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tome 6, Chapitre 8 tome 6, Chapitre 8

« Stéphanie Brown mon assistante me surnommait ainsi. » Confia Jervis à Bluebird une fois un peu de paix intérieure retrouvée. « Ca provient d’un livre qu’elle aimait bien : les aventures d’Alice au pays des merveilles. Un personnage sur la couverture effectivement m’y ressemble. Il porte même un chapeau comme le mien. J’ai finis par le lire, et... »

Il était encore partit ailleurs. Bluebird le ramena à la réalité d’un bon coup de poing.

« Qui lui a fait çà ! » Demanda ou plutôt exigea-t-elle.

Si Stéphanie avait connu un autre homme avant Garfield, elle en aurait parlé à Harper dans ses lettres. A moins que ce ne soit un viol. Jervis avait vécu à ses cotés. Il devait forcément savoir quelque chose. Et Bluebird n’avait plus la patience nécessaire d’attendre encore après tout ce qu’elle avait vécu.

« Il ne lui est rien arrivé de mal ! Je veillais sur elle. »

Jervis n’affirmait pas, il prêchait. La sincérité l’habitant en cet instant aurait convaincu les plus sceptiques. Peut-être que Stéphanie ne lui avait rien dit non plus. Puis un détail remonta à la surface chez Bluebird. Un deuxième coup partit.

« Qu’est-ce que tu lui as fait ? »

Bluebird se souvenait de leur première rencontre, et de la manière dont il était venu à elle. Il ressemblait alors ce type d’homme dont elle avait vite apprit à se méfier. Ces gens gentils et à l’écoute cachant en fait des pervers excités par la jeunesse si vulnérable et malléable.

Jervis cracha d’abord un filet de sang. Des larmes suivirent rapidement. Il ne supportait pas cette douleur comme tout ce qui était concret et réel.

« C’était mon Alice. » Finit-il par reconnaitre.

Ces mots ne sonnaient pas comme un aveu. Aucune honte ne s’en dégageait. Il s’exprimait plutôt comme un conteur espérant séduire son auditoire.

« Je l’aimais. Elle ne ressentait pas la même chose. Et je ne voulais pas lui faire de mal. Moi qui distribuais tant de rêves, je n’avais pas le droit d’en avoir seulement un à moi ? »

Au fond d’elle-même Bluebird s’en doutait depuis leur premier contact. Elle lui manquait juste une confirmation. Elle ne put pas retenir une nouvelle frappe, cette fois dans le ventre. Il fallait préserver la mâchoire de Jervis.

« Je ne lui ai fait aucun mal ! » Protesta-t-il avec virulence face à cette nouvelle agression. « Elle n’en a pas eu conscience. J’ai versé une forte dose de laudanum dans sa soupe un soir. Elle n’a absolument rien sentit. C’est comme s’il ne lui était rien arrivé. »

Et en plus il était tellement sûr de son bon droit. Bluebird le laissa à terre. Et dire qu’elle croyait que la vérité lui apporterait un peu de plénitude, lui permettrait de faire le deuil de sa meilleure amie. Elle regarda encore une fois son prisonnier geignard. Il était tellement loin du prédateur impitoyable et calculateur, qu’elle s’apprêtait à affronter.

***************************

Batman ramassa sa ceinture, qu’il avait défait en chemin. Le faire juste avant de partir sous les yeux de Bluebird aurait pu l’inquiéter. Une fois en place il éprouva un certain soulagement.

Comme s’il était auparavant incomplet. Batman se limitait-il juste à un costume et des ustensiles ?

Une autre impression lui occupait l’esprit. Il venait d’accomplir un plan comportant une part d’incertitude. Et le prix de l’échec était un lynchage. Pourtant Batman était juste satisfait.

Les dangers même mortels ne l’atteignaient plus. Ses parents le destinaient à incarner l’amérique moderne et progressiste. Il devait être un scientifique, un homme d’affaire, et un philantrope. Or il était devenu un guerrier. L’héritier du clan Wayne s’était-il dévoyé ? A moins que son père et sa mère se soient montrés trop naifs sur l’avenir de leur nation.

Quoiqu’il en soit l’existence de Batman était nécessaire surtout en ce moment. Il fallait qu’un empoisonneur d’enfants expie ses crimes. Malgré l’ignominie de l’acte cette dernière étape s’annonçait comme la plus simple. Toute la force, et toute l’emprise de son adversaire reposaient sur une illusion désormais brisée.

