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Les runes de l'orage-oublié, une menace ésotérique
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On dit que le vent à une âme et qu'il gémit à la mort d'un être. Rincé par les pluies d’un orage qui s’éclaire, Isamu tient ce corps encore chaud contre le sien, dont la vie s’écoule par de longues traînées de sang fleurissant sur son kimono blanc. Le vent, lui, balaie encore la forêt de bambous. Il semble pleurer aux oreilles du jeune homme.

Isamu hurle. Ses larmes viennent se mélanger à l’eau de pluie sur le visage contre lequel il colle son front. Plus rien n’existe en dehors de lui, celui qu’il tient, et la mort qui s’immisce entre eux.

Takahashi Isamu descendit de son cheval. Les heures de routes avaient raidit ses muscles et son dos, lourd de l’arc et ses flèches, réclamait une nuit de repos. Les feuilles d’érable orangées par l’automne tombaient sur le chemin de terre. Des dromadaires chargés d’outres prenaient l’ombre sous leurs branches où piaillaient quelques oiseaux. Isamu avança dans la petite ville, salué de manière presque craintive par des habitants tirant leurs ânes vers le marché au centre du bourg. Les rues se firent plus étroites et plus denses à mesure qu’il se rapprochait de la demeure du seigneur local, dont il apercevait les toitures aux avants-toits relevés en de courbes gracieuses.

C’était la première mission d’Isamu aussi lointaine et, en enfant de la capitale, il n’avait pas l’habitude de ces endroits reculés, proche de la frontière, où régnait la diversité de langues et de cultures. Ses oreilles n’étaient pas coutumières à ces sons, les odeurs l’intriguaient, et les couleurs, la nature, avaient quelque chose d’exotique dont ses yeux ne pouvaient se repaître.

Soudain, un homme vint devant lui. Ses longs cheveux rassemblés en une queue de cheval lisse lui tombaient gracieusement dans le dos, son teint était aussi pâle que celui d’une fille à marier, alors que son haori sombre tombant sur un hakama court trahissait une appartenance populaire.

— Bonjour, étranger. Tu es l’envoyé de la capitale ?

Isamu rougit en voyant les genoux découverts du jeune homme. Il reprit contenance et répondit simplement :

— Oui.

L’inconnu pencha la tête.

— Je ne vois pas pourquoi ils t’envoient, tu ne seras d’aucune utilité ici.

Malgré son rang social largement supérieur et affiché par les décorations dues à sa fonction, le jeune homme à peine sorti de l’adolescence le tutoyait ouvertement et lui manquait de respect. Avant qu’Isamu, stupéfait, ne puisse se reprendre et répliquer, le garçon était déjà parti. Il le regarda disparaître dans la foule, la bouche ouverte sur une réponse qui ne venait pas. Les passants eurent la décence de faire semblant de n’avoir rien entendu. Il continua son chemin.

La demeure du seigneur Itoshi avait ces larges toits et ses couleurs criardes qui affichaient la noblesse de son propriétaire. Il avança jusqu’au premier pavillon, où une vieille domestique se courba avant de l’amener jusqu’au jardin intérieur de son maître. En admiration devant un étang artificiel, le seigneur Itoshi avait l’attitude de celui qui vit la moitié de sa vie hors du monde. La domestique vint le sortir de sa transe contemplative en lui glissant quelques mots à l’oreille. Il se retourna enfin vers son invité et le salua d’un léger coup de tête.

— Enquêteur Takahashi, si j’en crois les missives qui m’ont été adressées.

— C’est bien moi, confirma Isamu.

— Vous êtes venu seul ?

— Le Grand Préfet enverra du renfort si je le juge nécessaire.

La mine de son hôte s’assombrit.

— Vous êtes un jeune prodige, à ce qu’on dit. Premier au concours de la police, plus jeune enquêteur jamais nommé, plusieurs énigmes résolues à votre actif… Et des affaires sérieuses.

Isamu baissa la tête en signe d’humilité.

— J’espère que mon expérience vous sera d’une grande aide.

— Je l’espère aussi. Suivez-moi.

Le seigneur traversa le petit jardin, échangea ses zoris contre des pantoufles lorsque ses pieds rencontrèrent le parquet et entra dans une pièce dont les portes coulissantes en papier de riz furent ouvertes par des domestiques inclinés bien bas. À la table basse, au meuble aux multiples tiroirs collé au mur et au rouleau accroché en face, Isamu devina qu’il était arrivé dans la pièce de travail du maître de la maison. Celui-ci l’invita d’un geste à s’asseoir sur le coussin de sol en face de lui.

— Des événements étranges ont lieu depuis six mois lors des nuits d’orage.

Isamu ajouta :

— On m’a évoqué des disparitions inquiétantes.

— Pas seulement… Les orages sont d’une puissance que nous n’avons jamais vue dans la région et dévastent à chaque fois soit une partie de nos champs, soit un endroit de nos bambouseraies, soit l’une de nos fermes… On a aussi noté la mort d’un troupeau, d’animaux sauvages, des maladies...

