre sens … Les vestiges des valeurs qui avaient régi son enfance s’étaient envolées avec le dernier souffle de son peuple. La pluie sèche qui déferlait sur les terres mortes de Juhne était autant de corps dispersés, de vies envolées.
Rejoint par Jenifer, il referma la lourde porte de bois …
— Les miens … ils sont tous … »
Le mot était sans doute trop fort pour être prononcé, alors elle fit ce à quoi il ne s’attendait pas et lui prit la main gantée.
— Je peux vous promettre que le CIS mettra tout en œuvre pour rechercher les survivants de votre peuple. Nous n’abandonnerons pas. »
— Il serait sans doute fou de penser qu’un seul ait pu survivre. » conclut-il les yeux tournés vers elle. « Il fera jour dans quelques heures, je doute que ces nuages ne puissent laisser passer la lumière, mais je voudrais pouvoir voir notre soleil, une dernière fois si vous me le permettez. »
— Je vais en parler au lieutenant Madden et au major Grogan … »
Elle relâcha sa main, prit le chemin inverse puis se tourna vers lui un instant.
— J’aimerais rester seul, quelques minutes. S’il vous plaît. »
Elle se contenta d’un hochement de la tête et reprit sa route. Kaidan resta un long moment à observer la statue brisée qui s’élevait autrefois dans le hall. Il rabaissa sa capuche, enleva l’écharpe et déboutonna sa veste …
Les ingénieurs et quelques autres se concentraient sur les mesures qu’ils effectuaient sur la porte, cherchant à déterminer ce qui pouvait avoir provoqué le dysfonctionnement quand ils avaient tenté de contacter la planète.
Une jeune femme semblait se débattre avec les câbles reliant ce qui restait du DHD de la porte à son ordinateur portable, un homme au regard sombre avait essayé de l’aider mais elle avait vivement protesté. Maëlle était une jeune femme douée mais introvertie qui pouvait vite se montrer agressive devant l’insistance de ses congénères. Travailler seule était dans ses habitudes ; elle n’avait pas manqué de montrer d’une très grande utilité lors du lancement du projet Icarus.
Malgré son jeune âge, les moindres rouages du fonctionnement de la porte des étoiles et les technologies Anciennes n’avaient aucun secret pour elle.
Une fois les branchements réussis, elle ouvrit son ordinateur et afficha toutes les données que les cristaux non-endommagés du DHD avaient pu stocker avant que la porte ne soit déconnectée du réseau.
— Sheppard à Madden » résonna la radio du lieutenant.
— Je vous écoute Colonel. »
— Où vous en êtes ? »
— Nous avons retrouvé la porte mon colonel, mais elle est en piteux état et apparemment déconnectée du DHD. Le docteur Dehran travaille dessus. »
— Bien, de notre côté nous sommes passés sur la face éclairée de la planète et … semble que … -reil … »
— Colonel Sheppard ? Je ne vous reçois plus. »
— Les transmissions radios ne doivent pas passer au travers des nuées de cendres qui parcourent le ciel. » lança timidement la scientifique toujours affairée sur son ordinateur.
— Oh … merci. » répondit-il étonné qu’elle soit aussi attentive à ce qui l’entoure.
Elle mima quelques paroles inaudibles en guise de réponse sans ôter son regard de l’écran qui affichaient des dizaines de données différentes. L’agent du CIS détachée à la mission rattrapa Mad qui faisait le chemin inverse pour retourner vers le vaisseau.
— Attendez, lieutenant ! » lança-t-elle presque essoufflée. « Combien de temps devons-nous rester ici ? »
— Le temps qu’il faudra, nous avons des vivres pour trois jours. » répondit-il sans ralentir. « Le plus important pour l’instant est que l’on puisse rétablir un contact avec le SGC. »
Il avait raison, la scientifique lui avait confirmé qu’avec quelques heures de travail elle serait en mesure de remettre la porte en état de marche. Il leur suffirait alors d’obtenir par la porte les ressources nécessaires pour se lancer à la recherche des survivants et trouver l’origine du problème.