Une nouvelle fois ses raisonnements logiques furent mis à mal par les évènements. Bluebird était assise seule devant la roulotte. Pourquoi ne surveillait-elle plus le prisonnier ? Epiait-elle la venue de son mentor ? Non elle regardait le sol comme si elle était désœuvrée.

Une hypothèse prit alors forme dans le crâne de Batman. Non il y avait forcément une autre explication ! Il accourut jusqu’à sa protégée, qui en l’entendant venir ôta sa cagoule. L’instant des révélations était venue, et elle voulait le faire à visage découvert. Des larmes coulèrent sur son visage. Ça ne lui était plus arrivé depuis sa rencontre avec Garfield. A vrai dire il s’agissait d’une sorte de prolongation de cette aventure passée.

« Il l’a violé. » Dit-elle d’abord.

Bluebird savait admettre ses fautes. Par contre se confier n’était pas dans ses habitudes. Elle intériorisait, et encaissait. Mais visiblement elle avait atteint ses limites.

Elle déballa tout sans la moindre retenue. Son amitié avec Stéphanie Brown. Son départ avec Jervis. Les lettres. Garfield. L’immolation de Stéphanie, puis celle de son mari et assassin. Le mensonge sur les enfants empoisonnés. Il ne manquait dans son récit que le dernier point.

Batman en comprit la raison, et décida de constater par lui-même. Alors il pénétra à l’intérieur de la roulotte. Le premier coup d’œil se révéla d’une certaine manière décevant. Aucun dégât, ni trace de violence. Ce n’est qu’en s’enfonçant qu’apparurent des traces de sang. Elles se limitaient à quelques tâches. Rien d’alarmant.

Au fond une silhouette était étalée par terre et inerte. Batman se précipita, et fit face à un regard vide. Par principe il prit tout de même le pouls au niveau du cou. Contre toute attente Jervis était toujours en vie.

Alors pourquoi ne réagissait-il pas à la présence de Batman ? A vrai dire il ne semblait même pas le voir. Le scientifique en Batman décida de procéder à un bref examen médical. Il commença à tourner autour du corps lorsqu’il percuta un objet du pied. En baissant les yeux Batman réalisa, qu’il venait de cogner une bouteille en verre.

Elle n’était pas seule. Toutes étaient vides et éparpillés par terre dans le désordre le plus total. Batman commença à comprendre, et passa ses doigts sur les lèvres de Jervis. Elles étaient humectées de liquide. Bluebird lui avait fait ingurgiter de force du laudanum, beaucoup de laudanum. D’où cet état catatonique.

« Il n’aimait pas la réalité. Grâce à moi il n’aura plus à la subir. »

Bluebird était apparue à l’entrée de la roulotte sans crier gare. L’élève dépassait presque le maitre à présent en matière de discrétion. Quant à ses paroles elles servaient surtout à se convaincre elle-même. Et même cela elles n’y parvenaient pas complètement. Batman sortit sans dire un mot. A présent il détenait toutes les réponses, leur quête était enfin achevée. Après cette journée particulièrement éprouvante, il n’avait plus l’envie, ni même la force de débattre.

« Qu’est-ce qui va se passer ? » Se hasarda tout de même à lui demander Bluebird toujours nerveuse.

« Nous allons nous rendre à la ville la plus proche nous procurer des vêtements moins curieux et déposerons Jervis dans un hôpital ou chez un médecin. »

« Je veux dire pour nous deux ? »

« Je ne sais pas. » Répondit Batman en perdant son timbre didactique précédent au profit d’un autre plus triste.

Avoir une complice le soulageait autant techniquement que moralement. Et surtout il vieillissait. Quelqu’un devrait donc prendre un jour la relève. Seulement ce qu’elle avait fait, relevait plus de la vengeance que de la justice.

Par le passé Batman lui aussi avait fait un choix ambigu à propos du Joker. Sauf que la situation était différente. Elle s’était imposée à lui. Alors que Bluebird avait organisé, prévue, et mentit. Certes elle regrettait mais après coup.

Pouvait-il encore lui accorder sa confiance ? D’un autre coté qu’est-ce que Batman aurait fait, si la possibilité de retrouver le meurtrier de ses parents s’était présentée ? Bluebird était à la fois blâmable et excusable. Quelque soit la décision que Batman prendrait à son sujet, ce ne serait pas vraiment la bonne.


Texte publié par Jules Famas, 28 novembre 2021 à 09h39
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