Isamu resta stoïque et nota les informations sur des morceaux de feuilles assemblées en un petit carnet. Il percevait dans la voix de son interlocuteur une certaine lassitude résignée, un désespoir qui le faisait se raccrocher à n’importe quelle solution.

— Avez-vous des informations sur les disparus ?

Le seigneur se leva, tira un tiroir et attrapa un dossier de feuilles éparses entouré d’une fine corde de chanvre. Il le posa sur la table basse.

— Voilà toutes les observations que mes hommes ont pu noter. Il y a au moins une trentaine de pages concernant les victimes.

Isamu commença à défaire les liens et tourna délicatement les feuillets. Les écritures étaient différentes, mais toutes avaient cet aspect pressé.

— Combien sont-elles ?

Le seigneur poussa un soupir avant de répondre :

— J’ai cessé de compter lorsque le chiffre a dépassé cinquante.

— Une par soir d’orage ? Plusieurs ?

— Cela dépend. Plus l’orage est intense et plus on compte de disparus. Plus les dégâts seront dévastateurs.

Isamu se rappela l’attitude craintive des habitants alors qu’il été entré dans la petite ville.

— Elles n’ont pas de lien entre elles, comme si le coupable tapait au hasard. À écouter les habitants, ce serait l’œuvre d’un démon.

Le seigneur Itoshi avait pris soin de ne pas croiser son regard lorsqu’il avait lâché cette information, comme s’il avait honte d’y croire lui aussi.

— Ou quelqu’un qui s’arrange pour que l’on croie à un démon, rectifia Isamu.

Baigné dans la rationalité de la ville, il avait pour habitude d’expliquer avec les lumières de la connaissance les mythes et les légendes des campagnes.

— C’est cela, acquiesça son hôte.

— Puis-je disposer d’un lieu pour me reposer et travailler ? demanda Isamu.

Il était un enquêteur de la capitale, envoyé du Grand Préfet et représentant de la justice impériale. On lui avait maintes fois répété qu’il avait droit à ces prérogatives.

— Oh bien sûr ! Je vous ai installé dans les quartiers des invités, mes domestiques vont vous y amener.

Isamu referma le dossier qu’il prit, se leva, salua, et suivit la vieille femme qui venait d’apparaître derrière la cloison. Silencieuse le temps de s’éloigner du bureau de son maître, elle lorgna avec hésitation dans sa direction avant de chuchoter, dans l’urgence :

— Il faut que vous alliez voir le sorcier, monsieur.

Un sorcier ? Isamu retint un sourire.

— Et pourquoi cela ?

— Parce qu’il est au courant de plein de choses. Il nous protège mieux que le seigneur Itoshi, monsieur.

— Je n’ai pas l’impression que ses protections servent à quelque chose, si j’en crois le dossier que j’ai sous le bras.

La servante se tendit légèrement, signe d’un agacement qu’elle ne pouvait exprimer devant un fonctionnaire de l’empire.

— Il connaît mieux l’ennemi qui nous attaque.

Cette fois, l’enquêteur roula des yeux.

— Un démon, c’est bien ça ?

— Pas n’importe lequel. Le démon de l’orage.

— Les démons n’existent pas, et je vous le prouverai.

La vieille servante le dévisagea.

— Les jeunes gens de la capitale comme vous ont oublié le monde des esprits.

— Nous avons appris à expliquer rationnellement le monde qui nous entoure.

La domestique secoua la tête.

— Suivez mon conseil, et allez voir Kaoru le sorcier. Vous ne résoudrez jamais ce mystère avec votre seule arrogance comme alliée. Sur ce, voici vos quartiers.

Elle tira la cloison et s’éclipsa, le dos voûté.

Isamu était resté très longtemps dans la pièce, seul à éplucher le dossier remis par le seigneur Itoshi. Il avait dû demander à ce qu’on lui apporte une bougie pour poursuivre sa lecture méticuleuse. Il avait fait la liste de tous les témoins à interroger le lendemain, pour leur demander des précisions qu’il n’y avait pas dans les rapports. Tard dans la nuit, un morceau de papier plié en deux glissa sous la cloison, perturbant le silence confortable dans lequel il s’était installé. Intrigué, Isamu reposa la feuille qu’il était en train de lire pour attraper le papier et l’ouvrir.

Auberge des brumes, maintenant.

Il compris que c’était un rendez-vous. Il ouvrit les portes coulissantes : personne dans le couloir. Parce qu’il était profondément curieux, Isamu réajusta son sabre à sa ceinture et se rendit où on l’attendait.

À la lueur des lanternes, et après avoir demandé la direction à plusieurs badauds, Isamu atteignit enfin la fameuse auberge. Avant d’entrer dans l’établissement, il entendit des discussions animées, des rires, des bruits de verres qu’on trinque. Il passa la barrière où les voyageurs avaient accroché la longe de leurs chevaux, puis entra.

