« Waylon la chasse est ouverte. » Annonça Edward en refermant le boitier de sa montre.
Son compagnon se dirigea vers les bois sans attendre. D’un point de vue extérieur c’était étrange que ce gringalet commande ce géant.
A vrai dire il ne s’adressait pas à lui comme à un subordonné mais comme à une personne, comme à son égal. C’était ça qui faisait toute la différence.
Une fois dans la forêt la démarche de Waylon se fit légère, silencieuse, presque aérienne. Il était parfaitement à son aise dans cet environnement comme lorsqu’il chassait, et tuait les crocodiles à main nue dans le bayou. On le surnommait d’ailleurs Killer Croc à l’époque.
Bien l’existence soit dur dans ces marais, ce fut sans doute la meilleure période de sa vie. Il était né dans un bayou de Louisiane au sein d’une communauté d’esclaves en fuite. Ils étaient parvenus à vivre ainsi dissimulés pendant presque cent ans.
Waylon n’avait donc jamais connu l’esclavage. Quant à sa difformité les autres finirent par l’accepter. Ils savaient ce que c’était d’être jugé comme « différent » ou « inférieur » par son seul physique. Bref en ce temps-là on le considérait comme un être humain.
A pister dans ce coin perdu Waylon se croyait revenu à cette époque bénie. Malgré sa fine silhouette Sélina avait laissé des traces. Tout le monde en laisse. Il suffit de savoir regarder.
Le petit coin de paradis de la jeunesse de Waylon, disparut du fait de ses habitants dans un grand enthousiasme.
Cette communauté entretenait des contacts avec quelques esclaves s’occupant d’établir des voies praticables dans le bayou. Ils faisaient du troc afin d’obtenir des produits des villes comme des ustensiles en métal. C’est par ces hommes qu’ils entendirent parler d’une guerre entre blancs. En quoi cela pouvait-il les intéresser ? Puis ils apprirent que les vainqueurs de ce conflit avaient abolis l’esclavage.
S’en était finit de cette existence de fantôme. Ils allaient enfin pouvoir vivre au grand jour et profiter de tous les biens faits de la civilisation
S’ils étaient effectivement devenus des hommes libres, en revanche ils restaient des nègres. En tant que tels ils n’avaient droits qu’aux tâches ingrates et abrutissantes en échange juste de quoi ne pas crever de faim.
Quant à Waylon la seule place qu’il trouva au sein de cette nouvelle société fut dans un cirque. On l’y exhibait et l’y traitait de monstre, d’erreur de la nature.
Même encore aujourd’hui ses souvenirs le hantaient. Lui et les autres freaks toujours isolés, nourris à part, logés dans les roulettes les plus délabrées, et interdits de s’aventurer à l’extérieur du cirque.
Les quelques indices laissés par sa proie actuelle conduisirent Waylon jusqu’à un sentier. Si on se fiait à son état il n’était plus fréquenté depuis bien longtemps. Il n’y avait donc pas de raison de s’inquiéter. Personne ne viendrait se mêler à sa partie de chasse.
Comme si ça ne suffisait pas en empruntant ce chemin si simple à suivre, Sélina lui mâchait le travail. Ça en devenait trop facile. C’était ça le fameux défi promis par Edward !
Enfin Waylon pouvait bien lui accorder encore de sa confiance. Avait-il eu à le regretter jusqu’ici ?
On le lui présenta comme un ancien membre du cirque intéressé par son cas. Dès leur premier contact Edward se montra différents des autres.
Son regard était absent de tout dégoût ou voyeurisme. En fait il était fasciné. Au lieu de l’étudier comme les docteurs et naturalistes précédents en le mesurant sous toute les coutures, Edward lui parla. Lui aussi savait ce que c’était d’être pointé du doigt pour sa différence.
Selon lui Waylon n’était ni une abomination, ni un déviant. Il n’était pas à part mais au-dessus. Son devoir était de ne pas gâcher ses prodigieuses capacités dans ce métier phénomène de foire comme lui l’avait déjà fait auparavant.