* * *
Kaidan balayait la petite salle éventrée du regard. La longue table ovale ou siégeait le conseil était stable et intacte … Délicatement il en effleura la surface et toute la mécanique se mit en marche. L’énergie était fluctuante et l’intensité lumineuse vacillait. Mais il savait que si ces fonctions étaient encore actives il lui serait sans doute possible d’accéder à la mémoire centrale contenue dans ses cristaux …
Rapidement il retrouva le chemin de l’escalier qui menait au niveau inférieur abritant tous les systèmes artificiels ainsi que les cristaux de mémoire du Sanctuaire. Il dévala les quelques marches qui le séparaient des bureaux et se retrouva face à un immense vide noir. Le bâtiment avait en effet pu résister dans sa grande globalité, néanmoins le sol restait instable et pouvait sans nul doute s’effondrer à la moindre masse supplémentaire. C’est probablement ce qui avait dû emporter les tribunes d’Antari qui se trouvaient juste derrière la salle de la porte. Il posa un pied prudent sur le sol craquelé du niveau et s’assura qu’il ne bougerait pas avant d’avancer plus rapidement. Il poussa légèrement la porte de verre qui séparait l’espace des escaliers de la grande salle de stockage des données. Elle ne lui opposa aucune résistance, sans doute le système mécanique avait-il lui aussi souffert de la catastrophe.
La salle s’illumina en plusieurs endroits, le système de détection fonctionnait toujours, il suffirait alors de remettre en marche le générateur et l’accès aux données ainsi que l’alimentation en énergie de tout le bâtiment seraient rétablis. Pas à pas, il s’approchait de la salle de commandes se trouvant tout au fond séparée du reste par une simple paroi de verre. C’est là que, jour et nuit, deux techniciens mandatés et accrédités par le conseil se relayaient pour maintenir une veille permanente au bon fonctionnement des systèmes dans l’enceinte du gouvernement de Juhne.
Il parcourut une bonne dizaine de mètres avant d’atteindre la petite cage de verre au dessus de laquelle scintillait une lumière faiblarde. La porte avait été endommagée et il y régnait une atmosphère étrange, presque suffocante. Le mobilier avait été renversé et les murs défoncés en plusieurs endroits, comme frappés par une force incommensurable.
Les écrans de verre n’avaient eux pas bougé mais affichaient des alertes à répétitions. Kaidan essaya de nombreuses commandes mais sans aucun résultat.
Il se résigna à connecter le module portable qu’il possédait depuis des années en le posant simplement sur une petite plateforme transparente qui s’alluma à son contact. Après une habile manipulation il fit s’afficher divers menus à l’écran et s’attarda plus particulièrement sur l’un d’eux. Quelques secondes seulement lui suffirent pour rétablir les niveaux d’énergie, et, lentement les unités de cristaux résonnèrent tandis que les lumières firent du Sanctuaire le dernier phare de la planète morte.
* * *
En surface Jenifer assistait au rétablissement de la majestueuse porte juhnéenne. Tous les hommes de la mission s’acharnaient en chœur à tirer les cordes mises en place par les militaires et qui, reliées au treuil, allaient leur permettre d’atteindre leur but. A peine la porte avait elle été redressée que le sol se mit à briller au travers de la cendre. Le jeune employée du CIS balaya la pierre de ses mains et découvrit un rayon de lumière qui traversait le marbre dans un son presque cristallin. La salle toute entière en était parcourue et illuminée. Ce changement soudain provoqua la méfiance de toute l’équipe.
— Lieutenant Madden, ici Kaidan Alenko, j’ai pu rétablir l’énergie dans le Sanctuaire. » résonna la radio du militaire.
— Vous êtes sûr que c’est une bonne idée ? »
— Je dois accéder aux bases de données du Conseil pour savoir ce qui a pu se passer, visiblement les unités de cristaux sont intactes. »
— Quelle est votre position Kaidan ? » intervint Jenifer.
— Je suis au niveau inférieur, l’accès se trouve dans la salle du conseil, à côté des restes de la statue. »
— Ne bougez pas, on arrive. » l’avertit Jason.
Les deux individus laissèrent leurs compagnons s’affairer autour de la porte tandis qu’ils se dirigeaient vers la grande salle du conseil.
Arrivés au niveau inférieur, le lieutenant avait devancé la jeune femme de quelques mètres quand elle se retrouva piégée par une partie du sol devenue instable. Les craquements du marbre firent se retourner le militaire ; elle restait totalement immobile de peur de faire céder la plaque qui la portait.