La chaleur lui fouetta le visage, et l’odeur de l’alcool lui fit plisser le nez. Le garçon qui l’avait insulté à son arrivée était debout sur une table basse, levait un verre d’une main et pointait son assemblée de l’index de l’autre.

— À la prochaine lune de glace, forts de la puissance de cet astre, il nous faudra nous réunir et nous protéger, mes amis ! Le démon viendra cueillir son ultime sacrifice avant de retourner dans son sommeil. Il nous faudra l’arrêter une fois pour toutes !

Tous levèrent leur verre vers lui avec des hourras. Kaoru le sorcier, devina Isamu. Il eut envie de lui rétorquer que ses tours de passe-passe ne servaient à rien, mais l’enquêteur avait appris qu’il fallait mieux observer une scène plutôt que de la perturber : il pouvait en apprendre beaucoup plus.

Le regard du jeune homme tomba sur lui. Il eut un sourire. Il descendit de son perchoir avec l’agilité d’un singe et s’approcha de lui. Il lui attrapa le coude pour l’entraîner à l’écart. Isamu s’arracha à lui.

— Enquêteur Takahashi en personne. Le plus jeune enquêteur jamais nommé. Quel honneur de vous recevoir, ironisa-t-il.

Il remarqua que cette fois, il l’avait vouvoyé.

— C’est vous, l’auteur du message ?

Le sorcier leva les sourcils, les yeux pétillants de malice.

— Je constate que vous méritez les éloges qu’on fait à votre intelligence.

— Expliquez-moi ce que je fais ici.

— C’est à vous de me l’expliquer. Je vous l’ai dit : nous n’avons pas besoin de votre aide.

— Parce que vous croyez que votre soi-disant magie a été capable de protéger les soixante-dix-sept personnes qui ont disparu depuis six mois ?

Isamu vit dans le regard du jeune homme qu’il avait fait mouche.

— Je me charge de la situation.

— Vous n’avez pas les compétences requises.

— Vous savez détourner le mauvais œil ? Défaire un sort ? Décrypter une rune ?

— Je mène des enquêtes et j’amène les criminels à la justice.

— Je vais vous faciliter le travail.

Il sortit de l’auberge et lui fit signe de le suivre. Agacé, mais aussi intrigué, Isamu se laissa guider. Kaoru le fit s’éloigner de la ville et, éclairés par la lune montante, ils pénétrèrent dans la zone agricole où s’étalaient des rizières à perte de vue. Le sorcier s’arrêta devant l’une d’entre elle.

— Voilà. Ce que vous voyez, là, sur le sol, c’est une rune d’incantation mal tracée. À l’origine, le fils de ce fermier voulait invoquer l’orage pour vaincre la sécheresse qui menaçait les récoltes. Daisuke fut la première victime du démon de l’orage.

Isamu serra les dents. Cela concordait avec ce qu’il avait lu quelques heures plus tôt.

— Pourquoi ne pas avoir défait cette rune, alors ?

— Vous croyez que c’est si simple de renvoyer un démon ? Il ne partira pas tant qu’il n’aura pas ce qu’il désire. Une âme à la hauteur de son appétit.

D’un coup de pied, Kaoru effaça un morceau de la rune écrite dans le sol. Elle se reforma quelques secondes plus tard.

— Et c’est comme ça avec toutes les techniques que j’ai utilisées. Si vous voulez des preuves de la magie, en bon enfant de la capitale qui ne croit à rien, je peux vous en fournir demain. Rejoignez-moi dans la forêt à l’aube.

Le sorcier disparut dans l’ombre en le laissant seul à réfléchir sur ce qu’il venait de voir.

Isamu ne put dormir de la nuit. Chaque fois qu’il fermait les yeux, il revoyait le pied du sorcier effacer la rune et celle-ci se reformer quelques secondes plus tard. Il fut debout bien avant l’aube, et sur les chemins menant à la forêt au moment où les premiers rayons du soleil tombaient sur le feuillage dense des arbres. Tout autour de lui était un camaïeu de vert et d’orange, dans des couleurs vives qui l’éblouirent. Tout est plus intense, à la campagne, lui avait-on dit. Les couleurs, les parfums, les voix…

Son regard tomba sur le jeune sorcier, accroupi près de grosses racines, en train de ramasser de ses mains blanches aux longs doigts effilés des sortes de champignons. Ses cheveux étaient relevés en un chignon épars et laissaient sa nuque découverte. Ses habits, toujours un haori et un hakama coupés à la paysanne, étaient d’un gris délavé et exposait une grande partie de ses bras et de ses jambes.

Les gens, surtout. Les gens ont un caractère excessif et des réactions trop imprévisibles.

Isamu s’éclaircit la gorge.

