Sélina émergea d’un étrange sommeil. Dormir n’était-il pas censé être réparateur ? Or elle était pleine de courbatures et désorientée. La simple lumière du jour lui donna la sensation de brûler sur place.
Machinalement elle se redressa lentement. Progressivement lui revint en mémoire sa perte de conscience suspecte dans ce bar. Sélina se releva alors complètement d’un coup au prix de quelques craquements.
Elle se trouvait en pleine nature dans une forêt précisément. Une forêt comme elle n’en avait jamais vu auparavant. Les arbres étaient immenses, et s’étendaient jusqu’à l’horizon sans le moindre signe de présence humaine. Ce devait être les terres encore sauvages du nord.
Si les choses étaient différentes, Sélina aurait sans doute trouvé le spectacle magnifique, et prit le temps de l’admirer.
En observant les environs elle finit par voir non loin d’elle une grande caravane et surtout quelqu’un.
Cet homme vêtu de vert assit sur le petit escalier de la porte arrière du véhicule, lui donna une sensation de déjà vue. Malgré sa bonne mémoire Sélina ne parvint pas à le remettre complètement. C’est comme si elle l’avait rencontré dans un rêve. Il la regardait avec un air intéressé mais dénué d’hostilité.
Sélina était encore trop perdue pour prendre les devant.
« Les effets de la drogue se sont dissipés bien plus vite que prévu. Je suis surpris par votre résistance mademoiselle Kyle. » Dit l’homme d’une voix élégante.
L’essentiel à retenir dans ces paroles, était la référence à l’empoisonnement. Sélina faisait face à un ennemi. Par réflexe sa main chercha son fouet accroché habituellement à sa ceinture, et l’y trouva.
Elle réalisa alors qu’elle portait sa tenue de cambrioleuse. Même son masque de chat était attaché à son cou.
« Je me suis permit de vous vêtir d’une manière adéquate. » Précisa Edward en devinant ses interrogations.
Sélina passa sa main dans ses cheveux, et en retira une mèche. Elle était de nouveau brune !
Elle en avait vu défiler des tordus adorant abuser sexuellement des femmes en position de faiblesse. Edward n’en faisait clairement pas partie. Aucune nostalgie perverse ne transparu sur sa face, lorsqu’il mentionna le fait de l’avoir habillée à son insu.
Son kidnappeur était un salaud d’un autre genre. On retrouvait tout de même en lui un élément récurant chez la plupart des hommes : l’égocentrisme.
S’il adorait s’écouter parler, Sélina elle préférait observer. De toute façon qui s’intéressait aux paroles d’une putain ?
Elle commençait à émerger et donc à être en état de réfléchir. La violence elle y était habituée, mais en usait avec parcimonie. Même si Sélina crevait d’envie de faire tâter de son fouet à cet homme, elle se retint.
Il connaissait sa véritable identité. Cela voulait dire, qu’il la recherchait. Après l’avoir retrouvée, enlevée, et transportée jusqu’ici il ne lui aurait pas bêtement remit son arme de prédilection sans prendre quelques précautions. Il disposait certainement d’un moyen de se défendre.
Pour le moment il valait mieux aller à la pêche aux informations avant de tenter quoique se soit. Qui était ce fumier pouvait attendre. Le plus important était :
« Pour quelle raison suis-je ici ? »
Sélina avait employé un ton meurtre dissimulant à la fois sa crainte et sa rage. Comme prévu Edward ne résista pas au plaisir de déblatérer un peu plus.
« Pour participer à une expérience ou un rite initiatique. Tout dépend du point de vue. »
Il prenait indéniablement son pied dans cette réponse floue et pleine de non-dits. Sélina ne devait pas entrer dans son jeu à essayer de décortiquer le tout. Elle enchaina immédiatement par une autre question.
« Pourquoi moi ? »
« Le talent est rare. Et ses compilations le sont encore plus. Vous avez su effectuer un cambriolage assez subtil, et venir à bout à main nue d’un homme robuste et armé d’un hachoir. »
« Cobblepot ! » Laissa s’échapper Sélina pleine de hargne.
De qui d’autres pouvaient provenir ces informations ?
« Je crois que j’ai assez parlé. »
Aussi incroyable que cela puisse paraitre, Edward était bien l’auteur de cette phrase.
« Il est temps de vous présenter l’autre protagoniste de cette expérience. »
Le détective ouvrit alors la porte de son véhicule d’où sortit recroquevillé quelqu’un ou plutôt quelque chose.
Sa tenue se limitait à un pantalon de toile grossier. C’était le seul élément chez lui rappelant un être humain. Cette créature devait bien mesurer trois mètres. Sa peau était entièrement recouverte d’écailles verdâtres. D’énormes dents débordaient de sa mâchoire. Ses yeux présentaient une fente comme les reptiles.