Edward proposait même de l’y aider. Au vue de son mode de vie Waylon n’avait pas grand chose à perdre. Alors il le suivit. Edward lui apprit l’écriture, la culture, la science...
Certes il devait mériter sa pitance en aidant le détective dans ses missions d’enquête, de protection, et parfois de meurtre. Même le dernier cas ne le gênait pas. Pourquoi aurait-il dû faire preuve de solidarité envers des gens que sa simple présence dégoûtait ?
A l’instar des autres cette Sélina l’avait regardé comme s’il était le diable en personne. Par conséquent il n’éprouverait aucun remord à se charger d’elle.
Edward avait perçu cette lassitude liée à la facilité de ses missions. Alors il jugea Waylon digne de la grande révélation. Le détective lui aussi ne trouvant pas de défi à sa hauteur, il se les créait de ses propres mains. Il repérait des criminels aux potentiels rares, et se confrontait à eux dans une sorte de traque.
Selon Edward c’était la seule façon d’exploiter pleinement son potentiel en s’affranchissant des normes et des lois de la populace.
Waylon finit par se laisser convaincre. Au coté de son partenaire il avait prit goût aux nouvelles expériences. Et la perspective de voir où se situait ses limites, l’avait toujours tenté.
Même la nature sauvage des marais n’avait su le rassasier sur ce point.
Dommage que l’expérience en question soit un fiasco. Quoique tout dépendait comment Waylon prenait la chose. S’il coursait Sélina il la rattraperait rapidement, et l’écraserait d’une seule main. Mais cet affrontement en plus d’être dénué de challenge, ne serait que physique.
Or le choix de Sélina ne s’était pas appuyé uniquement sur ses capacités athlétiques et de combattante. Car personne ne pouvait surpasser Waylon dans ces deux domaines. Sélina était sa proie également à cause de son astuce et sa furtivité.
Waylon trouva donc plus gratifiant de lui tendre une embuscade. Il s’éloigna alors du chemin. Sachant s’orienter en pleine nature il n’eut aucun mal à évoluer en parallèle. Il dénicha même un autre sentier.
Dans l’objectif de devancer la femme il courut de plus en plus vite ne prêtant même pas attention à un écriteau cloué à un arbre. De toute façon il remontait sûrement du temps où l’endroit était encore fréquenté. Donc il ne le concernait pas.
Soudain les pieds de Waylon percutèrent une corde tendue au niveau du sol. Cette rencontre enclencha le pivotement d’un rondin que le chasseur se prit en plein dans le milieu du ventre du fait de sa taille démesurée. S’il avait été d’un stature normale entre la tête initialement visée et la violence du choc, il serait mort.
Au lieu de ça il demeura couché le temps à Sélina de sortir de son trou et de le devancer de nouveau. Une fois le choc récupéré Waylon poussa d’abord une sorte de grognement colérique. Il n’était pas habitué à être mis à terre.
Ensuite ses connaissances de chasseur le démangèrent. Waylon réalisa que ce piège visait spécifiquement un être humain et non un animal. Il suffisait de se fier à son emplacement et sa conception.
Cette menace inattendue lui fit même oublier sa traque l’espace d’un instant. Il scruta les environs en quête d’indice, et en vint finalement au panneau.
« Seul le pénitent pourra traverser ce chemin sans encombre. » Y était-il inscrit.
Waylon avait lu dans un des ouvrages d’Edward la définition du pénitent, et également vu une représentation dessinée.
Le pénitent était une personne humble marchant toujours la tête baissée. Or en ce recroquevillant ainsi un homme d’une taille ordinaire aurait esquivé le piège.
Connaissant bien son partenaire Waylon y reconnut immédiatement son empreinte. Ainsi il existait un troisième participant dans cette chasse. Voilà qui changeait tout.
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