— Je vous ai entendu arriver à trois lieues, déjà. Laissez-moi le temps de…

Ses doigts s’enroulèrent autour d’un pied de champignon et tirèrent d’un coup sec. Isamu ne put s’empêcher de rouler des yeux. Que faisait-il ici, devant un gamin qui se disait sorcier, et qui ramassait des champignons pour l’omelette de son prochain repas ?

Kaoru se releva, glissant sur son épaule le sac à bandoulière en chanvre grossier. Son regard se fixa sur celui d’Isamu, vif et intense.

— Je ne pensais pas que vous viendriez, avoua-t-il avec un sourire.

— Mon but est de faire mon travail correctement. Si vous avez des informations concernant les victimes à me…

— Oh, ces informations-là, le coupa le sorcier, vous les avez dans votre dossier. Moi, ce que je veux vous montrer est ailleurs.

Il entama une progression à travers la forêt. Ce ne fut qu’à ce moment qu’Isamu se rendit compte qu’il avait les pieds nus.

— Pourquoi m’avoir demandé de venir ?

— Patience.

— J’ai encore tous les témoins à interroger à nouveau, les lieux à examiner, les…

— Vous n’apprendrez rien de plus que ce qui se trouve déjà dans votre dossier. Si vous voulez vraiment nous aider, alors laissez-moi vous montrer.

Isamu lâcha un soupir agacé.

— Vous croyez vraiment qu’un démon est à l’origine de ça ? Soyez raisonnable ! Nous sommes à l’époque du progrès de la science et des techniques, il est invraisemblable qu’on puisse…

Kaoru s’arrêta, se retourna et croisa les bras sur son torse.

— Je ne crois pas, enquêteur, je l’ai vu. Les gens d’ici l’ont vu. Je suis un sorcier, et mon rôle est de servir de pont entre ce monde et le monde des esprits. Comme je m’y attendais, vous êtes en train d’insulter ma nature même. Maintenant, vous voulez rebrousser chemin, ne pas avoir de réponses à vos questions et devoir rédiger un rapport vide et creux à vos supérieurs, faîtes. Votre carrière prodigieuse s’arrête ici.

Isamu serra les dents : le sorcier avait raison. S’il ne résolvait pas cette affaire, il pouvait dire adieu à sa carrière et pour un jeune homme aussi ambitieux que lui, c’était inconcevable.

— Alors ? Vous me suivez, ou je vous laisse ici ?

— Pourquoi voulez-vous me montrer des choses alors qu’hier, vous vouliez que je reparte ?

La férocité du visage de Kaoru s’adoucit quelque peu.

— J’aurais quelque chose à vous confier. Je ne peux le demander à personne ici.

Il se retourna et continua sa route.

— Et pourquoi ?

Isamu lui emboîta le pas.

— Je sais comment arrêter le démon, mais personne ne serait assez fou pour m’aider à mettre mon plan en œuvre. Hormis quelqu’un qui ne me connaît pas.

Ils arrivèrent à une sorte de cabane qui tenait encore debout par miracle. Kaoru y pénétra, et invita l’enquêteur à le suivre. Isamu, quelque peu méfiant, finit par y pénétrer à son tour. Une ribambelle d’herbes étaient accrochées aux murs et séchaient, des bocaux par dizaine s’entassaient dans les coins, un chaudron encore fumant exhalait des odeurs sucrées. Isamu regarda le sorcier attraper une planche parsemée de petits trous et y étaler les champignons dessus. Il les pressa avec une autre planche et suspendit l’ensemble à un clou.

— Pour les faire sécher, répondit Kaoru en voyant son air curieux. Attrapez ça.

Il lui lança un sachet contenant un ensemble de petites pierres peintes en blanc, arborant chacun un idéogramme différent.

— Ce sont des runes.

Lui-même se munit d’un autre sachet, plein de pierres noires, avant de lui passer devant. Isamu le suivit en se demanda une fois de plus où il l’emmenait. Il ne regretta pas de s’être habillé légèrement après une bonne vingtaine de minutes de marche où il avait dû éviter des troncs d’arbre, traverser des cours d’eau en sautant sur des petites pierres pour rester au sec et progresser contre la pente de la colline. Une fois arrivés en haut, le sorcier se retourna vers lui et lui lança un sourire mutin.

— Tout va bien ?

Isamu prit une grande inspiration, les mains sur les hanches.

— Vous n’aviez pas dit que… Nous allions…

— Allez, enquêteur, vous avez besoin d’entretenir votre cœur pour courser les criminels !

Et le sorcier reprit sa progression. Isamu expira, défit un bouton de sa chemise à l’occidentale, et le talonna de nouveau.

Ils marchèrent pendant un long moment. Le sorcier avait posé des petites pierres dans un large périmètre autour du village et vérifiait leur état avant de changer celles qui n’étaient plus lisibles. Depuis la hauteur où ils étaient, Isamu jetait de fréquents coups d’œil vers la petite ville. Kaoru s’approcha de lui.