Le sang-froid que Sélina avait retrouvé progressivement, s’effaça devant ce spectacle. Que pouvait-elle faire face à une telle chose ?
C’est tout juste si elle écouta les paroles de l’homme en vert.
« Son but va être de vous traquer et de vous mettre à mort. Afin d’équilibrer ce défi je vous informe que l’habitation la plus proche se trouve vers le nord dans cette direction. Il s’agit d’un poste frontière canadien où l’on vous protégera certainement. Vous disposez également de dix minutes d’avance. »
Malgré ces explications funèbres, Sélina semblait oublier la présence d’Edward. Elle ne parvenait pas à détourner les yeux de ce monstre. Ce dernier contraint à l’attente croisa les bras. Ce geste humain et non bestial réveilla la pauvre femme, et lui rappela la réalité de la situation.
C’est alors qu’elle détala à toute jambe vers le nord. Sélina était sans aucun doute du genre coriace. Mais tout le monde à ses limites. Et elle avait atteint les siennes en plongeant dans ce cauchemar.
Elle n’agissait plus que d’instinct se contentant de fuir comme un animal apeuré. Elle emprunta rapidement un sentier à l’abandon. Car l’endroit avait été fréquenté autrefois. Ce renseignement passa au-dessus de Sélina.
Par contre le piège devant elle ne lui échappa pas. Il faut dire que cet amas de feuilles et de branchages dénotait grossièrement avec le reste du sol. Sélina bondit par-dessus, évita ainsi ce... leurre, et tomba dans la véritable trappe bien plus discrète placée juste après.
Des ficelles tendues à l’intérieur du trou freinèrent sa chute, et permirent un atterrissage sans véritable dommage. Sélina songea au colosse à ses trousses. Sous la panique elle tenta en vain de grimper à la paroi de terre bien trop lisse.
Heureusement la peur parfois stimule. Sélina regarda autour d’elle en quête d’une solution, et remarqua au milieu du trou deux grands pieux posés sur le bord. Leurs longueurs correspondaient parfaitement à celle du diamètre de la fosse.
Sélina en encastra un, et grimpa dessus avec l’autre, qu’elle bloqua à son tour au-dessus. Ensuite elle défit celui du bas à partir de celui du haut. Et ainsi de suite. Elle se retrouva rapidement à la surface. Le fait d’avoir dû raisonner changea Sélina, qui cessa de se comporter comme un animal apeuré.
Elle para d’abord au plus important à savoir l’homme-reptile. Il n’était pas dans les environs. Il aurait été difficile de le louper dans le cas contraire.
Sélina reprit donc sa course tout en songeant à ce qu’elle venait de subir. Les cordelettes amortissant sa descente, les pieux l’aidant à remonter. Ces éléments étaient révélateurs. Il ne s’agissait pas d’un piège dans le sens classique du terme destiné à tuer ou capturer. C’était une sorte de test reposant essentiellement sur l’intellect.
Ce jeu pervers aurait dû l’écœurer. Sauf que Sélina ne disposait pas du temps nécessaire à cela. Ce piège ou plutôt cette épreuve ne devait pas être un cas unique. L’homme en vert aimait clairement en faire baver. Elle savait reconnaitre un sadique lorsqu’elle en voyait un.
Au moins la chance de Sélina revenait un petit peu. Du fait de la nature de cette épreuve peut-être similaire aux autres, la carrure du reptilien devenait inutile. A moins qu’il ne soit le créateur des pièges. C’était peu crédible. L’homme en vert donnait clairement l’impression de tirer les ficelles
Suite à cette amélioration de sa situation, Sélina redevint la femme rusée et déterminée d’antan. Elle songea alors à son chasseur. Entre leur différence de foulée et le temps perdu dans le trou il aurait dû la rattraper ou au moins apparaitre à proximité.
Cela signifiait qu’il s’était égaré ou prit un piège lui aussi. Ainsi de l’espoir subsistait.
Sélina ayant l’habitude des villes risquait de se perdre dans ces bois. Elle décida donc de s’en tenir au sentier. Certes ce chemin étant plus praticable risquait de comporter plus de pièges, si on se fiait à l’esprit tordu de l’homme en vert.
Tant pis elle préférait cela que de s’égarer et de mourir lentement de faim et de fatigue. Et puis même complètement paniquée elle était venue à bout de cette première épreuve. Alors qu’avait-elle à craindre des suivantes ?
Sans même y penser Sélina plaça son masque sur son visage, comme elle le faisait avant chacun de ses larcins. Après New York et le comté de Gotham, la légendaire voleuse au masque de chat s’attaquait à présent à cette forêt du nord.
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