L'apparition
© Rose P. Katell (tous droits réservés)
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Un sourire gagna les lèvres de Laora sitôt qu’elle se révéla à une bonne distance de nage de ses deux sœurs et de leurs parents. Elle avait réussi… Enfin ! Ses yeux pétillèrent de malice ; après des jours et des jours d’essais infructueux, elle s’était éloignée de ses proches et de leur actuel coin d’exploration sans qu’ils remarquent son manège ni la direction qu’elle empruntait. Miracle ! Elle était désormais libre, pouvait agir à sa guise… Laora en perdit presque sa parfaite synchronisation de mouvements – pour peu, elle aurait juré dormir encore et être au milieu d’un rêve.
Un frisson d’excitation la traversa de part en part. Elle avait tellement hâte d’atteindre la fosse océanique qu’elle avait localisé des mois plus tôt et tellement hâte d’y descendre ! Nom d’une méduse… Qui savait ce qu’elle y découvrirait ? L’endroit avait-il déjà été visité auparavant ? Laora peinait à contenir sa joie. L’idée d’être peut-être la première lui plaisait tant !
Oh ! Elle ne résista pas à la tentation de tourner sur elle-même. Laora avait beau adorer admirer ainsi que répertorier la faune et la flore sous-marine en compagnie de sa famille, elle n’était plus capable de se satisfaire des lieux où ses parents les emmenaient ; depuis un temps, son cœur aspirait à plonger en eaux plus profondes, à déceler des choses peu communes, voire ignorées du grand nombre. Le goût de l’aventure s’était emparé d’elle et il refusait de la lâcher.
Bientôt, la dépression lui apparut et Laora ondula jusqu’à elle avec rapidité. Dire qu’elle apprendrait très vite ce qu’elle recelait… Excitée, elle vérifia les environs, s’assurant qu’aucun membre de sa fratrie ne l’avait retrouvée, avant d’entamer sa descente.
Un doux chatouillis lui remua le ventre. Elle n’en revenait toujours pas d’être là, de faire ce qu’elle faisait. L’instant était merveilleux. Magique. Son regard balaya ce qui l’entourait avec frénésie ; Laora voulait tout admirer et évoluait avec une lenteur calculée.
Poissons, cnidaires, poulpes et divers végétaux se manifestèrent au fil de sa progression, mais ce n’était pas suffisant. Pas pour elle, non. Laora attendait de son excursion des apparitions plus spectaculaires ! Elle ne serait satisfaite que si elle repérait au moins une créature dont l’identification lui serait impossible.
La luminosité s’amoindrit peu à peu sans que le fond marin soit devenu visible ; seule une immense tâche ténébreuse s’étendait loin devant. Mais Laora ne s’en affola pas. Elle était décidée – déterminée même. Oui, elle ne remonterait que lorsqu’elle n’y verrait plus rien du tout !
Elle nagea, nagea et nagea, inconsciente des minutes qui s’écoulaient, jusqu’à ce qu’une curiosité attire son attention… Quel était donc cet étrange point de lumière ? Situé à des mètres, celui-ci grossissait de seconde en seconde, comme s’il se déplaçait à contre-courant d’elle-même ! Ses lèvres s’étirèrent. Venait-il vers elle ? Allait-elle avoir de quoi offrir une belle description à ses sœurs ?
Laora accéléra. Son cœur palpitait avec force ; à l’idée d’une rencontre inédite, l’impatience l’enveloppait de son manteau.
Rapidement, pourtant, elle se figea – son souffle s’interrompit. La silhouette d’où émanait la fameuse lumière, qu’elle commençait à distinguer, était grande. Bien plus que ce qu’elle s’était imaginé ! Elle avait sa taille… La gorge de Laora se serra aussitôt face à l’évidence : en cas d’hostilité, elle n’était pas sûre d’avoir le dessus.
L’hésitation la tenailla. Valait-il mieux jouer de prudence et risquer de manquer une découverte ? Ou continuer son chemin en se tenant prête à fuir ? Son front se plissa… Quitte à être punie par son père et sa mère lorsqu’ils apprendraient la vérité, autant ne pas l’être en vain !
Sur ses gardes, Laora s’avança et attendit que le contact ait lieu – à cause du caractère imminent de ce dernier, son ventre la chatouillait de plus en plus. Serait-elle émerveillée ? Effrayée ? Déçue ? Il lui tardait déjà de le déterminer.
Rien, toutefois, n’aurait pu la préparer à ce qui arriva à sa hauteur… Sitôt qu’elle fut assez proche pour le contempler, Laora plaqua une main contre son cœur ; ses yeux s’écarquillèrent d’horreur.
La peau presque intégralement revêtue d’une matière sombre et inconnue, l’être qui se tenait devant elle voyait la partie supérieure de son visage recouverte par un drôle de masque transparent, derrière lequel il la fixait, sans pudeur, avec un étonnement teinté de crainte. Un tube noir, quant à lui, sortait de là où aurait dû se trouver sa bouche ; il semblait relié à deux bosses – excroissances ? Autre chose ? – campées sur son dos… Mais il y avait pire encore. Laora apercevait deux membres inférieurs !
Elle en oublia son désir d’aventure. Son corps réagit pour elle avant qu’elle ne réfléchisse à la situation : d’un mouvement paniqué, sa queue de sirène battit l’eau, la propulsant vers le haut.
— Iiiiih ! Un humain ! hurla-t-elle. Ils existent !
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