— Vous vouliez voir les lieux où le démon a frappé ? Les voici.

Il pointa du doigt un champ à moitié dévasté, puis une ferme en ruines, une bambouseraie ravagée, une étable mise à terre.

— La rune que je vous ai montrée hier se trouve ici. Vous remarquerez que le démon s’en éloigne de plus en plus.

Kaoru exhalait un mélange d’humus, de fleurs coupées et de sueur.

— Elles servent à quoi, vos pierres, si le démon est à l’intérieur ?

— À éviter qu’il appelle des amis à lui et que je sois débordé. Là, vous voyez, les pierres abîmées ? C’est parce qu’ils essaient de passer la barrière.

Isamu se sentit profondément intrigué par toutes ces techniques, et surtout par la croyance que le garçon semblait y mettre.

— Vous ne me prenez pas au sérieux, constata Kaoru.

— Pour l’instant, je n’ai vu qu’un garçon qui pose des pierres et ramasse des champignons.

— Un garçon qui est capable de vous perdre dans la forêt, ne l’oubliez pas.

Kaoru continua sa ronde.

— Comment vous vous êtes retrouvé sorcier à votre âge ?

— Vous vous attendiez à un vieux penché sur une canne, n’est-ce pas ?

Il écarta une branche et eut la politesse d’attendre qu’Isamu le rejoigne avant de la lâcher.

— L’ancien sorcier m’a adopté et m’a appris ce qu’il y avait à savoir. Voilà tout. Et vous ? Enquêteur ? Qui avez-vous corrompu pour être à cette place aussi jeune ?

La pique blessa l’orgueil d’Isamu.

— Personne, répondit-il. Ma famille a sacrifié beaucoup de choses pour que je puisse étudier et passer les concours de l’administration.

Kaoru hocha la tête, compréhensif. Ils descendirent plus vite qu’ils n’étaient monté et arrivèrent à la lisière de la ville. L’activité de début de matinée gagnait à présent les rues. Kaoru entama sa progression dans les rues de terre battue, talonné par Isamu.

— Je vais vous emmener voir les témoins, et vous constaterez par vous-même qu’ils tiennent le même discours.

— Un discours que vous leur avez mis dans la tête ? Qui me dit que vous ne les avez pas convaincus par je ne sais quel charme obscur de parler d’un démon ?

Le sorcier le regarda par-dessus son épaule, un sourire espiègle tendant ses lèvres.

— Vous croyez à la magie, maintenant ?

— Vous avez beaucoup d’influence sur eux.

Kaoru haussa les épaules.

— Ils me font confiance parce que je suis leur guérisseur, leur confident, leur protecteur, tout ça réuni. La capitale se fiche des gens comme nous, aux frontières. Nous n’avons pas vos hôpitaux, vos soldats, vos enquêteurs. Ici, les gens n’ont pas les moyens de se passer de la magie. J’ai beaucoup d’influence sur eux mais aussi beaucoup de responsabilités.

Une femme, entourée de trois bambins, arrêta le sorcier.

— Sorcier, te voilà ! J’aurais besoin de choses pour apaiser mon enfant, regarde, ses dents poussent et il souffre…

Isamu vit Kaoru s’accroupir à la hauteur de l’enfant en question, essuyer ses mains sur son hakama et lui ouvrir délicatement la bouche.

— Oui, ses gencives sont rouges… Je suis occupé pour l’instant, mais passe me voir en début d’après-midi, je te donnerai des herbes à mâcher. Et le dos de ton mari, ça va mieux ?

La femme acquiesça avec vigueur.

— Le fortifiant que tu nous as donné a fait des miracles !

— Attention à ne pas en abuser, ça peut faire pire que mieux ! Nous te quittons ici, j’ai besoin de montrer des choses à l’enquêteur.

La femme, qui n’avait pas vu Isamu jusque-là, s’inclina avec rapidité et s’éloigna.

— Je suis désolé d’avance si notre chemin est interrompu comme ça encore une fois, s’excusa Kaoru.

Et il ne se trompa pas : ils furent une demi-douzaine à l’arrêter pour lui demander conseil, et à chaque fois, le sorcier regardait, constatait, et répondait avec une bienveillance et un sourire toujours égaux. Isamu se rappela les mots de la vieille domestique : “Il nous protège mieux que le seigneur Itoshi”. Le seigneur Itoshi, qui ne quittait pas sa demeure et pouvait sans doute passer des heures à contempler les poissons de son lac artificiel…

Kaoru l’amena voir plusieurs habitants qui, comme Isamu s’en doutait, décrivait tous le même phénomène : chaque soir d’orage, un énorme géant fait de pluie et d’éclairs naissait sur la rune ineffaçable et dévastait tout sur son passage, avant de trouver de quoi apaiser sa faim. Si au départ, c’était de simple animaux, maintenant il pouvait ingurgiter jusqu’à plusieurs personnes avant de retourner là d’où il venait. Si les observations étaient quelques peu différentes, le principal concordait.