— Ne bougez pas ! » ordonna-t-il.
— Bien … Je ne fais rien, mais si vous voulez tenter quelque chose n’hésitez pas trop longtemps. » fit-elle en fermant les yeux, apercevant le noir qui s’étendait au travers des fissures grandissantes de la pierre.
Il s’avança prudemment afin de tester la résistance du sol au fur-et-à-mesure de sa progression. Mais lorsqu’il vit la plaque céder sous les pieds de la blonde il se jeta en avant et saisit sa main in extremis.
Dans un effort supplémentaire, il l’aida à remonter et tout deux constatèrent que tout s’était effondré au dessous d’eux sur plusieurs étages.
— Merci, merci vraiment. »
— Ce n’est rien, c’est mon … job. » répondit-il essoufflé.
Dans la grande salle des cristaux, Kaidan cherchait inlassablement les unités de mémoires qui lui permettraient de mettre enfin des images sur le douloureux évènement qui avait sans doute détruit tout un peuple.
— Le niveau est instable … » l’interpella Mad.
— Il ne s’agit pas de ce seul niveau. Toute la structure du Sanctuaire est touchée. »
— Vous voulez dire que … c’est fini ? » l’interrogea Jenifer Montini, surprise.
— Lieutenant » fit-il en se tournant vers le militaire « il nous reste quelques heures avant que les niveaux supérieurs ne deviennent dangereux, vous devriez préparer le repli de vos hommes. »
— J’ai des ordres, je vous ramène également. »
— Je dois d’abord trouver les cristaux de mémoire, lieutenant. » fit-il en continuant d’examiner les cristaux de l’unité.
— Ne soyez pas en retard. »
Le juhnéen restait mystérieux et plongé dans ses recherches, Jenifer le regardait fouiller ce qu’elle ne pouvait comprendre. L’ombre d’un instant il songea à tout expliquer, mais il se ravisa puis oublia en tombant sur le dernier cristal bleu de la rangée.
La mémoire de son peuple, celle de toutes les nations juhnéennes se trouvaient dans ce simple minéral dense et précieux.
Il se dirigea de nouveau vers la petite salle de contrôle et replaça son appareil sur le socle de verre. Il redressa un siège tombé au sol et, invitant la jeune femme à s’asseoir, entra plusieurs lignes de codes sur l’ordinateur.
Lentement des grésillements résonnèrent autour d’eux puis ils disparurent …
— Colonel Sheppard ? »
Kaidan avait enfin brisé le silence.
— Enfin … Je commençais à me demander si vous alliez m’obliger à venir vous chercher. » plaisanta le pilote. « Comment ça se passe en bas ? ».
— Nos détecteurs sont HS, mais je pense que le lieutenant Madden sera plus en mesure de vous expliquer notre situation. » répondit Kaidan.
— Colonel, ici Mad … » enchaîna le jeune militaire depuis sa radio.
Il diminua le volume du son ambiant de la pièce et se retourna vers la jeune femme debout depuis le début de leur court échange.
— Désolé pour mon manque évident de politesse, mademoiselle Montini. »
— Les circonstances … »
— … n’excusent rien. » la coupa-t-il.
— Je suis navrée pour votre peuple. »
Il feignit de récupérer son matériel pour masquer son incapacité à garder certains sentiments enfouis.
— Nous ne savons pas ce qui a pu se produire. » se reprit-il, « De plus tout espoir de retrouver des survivants n’est pas perdu … »
La jeune femme esquissa un sourire timide avant qu’ils ne remettent en place leur capuche et l’écharpe servant à ne pas inhaler de poussières en suspension. L’homme rangea le précieux cristal à l’intérieur de sa veste avant que tous les deux ne quittent la petite salle de commandes. A la moitié du chemin les séparant de l’escalier, la lumière vacilla un instant.
Mais alors que rien ne semblait avoir survécu au cataclysme qui avait frappé la planète, un félin blanc massif au regard de glace s’interposa entre eux et la sortie dans un rugissement bestial et rauque.