Une hallucination collective provoquée par les remèdes que leur donnait le sorcier ?

— La lune de glace arrive bientôt, lui glissa Kaoru alors qu’il le ramenait à la demeure d’Itoshi. Avant cela, une grosse nuit d’orage se prépare pour demain soir. Si vous ne nous croyez toujours pas, venez. Rejoignez-moi à la rune que je vous ai montrée.

Isamu avait appris très vite à décrypter les mensonges, et là, alors qu’il lui donnait rendez-vous, Kaoru avait la sincérité d’un homme désespéré dans le regard. Isamu confirma d’un hochement de tête.

Soit le sorcier était honnête, soit il cachait bien son jeu.

Isamu passa le reste de sa journée et le lendemain à parcourir la bourgade en long, en large et en travers pour parler à tous les témoins. À chaque interrogatoire, il parvenait à poser quelques questions sur le sorcier et tous étaient unanimes : il était adoré des habitants, hormis un vieil homme qui ne mâchait pas ses mots mais reconnaissait son utilité. Et tous décrivaient le même monstre. Ils avaient tous fait appel au sorcier, mais pas toujours au moment des apparitions du démon, et pas pour les mêmes produits. La possibilité d’une drogue qui leur aurait été distribuée devenait de plus en plus difficile à prouver.

Quand Kaoru le retrouva le lendemain soir, Isamu prenait un repas à l’auberge des brumes en observant les habitués et en écoutant les discussions. Dans le regard noir du sorcier brillait une étincelle d’amusement.

— Vous vous méfiez de moi, enquêteur ?

— Je n’écarte aucune piste.

Kaoru secoua la tête avec l’air d’un grand frère qui découvre les bêtises d’un plus jeune, puis se pencha au-dessus de la table.

— Il va y avoir de l’orage cette nuit. Retrouvons-nous ici dans une heure et je vous montrerais tout.

Il se leva aussitôt pour disparaître, comme une ombre. Curieux, Isamu avait décidé de ne pas repasser par ses quartiers chez le seigneur Itoshi et l’avait attendu. Une heure plus tard, le sorcier avait reparu. Il lui fit signe de le rejoindre et lui mit dans les mains un ensemble de pierres tracées de runes et un encensoir.

— Il faut dresser une barrière autour de la rune et retenir tant qu’il le faut le démon. Ensuite, il faudra le guider vers la forêt où il fera moins de dégâts. Vous allez m’y aider.

— Nous ne serons que deux ?

— Le démon recherche des âmes humaines. Je préfère être le seul qui prend des risques. Ils doivent également se reposer pour la prochaine lune de glace où cette fois, le démon aura plus d’énergie et où je vais devoir faire appel à plus de monde.

— Et moi, vous ne craignez pas de me faire prendre des risques ?

— C’est votre métier, vous êtes là pour ça.

Près de la ferme, ils retrouvèrent la rune mal tracée. Kaoru posa tout son bric à brac par terre, repris le sac de pierres à Isamu et les disposa autour de la marque ineffaçable. Puis il attrapa un collier qu’il passa autour du coup d’Isamu. L’enquêteur prit l’allumette de tissu en fronçant les sourcils.

— Il contient de la mandragore et quelques-uns de mes cheveux, ça me permettra de vous protéger à distance.

Isamu comprit alors pourquoi le sorcier voulait limiter les personnes autour de lui. Kaoru alluma alors l’encensoir à l’aide de petites allumettes et l’air se chargea d’une odeur de myrrhe.

— Cela l’attire, lui dit Kaoru pour toute explication. Vous allez devoir le mener vers la rivière, juste derrière, où il va se décomposer en partie dans ses eaux. Je vous y attends et je l’y emprisonnerai.

— Et si cela ne fonctionne pas ?

— Ça va fonctionner, il vous suivra. C’est moi que le démon cherche. Il vous faudra juste courir.

Il lui donna l’encensoir et en même temps qu’Isamu se saisit de la chaîne, un grondement brisa le ciel. La mine de Kaoru se renferma. Il frappa l’épaule d’Isamu.

— Sitôt qu’il brise la barrière, vous le menez jusqu’à la rivière où je vous attends, répéta-t-il. Ne perdez pas de temps.

— Et si l’encensoir…

— Non, il ne s’éteindra pas, il est ensorcelé.

Kaoru le quitta pour courir jusqu’à la forêt voisine. Soudainement, Isamu ne se sentit pas du tout à l’aise. Tout cela devenait trop sérieux. Si c’était une supercherie, Kaoru l’avait bien monté.

Les premières pluies se déversèrent alors d’un seul coup, très vite accompagnées des premiers éclairs. Et puis, à la place de la rune, un géant commença à apparaître. Isamu ouvrit grand les yeux. L’eau des pluies se rassembla pour donner un corps liquide à un démon, avec deux jambes immenses, deux bras de la taille de tronc d’arbres et une tête où l’on voyait briller deux yeux faits d’éclairs.

La respiration d’Isamu se coupa. Le monstre frappa des deux poings contre la barrière dressée par les runes de Kaoru. Isamu recula en faillit tomber en arrière. Il resserra sa prise autour de l’encensoir et commença à se diriger vers la forêt. Il n’était plus capable de réfléchir et se rappelait les mots de Kaoru, comme si le sorcier les lui avait gravé dans l’esprit.

Soudainement, sur le mur invisible se matérialisa une fissure sous les poings du démon. Isamu se retourna et commença à courir. Il ne regarda pas par-dessus son épaule pour vérifier : il suffisait d’entendre les lourds pas du monstre derrière lui pour savoir qu’il était suivi. Un arbre tomba sur le passage du démon, et Isamu, secoué par l’adrénaline, accéléra plus encore.

— Ici !

La voix de Kaoru le soulagea comme jamais. De l’autre côté de la rive l’attendait le sorcier, les mains liées, les indexs collés l’un contre l’autre, marmonnant des mantras. Isamu ne se posa pas de question : il se jeta dans la rivière agitée. Il faillit être emporté par le courant et lutta. Alors qu’il atteignit le bord d’en face, la main monstrueuse du démon lui saisit la cheville. Un éclair frappa le démon qui le relâcha.

Kaoru.

D’un geste de la tête, sans s’arrêter de psamoldier, il indiqua à Isamu de se mettre à l’abri derrière lui. Épuisé, Isamu se releva, mais pas assez vite : les griffes du démon lui lacérèrent le dos. La voix du sorcier gagna en intensité, et Kaoru avança vers le rebord, les yeux fixés sur le démon. Sur son visage, la colère était telle qu’elle le rendait plus âgé. Isamu se traîna derrière lui, à bout de souffle, le dos douloureux. Il avait perdu l’encensoir dans la rivière…

Kaoru lutta contre le démon longtemps, et celui-ci faillit plusieurs fois l’atteindre, mais petit à petit il se désagrégea dans les eaux agitées de la rivière. Ses yeux d’éclairs s’assombrirent et disparurent.

Le sorcier tomba à genoux. Ses longs cheveux noirs lui tombèrent sur le visage, dénoués par le combat. Il se retourna vers Isamu, l’air complètement épuisé, rincé par les pluies.

— Je vais vous soigner…

Difficilement, il se releva et vint aider Isamu à faire de même. L’enquêteur fit de son mieux pour ne pas être trop lourd, mais la douleur de son dos le lançait. La pluie s’était un peu calmée, et l’orage ne grondait plus. Le sorcier les mena lentement vers sa cabane. Pour Isamu, le chemin parut plus long que la dernière fois.

Il installa délicatement Isamu sur son futon, puis arracha ce qu’il restait de tissu pour mieux regarder les plaies. Isamu l’entendit tiquer de la langue contre son palais.

— C’est mauvais ?

— C’est une plaie démoniaque, répondit simplement Kaoru. Attendez là, je vais trouver quelque chose pour retirer le mauvais sort.

— Je croyais que votre amulette me protégeait…

— Oui, et c’est pour ça que vous êtes encore en vie.

Au milieu de la douleur, Isamu sentit ses plaies chauffer et suinter. Il essaya de jeter un œil, mais Kaoru l’en empêcha.

— Laissez-moi faire.

Il était revenu avec un petit bol en bois rempli d’un onguent pâteux et froid qu’il lui étala sur les marques. Isamu serra les dents et gronda.

— Le mal vous quitte. Encore un peu de courage.

Sa voix avait une douceur encore inédite. Isamu ferma les yeux.

— Alors, vous nous croyez, maintenant ? Vous ne pensez pas que c’est moi qui empoisonne les habitants ?

— Je vous crois.

Comment pouvait-il faire autrement ? Il avait vu le démon et avait subi son courroux.

— Je suis désolé pour votre encensoir.

— Ne vous inquiétez pas pour ça, je saurais le retrouver.

Kaoru termina d’étaler l’onguent, puis se leva. Il ramena des feuilles séchées qu’Isamu ne reconnut pas et les lui étala sur les plaies avec délicatesse.

— Vous allez devoir rester avec moi cette nuit, enquêteur, je dois vous surveiller.

Il passa une main fraîche sur le front du blessé. Ses sourcils se froncèrent.

— Il va falloir supporter la fièvre, c’est votre corps qui lutte.

Avant qu’Isamu ne puisse assentir, il sombra dans l’inconscience.

Quand Isamu reprit conscience, l’aurore colorait le ciel de nuances roses et dorées. Il frissonna : la couverture était trempée de sueur. Couché à même le sol, Kaoru dormait. Ses traits avaient retrouvé la jeunesse qui les caractérisait, et ses longs cheveux noirs étaient complètement emmêlés par la nuit qu’il avait passée. Isamu sourit. Il pressa son épaule avec douceur, et le jeune homme se réveilla aussitôt.