* * *
Près de la porte, Maëlle travaillait toujours sur les algorithmes qui devaient lui permettre de récupérer les dernières données enregistrées par le DHD de la porte.
— Non, non, non, lieutenant, vous faites remonter tout le monde dans le Jumper on va prendre aucun risque. Le briefing faisait état d’un vaisseau qui n’existe plus. »
— Colonel, laissez-nous au moins le temps de rétablir le contact avec le SGC. »
Il y eut un blanc, le temps sans doute que le Colonel Sheppard pèse le pour et le contre.
— Une heure et pas une seconde de plus … Sheppard, terminé. » répondit-il visiblement excédé.
Madden se retourna et vit que la jeune scientifique le regardait. Il préférait éviter d’avoir à s’expliquer avec elle, sans doute avait-elle à nouveau tout entendu.
Son expérience au sein de l’armée comme de ce programme restait assez limitée. Bien sûr, il avait reçu une formation de pilote après que les médecins en permanence sur la cité d’Atlantis eurent détecté chez lui la présence du gène ancien. Il s’était engagé trois ans plus tôt, d’abord affecté à la garnison de Cheyenne Mountain, il avait fini par intégrer les rangs de la garde militaire en faction sur la cité d’Atlantis, nouvellement débarquée sur Terre. Les équipes de la cité avaient d’ailleurs pour la plupart été démantelées et réaffectées à d’autres services notamment en complétant les effectifs du programme « Porte des Etoiles » dont les besoins n’avaient de cesse d’augmenter.
Il avait été promu lieutenant récemment en raison de la réussite de l’une de ses premières missions au sein de la cité des Anciens.
Il jeta un regard prudent dans le vide qui s’étendait au dessous de lui. Plusieurs centaines de mètres les séparaient de l’hypothétique sol de la cité. Les flocons semblaient danser autour d’eux, se posant sans un bruit sur la pierre ternie … Mais un son familier le tira de ses rêveries, le ramenant brutalement à la réalité. Il s’empressa de rejoindre le petit groupe de scientifiques qui s’étaient réunis autour de la responsable de ce boucan, cependant lorsqu’il arriva la porte avait cessé de fonctionner.
— Que se passe-t-il ? »
— Rien justement, la porte est inaccessible lieutenant, les coordonnées rentrées ne semblent pas être transmises. Elle compose la même séquence sans que je ne puisse avoir un contrôle dessus. » annonça Maëlle en pianotant frénétiquement sur son clavier.
— Il s’agit peut-être d’un protocole de sécurité lié à l’absence du DHD. » intervint un homme d’une cinquantaine d’années.
— Je ne crois pas. Le problème semble lié aux cristaux eux-mêmes. La porte terrestre ne possède aucun dialer, c’est pour le remplacer que ce programme a été créé. »
La jeune femme semblait réellement connaître ce dont elle parlait. Le vieil homme préféra ne pas donner suite au débat mais paraissait pourtant avoir un avis tout autre sur la question.
Alors que les quelques personnes présentes étaient retournées à leurs occupations, le lieutenant crut bon d’engager la discussion avec la jeune scientifique visiblement stressée et perturbée.
— Moi aussi c’est ma première fois docteur. Vous ne devriez pas vous mettre autant la pression. »
— Je ne devrais pas ... mais je n’ai pas l’habitude de travailler dans des conditions comme celle-ci. » répondit-elle calmement.
Il allait de nouveau tenter de la rassurer quand un homme légèrement plus âgé que lui vint à sa rencontre, un étrange boîtier à la main.
— Lieutenant, vous devriez venir voir ça. »
Sans lui poser la moindre question il s’exécuta et le suivit jusqu’à la petite tente au dessous de laquelle avaient été installés divers appareils en prévision de l’établissement d’un camp sur la tour. Il désigna un écran où des graphes dévoilés en temps réels s’affolaient sans qu’il ne comprenne réellement pourquoi ni même les informations qu’ils reflétaient.
Le scientifique légèrement geek et quelque peu empêtré dans son charabia lui expliqua tant bien que mal qu’ils représentaient les vibrations perçues dans la structure même du bâtiment où ils se trouvaient.
— Alenko, vous me recevez ? » il attendit une réponse mais aucune ne vint.