— Faîtes voir votre dos, lui ordonna-t-il sans préambule.

Isamu se recoucha tandis que Kaoru s’approcha. Le sorcier poussa un soupir de soulagement, et ses paumes fraîches passèrent avec précaution sur son dos.

— La cicatrisation se fait correctement.

Il passa une main dans ses cheveux et les réattacha en un chignon haut qui laissa sa nuque découverte. Il s’affaira du côté de son plan de travail.

— Je peux vous prêter une veste, si vous voulez.

— Ce que j’ai vu hier…

Kaoru pilonna une dizaine de graines et les incorpora dans un liquide étrange qu’il vint apporter à Isamu. Il l’incita à boire.

— Je vous assure que je ne vous ai pas drogué, sourit le sorcier.

Isamu le fixa. La plaisanterie ne passait pas.

— Je suis sérieux, je n’ai rien fait. Vous avez bien vu par vous-même que nous ne mentions pas. Le seigneur Itoshi a été éduqué comme vous et a du mal à nous prendre au sérieux.

Isamu but le breuvage qui laissa sur sa langue un goût amer. Il ne pouvait pas faire un rapport sérieux à sa hiérarchie… En voyant les cernes sous les yeux de Kaoru, il se dit que ce n’était pas le plus urgent.

— Comment voulez-vous que je vous aide à vous en débarrasser ?

Kaoru esquissa un sourire fatigué, puis lui expliqua en détails.

Isamu apprit que la lune de glace avait des propriétés magiques qui amplifiaient les pouvoirs des sorciers. Il apprit également que les amulettes permettait à Kaoru de distribuer une parcelle de ses pouvoirs à chaque personne qui les portait. Durant toute cette semaine d’été où pas un orage ne gronda, il suivit Kaoru et appris de lui de multiples secrets. Lorsque le seigneur Itoshi lui demanda avec méfiance où en était son enquête, il certifia qu’elle avançait. Et ce n’était pas faux.

La journée avant la lune de glace, Kaoru assura que l’orage arrivait cette nuit. Cette certitude terrifia Isamu.

Le sorcier lui avait fait répéter leur projet de multiples fois, si bien que lorsqu’ils se rendirent tous autour de la rune ineffaçable, Isamu savait ce qu’il avait à faire. Cette fois, les villageois les entouraient.

Kaoru s’était soigné : dans son kimono blanc, ses longs cheveux noirs tressés contrastaient. Le cœur d’Isamu s’était serré. Personne, à part lui, savait ce qu’il avait décidé de faire.

Les premiers grondements de l’orage firent apparaître la créature d’eau. Isamu constata avec horreur qu’il avait grossi, comme si les pouvoirs particuliers de la lune de glace agissaient également sur lui. Les volontaires se préparèrent. Isamu remarqua que beaucoup tenaient leur arme de fortune en tremblant.

Le démon ne s'apaisera pas tant qu’il n’aura pas obtenu ce qu’il veut.

La barrière runique se brisa. Les amulettes que tous portaient brillèrent dans la nuit et projetèrent leur lumière sur Kaoru. Un mouvement de surprise passa dans les rangs.

Vous devrez empêcher quiconque de s’approcher de moi. Le démon de l’orage ne doit voir que moi.

— Laissez faire le sorcier ! cria-t-il.

Les habitants s’écartèrent. Kaoru lui sourit. Le démon frappa. Puis disparut dans un rais de lumière éclatante.

Isamu s’avança pour rattraper le corps sans vie de Kaoru. Il le serra contre lui et pleura cet amour qui venait d’éclore et faner à la fois.

Kaoru releva ses cheveux et les noua pour éviter qu’il ne tombent devant ses yeux noirs. Il remonta les manches de son haori, laissant voir ses poignets délicats, et commença sa préparation. Isamu fit de son mieux pour continuer à l’écouter

— Vous n’auriez qu’à dire que c’était moi qui faisait des rituels occultes. Après tout, c’est une histoire qu’ils vont aimer entendre, à la capitale, non ? Eux qui nous prennent pour des sauvages !

Isamu se réveilla en sursaut, le sourire du sorcier s’effaçant petit à petit, mais son rire continuant de tinter à son oreille.

Le calme était revenu dans le petit bourg, et le seigneur Itoshi l'avait remercié chaudement. Il n’avait pas eu le cœur à lui répondre qu’il n’avait pas fait grand-chose. Alors qu’il repartait vers la capitale, Isamu avait fait un crochet par la cabane du sorcier.

L’air était encore chargé de sa présence, comme s’il venait de quitter les lieux, alors que ses cendres avaient été dispersées dans la forêt autour depuis quelques jours.

L’enquêteur n’avait jamais pu finir son rapport, ni retourner à la capitale.


Texte publié par Codan, 13 mars 2021 à 13h16
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