Il désigna deux soldats et leur fit signe de le suivre alors qu’il s’élançait de nouveau vers la salle du conseil. Mais arrivés en bas ils ne virent rien d’autre que cette masse blanche se retourner vers eux et les prendre en chasse. Sans perdre une seconde les hommes dégainèrent leurs armes et les coups fusèrent. Touchée en plein bond la créature au poil blanc s’écrasa lourdement sur le sol alors même que ce dernier bien fragilisé, se décomposait. Kaidan et Jenifer en profitèrent pour les rejoindre tandis que le bâtiment derrière eux semblait se rendre et s’effondrait dans un bruit atroce de craquements sourds et de gravats. Le temps ne jouait pas en leur faveur et les deux soldats restés derrière eux faillirent en payer le prix. Arrivés au sommet de l’escalier, le sol s’effondra cette fois pour de bon emportant tout dans son sillage. Ils savaient qu’ils n’avaient probablement que peu de temps avant que le reste de la bâtisse ancestrale ne cède.
— Je crois que vous ne m’en voudrez pas d’ordonner un repli immédiat Alenko. » fit le jeune soldat essoufflé.
Le juhnéen approuva d’un simple mouvement de la tête.
— Sheppard à Madden, répondez ! »
— Je vous écoute colonel. » répondit-il en faisant signe aux autres de plier bagages.
— Vous devez tout de suite quitter cette planète, une sorte de tempête se dirige droit sur vous … dre … »
Putain de tempête, pensa le jeune gradé … La suite de la communication ne vint jamais. Il savait bien que sans le relais de communication juhnéen les transmissions ne passeraient pas au travers de la nuée qui les entourait.
Il se précipita vers l’immense embrasure de la porte de la salle et vit au loin cette masse sombre se rapprocher d’eux à une vitesse inimaginable. Le sol tremblait et plusieurs membres du personnel s’étaient déjà rendus au Jumper.
— Lieutenant qu’est-ce qu’il se passe ? » l’interrogea Maëlle alors même que la porte commençait à enclencher une séquence de symboles qu’elle n’avait pas déterminée.
— On va avoir de gros problèmes si on ne dégage pas tout de suite de cet enfer. »
La plateforme céda, un à un les morceaux de marbre disparurent derrière le petit vaisseau alors même que les hurlements des passagers étaient couverts par le grondement du nuage menaçant.
— Eh merde. » lâcha soudainement le militaire décontenancé par la vision d’horreur qu’il venait d’avoir.
Le vaisseau disparut dans l’immense nuage de fumée tandis que derrière lui, Kaidan portait assistance aux deux soldats qui tentaient de refermer la grande porte. Jenifer était paniquée, leur seul moyen de fuir cette menace qu’ils avaient cherché des heures durant venait d’être emporté avec les derniers vestiges de Juhne.
Puis le vortex finit par s’établir, un son presque divin au milieu des vents violents qui détruisaient rapidement ce qui restait de leur refuge.
Il devait prendre une décision pour eux.
Le temps sembla s’arrêter. Il les vit un à un avant que Kaidan ne le sorte de sa torpeur.
— On a plus le choix, il faut traverser. »
— C’est, c’est impossible » bredouilla Maëlle « L’adresse … huit … »
Peu importait la destination rien ne pouvait être pire que leur situation actuelle.
— Tout le monde à la porte ! » hurla Madden au reste des personnes présentes.
Le toit s’effondrait et un morceau vint s’écraser sur le sol de marbre emportant dans sa chute trois des scientifiques qui s’apprêtaient à les rejoindre. Le temps pressait et il n’y avait plus réellement matière à réfléchir. La jeune femme ramassa son sac et l’ordinateur avant de se joindre aux deux personnes qui s’apprêtaient à passer la porte.
Kaidan fit signe à Jenifer de les imiter tandis que les deux soldats transportaient l’une des deux caisses de matériel de l’autre côté.
Kaidan et Madden furent les derniers à s’attarder sur la planète. Ils balancèrent la dernière malle au travers de la porte et le militaire s’y engouffra. Le juhnéen avait remarqué une étrange lueur devant la porte, au milieu des cendres … La petite croix en argent brillait, il la ramassa et traversa alors même que la brume noire pulvérisait les dernières pierres du Sanctuaire.
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